Eglises d'Asie

La persécution physique des chrétiens est peu à peu remplacée par une persécution économique

Publié le 18/03/2010




L’appel de Deng Xiaoping à une réforme économique accélérée et à un socialisme aux couleurs chinoises a eu les effets que l’on sait : une croissance supérieure à 12% en 1992, la production de biens et de services trois fois supérieure aux prévisions. Mais la même année, l’inflation a atteint 20%, la corruption des cadres à tous les niveaux s’est elle aussi accélérée et les émeutes paysannes du début de 1993 ont révélé les problèmes socio-économiques de la population rurale, encore très largement majoritaire dans le pays (3). L’idéologie marxiste-léniniste, toujours de rigueur, est mise au service de l’économie de marché. La « fièvre de l’argent », note un observateur, gagne tout le pays.

Dans ce contexte de « marché-léninisme » on note une évolution significative des rapports entre les Eglises chrétiennes non officielles et les autorités politiques au niveau des provinces et des municipalités. Jusqu’à une époque récente, les dirigeants des Eglises protestantes « domestiques », non affiliées au mouvement des trois autonomies, et ceux de l’Eglise catholique dite « clandestine » étaient emprisonnés pour « activités religieuses illégalesles fidèles de ces Eglises, harcelés, leurs lieux de culte, fermés. Aujourd’hui un autre élément s’ajoute à cette persécution physique. De plus en plus souvent, plutôt que d’emprisonner les chrétiens, les cadres provinciaux ou de district, leur infligent des amendes, confisquent leurs biens et leurs propriétés. Le journal Tian Feng, organe de l’Eglise protestante « officielle » de Chine, cite le cas d’une église « domestique » du Henan, obligée depuis plusieurs mois par les cadres locaux de payer sans raison des amendes exorbitantes. « Il y a d’autres Eglises rurales, ajoute le journal, qui font face au même problème; nous espérons que cet article contribuera à faire la lumière sur ces abus et à alléger le fardeau économique imposé à ces EglisesD’autres cas de ce genre sont signalés dans la province d’Anhui et en d’autres districts du Henan.

Certains observateurs mettent en doute la capacité des Eglises « officielles » de faire cesser pareils abus. Tony Lambert, un évangéliste américain qui dirige une organisation bien implantée en Chine, déclare : « En dépit des protestations de Tian Feng et du mouvement des trois autonomies, rien ne sera fait. L’Eglise officielle n’a aucun moyen au niveau local. Il y aura des articles et Ding Guangxun (4) ira se plaindre à très haut niveau, mais la répression économique continuera tant qu’il y aura des cadres gauchistes et corrompus qui trouveront dans l’Eglise une manière commode de se remplir les poches

D’autres observateurs s’inquiètent de la tendance de beaucoup d’Eglises à s’impliquer directement dans des entreprises financières (5), dans la ligne d’un « christianisme aux caractéristiques chinoises » dont la principale originalité serait l’intérêt porté aux questions économiques (6). Le 8 septembre 1993, le directeur du Bureau des affaires religieuses, Zhang Shengzuo, a encore déclaré au South China Morning Post de Hongkong que « les religions doivent se mettre au service du développement économiqueDes Eglises ont ainsi commencé à financer des programmes immobiliers, des écoles, des imprimeries, des garages, des restaurants. « Avec les énormes sommes d’argent gagnées de la sorte, les risques de corruption à l’intérieur même des Eglises deviennent considérablesnote le China News and Church Report de Hongkong.