En surface, il n’apparaît pas qu’une stricte supervision soit exercée sur les catholiques chinois, mais en fait ceux-ci sont étroitement surveillés par le gouvernement. Le danger potentiel représenté par la religion inquiète profondément la direction du Parti communiste parce que la chute du communisme en Europe de l’Est est attribuée au leadership moral de l’Eglise catholique. En janvier 1992, on rapporte que le ministre de la Sécurité publique, lors d’une réunion interne de son département, a analysé le phénomène religieux comme l’un des six facteurs qui pourraient causer la chute du régime actuel.
En 1989, le Parti communiste chinois a publié le “document n° 3” (1) dans le but avoué de renforcer son contrôle sur les catholiques chinois. Cette volonté a été encore renforcée avec la publication du “document n° 6” (2) en 1991, qui était supposé clarifier le “document n° 19” (3), pourtant plus complet mais dont l’application pratique n’était pas satisfaisante et donnait lieu à des bavures administratives dans la bureaucratie chinoise: depuis une dizaine d’années, un certain nombre d’évêques ont en effet tourné à l’avantage de l’Eglise un certain nombre d’imprécisions contenues dans ce “document n° 19” (4).
Après la publication des documents n° 3 et 6, les dirigeants catholiques ont été très souvent convoqués pour être endoctrinés dans la politique religieuse de l’Etat, et des catholiques “clandestins” ont été arrêtés pendant leurs assemblées tandis que leurs lieux de formation étaient dévastés par les forces de sécurité. Quelques visiteurs étrangers des Eglises se sont aussi vu refuser leurs visas d’entrée. Des livres religieux bien nécessaires pour la formation des catholiques ont été quelquefois confisqués à l’entrée en Chine, et la nouvelle imprimerie catholique de Shanghai ne peut pas fonctionner comme elle le devrait à cause des restrictions imposées par le gouvernement (5).
La nouvelle constitution de la Conférence épiscopale chinoise reflète aussi dans une certaine mesure le contrôle administratif du Parti sur l’Eglise catholique (6). Le pouvoir administratif sur l’Eglise est transféré de l’Association patriotique des catholiques chinois à la conférence des évêques. En donnant ainsi un rôle accru à la conférence des évêques, gérée en parallèle avec l’Association patriotique des catholiques chinois, le gouvernement peut exercer plus directement son contrôle sur la conférence des évêques qui est traditionnellement l’autorité la plus haute dans les affaires ecclésiales.
Dans l’article 3 de la nouvelle constitution de la Conférence des évêques, une nouvelle fonction épiscopale a été créée, celle des “évêques-conseillers”. Il semble que cette nouvelle position élimine en fait toute participation et toute influence de ces évêques à l’intérieur de la conférence, parce que ces évêques-conseillers ne peuvent pas jouer de rôle administratif même s’ils peuvent donner des conseils. C’est une stratégie pour empêcher les évêques favorables à Rome d’exercer quelque influence que ce soit sur les autres.
Des catholiques de Hongkong qui ont d’étroites relations avec l’Eglise de Chine sont surveillés de près parce que Hongkong et Macau sont communément perçus comme des lieux d'”infiltration” en Chine continentale de l’aide pastorale étrangère sous forme de littérature religieuse, d’articles, d’assistance financière ou de services sociaux. A l’approche de 1997 et de 1999, années où Hongkong et Macau respectivement reviendront à la Chine, la surveillance s’est accrue sur les leaders et les membres actifs de ces Eglises locales.
La Chine rejette les relations spirituelles de l’Eglise de Chine avec le Saint-Siège, mais elle ne rejette pas les services sociaux des organisations non gouvernementales liées à l’Eglise et au Vatican. Selon certains rapports, 15,5% des projets d’organisations non gouvernementales en Chine proviennent d’organisations catholiques.
Le danger réel pour l’avenir de l’Eglise de Chine est que les autorités manipulent les affaires ecclésiales de telle sorte que beaucoup de séminaires ordonnent des prêtres mal équipés pour diriger des communautés chrétiennes et transmettre une doctrine authentique. Le séminaire de Shanghai, considéré comme la vitrine de l’Eglise, est une exception, mais la plupart des séminaires (comme ceux de Chengdu, Shenyang et Wuchang) manquent cruellement de manuels et de professeurs qualifiés. Récemment les cadres des Affaires religieuses de Pékin ont inventé la formule “catholicisme aux caractéristiques chinoises” (7). En Chine, seuls les cadres ont le droit d’interpréter la politique de l’Etat et les déclarations de l’autorité civile. Interpréteront-ils cette formule comme signifiant “une Eglise catholique chinoise sans lien avec le Saint-Siège” ? C’est une question qui méritera une analyse détaillée.
Les catholiques chinois estiment qu’une éventuelle normalisation des relations entre la Chine et le Vatican leur donnerait un peu d’espace vital, mais il n’y a que peu de signes montrant que la Chine soit prête à reprendre des négociations rompues à la demande du Vatican après le massacre de Tiananmen en 1989. La libération de Mgr Yang Libo (Philippe) (8) est pourtant un geste de bonne volonté de la part de Pékin en direction du Vatican. Il est trop tôt pour dire si les négociations entre Chine et Vatican connaîtront un progrès. En principe, si la Chine se soumettait à la pression internationale en ce qui concerne les droits de l’homme et en montrant davantage de tolérance vis-à-vis du pluralisme idéologique, son traitement des religions et de l’Eglise catholique pourrait aussi devenir plus libéral.