Eglises d'Asie

Des moines bouddhistes pour le développement

Publié le 18/03/2010




Alors que le clergé bouddhiste, surtout dans les villes, est en proie à des luttes de factions, quelques centaines de moines, jeunes pour la plupart, essaient de répondre aux besoins réels des populations rurales au milieu desquelles ils vivent.

Ils ne sont pas encore très nombreux – pas plus de 300 – regroupés autour d’un noyau dur d’une quarantaine de moines. Ils commencent pourtant à avoir un certain impact dans les campagnes sur les problèmes de pauvreté rurale et d’environnement. Dans certains cas, des conflits se sont déjà produits avec le gouvernement et les différentes administrations. Certains observateurs n’ont pas manqué non plus de comparer ce mouvement des moines à la théologie de la libération dans l’Eglise catholique.

En avril 1991, le mouvement a été l’objet de l’attention des médias pour son soutien aux populations que l’administration voulait déplacer sous prétexte de conservation de la forêt, dans la province de Buriram, au nord-est du pays. De nombreuses organisations non gouvernementales ainsi que les écologistes ont pris parti pour les moines, ce qui a obligé le gouvernement à prêter davantage d’attention à ce mouvement.

Sulak Sivaraksa, universitaire et promoteur d’un bouddhisme « social », appelle le mouvement « sekiathamma » ou « doctrine contextuelle ». Il estime que l’enseignement bouddhiste doit prendre en compte les besoins réels et les capacités de son audience: l’accent doit donc être mis sur le dénuement économique des paysans pauvres, plutôt que sur la récitation des Ecritures en pali ancien, équivalent du latin pour les chrétiens.

Selon Somboon Suksamran, spécialiste du bouddhisme, le mouvement des moines pour le développement comprend trois groupes distincts: ceux qui, individuellement, travaillent depuis longtemps dans le domaine de l’assistance sociale rurale; un certain nombre d’intellectuels appartenant à un mouvement anticommuniste des années 50; enfin, le noyau dur du mouvement, formé par des moines militants qui avaient fui dans la jungle avec des étudiants prodémocratiques, en 1976, lors de l’établissement d’une dictature militaire à Bangkok.

Les membres de ce dernier groupe, souvent accusés d’être « communistes », ont été réhabilités dans les années 80 et sont devenus très actifs au sein de projets de développement dans les villages en établissant des banques populaires, en redonnant vie à des formes anciennes de solidarité dans le partage du travail, etc. Ce faisant, ils ont abandonné la vie monacale traditionnelle à l’intérieur du temple, faite d’étude et de méditation.

Toujours selon Somboon Suksamran, ce mouvement des moines pour le développement n’a pourtant que de vagues similitudes avec la théologie de la libération sud-américaine. Entre autres différences, on peut noter le refus opposé par la hiérarchie bouddhiste de lui accorder une reconnaissance officielle.