Eglises d'Asie

PEKIN: « ANALYSE ET EVALUATION DE LA SITUATION RELIGIEUSE »

Publié le 18/03/2010




Evaluation de la situation religieuse en Chine durant la dernière décennie

Il y a controverse sur la question de savoir si les religions ont connu, ces dix dernières années, un développement extraordinaire ou seulement normal. Dans le cadre d’une analyse d’ensemble de la situation, on constate que le nombre total des croyants a légèrement augmenté si on le compare à celui des premiers jours du régime communiste. Cependant, les chiffres indiqueraient plutôt un dépérissement de la religion si l’on considérait la proportion des croyants par rapport à la population totale de la Chine. En 1956, il y avait environ 100 millions de croyants pour une population totale de 600 millions. Aujourd’hui, la population totale atteint 1.1 milliards, et le nombre des croyants est le même qu’en 1956.

Par ailleurs, il y a diminution du nombre de temples et d’églises ainsi que des membres du clergé. Clergé vieillissant, organisations religieuses fragiles, règlements très imparfaits, difficultés financières sont des phénomènes courants dans le pays. Par conséquent, affirmer qu’il y a un développement extraordinaire de la religion et que celle-ci serait devenue une sorte de « fièvre » (1), ne reflète pas la situation réelle.

Quand les lieux de culte furent forcés de fermer pendant la Révolution culturelle, les croyants n’abandonnèrent pas leur foi, mais entrèrent simplement dans la clandestinité. Maintenant, avec l’application de la politique de liberté religieuse et d’ouverture, de plus en plus de gens fréquentent les temples et les églises. On en conclut que la question religieuse ne peut pas être évacuée, et que la situation a tendance à revenir à la normale quand une politique de liberté de croyance est appliquée.

Application de la politique religieuse

En dépit de cette liberté, l’application de la politique religieuse a rencontré, en certains endroits, une grande résistance et de nombreux problèmes. C’est ainsi par exemple que de nombreux terrains et propriétés appartenant aux groupes religieux sont toujours occupés par d’autres unités de travail. Une solution n’a pas encore été trouvée à ces problèmes. Une telle violation des droits légitimes des organisations religieuses n’est pas en accord avec la politique de liberté religieuse et est contraire à la Constitution.

Plus particulièrement depuis les incidents du 4 juin (2), des municipalités ont agi mal à propos après avoir évalué la question religieuse incorrectement, ce qui a causé du trouble et une certaine anxiété chez les croyants. Un manque de compréhension de la politique religieuse du gouvernement central affecte certainement l’unité et la stabilité. Les départements concernés devraient porter davantage d’attention à cette question.

Renforcer la gestion (de la question religieuse)

En fin de compte, les problèmes majeurs de gestion naissent d’une part, des difficultés relationnelles entre les organisations religieuses et les départements correspondants du gouvernement, d’autre part, du fait que les responsabilités et les fonctions des unes et des autres ne soient pas clairement définis. On devrait éviter que des mesures administratives interfèrent avec les affaires internes des organisations religieuses. L’histoire montre que l’application de telles mesures ne fait qu’envenimer les situations; elle sape l’image et le prestige du Parti et du gouvernement dans les masses croyantes.

Les « forces souterraines »

Les participants du séminaire ont estimé que l’expression « forces souterraines » n’est ni correcte ni scientifique. « Forces souterraines » est un concept politique dont le sens suggère celui d' »extension ». L’expression proposée en remplacement est celle de « forces spontanées » (3), car les éléments d’explication de la situation présente sont très complexes. De manière générale on peut distinguer quatre types de « forces spontanées »:

– celles qui soutiennent le gouvernement et les organisations religieuses patriotiques, mais ne sont pas reconnues par les autorités locales;

– celles qui ne veulent pas rejoindre les organisations religieuses patriotiques, mais dont les activités religieuses ne violent pas les règlements en vigueur et ne sont donc pas illégales;

– celles qui ont souffert de la persécution dans le passé, souffrent aujourd’hui encore d’une peur latente, et ne veulent pas rejoindre les organisations religieuses patriotiques parce que ceux qui les ont persécutés dans le passé se trouvent aujourd’hui à la tête de ces organisations;

– une minorité d’éléments hostiles qui utilisent la religion pour exercer des activités illégales.

Les membres des trois premiers groupes, ceux qui organisent des activités religieuses, comme ceux qui y participent, dans des lieux non autorisés par le gouvernement et en dehors de la direction des organisations religieuses patriotiques, doivent être rapportés aux « contradictions internes au peuple ». Le problème qu’ils posent implique des questions idéologiques et peut se résoudre par le moyen du dialogue.

En ce qui concerne le quatrième groupe, il doit être rapporté à la catégorie des « contradictions entre l’ennemi et nous », contradictions qui doivent être résorbées de manière différente. Même pour ce dernier cas de figure, il est suggéré de minimiser l’ampleur de la répression et de ne pas introduire de division au sein du peuple.

Les forces étrangères hostiles qui utilisent la religion pour s’infiltrer

Avec la politique présente d’ouverture, l’infiltration est inévitable. « Infiltration » signifie que la religion est utilisée pour subvertir le régime socialiste, et que l’on se sert de la propagande et d’activités politiques réactionnaires pour saper l’unité nationale et

l’indépendance religieuse du pays. Cependant, tout exercice d’une influence religieuse ne devrait pas être jugé comme une infiltration. Si toute propagande religieuse de l’extérieur était considérée comme une infiltration, combattue et interdite, c’est la politique officielle d’ouverture et l’unité nationale qui en subiraient les conséquences. En même temps, si l’on en juge par l’attitude des groupes religieux pendant les incidents du 4 juin (2), la majorité d’entre eux se tiennent du côté du Parti et du gouvernement, et on devrait leur faire confiance.

Les raisons qui expliquent l’existence de la religion aujourd’hui

La Chine est encore au tout début de son évolution vers le socialisme et ne jouit pas des conditions nécessaires à l’extinction de la religion. En d’autres mots, la religion existera encore longtemps. Il y a deux types de raisons qui expliquent la subsistance de la religion aujourd’hui en Chine. Les unes sont sociologiques: des phénomènes d’échec tels que le sous-développement économique, les conditions de pauvreté, l’état arriéré de la culture et de l’éducation, des relations personnelles irrationnelles, la corruption et l’appât du gain. Les autres sont idéologiques: l’influence de l’histoire religieuse de la région, les traditions religieuses familiales, l’impact idéologique des traditions ethniques, des modes de pensée et des habitudes féodales. Il faut prendre en compte aussi la psychologie religieuse.

Dans une perspective marxiste, les raisons sociologiques constituent l’explication essentielle de l’existence de la religion. Il est donc nécessaire de développer vigoureusement l’économie, la culture et l’éducation, si l’on veut que la religion dépérisse. Ce sera un processus très long.

Le projet de loi religieuse

La plupart des participants sont tombés d’accord pour estimer qu’il faut accorder beaucoup d’attention au projet de loi religieuse (4), de façon à ce que le travail sur la religion bénéficie de l’appui de règles et régulations. Il a été suggéré que dans la mise en forme de la loi, des spécialistes et des intellectuels des milieux religieux et juridiques soient largement consultés de façon à ne pas « construire un chariot dans un lieu clos ». Si l’on formulait d’abord des décrets administratifs plutôt qu’une loi religieuse, ce serait s’occuper de détails et négliger l’essentiel. Ces décrets administratifs n’auraient en effet aucun fondement juridique et ne pourraient pas protéger efficacement les droits des organisations religieuses.