Eglises d'Asie

DECLARATION DE LA CONFERENCE EPISCOPALE sur la situation actuelle au Sri Lanka

Publié le 18/03/2010




Engagés au service de l’Evangile, bonne nouvelle annoncée aux pauvres, nous considérons de notre devoir de signaler ces réalités, car elles ne laissent présager rien de bon pour notre pays et pour notre peuple.

La majorité de notre peuple ploie sous le poids du coût de la vie, qui va augmentant sans cesse. Malgré l’apparence d’une certaine richesse et le fait que de nombreux biens de consommation sont à notre portée, l’écart entre riches et pauvres continue de s’élargir. Le prix des choses essentielles, telles que les produits laitiers pour les enfants, monte en flèche et elles deviennent inaccessibles à une portion importante de la population. Les groupes à bas salaires réalisent qu’ils ne peuvent plus survivre avec ce qu’ils gagnent et mécontentement, frustration, colère, montent. Les politiques économiques suivies jusqu’à maintenant n’ont pas réussi à organiser une distribution juste et équitable des ressources de notre pays.

Récemment, les petits fermiers se sont plaints de ne pouvoir vendre leurs produits à des prix justes et raisonnables. Nous acceptons qu’une place suffisante soit laissée à l’initiative privée; mais il ne faudrait pas que notre patrimoine national et nos ressources tombent entre les mains de gros investisseurs nationaux ou étrangers.

La marginalisation économique de la majorité de notre peuple a provoqué la montée de la criminalité, de la violence, de la malhonnêteté, de la corruption. Nous assistons à une érosion inquiétante des valeurs sociales, morales et spirituelles qu’en tant que nation, nous avons toujours tenues pour sacrées, en accord avec nos traditions religieuses. La politisation de la religion a fait du mal, plutôt que du bien, à ceux parmi nous qui tiennent aux valeurs religieuses et morales.

Parmi les signes les plus sûrs d’une démocratie vivante, on compte la liberté de la presse et le respect des droits de l’homme. Ces deux éléments semblent avoir disparu du Sri Lanka. Rendus esclaves d’intérêts particuliers, les moyens de communication, qu’ils appartiennent aux secteurs public ou privé, ou qu’ils dépendent des partis politiques, au lieu de servir les masses en leur disant la vérité, semblent délibérément déformer celle-ci, afin de laisser le peuple dans son ignorance et parfois même d’orienter le pays dans une mauvaise direction. La vérité est devenue insaisissable. Au lieu d’encourager la croissance, la liberté, l’espoir, les médias attisent bien souvent les conflits ethniques et religieux.

Au nord et à l’est du pays, la guerre n’en finit pas. De précieuses vies humaines et des quantités de ressources sont détruites. On n’aperçoit nulle part le moindre signe d’une volonté politique ferme qui chercherait une solution rapide et définitive. Et en cela, tous les partis politiques et leurs leaders partagent la même responsabilité. Nul ne semble prêt à oublier ses petits intérêts particuliers pour servir la nation, ni à s’élever au-dessus de la politique partisane dans un esprit véritablement politique, afin de préserver notre bien-aimé pays de nouvelles catastrophes. On cherche vainement, chez nos leaders politiques, un vrai patriotisme. Au lieu de mettre en oeuvre une volonté politique décidée à résoudre les problèmes brûlants de notre pays, le gouvernement et l’opposition continuent d’exploiter cette situation tragique afin de parvenir à leurs propres buts, sans le moindre regard pour la souffrance de notre peuple. Certains encouragent même le chauvinisme, afin d’atteindre leurs propres objectifs. Nul politicien ne semble prêt à sacrifier sa popularité pour le plus grand bien du pays.

Alors que la guerre continue et que des souffrances sans nom s’amoncellent sur notre peuple, les leaders politiques du gouvernement comme de l’opposition semblent avoir lâché prise. En conséquence, ce pays semble avoir perdu confiance en ses leaders politiques qui ne semblent plus avoir de comptes à rendre à personne. Parmi nos compatriotes, ils sont de plus en plus nombreux ceux qui croient les leaders incapables de faire quoi que ce soit pour délivrer notre pays de ses malheurs.

Nous réfléchissons à ces problèmes brûlants, à ces tendances, et nous reconnaissons le devoir qui est le nôtre de remplir notre rôle prophétique, à la lumière de l’Evangile et de notre propre foi. Nous en appelons à tous ceux qui sont concernés et nous insistons: qu’ils se mettent immédiatement au travail afin de construire une société juste et paisible dans notre patrie.

Et pour cela, nous demandons que tous dès que possible :

– examinent la politique économique actuelle de notre pays, dans le but d’assurer une distribution plus juste de ses richesses dans toutes les couches de notre société;

– renforçent les nobles valeurs démocratiques et fassent en sorte que puissent apparaître, de tous les côtés, des médias politiquement impartiaux, donnant ainsi naissance à des débats politiques sains ainsi qu’au pluralisme;

– se rencontrent, comme de vrais hommes politiques en s’élevant au-dessus de leurs mesquines considérations partisanes, pour chercher ensemble une solution politique durable à la guerre du nord-est;

– prennent toutes les initiatives nécessaires pour un sursaut social, moral et spirituel de cette nation, en prenant appui sur nos anciennes traditions et valeurs spirituelles et religieuses et en libérant notre pays de sa dépendance non seulement politique, mais aussi économique, à l’égard de l’étranger.

Nous faisons appel à tous les hommes de bonne volonté de ce pays et les invitons à réfléchir, sérieusement et dans un esprit de fraternité et de respect mutuel, à faire en sorte que soient prises les décisions qui s’imposent pour la guérison complète de toutes ces blessures et pour la reconstruction de notre patrie.

Nous demandons aux chrétiens de supplier le Seigneur de guérir les blessures de cette nation et de lui redonner son unité. Rappelons-nous la parole de Michée: “Et qu’est-ce que le Seigneur vous demande ? D’agir avec justice, d’aimer avec tendresse, de marcher humblement avec votre Dieu” (Mich. 6,8-10).

Suivent les signatures de tous les évêques du Sri Lanka