Eglises d'Asie

UN ENTRETIEN AVEC MGR ALOYSIUS JIN LUXIAN évêque “officiel” de Shanghai

Publié le 18/03/2010




Monseigneur, quelle est la situation de l’Eglise aujourd’hui à Shanghai?

A Shanghai, tout est normal dans l’Eglise, sauf l’évêque. Vous savez que j’ai été élu et ordonné évêque sans l’accord de Rome. Mais ma situation étant ce qu’elle est, l’Eglise ici fonctionne normalement. Nous prions pour le Saint-Père et nous nous sentons en communion avec l’Eglise universelle. Nous nous efforçons de mettre en oeuvre les décisions et les enseignements du concile Vatican II. Des professeurs étrangers enseignent dans notre séminaire. Le diocèse de Shanghai correspond géographiquement à la municipalité de Shanghai. Sur 13 millions d’habitants, il y a 145 000 catholiques, ce qui fait un peu plus de 1% de la population.

Le nombre des catholiques est-il stationnaire ou bien est-il en progression?

Les conversions sont nombreuses. Au cours des années, beaucoup de valeurs traditionnelles ont disparu. Les intellectuels en particulier cherchent du côté des religions. Malheureusement, beaucoup de vieilles familles catholiques se tiennent à l’écart. 49 églises sont ouvertes dans le diocèse: elles sont pleines tous les dimanches. Des païens viennent avec leurs enfants. Nous faisons beaucoup de baptêmes, même d’enfants. En fait, il avait été interdit de baptiser les gens avant l’âge de 18 ans. Mais nous avons recommencé à le faire depuis quelques années, et le gouvernement laisse faire. Lorsqu’on nous pose des questions, nous répondons: les parents sont bien libres de faire baptiser leurs enfants. De toute façon, ceux-ci auront toujours la possibilité de faire leur choix quand ils atteindront leur majorité.

Avez-vous des vocations sacerdotales?

Nous avons 130 étudiants dans notre grand séminaire. Ils viennent d’une quarantaine de diocèses. 33 appartiennent à celui de Shanghai, mais seuls 11 d’entre eux sont originaires d’ici. Les 22 autres ont été “empruntés” ailleurs. Notre séminaire a ceci de particulier que nous pouvons faire venir des professeurs de l’étranger. Autrefois, il n’y avait pas de limite. Désormais, les conditions ayant été rendues un peu plus strictes, nous ne pouvons plus en accepter que deux à la fois. Nous avons obtenu cette permission à force d’insister auprès des autorités gouvernementales. Un jésuite et un salésien venus de l’extérieur travaillent avec nous en ce moment. Nous avons aussi une dame chinoise, formée autrefois au Canada, qui enseigne l’anglais et l’Ancien Testament.

L’un de nos jeunes prêtres a fait un an et demi d’études dans un séminaire des Etats-Unis. Cinq de nos séminaristes se trouvent encore là-bas, et un de nos diacres étudie en Australie. J’espère envoyer aussi des étudiants en France très rapidement.

Qu’en est-il des vocations religieuses?

Nous avons encore 75 religieuses d’avant la libération. Elles appartiennent à des congrégations différentes, mais vivent en commun, chacune s’efforçant de suivre sa propre règle sans gêner les autres. Elles sont prises en charge par le diocèse. Il y a 7 ans nous avons ouvert un noviciat: 10 jeunes soeurs ont déjà prononcé leurs premiers voeux et 15 autres sont au noviciat. Nous avons aussi une vingtaine de postulantes. Quelques jeunes religieuses, qui ont terminé leur noviciat mais n’ont pas encore fait leurs premiers voeux, sont en stage dans des paroisses. Nous ne leur permettons pas de prononcer leurs voeux avant l’âge de 35 ans: la vie est dure en Chine et les tentations sont nombreuses; il faut donc donner aux soeurs l’avantage de nombreuses années de préparation.

Quel est le rôle de l’Eglise dans la Chine d’aujourd’hui? Peut-elle remplir sa vocation prophétique?

Ce n’est pas facile. Pour le moment, c’est même impossible. Nous sommes trop peu nombreux et trop divisés. L’Eglise catholique est déchirée. Cette division est la grande tristesse de l’Eglise de Chine.

Qu’en est-il de l’Eglise “clandestine”?

Elle existe à Shanghai. Elle s’appuie surtout sur les vieilles familles catholiques. Il y a 24 prêtres clandestins dans le diocèse: des jésuites, des prêtres séculiers, des salésiens. Cependant, ils ne sont pas très actifs, et 85% des catholiques du diocèse reconnaissent l’Eglise “officielle”: celle-ci est la seule voie possible.

Peut-on espérer une réconciliation?

A Shanghai et dans certains diocèses de Chine, on peut constater un commencement de réconciliation. Mais ce n’est pas le cas partout, loin de là. Si, un jour, les relations avec le Vatican redeviennent normales, j’ai bien peur que les difficultés ne soient créées par certains membres de l’Eglise “clandestine”. Elle a trop d’évêques, et les prêtres sont mal formés. Il y aura alors un très grand risque de confusion.

Quelles activités prévoyez-vous pour l’Eglise catholique dans les prochains mois?

La conférence des évêques chinois devait se réunir à Pékin dans le courant du mois de juin, cette année. Mais la rencontre a été repoussée, vraisemblablement jusqu’au mois de septembre. Il est question de faire une distinction claire entre l’épiscopat et l’Association patriotique des catholiques chinois: ce serait un énorme progrès. On peut aussi espérer l’élection d’un président. Ce poste est resté vacant depuis la mort de mon prédécesseur (à Shanghai), en 1988. En même temps, il pourrait y avoir des changements au niveau de l’Association patriotique.

Pensez-vous qu’un jour les missionnaires étrangers pourront revenir? Le souhaitez-vous?

Si les relations avec le Vatican se normalisent et si la situation à l’intérieur de l’Eglise de Chine se stabilise, il n’y a pas de raison pour que des missionnaires étrangers ne puissent pas venir dans notre pays. Ils seraient bien utiles pour seconder le clergé local. Nous manquons terriblement de prêtres. Mais nous avons surtout besoin de religieuses qui feraient du travail social et enseigneraient.