Eglises d'Asie

MESSAGE DES EVEQUES CATHOLIQUES A l’occasion de la journée des droits de l’homme et de l’année de la femme en Thaïlande

Publié le 18/03/2010




Salut et bénédiction à nos frères et à nos soeurs, prêtres, religieux, religieuses et fidèles.

En cette année 1992, nous célébrons le 60e anniversaire de la naissance de Sa Majesté la reine Sirikit, nous commémorons le 60e anniversaire de la démocratie thaïlandaise. 1992 est aussi l’année des femmes thaïlandaises. L’Eglise souhaite que tous les catholiques de Thaïlande réfléchissent à la condition et au rôle des femmes, à leurs droits et devoirs dans la société présente, afin de rechercher les moyens d’améliorer leur sort et de leur donner une part égale à celle des hommes conformément au plan du Créateur, en protégeant et en mettant à l’honneur dans notre société les belles valeurs de la vie en commun que sont coopération, justice, respect des droits fondamentaux de tous les hommes à la liberté et à la démocratie.

Nous nous réjouissons que l’honneur et la dignité de l’être humain soient en général mieux perçus aujourd’hui, comme le pape Jean XXIII en fit naguère la remarque : “A mesure que les femmes deviennent plus conscientes de leur dignité humaine, elles ne toléreront plus d’être traitées comme de purs instruments matériels, elles réclameront les droits qui reviennent à une personne humaine dans sa vie privée et publique” (Pacem in terris, 41). Dans notre pays, le statut des femmes et leurs droits se sont beaucoup améliorés dans le domaine politique comme sur le plan social. Des lois ont été promulguées pour assurer leurs prérogatives et leurs fonctions. Elles peuvent par exemple être chefs de communauté ou de village, devenir sénateur ou ministre. Elles jouent un rôle important dans la société comme enseignantes, médecins et dans d’autres activités sociales. Dans l’Eglise, les femmes assument de plus en plus de responsabilités dans l’évangélisation et le travail pastoral.

Pourtant, notre société est encore pleine de préjugés à l’égard des femmes. Reconnaître leur dignité et leur valeur fait encore problème. D’une région à l’autre on ne reconnaît pas encore autant l’égalité entre les hommes et les femmes. A la capitale et dans les grandes villes, les femmes qui ont de l’instruction ont plus de chances de pousser leurs études et d’exercer une profession enviée que les femmes des régions rurales. Celles qui font certains métiers comme ceux du spectacle ne sont pas vraiment reconnues. Et des femmes sont aujourd’hui méprisées et regardées comme des marchandises, traitées comme des esclaves dans des entreprises de tourisme ou de publicité, voire exploitées dans l’industrie du sexe. Ces trafics d’esclaves sont organisés en réseaux à travers tout le pays et jusqu’à l’étranger. C’est hélas! une épouvantable réalité.

La Bible enseigne que l’homme et la femmme ont été créés égaux et à l’image de Dieu (Genèse 1,27). Tous, hommes et femmes, sont aimés de Dieu, qui a donné, pour leur apporter à tous le salut, son Fils unique, Jésus Christ (Jean 3,16). L’Eglise considère qu’il entre dans sa mission d’annoncer cette bonne nouvelle, de protéger et de promouvoir la dignité des hommes et des femmes.

Nous comprenons que si Dieu a créé les êtres humains doués d’intelligence, d’esprit, de liberté et d’autres capacités pour vivre ensemble, c’est afin qu’ils puissent continuer dans ce monde l’oeuvre de sa création. Dieu souhaite que tous construisent son Royaume en ce monde, nous tous qui vivons ensemble, unis au Seigneur. Malgré nos différences de sexe, de race, de langue, il n’y a pas entre nous de différences quant à notre dignité et à nos droits fondamentaux. Dieu a créé des différences en vue de la beauté et de la perfection, pour montrer aussi sa puissance. Hommes et femmes sont différents par l’esprit comme par le corps. Les traits spécifiques des uns ne sont pas comparables à ceux des autres. Il ne s’ensuit pas que les hommes l’emportent sur les femmmes. Dieu souhaite que les hommes et les femmes se servent de leurs différences pour s’entraider dans un équilibre harmonieux, en menant dans leur famille et dans la société une vie accomplie.

Le fait que les hommes et les femmes ne jouissent pas de droits égaux dans une société dépend des valeurs et des usages de cette société. A qui donne-t-elle l’autorité et le pouvoir ? La société thaïlandaise met l’accent sur la relation père-fils qui admet l’autorité des hommes. Dès lors, le problème des femmes n’est pas de réclamer une égalité de droits qui signifierait : “Puisque les hommes peuvent faire tout ce qu’ils veulent, les femmes aussi”. S’il y a un effort dans la société pour admettre la valeur et l’égalité des êtres humains, nous devons admettre et respecter la dignité, les fonctions et les devoirs de chaque personne et rompre avec les préjugés. Il faut que les hommes coopèrent en réduisant une part de leur pouvoir, en renonçant à se servir d’une partie du pouvoir qu’ils exercent à présent. De leur côté les femmes doivent déployer leurs qualités naturelles, chacune selon son rôle et sa responsabilité. Dans une société qui accepterait ce compromis, les hommes et les femmes pourraient vivre ensemble en harmonie, pour leur bénéfice futur autant que pour celui de leurs enfants.

Pour les catholiques, la femme est revêtue d’honneur d’une manière spéciale. La Bible montre ses fonctions propres et son prestige particulier. Les femmes n’ont pas seulement été créées à l’image et à la ressemblance de Dieu, elles ont une relation intime privilégiée à la fois avec chacun de nous et avec la vie humaine.

Ce sont les femmes qui donnent le jour à toute vie humaine. Elles sont les premières à donner à chaque vie chaleur et croissance. Elles sont intimement associées à la vie et à la mort, au salut et à la damnation de chaque personne et du genre humain. Dans l’ancien testament, Eve, la mère de l’humanité, contribue à la perte de tous. Dans le nouveau testament, Marie, la mère de Dieu et de notre Sauveur, contribue au don de la vie nouvelle et du salut à l’humanité. Cette mère bénie a chanté d’un coeur débordant d’allégresse la louange de Dieu, consciente de l’amour miséricordieux de Celui qui l’avait choisie gracieusement, elle une femme, pour donner à la race humaine son Sauveur. Elle prouva son courage et sa force d’âme en oeuvrant pleinement avec Dieu pour le salut de l’humanité. Elle a manifesté le fervent espoir que la famille humaine sera libérée de toute oppression (Luc 1,46-55).

En révélant le dessein de salut de l’humanité, l’image de la vierge Marie de Nazareth fait comprendre à tous les chrétiens la valeur de la femme. Dieu lui-même reconnaît pleinement sa valeur quand il fait confiance à cette femme pour donner naissance à son Fils unique bien-aimé. A la lumière de cette vérité, l’Eglise a compris la dignité de cette femme qui du fond du coeur s’offrit totalement avec un amour ferme et confiant. C’est cette grandeur qui la rendit capable de supporter la plus terrible passion, de sorte qu’elle devint la personne la plus proche de Dieu depuis sa venue jusqu’à son dernier soupir sur la croix (Jean 19,25-26). C’est pourquoi cette femme a été la première et le seul être humain à recevoir l’immense honneur d’être emportée au ciel corps et âme.

Jésus Christ, homme de Nazareth, le Sauveur, est né de la vierge Marie, femme de Nazareth. Il a fait montre envers les femmes de respect et d’estime, dans ses discours comme dans sa façon d’agir. L’Evangile révèle cet esprit nouveau en montrant Jésus en présence de nombreuses femmes de tout âge et de conditions différentes. Elles ont joué un rôle important dans sa vie et dans son oeuvre. Il a guéri beaucoup de femmes de maladies diverses. Certaines furent consolées par lui, il en invita d’autres à changer leur coeur.

Certaines femmes devinrent des disciples de Jésus qui se sacrifièrent de tout coeur pour sa mission, en le suivant même jusqu’au pied de la croix du Calvaire (Luc 23,27, Jean 19,25). Les premières à rendre visite au tombeau de Jésus furent des femmes, qui trouvèrent le tombeau vide et qui, les premières, reçurent le message : “Il n’est pas ici, il est ressuscité comme il l’avait dit” (Matthieu 28,6).

L’Eglise, qui fait son devoir en annonçant le salut, défend et soutient la beauté, la vérité, l’amour. A toutes les époques, il lui incombe de lire et d’interpréter les signes des temps afin de répondre correctement à chaque génération (Gaudium et spes,4). Gardant cette responsabilité à l’esprit, la conférence des évêques catholiques de Thaïlande souhaite marquer avec toute la population du pays la journée des droits de l’homme pendant l’année de la femme. Nous saisissons cette occasion pour inviter tous les chrétiens de Thaïlande à communier dans le souvenir de la sainteté et de l’honneur suprême accordé à Marie, la mère du Sauveur, et à méditer aussi sur l’honneur et la dignité des femmes, selon l’exemple et le commandement de Jésus, le Rédempteur. Cela nous aidera à voir la beauté, la valeur et la dignité du sexe féminin.

Que les Eglises locales, les institutions de l’Eglise, les groupes et les familles catholiques soutiennent le rôle des femmes et leur responsabilité dans les différentes activités, selon l’esprit de l’Evangile et dans la ligne des principes démocratiques. Quant aux femmes, qu’elles mènent une vie digne, et développent avec persévérance leur part à toute activité. Qu’elles soient courageuses et infatigables dans leurs efforts jusqu’à ce qu’elles réussissent, à l’exemple de la Vierge Marie, mère du Rédempteur et notre Mère.

Ainsi l’Eglise, épouse du Christ, apparaîtra-t-elle “glorieuse, sans tache ni ride” (Eph 5,27). Parce qu’en elle “juif et grec, esclave et homme libre, homme et femme” sont un en Jésus Christ (Gal 3,28). Alors l’Eglise catholique de Thaïlande apparaîtra vraiment comme le sel de la terre et la lumière du monde (Mtt 5,13-14) ou le levain (Lc 13,21) qui aidera notre société à lever et grandir comme Royaume de Dieu, un royaume de vérité, de justice et d’amour où nous nous respecterons et nous ferons confiance les uns aux autres, vivant dans la paix que nous désirons tous.