Eglises d'Asie

Mort en détention de Mgr Etienne Liu Difen, évêque d’Anguo dans le Hebei

Publié le 18/03/2010




Mgr Etienne Liu Difen, évêque d’Anguo, est mort le 14 novembre 1992, à l’âge de 80 ans, sans que personne n’ait pu le voir depuis son arrestation deux ans plus tôt (1). Annoncée par un communiqué signé de “l’Eglise fidèle de Chine continentale” en date du 20 novembre 1992, dont le texte en chinois vient de parvenir à Hongkong, la nouvelle de la mort de Mgr Liu à la date du 14 novembre 1992 a été confirmée le 8 avril 1993 par deux fonctionnaires du bureau des Affaires religieuses de Shijiazhuang, capitale de la province du Hebei, qui se sont refusés à donner d’autres informations.

Mgr Liu est décédé dans des circonstances suspectes, que le document diffusé par “l’Eglise fidèle de Chine” rapporte dans les termes suivants : “Le 2 novembre 1992, le chef du bureau local des Affaires religieuses est venu avec d’autres personnes voir la famille de l’évêque (au village de Biandukou, district de Renqiu, province de Hebei) et a dit à ses neveux : ‘Votre oncle est malade, ses jambes ne le portent plus, il souffre d’une tension élevée, il n’a plus toute sa tête, il veut revenir se reposer chez lui. Voulez-vous le recevoir ?’ Les neveux acceptèrent aussitôt et demandèrent à aller chercher leur oncle, mais on leur dit qu’il allait être transporté chez eux. Les jours passèrent. Le 11 novembre on vint leur annoncer que l’évêque était au plus mal et qu’ils étaient autorisés à aller le voir à l’hôpital du district de Kuancheng (dans une région montagneuse éloignée, à l’extrême nord de la province du Hebei). Les neveux arrivèrent trop tard. Leur oncle était sans connaissance, incapable de dire un mot, respirant par des tubes d’oxygène. Ils voulurent le ramener chez eux, mais l’hôpital refusa de fournir l’appareil à oxygène, même moyennant un bon prix. L’un des neveux rentra en hâte au village, revint avec une voiture, un médecin et un appareil respiratoire, mais il était trop tard. Mgr Liu était mort le 14 novembre à treize heures dix.”

“Nous catholiques, poursuit le même document, qui espérions revoir notre évêque vivant n’avons revu que sa dépouille. Et le comble de notre peine a été de trouver sur lui des blessures. Quand nous avons changé ses vêtements, tout son corps portait la trace de lésions: beaucoup de cicatrices sur l’épaule gauche, une sur la jambe droite et des plaies non cicatrisées : deux au milieu du dos, une sous l’aisselle gauche.”

Selon le document de l'”Eglise fidèle de Chine”, en dépit des efforts des autorités civiles pour garder le contrôle des funérailles de l’évêque, et écarter toute participation de l’Eglise clandestine, étaient présents aux obsèques un évêque clandestin, quatorze prêtres et plus de trois mille catholiques.

Les auteurs du texte notent que Mgr Liu est le troisième prélat qui meurt dans les geôles gouvernementales, après Mgr Pierre Joseph Fan Xueyan de Baoding en avril 1992, et l’évêque auxiliaire de Baoding, Paul Shi Chunjie, en novembre 1991 (2). Ils se disent préoccupés du sort de trois autres évêques clandestins du Hebei : Pierre Chen Jianzhang de Baoding, Paul Liu Shuhe de Yixian et Cosme Shi Enxiang de Yixian (3). De l’avis d’un observateur de l’Eglise de Chine, la mort des trois évêques clandestins témoigne de la véritable nature de la détention administrative, mesure extra-judiciaire, et de ses conséquences : les familles dans l’ignorance sur le sort des leurs, de l’endroit où ils sont, les victimes privées de soins médicaux.

Le document de “l’Eglise fidèle de Chine” comporte une annexe, résumant ainsi la vie de Mgr Etienne Liu Difen. Il est né le 13 mai 1912 d’une pieuse famille catholique, dans le district de Renqiu, province de Hebei. Entré au grand séminaire de Pékin en 1932, il a été ordonné prêtre en 1939. Après avoir reçu ses grades à l’université catholique Fu Jen de Pékin, il rentra dans son diocèse d’Anguo où il mena de front ministère pastoral et études médicales. Pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945), il dirigea une école secondaire catholique du diocèse de Hankou, province de Hunan. En 1951, deux ans après la victoire communiste, il fut arrêté pour n’avoir pas voulu se joindre au mouvement dit des trois autonomies. Une fois libéré, il travailla à l’hôpital de la commune d’Anguo. Il fut persécuté et maltraité pendant la révolution culturelle (1966-1976), puis autorisé en 1980 à reprendre son emploi de médecin à l’hôpital d’Anguo. S’étant retiré en 1984, “il se dévoua pleinement à la tâche d’évangélisation” et quatre ans plus tard, sans l’autorisation du gouvernement, fut ordonné évêque du diocèse d’Anguo, près de Baoding, à 190 km au sud-ouest de Pékin. En décembre 1990, il fut arrêté et emmené par les agents de la sécurité, sans que rien ait transpiré sur son sort jusqu’aux derniers jours qui ont précédé sa mort.