Eglises d'Asie

Gul Musih est le premier chrétien condamné à mort pour blasphème contre le prophète

Publié le 18/03/2010




Accusé par un musulman d’insulte envers le prophète Mahomet, un chrétien, Gul Musih, a été jugé coupable de blasphème par un tribunal de Sargodha le 2 novembre 1992, et condamné à mort en vertu de l’article 295 du code pénal du Pakistan.

Les faits remontent à décembre 1991. A Sargodha (à 310 km au sud d’Islamabad), au cours d’une conversation entre voisins, le musulman Mohammed Sajjad Hussain aurait exprimé l’opinion que les chrétiens qui croient en trois dieux et prennent Jésus pour le fils de Dieu doivent regarder Marie comme une prostituée. A quoi Gul Musih aurait répondu qu’il avait lu dans un livre écrit par un “maulvi”(chef religieux musulman) que Mahomet avait eu onze épouses, dont une mineure.

Selon le Père Philippe, de la paroisse de Sargodha, ces propos ont été échangés dans le calme, sur un ton dépourvu d’émotion et d’hostilité, mais ils auraient ensuite été rapportés par Sajjad à un chef du Sipah-Sahaba, organisation musulmane fondamentaliste, qui décida avec d’autres chefs religieux d’engager une action pénale sur la base de l’article 295.

“Le seul témoignage présenté contre mon client a été celui du plaignant, Mohammed Sajjad Hussain” vient de dire l’avocat de Masih, Ammar Ahmad Khan, dans un interview publié le 5 novembre par The Friday Times.”Et ce ne peut pas être une base légale pour une sentence de mort”.

Néanmoins, le juge Khan Talib Hussain Baloch a déclaré dans sa décision du 2 novembre 1992 : “La valeur intrinsèque du témoignage (de Sajjad Hussain) doit être retenue… L’accusation a réussi à démontrer la culpabilité de l’accusé au delà de tout doute raisonnable. Le récit de l’unique témoin de l’accusation est sans détour, cohérent et naturel, il sonne vrai et n’a pas besoin d’être corroboré… Sajjad Hussain, jeune homme de 21 ans, étudiant de quatrième année qui porte la barbe, a bien l’air d’un vrai musulman, je n’ai aucune raison de mettre sa parole en doute”

Bien que les élements constitutifs du blasphème ne soient pas définis dans la loi elle-même, l’individu convaincu de ce crime encourt la peine de mort en vertu de l’article 295-C du code pénal pakistanais, amendé par une décision de 1990 du tribunal fédéral de la Sharia qui contrôle l’application de la loi islamique dans le pays.

Un appel de la décision du tribunal a été interjeté dans le délai légal de sept jours auprès de la Haute Cour du Pakistan. Celle-ci toutefois ne se prononcera pas avant au moins un an.

Musih est le premier condamné à mort depuis l’amendement apporté en 1990 par le tribunal fédéral au code pénal pakistanais avec l’introduction d’une injonction de la Sharia. Auparavant, rares étaient les accusations de blasphème. Elles se sont multipliées depuis. Deux chrétiens ont été récemment assassinés, accusés de “mépris du Prophète”, cinq ou six autres sont en prison pour des charges du même genre. Des représentants de la communauté catholique, puis la commission pakistanaise pour les droits de l’homme ont au cours des mois récents élevé des protestations contre une loi qui ne respecte pas les droits des minorités et qui favorise des règlements de compte personnels (12).

Après la condamnation de Gul Musih, Peter Jacob, secrétaire de la commission “Justice et paix” des supérieurs majeurs des religieux du Pakistan, a déclaré : “Cette nouvelle est affreuse, mais nous ne pouvons même pas parler de l’affaire, nous serions peut-être accusés d’offense au tribunal”. Pendant la conférence nationale sur la catéchèse qui vient de se tenir à Multan, à quelque 650 km au sud d’Islamabad, l’évêque d’Islamabad-Rawalpindi, Mgr Simeon Pereira, a dit : “Sans être pessimistes, nous devons penser que le jour peut venir où l’Eglise du Pakistan devra faire face à des persécuteurs. Sommes-nous assez forts pour cela ?”