Eglises d'Asie

Les chrétiens “clandestins” des Eglises domestiques sont sévèrement persécutés dans plusieurs provinces par des cadres locaux corrompus et agissant dans l’illégalité

Publié le 18/03/2010




Selon un pasteur de Hongkong qui voyage souvent en Chine continentale et préfère garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, depuis 1990 la police arrête, torture et taxe lourdement et régulièrement les groupes chrétiens “clandestins”, en particulier les protestants qui appartiennent aux Eglises “domestiques”. Certaines provinces rurales comme le Henan, le Shaanxi et l’Anhui sont plus touchées que d’autres par cette vague de persécutions (2), peut-être parce que l’augmentation du nombre des chrétiens y a été particulièrement forte ces dernières années. “Ce genre d’incident se produit tout le temps, dit le pasteur, c’est devenu une routine

Il estime d’ailleurs que cette répression systématique n’est pas forcément la conséquence d’une politique religieuse nationale, mais souvent le fait de cadres locaux corrompus et sans scrupule : “Tout cela est illégal et de la responsabilité des autorités locales, dit-il. Elles veulent de l’argent. La population paie des taxes pour toutes sortes de choses en Chine et on impose donc des amendes aux chrétiens en leur disant que leurs réunions sont illégales. Dans certains endroits, il y a même de la haine à l’encontre des chrétiensLes amendes infligées aux individus peuvent atteindre jusqu’à l’équivalent de mille francs, soit trois mois de salaire moyen. S’ils ne peuvent pas payer ils sont mis en prison et souvent battus avec des matraques électriques.

Asia Watchgroupe américain de défense des droits de l’homme en Asie, estime de son côté que cette persécution, dans certaines provinces, des groupes chrétiens non affiliés à l’Eglise protestante “officielle” démontre la duplicité des autorités chinoises en matière de droits de l’homme. Se référant aux déclarations du pasteur et à la mort d’un chrétien après des brutalités policières (3), Robin Munro, représentant de Asia Watch à Hongkong, a déclaré à la presse : “Ces abus sont les pires qui puissent exister et ils procèdent d’une certaine logique. Ils manifestent que les seigneurs de la guerre et le féodalisme existent toujours dans ces provinces. Les officiers des forces de sécurité gouvernent ces régions comme s’il s’agissait de leurs petits royaumes personnels. Ils n’obéissent à aucune loi. Tout ceci met en lumière la duplicité politique des autorités de Pékin en matière de droits de l’homme. D’un côté on libère un prêtre catholique après vingt ans ans de prison (4) en présentant cela comme une concession, et de l’autre tout continue comme avant dans ces provinces reculées où elles croient que personne ne regarde

Asia Watch estime que la persécution religieuse des chrétiens en Chine est devenue aujourd’hui courante. L’organisation va donc publier bientôt un dossier spécial sur la question. Rappelons aussi que l’Eglise protestante “officielle” de Chine, reconnue par le gouvernement, s’est récemment inquiétée à plusieurs reprises par la voix de son chef, Mgr Ding Guangxun, de cet état de choses (5).

Ces révélations vont sans doute jouer un rôle dans le débat qui agite les milieux politiques américains sur l’attitude à prendre vis-à-vis des relations commerciales avec la Chine populaire. Se trouvera probablement renforcé le camp de ceux qui estiment que la clause de la nation la plus favorisée dont bénéficie aujourd’hui la Chine, devrait être supprimée ou bien renouvelée sous des conditions très strictes de respect des droits de l’homme.