Eglises d'Asie

POUR UN TRAITEMENT CORRECT DE LA QUESTION RELIGIEUSE Discours de Mgr Ding Guangxun au Congrès national du peuple

Publié le 18/03/2010




Il est rare que le comité permanent du Congrès national du peuple discute des affaires religieuses, surtout depuis la mort de Ban Chan, vice-président du comité. Les adeptes d’une religion sont pourtant nombreux en Chine, qui comptait dans les années 50, selon le premier ministre Zhou Enlai, plus de 100 millions de croyants, et beaucoup de non-croyants ayant une opinion positive de la religion. Les adeptes des religions représentent soixante à soixante-dix pour cent de la population mondiale. Sur le plan international, autant les amis que les ennemis de la Chine sont très attentifs à la manière dont nous traitons la religion. Les questions religieuses ne sont donc pas quantité négligeable et ne sauraient admettre de notre part ni subjectivisme ni arbitraire.

Depuis que nous avons substitué l’ordre au chaos, nous avons rempli avec un plein succès notre devoir de réhabiliter ceux qui étaient injustement accusés d’infractions. Nous avons aussi rempli notre devoir de restituer les locaux à usage religieux. Aujourd’hui toutefois, les circonstances m’obligent à lancer ici un appel urgent pour que cesse immédiatement le vent de répression qui souffle dans tout le pays contre les lieux d’activité religieuse qu’on dit ‘non déclarés’ et qu’on met hors la loi sans égard aux circonstances.

Les conditions d’une éradication de la religion n’existent pas dans le pays aujourd’hui. Nous ne pouvons donc pas nous baser sur le fait que les masses croient en une religion pour les traiter de manière dictatoriale, en croyant que nous allons de cette façon détruire la religion. Conformément à la consigne du Président Mao: « construire notre politique en nous servant de nos différences », nous devons d’abord établir clairement si un local est utilisé pour une activité religieuse normale, s’il sert à des activités illégales ou illégitimes ou à une tentative d’infiltration de l’étranger. Nous devons nous opposer aux méthodes brutales qui mettent n’importe qui hors la loi sans égard aux différences. Aujourd’hui, le nombre des croyants dans le pays a augmenté, alors que le nombre des églises et des temples est de loin inférieur à ce qu’il était avant la libération. Il est donc tout naturel que les croyants aient créé des locaux de réunion, vastes ou modestes. Cela ne mérite pas la critique. En ce qui concerne le christianisme, tant de lieux de rencontre et de culte dans des maisons privées sont apparus en dehors des églises et tant de gens les fréquentent qu’il est difficile de produire des statistiques à ce sujet. Il résulte de nos enquêtes que la grande majorité des participants y exercent une activité religieuse normale, semblable à celle que l’on trouve dans les églises. Ceux qui se livrent à des activités illégales ou qui se prêtent à une action de pénétration étrangère ne sont qu’une minorité. Or, aujourd’hui, beaucoup de locaux qui servaient à des rencontres religieuses normales ont été fermés sous prétexte qu’ils n’étaient pas ‘déclarés’. De telles mesures de répression ont visé une cible beaucoup trop large. Selon les règles, ceux qui ne sont pas déclarés devraient d’abord être autorisés à demander leur inscription, ceux qui remplissent les conditions devraient alors être enregistrés et seuls ceux qui ne les remplissent pas devraient être fermés. Or jamais, dans le passé, on n’a invité les groupes de ce genre à se faire inscrire pour obtenir l’autorisation d’exister. Au contraire, en bien des endroits, on les a catalogués comme « illégaux » et on les a supprimés, au motif qu’ils n’étaient pas enregistrés, sans faire entre eux la moindre différence. Est-ce là la politique du parti ? En fait, où est-il possible de les supprimer ? Si vous supprimez un groupe, il va se diviser en trois ou en quatre et disparaître dans la clandestinité. Dès lors qu’il est aujourd’hui hors de question d’éradiquer la religion, mieux vaut permettre à l’Eglise d’agir au grand jour que d’avoir affaire à une Eglise clandestine.

Le document 19 du comité central du parti communiste chinois de 1982 a donné une directive claire: « protéger résolument toute activité religieuse normale, mais en même temps, prendre avec vigueur des mesures sévères contre toute activité criminelle, contre-révolutionnaire et superstitieuse menée sous le manteau de la religionAinsi a été fixé le critère pour autoriser ou supprimer des groupes. Le facteur déterminant ne saurait être la volonté individuelle ou le sentiment personnel de certains cadres subalternes à l’égard de la religion.

Le vent de répression a soufflé en certains endroits parce que des gens ont cru à tort que tels étaient la volonté et l’esprit du Comité central. Ces gens ont complètement oublié l’enseignement du président Mao: selon lui on ne traite pas les problèmes idéologiques des masses à coup de mesures administratives et la grande arme magique du parti, c’est le Front uni, etc. Nous savons que, dans cette voie, le comité central attache une grande importance à l’union de toutes les forces qui peuvent apporter leur contribution au socialisme. Le comité central insiste en conséquence sur la stabilité et la continuité de la politique de liberté religieuse. Supprimer les lieux de rencontre où se déroule une activité religieuse normale ne correspond certainement pas à l’esprit du comité central du parti.

Les lettres que nous avons reçues et les témoignages de visiteurs venus de tout le pays montrent qu’en certains endroits, les lieux d’activité religieuse ont subi des interventions aussi brutales qu’anormales de cadres, de représentants de la sécurité publique et des milices populaires faisant usage de matraques électriques. Des images religieuses ont été déchirées, des bibles et des publications religieuses confisquées, des fidèles arrêtés ou frappés d’amendes. A certains on a coupé l’eau, l’électricité, les attributions de riz ou de céréales de la sécurité sociale, on a même démoli leur maison ou on leur a infligé des sévices semblables. Alors que le parti communiste chinois s’honore de sa tradition de représenter les masses, d’avoir à leur égard respect et estime, il y a maintenant, chose surprenante, des gens qui n’ont pas le moindre sens des masses.

Peut-être d’aucuns pensent-ils qu’il y a avantage à laisser souffler un peu le vent de la répression, que cela diminuera le nombre des croyants. Ils ont vraiment la vue bien courte. A l’époque du grand bond en avant, certaines régions où la religion fut attaquée avec la plus grande violence se targuèrent d’être « non religieuses ». Pourtant elles devinrent peu après celles où le nombre des croyants augmenta le plus. Wenzhou, dans la province du Zhejiang, qu’on appela alors une « ville sans chrétiens », compte aujourd’hui le pourcentage de chrétiens le plus élevé du pays, même en incluant Hongkong. Il est visible que l’augmentation ou la baisse du nombre des croyants obéissent à des facteurs objectifs et que des actions inconsidérées ne sauraient avoir sur elles la moindre influence.

Il faut le souligner : ce vent de répression contredit la politique du parti, il est gravement dommageable par ses profondes répercussions dans le pays et à l’étranger. Il porte atteinte à l’image du parti et ruine la confiance du peuple dans la stabilité et la continuité de sa politique de liberté religieuse. Il afflige nos amis et réjouit nos ennemis.

J’espère que le présent appel, plutôt que de ressembler à une pierre lancée dans la mer qui disparaît pour toujours, sera accueilli avec sérieux et provoquera une action correctrice de la politique qui fera tourner ce vent.