Ce dossier essaie de faire le tour des questions qui se posent aujourd’hui à l’Eglise de Malaisie et de celles qui se poseront sans doute dans les années à venir. Les problèmes que nous soulevons seront développés dans deux autres documents qui suggéreront des solutions et la mise en place de stratégies pour donner une forme nouvelle à l’Eglise de Malaisie. A ce stade, nous pensons nécessaire de préciser que le terme « Eglise de Malaisie », que nous utilisons, ne renvoie pas à une institution particulière et monolithique, mais est utilisé dans un sens général comme renvoyant à l’ensemble des groupes d’Eglise de toutes confessions, nationales ou locales.
A la racine des préoccupations qui motivent ce texte, se trouve le besoin que nous ressentons de comprendre les implications, pour la société en général et pour l’Eglise en particulier, de l’évolution des divers courants politiques et sociaux. Ce n’est pas une préoccupation nouvelle, car de telles analyses ont été conduites, à intervalles réguliers dans le passé, à l’occasion de conférences et de séminaires chrétiens. Chaque fois, des études bien pensées ont été présentées, un certain nombre de questions utiles considérées; mais à intervalles tout aussi réguliers, ces études ont été classées, puis oubliées. On peut exprimer l’espoir que l’essentiel des discussions et des recommandations de cette conférence ne subira pas le même sort.
Peut-être cette évaluation répétitive des mêmes questions est-elle nécessaire pour encourager une attention plus grande et une prière plus persévérante. Beaucoup de ces questions ne trouveront pas de solution facile ou rapide. Par ailleurs, certaines de ces questions prennent une signification et une complexité nouvelles à mesure que les circonstances et les conditions changent. Il est possible que la discussion qui sera générée à partir des diverses conférences amène des idées plus mûres et plus toniques.
Le moment choisi pour que cette conférence discute les questions qui se posent à l’Eglise dans ce domaine, nous paraît particulièrement approprié et significatif. En effet, dans 20 ans exactement, l’Eglise fêtera le 500ème anniversaire de sa présence en Malaisie si du moins l’on accepte la date d’arrivée des Portugais comme marquant la naissance du christianisme dans ce pays. Comment un tel événement doit être célébré dépendra, sans aucun doute, du degré de fidélité de l’Eglise à Notre Seigneur, et du niveau d’efficacité qu’elle continuera à mettre à Son service. Il est donc impératif que le terrain à travers lequel l’Eglise doit poursuivre son chemin vers ce 500ème anniversaire soit soigneusement reconnu et évalué.
Il est possible d’imaginer un certain nombre de scénarios pour le futur, et de les présenter comme découlant logiquement ou même inévitablement des développements de la situation présente. Certains courants sociaux paraissent guider ou déterminer la direction et la nature des changements. Néammoins, de telles projections, fondées sur la nature des forces sociales, nous paraissent hasardeuses. D’un point de vue strictement humain, une étude, présentant la liste des questions qui se poseront dans les dix ou vingt prochaines années, serait une entreprise à haut risque. Qui aurait pu, jusqu’à ces deux ou trois dernières années, anticiper le démantèlement rapide du communisme en Europe de l’est ou l’importance du déclin économique qui frappe aujourd’hui la Russie ?
Daniel Bell, sociologue de Harvard bien connu, dans son article « Le Monde en 2013 », présente une liste de prédictions sur les évolutions de la société énoncées dans le passé avec beaucoup de confiance, par des scientifiques; prédictions qui ne se sont jamais réalisées. Egalement significatif est le fait que quelques uns des changements les plus importants qui se soient produits avaient complètement échappé à l’anticipation des scientifiques, ce qui amène à penser qu’il est très difficile d’analyser avec précision l’évolution d’aspects particuliers de la société. Le professeur Bell conclut son essai ainsi: « Une tentative méthodique d’identifier les changements structurels – alors que les impondérables culturels et politiques pèsent d’un poids immense – nous amène à un sentiment de futilité en ce qui concerne la « rationalité » de ces efforts. C’est comme si nous n’avions qu’une petite bougie au milieu d’un typhon pour trouver un chemin sur lequel nous avancer. Mais si nous n’avons même pas la flamme d’une petite bougie, alors il n’y a plus que de l’obscurité devant nous
Eglises d’Asie – n° 117 – Dossiers et documents n° 8/91 – 16 septembre 1991
Pour nous chrétiens, il n’y a pas d’obscurité devant nous. Les chrétiens vivent dans l’assurance de la souveraineté de Dieu sur toutes les affaires humaines. Rien de ce qui arrivera ne peut être le fruit du hasard, mais tout est en fait le « dévoilement de Son plan » (Isaie 14, 26-27). Confrontés à la difficulté de nous projeter dans l’avenir, nous nous sentons réconfortés de savoir que, alors même que nous cherchons à étendre Son royaume, ce n’est pas notre sagesse et notre force qui nous soutiendront, mais la puissance de l’Esprit du Seigneur (Zach. 4, 6). Conscients que tout ceci doit être fait dans l’abandon total à Sa volonté révélée, c’est donc dans l’humilité et la fidélité que nous chercherons à imaginer un rôle signifiant pour l’Eglise.
Sans doute est-il impossible de mesurer le degré de fidélité; mais l’on doit pouvoir, dans une certaine mesure, juger de l’efficacité du témoignage donné par l’Eglise. Nous mettons notre confiance dans le Seigneur et dans Son pouvoir pour qu’Il prenne soin du
bien être et de la croissance de Son Eglise. Mais parce que nous sommes ses intendants, nous avons aussi notre rôle à jouer comme Eglise. C’est en cette capacité et dans cette perspective que cette étude veut proposer quelques idées sur les problèmes et les défis auxquels l’Eglise pourrait avoir à faire face dans le futur.
On peut penser que tous les problèmes – sociaux, économiques et politiques – qui affectent la Malaisie concernent également l’Eglise puisque tous les membres de celle-ci sont aussi citoyens du pays. Il y a au moins trois dimensions à une approche chrétienne des problèmes qui se posent au pays.
La première est celle des chrétiens comme citoyens remplissant leurs obligations et exerçant leurs droits et leurs responsabilités. Ils partagent les mêmes inquiétudes que tous les autres citoyens sur un ensemble de questions. Les chrétiens, qui appartiennent généralement aux milieux les plus instruits et les mieux informés, ont la responsabilité de s’exprimer sur ces questions, et d’agir à l’intérieur du processus démocratique pour formuler et appliquer des solutions politiques.
Prenons l’exemple de l’environnement. C’est un domaine sur lequel tous les Malaisiens, qu’ils soient chrétiens ou non chrétiens, commencent à avoir des inquiétudes, à cause des dommages causés. Porter tort à l’environnement peut avoir des conséquences néfastes sur l’économie, sur l’habitat humain et sur l’équilibre écologique. Mais pour les chrétiens, il y a aussi un important aspect spirituel à cette question et ce sera notre apport distinct à une question sociale d’ordre général. L’environnement et la nature sont la création de Dieu et ils reflètent Sa gloire. Commettre des abus sur l’environnement, c’est diminuer la gloire de Dieu.
La deuxième dimension concerne la position de l’Eglise et de la communauté chrétienne dans le contexte social et politique de ce pays. L’Eglise n’existe pas isolée du reste de
la société. En tant qu’institution, et étant une collectivité formée de citoyens partageant une même foi, l’Eglise s’articule sur un ordre social, économique et politique plus large. Tout changement dans l’environnement social et politique ne peut manquer d’affecter l’Eglise et la communauté chrétienne. De même, l’Eglise, par son action, peut affecter l’équilibre de l’ordre existant. Pour cette raison, l’Eglise doit être attentive à tous les courants sociaux, économiques et politiques qui se développent dans le pays.
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Finalement, il y a la dimension de l’Eglise qui propose un sens à ces questions et à ce qui se passe en Malaisie, à partir du vaste schéma du plan de Dieu pour Son royaume. En tant que chrétiens, nous croyons qu’il existe un plan divin et un sens à l’histoire. Pour accomplir ce plan, Dieu est intervenu activement et directement dans les affaires humaines. Le plan de Dieu dans l’histoire est révélé dans les Ecritures et c’est aussi là que nous découvrons comment il se dévoile.
C’est dans la période postapostolique que l’on éprouve quelque difficulté à discerner comment des événements et des courants particuliers prennent leur place dans le plan de Dieu. Si nous les isolons dans le temps ou dans l’espace, leur signification eschatologique ne peut être qu’inadéquate ou même erronée. Un courant qui apparaît comme opposé au bien de l’Eglise dans une société particulière peut, finalement, se laisser découvrir comme une nécessaire étape préparatoire de renforcement, que le Seigneur utilise à Ses fins. C’est avec cette attitude de foi que les chrétiens doivent approcher les questions auxquelles ils sont confrontés.
Cependant, il est impossible que l’Eglise puisse prendre en compte toutes les questions même si elles apparaissent pertinentes. D’autres membres de cette conférence pourront ne pas être de cette opinion et insister pour dire qu’il y a un rôle social que l’Eglise est obligée de jouer et qu’une attitude de non-engagement ne peut que déprécier le témoignage de l’Evangile. Pourtant le fait incontournable est que les ressources de l’Eglise sont limitées et son infrastructure est insuffisante au-delà de son organisation interne. En plusieurs domaines, tout simplement elle ne possède pas les compétences nécessaires.
L’exemple que nous venons de donner concernant l’écologie et l’environnement illustre bien les limites de l’Eglise dès lors qu’il s’agit de proposer un programme soutenu et cohérent. Par ailleurs, dans des domaines comme l’environnement il existe déjà des institutions et des organisations activement engagées. Ces groupes possèdent beaucoup plus d’expertise technique spécialisée que l’Eglise. Pourtant, il doit y avoir une présence chrétienne, pas nécessairement celle de l’Eglise, qui s’assure que de tels objectifs sont poursuivis. Les chrétiens, en tant qu’individus compétents sur un problème social particulier, pourraient participer dans les organisations concernées d’intérêt public, tout en se fondant sur leur propre éthique et spiritualité.
Il est clair que l’objet de ce dossier sera d’abord l’ensemble de questions qui affectent directement l’Eglise. C’est la deuxième dimension à laquelle nous nous référions plus haut. Ces questions font partie d’un domaine dans lequel seule l’Eglise – et aucune autre organisation ou groupe d’intérêt public – possède un intérêt tout simplement à cause de sa nature. De tels sujets, par exemple la définition des paramètres de la liberté de culte et d’évangélisation, concernent directement l’Eglise et peuvent ne pas intéresser d’autres organisations. C’est aussi une catégorie de problèmes sur lesquels l’Eglise peut légitimement s’exprimer et où elle possède la compétence et l’autorité nécessaires.
Les priorités de la conférence, son attention et son programme, sont déterminés par des considérations d’urgence des différent problèmes soulevés. Il y a d’abord les questions qui se posent à l’Eglise depuis quelque temps déjà. Quelques unes d’entre elles peuvent trouver une solution dans un avenir proche. D’autres demanderont davantage de temps.
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Mais elles continuent à se poser et elles nécessitent par conséquent une attention sérieuse et urgente. La nature de certaines de ces questions peut paraître parfois comme dénuée de toute ambiguité, mais les ramifications de leurs conséquences ne sont pas si faciles à comprendre. Ces questions doivent donc jouir de l’attention prioritaire de cette conférence et de l’Eglise.
Enfin il y a un certain nombre d’autres questions qui naissent de l’évolution sociale et économique, lente mais profonde, que connaît le pays aujourd’hui. Quelques effets de ces courants sont déjà perceptibles dans des phénomènes comme l’urbanisation et ses corollaires. Nous commençons seulement à comprendre quelques unes des implications de ces changements et leur impact sur la société et sur l’Eglise. Mais beaucoup de ces conséquences sont encore en train d’émerger. Nous ne connaissons pas exactement le résultat final mais au moment même où ce processus se déroule devant nos yeux, nous avons besoin de reconnaître et d’identifier rapidement ses lignes de force.
Les divers problèmes
Le premier groupe de problèmes comprend ce que l’on peut appeler en pratique les limitations politiques et administratives imposées aux paramètres d’activité de l’Eglise.
Plus précisément, nous incluons dans ce groupe le problème de l’obtention et du permis d’utilisation de terrains pour des lieux de culte, celui de l’interdiction faite aux chrétiens d’utiliser certains mots de la langue nationale (1), et enfin toutes les restrictions concernant le prosélytisme chrétien chez les musulmans. Beaucoup de chrétiens interprètent tout ceci comme une tentative de limiter l’exercice de la liberté religieuse telle qu’elle est définie dans la Constitution de l’Etat fédéral de Malaisie.
De tous ces problèmes, le plus urgent est celui d’obtenir des terrains et de pouvoir les utiliser comme lieux de culte. Ces dernières années, les procédures administratives sont devenues plus difficiles. Le résultat en est que beaucoup d’Eglises en sont réduites à acheter ou louer des espaces prévus pour des magasins dans des centres ou des quartiers commerciaux, violant ainsi les décrets administratifs des autorités locales. Le problème n’existe pas seulement pour les Eglises. La même situation est vécue par d’autres groupes religieux. Au début du mois d’avril 1991, Datuk Samy Vellu, président du Congrès malaisien indien (2), a mentionné le cas de plusieurs centaines de temples hindous considérés par les autorités comme des constructions illégales. Un certain nombre de temples chinois connaissent aussi des problèmes similaires.
Du point de vue des autorités, les lieux de culte, dont beaucoup sont de petites dimensions, se sont multipliés un peu partout et de façon anarchique. En certains endroits, ils sont établis sur des terrains appartenant au gouvernement et en empêchent le développement. D’autres sont bâtis sur des emplacements réservés pour des buts autres que religieux et sont considérés comme des obstacles aux activités normales de l’endroit. Certains responsables locaux ont aussi du mal à comprendre que les divers groupes de chrétiens d’un quartier donné ne puissent pas se réunir dans une seule église, vu leur petit nombre. Si, pour un quartier, une seule mosquée suffit aux musulmans, on demande aux chrétiens d’expliquer pourquoi il leur faut plusieurs églises: ce qui les met un peu dans l’embarras. Les décisions prises par les bureaucrates sont donc souvent guidées par le souci de l’ordre public et les projets de développement.
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Les deux autres problèmes sont plus délicats à traiter. L’interdiction d’utiliser dans la Bible certains mots de la langue nationale et les limites imposées à la prédication de l’Evangile à certains groupes ethniques, relèvent de la Constitution fédérale aussi bien que du maintien de l’ordre sur le plan politique. Les autorités légitiment l’imposition de telles limites par la nécessité de prévenir toute querelle ou tout conflit d’ordre religieux, au cas où la sensibilité d’un groupe particulier serait offensée ou bien au cas où l’un de ces groupes religieux se sentirait menacé par le prosélytisme d’un autre. Dans une société multi-religieuse comme la Malaisie, les adeptes des grandes religions ne peuvent manquer d’être inquiets devant les campagnes de conversions menées par les autres. Les chrétiens pas moins que les autres: ils ont bien exprimé leur inquiétude devant certains programmes gouvernementaux qui semblent leur imposer des valeurs et des manières de faire d’une autre religion.
Ce premier ensemble de questions exige l’intervention de l’Eglise et d’organisations telles que la Fédération chrétienne de Malaisie. Il est nécessaire d’ouvrir des chemins permettant d’atteindre les autorités politiques et administratives, de façon à ce que les points de vue et les intérêts de la communauté chrétienne soient représentés de manière juste et adéquate. Des clarifications et la perspective de la communauté chrétienne doivent être présentées au moment de la formulation et de la mise en oeuvre des décisions gouvernementales. Les préoccupations et les intérêts des chrétiens doivent être sérieusement pris en considération.
Par ailleurs, il est urgent que les chrétiens mettent sur pied une stratégie plus créative pour s’occuper de telles questions. C’est le cas pour la difficulté à obtenir des terrains et des permis de construire pour les églises. Lorsque les chrétiens doivent acheter ou louer des centres commerciaux pour en faire des lieux de culte, ils ne peuvent en être satisfaits, même s’il n’y a pas d’autre possibilité actuellement. Il reste que cela va à l’encontre des législations locales. De plus, du point de vue des Eglises, un tel environnement est tout juste suffisant pour leurs activités. Il y a un problème de circulation et de parking. De plus, il arrive souvent que les centres commerciaux ne soient pas situés à proximité des lieux d’habitation qu’ils doivent desservir. La place manque pour réunir les jeunes ou pour la catéchèse et les rassemblements sont difficiles.
Beaucoup d’Eglises, heureusement, ont redéfini leur rôle dans le nouveau contexte urbain. Les chrétiens réalisent de plus en plus clairement la nécessité de ré-orienter leur action vers un témoignage à l’intérieur même de la cité et d’inventer de nouvelles manières de faire en rapport avec les situations qui se présentent. Les activités se décentralisent aussi, par exemple grâce aux réunions de quartiers qui permettent un travail pastoral plus proche des gens, et améliorent les relations entre eux.
Mais, avec la décentralisation progressive de leurs activités, beaucoup de paroisses de ville peuvent être condamnées à sous-utiliser leurs locaux, lesquels se trouvent situés en des lieux de premier choix, du point de vue commercial. Les « magasins-églises » sont fermés pendant la semaine, au moment où le voisinage bourdonne d’activité. On pourrait se demander si les Eglises utilisent bien au mieux ce que le Seigneur met à leur disposition.
Deuxièmement, divers groupes chrétiens ont peut-être besoin de coordonner leurs efforts dans la recherche de lieux propices à la construction de bâtiments d’Eglise. Là où si peu
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de sites sont mis à la disposition des groupes religieux, les chrétiens pourraient envisager l’établissement de complexes religieux qui seraient mis à la disposition des différentes Eglises. C’est un défi qui est posé aux chrétiens de Malaisie: sont-ils capables de partager les quelques moyens mis à leur disposition? En certains pays, des centres religieux sont utilisés en commun par les adeptes de croyances différentes. Serait-ce trop demander aux chrétiens de Malaisie que de mettre en pratique l’amour et la charité dont leur Seigneur leur a donné l’exemple? Il faudrait avoir assez d’imagination pour dessiner des bâtiments donnant aux divers groupes l’espace et le temps nécessaires pour leurs activités propres. De tels complexes pluriconfessionnels peuvent grandement aider à résoudre le problème des lieux de culte et en même temps permettre un témoignage d’unité chrétienne.
Problèmes culturels et linguistiques
Le deuxième groupe de problèmes se rapporte au besoin dans lequel se trouve l’Eglise de participer au courant général de la culture et de l’évolution de la langue. Cela concordera avec les efforts pour une indigénisation et une contextualisation du caractère de l’Eglise, partout où c’est nécessaire. Si nous ne faisons pas cela, l’Eglise et la communauté chrétienne continueront d’être considérées comme des éléments étrangers et pourront perdre une partie de leur crédibilité et de leur efficacité. On regarde encore le christianisme comme une religion importée par le colonialisme en Asie, et, ce qui est faux, comme une religion concernant d’abord les population non indigènes. Cette manière de voir doit être corrigée et c’est là un devoir qui incombe à l’Eglise.
Dans ce contexte, il est nécessaire d’utiliser davantage la langue nationale, afin d’amenuiser l’identification de l’Eglise avec ce qui est étranger. Par ailleurs, depuis l’indépendance, une génération entière de Malaisiens a grandi, qui n’a pas fait l’expérience de la colonisation et qui a été formée dans la langue nationale. Ils parlent moins les autres langues, y compris l’anglais. Et cela se produit à un moment où, dans tous les secteurs de la vie en Malaisie, la langue nationale est de plus en plus utilisée.
Malgré cela, les activités principales de l’Eglise sont dominées par les chrétiens de langue anglaise. La plupart des leaders des groupes ecclésiaux, tels que la Fédération chrétienne de Malaisie, le Conseil national des Eglises et le NECF (3), y compris les catholiques, et surtout dans la péninsule malaise, ont été formés en anglais. La plupart des livres, journaux et de la littérature chrétienne en général, sont publiés en anglais et ils dépassent largement les publications en d’autres langues.
Ce problème de la langue a de sérieuses conséquences pour l’Eglise. Là où l’anglais domine, les jeunes auront de plus en plus de difficulté à participer pleinement aux diverses activités, puisqu’ils ne seront pas capables de s’exprimer couramment. Et pourtant les Eglises n’encouragent pas suffisamment les langues dans lesquelles leurs membres s’expriment le mieux. Les communautés de langue anglaise connaîtront des difficultés supplémentaires lorsqu’il s’agira de porter témoignage devant des non-chrétiens qui ne les comprendront pas ou mal.
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Le résultat en sera que ces groupes parlant anglais ne pourront atteindre que les communautés urbaines appartenant aux classes moyennes. Seront laissées de côté les zones rurales, comme les plantations de caoutchouc et les nouvelles colonies agricoles où il y a pénurie de travailleurs dans le champ du Seigneur. Encore pour quelque temps, les communautés chinoise et tamoule peuvent continuer à travailler; mais celles de langue anglaise doivent changer de stratégie.
Pour commencer, il faut développer la littérature chrétienne en malais pour le nombre croissant de chrétiens non-malais et ceux qui vivent en Malaisie orientale, qui parlent le malais ou ne peuvent utiliser les textes en anglais. Si nous voulons soutenir et stimuler la vie spirituelle des chrétiens malaisiens, il est nécessaire de publier en malais les commentaires de la Bible, les livres de piété, les ouvrages de doctrine et même les cantiques.
Le fait que le christianisme soit identifié avec l’occident nous intéresse ici à cause de l’impact qu’il a eu sur la civilisation occidentale. La langue, l’art, l’architecture, la musique et la littérature, en Europe et aux Etats-Unis, ont été inspirés dans une large mesure par le christianisme. Ainsi, l’anglais s’est enrichi de beaucoup de métaphores et de références bibliques.
Ce phénomène n’existe pas en ce qui concerne la culture malaisienne. Et ce serait trop attendre, étant donné l’arrière-plan culturel de ce pays, où, depuis longtemps, l’islam se trouve si profondément intégré dans la culture indigène. L’influence chrétienne sur le développement de la langue et de la culture est insignifiante, et l’avenir ne laisse présager aucune amélioration. Et pourtant, Munshi Abdullah, qui, au début du XIXème siècle, exerça une grande influence sur la littérature malaise moderne, connaissait des missionnaires chrétiens à qui il enseigna le malais et qu’il aida à traduire la Bible. Et William Shellabear, qui fut l’un des plus grands connaisseurs occidentaux de la langue malaise et fit le premier dictionnaire malais-anglais, était un missionnaire méthodiste à Singapour et à Malacca à l’aube de ce siècle. C’est sous sa direction et dans les années qui ont suivi, que les premiers livres en malais furent publiés par la Société méthodiste d’édition.
La Malaisie n’est pas un cas unique. En beaucoup de pays asiatiques ou africains, la culture nationale découle d’éléments traditionnels non chrétiens. Néanmoins, dans certains de ces pays, des chrétiens sont reconnus comme écrivains ou artistes et leurs oeuvres contribuent au développement de la culture nationale. C’est le cas en Indonésie, où de nombreux écrivains connus sont des chrétiens, qui, Indonésiens, écrivent dans la langue nationale, le « Bahasa Indonesia ».
Il est important que les chrétiens contribuent au progrès de la littérature et des arts dans leur pays. C’est ce qu’on attend de nous comme chrétiens et c’est un domaine où nous pouvons apporter une contribution originale et réelle et dans lequel nous pouvons jouer un rôle important. Les chrétiens devraient, au moins dans une certaine mesure, aider à la formation d’une culture qui soit vraiment malaisienne, sinon celle-ci sera l’expression exclusive d’autres groupes qui auront été plus diligents et responsables.
L’autre face de la question est la manière dont le christianisme est présenté dans ce pays et l’image que l’on s’en fait. Les chrétiens se plaignent déjà de la manière dont Noël et
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Pâques sont présentés à l’extérieur de l’Eglise. On ignore le sens profond de ces fêtes – l’amour du Christ et son sacrifice – pour insister sur leur aspect social et commercial. Dans une société multi-religieuse comme celle de la Malaisie, les chrétiens expriment leur foi dans la manière dont ils célèbrent leurs fêtes. Lorsqu’ils se font les complices de trivialités, c’est la signification religieuse qui en souffre.
La manière dont nous célébrons Noël et Pâques dans ce pays montre bien à quel point nous restons attachés aux éléments culturels occidentaux de l’Eglise. Il est temps de les ré-évaluer, pour les remplacer éventuellement par des attitudes plus conformes et plus efficaces. Ce ne sera pas nationalisme excessif: ce sera plutôt une utilisation de l’architecture, de l’art, de la musique, du sens de la fête, tels qu’ils existent sur place, pour exprimer la Parole du Seigneur de façon plus significative et intelligible, tout en restant entièrement fidèle.
Marginalisés par rapport au progrès de la culture nationale, pour cette raison qu’ils n’y ont jamais été intégrés, les chrétiens sont en train de perdre le rôle prééminent qui était le leur dans le domaine de l’éducation. Depuis le début du XIXème siècle, les écoles dirigées par les chrétiens, en particulier les catholiques et les méthodistes, se classaient parmi les meilleures. Dans les villes et villages où il n’y avait aucune école, y compris dans les plantations de caoutchouc, ce sont les missionnaires qui, avec dévouement, ont ouvert des institutions. Celles-ci, en raison de la haute qualité de leur enseignement, se sont faites un nom, qu’elles continuent à maintenir, même après les changements de direction et la perte de leurs caractères distinctifs. C’est aussi dans ces écoles que beaucoup d’enfants ont, pour la première fois, entendu parler du Seigneur.
L’influence des écoles de missions a diminué à cause de la volonté du gouvernement de mettre en oeuvre un système national d’éducation, seul capable de répondre à des exigences de plus en plus complexes. Les missionnaires sont à court de personnel et ne jouissent d’aucune autorité. Certains chrétiens ne s’en demandent pas moins tout haut si, en fait, les Eglises n’abdiquent pas trop aisément un rôle et une responsabilité pour lesquels les anciens missionnaires étrangers se sont battus. Il existe encore des domaines où une présence chrétienne peut assister et enrichir la société malaisienne. Actuellement, ce sont les collèges privés qui comblent le manque d’institutions post-secondaires dans le pays: la plupart d’entre eux servent des intérêts financiers, mais emploient tout de même des chrétiens.
Race, religion et politique
Le troisième ensemble de questions est en rapport avec des problèmes de race, de religion et de politique malaisienne. Pour des raisons historiques, ces problèmes sont enchevêtrés. Ils sont aussi liés aux deux ensembles étudiés plus haut. Ces problèmes sont périodiquement à l’origine de tensions et occasionnellement de violence. Ce qui est remarquable, ce n’est pas l’existence de ces conflits, mais bien plutôt que les risques, potentiellement catastrophiques, sous-jacents à ces problèmes puissent être maintenus sous un minimum de contrôle.
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Ici, ce qui est peut-être le plus grave sujet d’inquiétude pour l’Eglise est le renouveau, depuis les années 70, des diverses grandes religions. Cela se passe aussi bien au plan individuel qu’au niveau communautaire. Ce regain de vitalité est observé surtout dans l’islam, en ses manifestations politiques: ceci, en raison de la médiatisation qui en est faite. Pourtant, cette renaissance existe aussi dans l’hindouisme, le sikhisme et le bouddhisme. On l’observe encore dans le christianisme, dans ce qu’on appelle habituellement les mouvements de renouveau.
Ceux qui s’intéressent à ces phénomènes sociaux avancent plusieurs explications. Certains sociologues disent que les rapides changements sur les plans économique et social, en disloquant les manières de vivre traditionnelles et familières, ont ajouté au stress et à l’insécurité de l’individu. Dans une situation de changement rapide et incertain, la religion apporte permanence et stabilité. D’autres regardent le renouveau religieux comme une réponse au changement radical sur le plan politique, la religion devenant un symbole d’identité et de cohésion contre les menaces. Dans le passé, les mouvements politiques se sont appuyés sur la religion pour unir et mobiliser les soutiens nécessaires pour apporter des changements. Elle continue d’être utilisée en raison de l’influence passionnelle puissante qu’elle exerce sur ses adhérents.
Quoi qu’il en soit, c’est un fait que dans une société multi-raciale et multi-religieuse comme celle de la Malaisie, chacun des groupes religieux est de plus en plus conscient de son identité et de ses intérêts et les affirme avec de plus en plus de force. Avec ce résultat que les grandes religions s’efforcent maintenant de renforcer la foi de leurs adhérents, et, là où c’est possible, de gagner de nouveaux convertis. La plupart d’entre elles surveillent de près le prosélytisme des autres et veillent à ce que leurs droits ne soient pas mis en danger. Le témoignage des chrétiens est maintenant plus difficile en raison de réactions critiques et parfois hostiles. Mais il faut bien dire que cette réaction est probablement la même que celle des chrétiens devant le prosélytisme des autres religions à leur égard. En de telles cirsonstances, on attend des chrétiens qu’ils fassent preuve de davantage de sensibilité et d’une plus grande patience, montrant ainsi la tolérance qu’ils attendent des autres, tout en portant fidèlement témoignage à l’évangile.
On peut concevoir quelque inquiétude au sujet de l’aspect politique du renouveau religieux. Des groupes religieux pourraient utiliser des moyens politiques pour accroître leur influence et leur pouvoir à l’intérieur de la société. Des obligations et des lois religieuses pourraient être imposées grâce au contrôle de l’appareil politique et de ses moyens d’action. Ou bien des groupements politiques pourraient utiliser les sentiments religieux pour obtenir un soutien et parvenir au pouvoir. Habituellement, ces deux aspects ne sont pas faciles à distinguer ou à séparer, et, ces dernières années, les exemples n’ont pas manqué, en Afrique et en Asie, de telles manipulations cyniques. Le danger est encore pire lorsque le renouveau religieux est grossi par des sentiments tribaux, communalistes ou nationalistes. Dans ce cas, la religion pourrait être utilisée pour exacerber les identités et les intérêts ethniques.
Les discriminations fondées sur la race ou la politique ne sont pas compatibles avec l’enseignement chrétien. L’Eglise en Malaisie rejette toute discrimination basée sur ces critères, lorsqu’elle existe. L’amour du Christ est au-dessus des différences raciales et politiques. La grâce de Dieu est pour tous, puisque partout les hommes sont pécheurs.
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Son Eglise en Malaisie ne peut donc servir à la promotion d’aucun groupe ethnique, linguistique ou politique. Elle s’adresse à tous. Son Eglise ne peut non plus promouvoir les intérêts politiques d’aucun groupe étroitement sectaire. Les chrétiens, en tant qu’individus, ont un rôle et une responsabilité dans la marche politique de la nation: l’Eglise en tant que corps, ne cherche aucun pouvoir politique, elle ne veut jouer aucun rôle politique. Elle n’a pas à s’allier à quelque groupe politique que ce soit.
L’Eglise est mieux placée que toute autre institution lorsqu’il s’agit de donner l’exemple de l’harmonie interraciale. En elle se retrouvent presque tous les groupes ethniques du pays. Nous devons cependant avoir l’honnêteté et l’humilité de dire que les séparations ethniques restent évidentes, par exemple dans les paroisses formées selon des critères de langue, de dialecte ou de race. Nous devons bien admettre la nécessité de favoriser les relations interethniques à l’intérieur de l’Eglise
Les problèmes de la modernité
Ces questions ne peuvent pas être étudiées isolément. En beaucoup de cas, elles sont le résultat de changements affectant le pays dans son ensemble, tels que les bouleversements socio-démographiques, l’urbanisation, les migrations internationales, le matérialisme, les progrès techniques et scientifiques, le souci de l’environnement et de l’écologie, la pauvreté, les événements politiques. Tous sujets importants pour l’Eglise aussi bien maintenant qu’à long terme, car ils exercent une influence sur ces groupes de questions.
Les changements socio-démographiques
L’Eglise doit être bien consciente des changements socio-démographiques actuels. Par exemple, l’accroissement rapide de la population affecte son équilibre ethnique et la pyramide des âges: ce qui ne peut manquer d’avoir une influence sur la texture sociale de l’Eglise.
En même temps, les familles malaisiennes tendent à être plus petites, elles vivent souvent avec plusieurs salaires et regroupent plusieurs générations. Ce qui est le résultat de divers facteurs tels que le choix d’un mariage tardif, le refus des enfants ou la décision de retarder les naissances, de les limiter dans le but de maintenir le style de vie social et économique désiré. L’urbanisation, d’une manière générale, tend à imposer des limites à la dimension des familles pour des raisons d’ordre financier ou à cause des conditions d’habitat.
Les familles à salaires multiples existent lorsque non seulement les hommes, mais aussi les femmes mariées – elles sont de plus en plus nombreuses – participent à la vie de travail, en contraste avec leur rôle traditionnel de femme-au-foyer. Plus encore que par le passé, la communauté chrétienne doit tenir compte de ces changements et chercher des moyens de préserver et renforcer la solidarité familiale.
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De plus en plus de familles rassemblent plusieurs générations, les parents atteignant une âge plus avancé. Si bien qu’elles s’étendent jusqu’à la quatrième ou cinquième génération, et non plus jusqu’à la deuxième ou la troisième, comme autrefois. Ainsi, ce ne sont plus seulement les jeunes dont il faut s’occuper, mais aussi les vieillards, ce qui double ou triple le travail des responsables. En plus de son activité auprès des pauvres, l’Eglise devra donc assumer la responsabillité de l’animation spirituelle, aussi bien que de l’aide morale et physique à ses propres personnes âgées appelées à former un pourcentage de plus en plus élevé de ses membres.
L’urbanisation
La Malaisie devient de plus en plus un pays de citadins, alors qu’autrefois, la population était à prédominance rurale et agricole. Entre 1970 et 1980, le pourcentage des habitants vivant dans les centres urbains de 10 000 âmes et plus est passé de 26,7 à 34,2. Et le 5è
Plan prévoyait que ce chiffre passerait à 40,7 % en 1990. La population urbaine augmentera sans doute au cours de la décennie qui vient de commencer, en raison en particulier de l’effort actuel d’industrialisation. Les industries sont en effet un phénomène urbain. En même temps, l’agriculture comme activité principale, perd de son importance.
Les conséquences, actuellement et à long terme, sont importantes pour l’Eglise. On note entre autres la diminution, en qualité comme en quantité, des paroisses rurales au profit des centres urbains. Cela peut affecter la santé des paroisses de campagne, car beaucoup de ceux qui partent sont des adultes jeunes, instruits et motivés: ne restent plus que les très jeunes et les vieux. Les églises urbaines sont enrichies par ce flot de chrétiens venus de la campagne; mais les problèmes ne manquent pas: problèmes de séparation, d’adaptation, auxquels sont confrontés les migrants et qui sont particulièrement sévères s’il s’agit de pauvres séparés de leurs familles et de leur milieu social. Les paroisses de ville doivent inventer des stratégies appropriées afin d’atteindre ces nouveaux venus et de les intégrer, qu’ils soient chrétiens ou non.
Beaucoup de communautés urbaines connaissent de graves difficultés, du fait que la population citadine, concentrée dans la région de Klang (près de la capitale fédérale, Kuala Lumpur), s’accroît rapidement et qu’augmente le besoin de terrains pour des activités industrielles, commerciales, récréationnelles, pour des résidences ou des lieux publics, alors que de nombreuses restrictions sont imposées sur l’utilisation des terrains d’habitat, par les autorités locales aussi bien que par l’Etat. A moins qu’un dialogue s’instaure avec les autorités, les communautés urbaines obligées de se réunir dans des lieux et sur des terrains non officiellement autorisés pour des activités religieuses, vont connaître de plus en plus de difficultés.
La prolifération de tels lieux de culte est aggravée par un autre phénomène, lui aussi en rapport avec l’urbanisation. On veut parler de la dispersion et de la croissance de nouvelles cités et municipalités autour des villes. Les distances s’en trouvent augmentées,
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ainsi que le temps passé en déplacements et le coût des transports. Des églises ont été ouvertes pour répondre aux besoins des chrétiens et des communautés vivant dans ces nouveaux quartiers, réduisant ainsi les inconvénients mentionnés, mais aussi aidant ces
chrétiens à se retrouver et à établir de nouveaux liens. Les choses se compliquent du fait que de nombreuses confessions sont installées dans le même quartier, dans le but de servir leurs adhérents. Les sites réservés aux activités religieuses étant limités, il est nécessaire que les Eglises et les groupes chrétiens renouvellent leurs efforts de coordination.
Dans les centres urbains, un autre problème important est celui des cimetières. Déjà, à Kuala Lumpur et Petaling Jaya, qui se développent très rapidement, les cimetières, et en particulier les cimetières chrétiens, sont complets. Il est donc urgent que, dans ces localités urbaines, en accord avec les divers plans d’occupation des sols, les autorités trouvent des terrains, non seulement pour les vivants, mais aussi pour les morts. Les problèmes qui se posent dans ces deux centres urbains vont sans doute affecter Johor Bahru et Ipoh, où les communautés chrétiennes se développent rapidement, sans que les autorités aient prévu un accroissement correspondant des lieux affectés au culte et aux sépultures.
L’urbanisation apporte habituellement avec elle son lot de changements sociologiques et comportementaux. Parmi ceux-ci, on note la dépersonnalisation des relations, la perte des valeurs familiales conduisant à des tensions sociales et personnelles, un rythme de vie désordonné qui affecte négativement les activités et le fonctionnement de l’Eglise. Par exemple, il est difficile de prévoir des réunions les soirs de semaine, si les membres de la communauté ne rentrent pas du travail avant 19 heures ou 20 heures.
Les migrations internationales
En observant les mouvements à l’intérieur de la Malaisie, on peut constater la mobilité des populations; mais il faut aussi tenir compte des signes grandissants de déplacements de populations au-delà des frontières nationales. L’émigration exerce une grande attraction sur ceux qui souhaitent un avenir meilleur dans les pays plus développés. Dans ce mouvement de migration vers l’extérieur se trouve impliqué un pourcentage élevé de chrétiens, habituellement éduqués, en meilleure position économique, mieux formés professionnellement et qui souvent appartiennent à des groupes d’hommes d’affaires jouant un rôle significatif dans les Eglises. Ces individus, leurs familles et les pays d’adoption tirent avantage de leur départ: l’Eglise de Malaisie et la société en général y perdent beaucoup.
L’envers de la médaille est l’arrivée en Malaisie de gens qui y viennent, légalement ou non, pour des raisons semblables à celles qui poussent les Malaisiens hors de chez eux. L’impact ici n’en sera que plus grand.
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Le matérialisme
Le matérialisme est en relation étroite avec l’urbanisation. Il se caractérise par un souci obsessionnel de la recherche des biens matériels, bien souvent aux dépens des valeurs spirituelles et esthétiques. L’urbanisation tend à aggraver le matérialisme: le mode de vie urbain coûte cher, car les habitudes, les besoins, les attentes changent constamment, exercent de plus en plus de pressions sur les individus et les familles qui cherchent à maintenir un style de vie acceptable et approuvé socialement.
Dans ce domaine, la société malaisienne devient de plus en plus matérialiste. Elle se laisse de plus en plus affecter par le consumérisme. Elle imite en cela les sociétés occidentales et celles de pays en voie de développement. Cette tendance au matérialisme est aggravée par la combination du développement économique et de l’augmentation des richesses, par le changement dans la manière de vivre, l’agressivité de la propagande et les techniques du marketing, ainsi que par l’utilisation extensive des médias pour la promotion des marchés, les innovations scientifiques et techniques qui apportent continuellement sur le marché de nouveaux produits de consommation, l’exposition grandissante des consommateurs malaisiens aux modes internationales qui sont la source de ces produits et les pressions les poussant à s’y conformer.
Il existe des dangers inhérents au matérialisme. Parmi eux, la montée d’une mentalité d’exploitation et de gain égoïste; la perte du sens éthique et de la responsabilité morale, à la fois chez les producteurs, les publicistes et les spécialistes du marketing d’une part, et, d’autre part, chez les consommateurs. Il faut ajouter l’insatiabilité, le gaspillage, l’extravagance de styles de vie qui nuisent aux personnes elles-mêmes et à l’environnement. Il y a l’oubli des réalités et des difficultés de la vie des pauvres et des miséreux, le gaspillage de fonds qui pourraient être mieux utilisés en faveur des secteurs faibles de la société. Les biens et les produits pourraient prendre une importance indue dans les priorités individuelles et communautaires, déplaçant à la fois les principes et les personnes, rendant inévitable à la fois chez les individus et dans la société la corruption des valeurs spirituelles et morales. L’homme devient de plus en plus un moyen dont on se sert et cesse d’être une fin.
La communauté chrétienne doit se garder de telles tendances qui pourraient sérieusement mettre en danger le témoignage de l’Eglise. Elle a besoin de se rappeler les avertissements bibliques et les conseils contre la convoitise. (Marc, 7:12; Luc, 12:15; Eph. 5:3; Heb. 13:5).
Les progrès technologiques et scientifiques
Au cours des dix dernières années, les progrès technologiques et scientifiques sont devenus partie intégrante du développement. Il continuera d’en être ainsi. Mais il y a des cas où la science, à mesure qu’elle recule ses frontières, pose aux chrétiens des problèmes éthiques et moraux auxquels ils n’avaient pas autrefois à faire face. L’avancée de la médecine, de la bio-génétique, des manipulations génétiques, pose une série de
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questions sur le sens de la vie et de la mort, sur la reproduction, la responsabilité des parents, la souffrance et la douleur. Nous avons besoin de comprendre clairement les principes bibliques au sujet de l’homme, des relations humaines et les conséquences de la création de l’homme à l’image de Dieu: tout cela afin d’aider les chrétiens à prendre leurs décisions lorsqu’ils se trouvent placés devant ces dilemmes.
L’écologie et l’environnement
Nous constatons un souci global croissant au sujet de l’environnement physique. On pensait autrefois que les ressources physiques de la planète étaient illimitées. Mais alors que nous prenons conscience des effets causés par des décennies d’usage abusif de ces
ressources, nous nous demandons entre autres comment soutenir le rythme du progrès sans mettre en danger l’avenir des futures générations. Notre planète fait face à une détérioration physique causée par la destruction des forêts, l’expansion des déserts, l’érosion des terres cultivables. Des milliers d’espèces de plantes et d’animaux disparaissent. La couche protectrice d’ozone, dans la stratosphère, s’amincit. La température de la terre s’élève de façon perceptible. Tout cela se produit à une vitesse alarmante et pose une menace sérieuse à tous les systèmes de protection de la vie. Sont impliquées dans cette destruction volontaire et cet usage abusif de l’environnement et de ses ressources, à la fois les pays développés et les pays en voie de développement qui mettent leurs richesses au service de ces derniers.
La Malaisie est elle aussi de plus en plus consciente de la nécessité d’allier au développement une utilisation rationnelle de l’environnement: un travail de plus en plsu difficile en raison de l’accroissement de la population, qui exerce des pressions sur les resssources naturelles et physiques. La nécessité de créer des emplois et des revenus par l’exportation des ressources naturelles bouleverse les cultures et la manière de vivre de ceux qui, traditionnellement, dépendent de l’éco-système des forêts. Le même résultat est obtenu par l’établissement d’industries qui peuvent être une source de pollution si elles ne sont pas surveillées et si l’on ne se soucie pas de leur impact sur l’environnement.
L’Eglise doit être capable de fournir à ses membres un programme d’action qui leur permette d’être des intendants fidèles et responsables de la création divine. Et elle doit pouvoir exercer une influence sur la société malaisienne dans ses efforts pour la protection de l’environnement et l’écologie. Son rôle sera déterminé par la volonté de ses membres de travailler en compagnie des agences gouvernementales ou non gouvernementales en même temps qu’avec les organisations d’intérêt public.
La pauvreté
Depuis 1970, le niveau de vie, d’une manière générale, s’est élevé en Malaisie et la plupart de ses citoyens peuvent jouir d’une qualité de vie meilleure. Et pourtant, en dépit des efforts continuels du gouvernement pour restructurer la société et diminuer les
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disparités socio-économiques entre les divers groupes, la pauvreté existe encore à la fois au sens absolu et au sens relatif. Les frontières de la pauvreté ont été repoussées, cela ne fait aucun doute. Mais il existe encore plusieurs secteurs de la population qui souffrent de privations et sont dans l’incapacité de jouir du progrès des services de base et des occasions qui ont permis aux autres d’améliorer leurs perspectives d’avenir. L’Eglise ne doit pas ignorer les besoins de ces groupes défavorisés, qui ne comprennent pas seulement ceux énumérés dans les statistiques officielles, mais aussi les personnes âgées, les femmes, les infirmes, les handicapés.
Le nombre des personnes âgées et leur pourcentage par rapport à la population, augmentent à mesure que la population vieillit, en raison de la diminution de la fertilité, ainsi que de l’augmentation de l’espérance de vie. Il faut dire cependant que les problèmes des personnes âgées et de leurs familles se multiplient à cause des changements survenus à l’intérieur même de la cellule familiale, là où l’ancien système
de famille élargie s’est affaibli, où des individualismes égoïstes se sont levés, où le respect des anciens a disparu, où les facilités de logement sont limitées, en particulier en ville, là encore où les personnes qui prenaient soin des vieillards ont disparu, quand les femmes travaillent à l’extérieur et là où manquent un système de sécurité sociale et des maisons de retraite.
En plus des vieillards, il y a aussi les femmes, qui, dans la société malaisienne, doivent faire face à de nombreux handicaps économiques et connaissent nombre de problèmes, malgré les progrès considérables accomplis dans le sens d’une diminution des disparités entre les sexes. Les infirmes et les handicapés font souvent l’objet de négligence et de discrimination. Les enfants sont parfois laissés de côté, les parents et la famille s’en occupent parfois mal et l’on peut noter des abus de toutes sortes.
Lorsque rien n’est fait pour porter remède à ces situations, d’autres problèmes surgissent dans ce secteur de la société. La délinquance juvénile, l’absentéisme scolaire, les abandons de scolarité, les grossesses d’adolescentes, l’alcoolisme, l’abus de la drogue, sont quelques-uns des problèmes qui se présentent. Les Eglises, les organisations chrétiennes, les individus, peuvent ne pas être capables de résoudre ces problèmes. Ils devraient au moins aider à inculquer une attitude responsable, amicable et secourable. Ce qui non seulement renforcera les liens familiaux, mais sera aussi d’un grand secours pour les éducateurs, les conseillers, les travailleurs sociaux. La question qui se pose à l’Eglise n’est pas de savoir si sa présence est nécessaire dans ces programmes d’aide sociale, mais comment son action peut être signifiante et efficace.
L’évolution politique
Au cours des dernières années, la Malaisie a connu une évolution politique profonde qui suggère un changement dans la nature même du pouvoir. Beaucoup d’observateurs font remarquer que le pouvoir exécutif s’est étendu au détriment des deux autres piliers de l’Etat, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif. Les responsables politiques essaient de centraliser le pouvoir. D’ores et déjà, l’Etat exerce une profonde influence sur tous
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les aspects de la vie économique et sociale. Il a le pouvoir d’intervenir et de légiférer de manière très large sur de nombreuses activités de ses citoyens. Ceux qui sont en faveur de ce changement prétendent que seul un exécutif fort peut assurer la stabilité politique et favoriser un développement économique rapide. Les opposants, de leur côté, décèlent l’autoritarisme derrière les amendements à la constitution et leur mise en oeuvre.
Les chrétiens de ce pays sont bien souvent hésitants et se demandent quel rôle politique ils devraient jouer. En fait, il y a des arguments très forts en faveur d’un engagement politique des chrétiens. Une présence chrétienne est vitale dans un processus politique qui donne une importance primordiale au consensus et à la représentation. Dans une société où diverses exigences peuvent entrer en compétition, existent des mécanismes de discussion et de solution de conflits potentiels. Ces forums doivent être utilisés de la manière la meilleure possible par les chrétiens qui exercent leurs droits de citoyens de façon responsable.
Il ne faut pas confondre une participation à l’action politique des chrétiens en tant qu’individus et une activité politique de l’Eglise comme corps constitué. La politique est une lutte pour le pouvoir et le danger est toujours là pour l’Eglise d’être entraînée dans une association douteuse avec des factions politiques particulières. Etant donné la diversité de la société malaisienne, il y a des chances pour que le pluralisme continue à exister dans la vie politique, et sans doute faut-il s’en réjouir.
Conclusion
Il est difficile de conclure une étude comme celle-ci. Beaucoup des problèmes mentionnés seront encore là en l’an 2011. Peut-être un progrès aura-t-il été accompli vers certaines solutions. En d’autres cas, il pourrait y avoir aggravation. De nouvelles question pourront alors se poser. Mais l’Eglise doit continuer à relever les défis qui se dressent devant elle et à saisir les occasions qui s’offrent de remplir la mission que le Seigneur lui a confiée. Pour cela, les chrétiens trouveront un encouragement dans ce verset familier:
« Fixons les yeux sur Jésus, lui qui est la source de notre foi et la porte à sa perfection. Il a souffert la croix à cause de la joie qui lui était promise et il s’est assis à la droite du trône de Dieu. Contemplez-le, lui qui a supporté tant d’opposition de la part des hommes pécheurs, afin que vous ne soyez pas épuisés et que vous ne perdiez pas coeur » (He.12:2,3).
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