Eglises d'Asie

Protestants : Mgr Ding Guangxun dénonce le “vent de répression” qui souffle sur le pays

Publié le 18/03/2010




Dans un discours prononcé au cours d’une session du Congrès national du Peuple, en juillet 1992 (2), Mgr Ding Guangxun s’est élevé avec vigueur contre ce qu’il a appelé le “vent de répression” qui souffle dans le pays sur tous les lieux de culte non déclarés. Membre du Congrès national du Peuple, Mgr Ding préside à la fois le Conseil chrétien de Chine (dans lequel toutes les Eglises protestantes du pays ont dû se regrouper) et le Mouvement patriotique des trois autonomies, qui représente les protestants au Front uni. Après avoir noté les progrès accomplis par la politique religieuse du gouvernement au cours des années 1980, Mgr Ding déplore le changement qui a suivi : “Aujourd’hui les circonstances m’obligent à lancer ici un appel urgent pour que cesse immédiatement le vent de répression qui souffle dans tout le pays contre les lieux d’activité religieuse qu’on dit ‘non déclarés’ et qu’on met hors la loi sans égard aux circonstances”.

Il faudrait d’abord déterminer si l’activité religieuse en question est “normale” ou “illégale”, ou si elle provient d’une “infiltration” depuis l’étranger, avant de prendre les mesures qui conviennent. En ce qui concerne les protestants de Chine, continue Mgr Ding, “tant de lieux de rencontre et de culte dans des maisons privées sont apparus en dehors des églises et tant de gens les fréquentent qu’il est difficile de produire des statistiques à ce sujet. La grande majorité des participants y exercent une activité religieuse normale, semblable à celle que l’on trouve dans les églises. Ceux qui se livrent à des activités illégales ou qui se prêtent à une action de pénétration étrangère ne sont qu’une minorité. Or aujourd’hui beaucoup de lieux qui servaient à des rencontres religieuses normales ont été fermés sous le prétexte qu’ils n’étaient pas ‘déclarés’. Ces mesures de répression ont visé une cible beaucoup trop large”. Avant d’interdire brutalement ces lieux de réunion, il fallait, selon la pratique antérieure du gouvernement, donner à ces groupes la faculté de régulariser leur existence.

Mgr Ding décrit ensuite des incidents qui ont été rapportés : “Les lettres que nous avons reçues et les témoignages de visiteurs venus de tout le pays montrent qu’en certains endroits, les lieux d’activité religieuse ont subi des interventions aussi brutales qu’anormales de cadres, de représentants de la sécurité publique et des milices populaires faisant usage de matraques électriques : des images religieuses ont été déchirées, des bibles et des publications religieuses confisquées, des fidèles arrêtés ou frappés d’amendes. A certains on a coupé l’eau, l’électricité, les attributions de riz ou de céréales de la sécurité sociale; on a même démoli leur maison ou on leur a infligé des sévices semblables”. Ceux qui comptent sur pareilles mesures de répression pour diminuer le nombre des croyants ont la vue bien courte. Mgr Ding leur rappelle qu’à l’époque du “grand bond en avant”, c’est dans les endroits où la persécution de la religion fut la plus violente que l’on a vu aussitôt après la plus forte augmentation du nombre de croyants. Ainsi à Wenzhou, dans la province de Zhejiang.

A ce jour, le discours de Mgr Ding est la plus claire indication de la nouvelle vague de persécution qui a frappé l’Eglise chinoise. Au cours des deux années écoulées et spécialement depuis quelques mois, d’autres déclarations y ont fait allusion. En septembre 1990, Mgr Ding avait déjà mis en garde dans un discours au Congrès national du Peuple contre la résurgence de gestes hostiles et de sévices contre les groupes religieux. Ce comportement était inspiré selon lui par la croyance des dirigeants chinois qu’en Europe de l’Est, les Eglises, catholique et protestante, avaient été au premier rang pour renverser les régimes communistes (3). En septembre 1992, une conférence des chefs religieux de Chine organisée par le même Mgr Ding a publié dans un organe à grande diffusion, le “China daily”, un communiqué tout-à-fait inhabituel déplorant que “des cadres communistes gauchistes continuent de paralyser l’évangélisation dans le pays” (4). Plus récemment encore, un éditorial du mensuel “Tian Feng” (organe du Conseil chrétien de Chine et du Mouvement patriotique des trois autonomies) a défendu l’Eglise protestante chinoise accusée par certains cadres gauchistes de favoriser “l’évolution pacifique” du régime (5). Bien plus, quand il est venu à Hongkong au mois de novembre 1992, Luo Guanzong, vice-président du Mouvement patriotique des trois autonomies, a admis que beaucoup de rapports récents faisaient état de violations de la politique de “liberté religieuse” du Parti par des fonctionnaires locaux.

Tous ces indices révèlent une intensification de la répression antireligieuse en Chine. Elle est confirmée par d’autres documents et renseignements reçus à Hongkong. Selon une source digne de foi, plusieurs églises du Mouvement patriotique des trois autonomies qui étaient parfaitement en règle avec la loi ont été détruites par des cadres de la sécurité publique en Mongolie intérieure, dans le Shaanxi et le Gansu, sans la moindre justification. Dans l’un de ces cas, les fonctionnaires ont fait évacuer par la force 300 chrétiens réunis au temple, au beau milieu de leur service religieux dominical, et ont fait raser le bâtiment au bulldozer. Quand on les interrogea sur les raisons de cette destruction, les fonctionnaires répondirent que ce temple situé sur une colline et surmonté d’une croix était par trop visible.

Parmi les documents récemment reçus figure une note du Bureau des affaires religieuses de Fujian d’octobre 1992, intitulée “Règles temporaires d’immatriculation et de gestion des locaux à usage religieux dans la province de Fujian”, et dont le but évident est de placer sous contrôle gouvernemental toute activité religieuse non déclarée. La note ressemble à celles qui ont été publiées depuis quelques années dans plusieurs provinces (6). Entre autres règles il est exigé des croyants qu’ils obtiennent l’autorisation du Bureau des affaires religieuses de la province avant de construire ou reconstruire des locaux à usage religieux. Une autre règle interdit aux groupes religieux “de solliciter de quelque façon que ce soit des ressources financières ou d’en recevoir de l’étranger, qu’elles proviennent de personnes privées ou d’organismes religieux”. Dans son dernier chapitre, la note indique que “ceux qui enfreindront ces règles en créant sans autorisation des locaux à usage religieux pourront être condamnés par l’organisme d’immatriculation et de gestion, selon la gravité de l’infraction, à fermer ces locaux dans un délai fixé ou à être frappés d’interdit légal