Eglises d'Asie

Les responsables catholiques laïcs réunis en synode brossent un tableau assez sombre de la situation dans les campagnes

Publié le 18/03/2010




En dépit des progrès réalisés dans l’instauration d’une paix véritable, de la démocratie et de la liberté, les conditions de vie des campagnes restent fort précaires. Les catholiques cambodgiens, responsables de l’entraide dans leurs communautés, réunis en synode autour de leur évêque, Mgr Yves Ramousse, du 24 au 29 septembre 1993, ont dressé un tableau plutôt sombre de la situation dans laquelle ils vivent.

Plusieurs insistent sur l’insécurité qui règne un peu partout : des bandits armés pillent les villageois, s’approprient volailles, porcs, boeufs et buffles, dérobent sous la menace de leurs armes les maigres économies converties en or. Les vols entre villageois et même entre proches voisins se multiplient. La présence de mines interdit l’accès à certaines forêts; elles blessent ou tuent des animaux domestiques. Les Khmers Rouges occupent certains secteurs et y rendent impossible l’exploitation des terres fertiles.

Une autre cause de la détérioration économique des campagnes est la sécheresse, sans doute une des conséquences de la déforestation massive du pays. Elle a compromis la dernière moisson (décembre 1992 – janvier 1993) et la prochaine récolte s’annonce pire que la précédente. Le produit de la pêche, qui est le métier des plus pauvres, a fortement diminué à cause, dit-on, de la disparition des mangroves inondées et de la surexploitation des zones poissonneuses. Contraints de pêcher pour ne pas mourir de faim, les pêcheurs sont conscients de n’avoir pas toujours respecté les lois établies pour assurer la reproduction du poisson. Le déversement massif de terres rouges, entraîné par l’exploitation abusive des gisements de pierres précieuses dans la région de Paîlin, prive d’oxygène les poissons du Stoeung Sangker et compromet toute vie aquatique dans la rivière et dans certains secteurs du Tonlé Sap.

Beaucoup de ruraux ne mangent plus que du riz avec un peu de sel, ce qui est une cause d’hypertension. Cette malnutrition entraîne une mortalité importante : un président de communauté chrétienne âgé d’une cinquantaine d’années vient d’en mourir. La plupart des villageois sont dans l’impossibilité de se soigner: ils n’ont pas d’argent pour se rendre à l’hôpital le plus proche ou, s’ils en ont, il n’est jamais suffisant en raison de la corruption massive qui règne dans le secteur des soins médicaux. Le paludisme et la fièvre hémorragique font des ravages, spécialement dans la population enfantine. Plusieurs enfants dont les parents participaient au synode sont morts de cette manière.

Un grand nombre de jeunes ne savent ni lire ni écrire car beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école parce que leurs parents sont trop pauvres. Ils sont employés à garder les animaux domestiques. Plusieurs, dépourvus d’habits, vivent nus durant de longues périodes.

Dans les campagnes proches de la frontière thaïlandaise, de nombreux jeunes vont travailler sur des chantiers en Thaïlande, notamment à Bangkok. Ils y vivent en clandestins et doivent donc soudoyer des policiers pour pouvoir rester dans le pays. Sans aucune défense, ils sont sous-payés par rapport à la main d’oeuvre thaïlandaise. Souvent, les employeurs leur retiennent un ou plusieurs mois de salaire pour les empêcher de repartir.

Les anciens réfugiés, aujourd’hui rapatriés, plus « fortunés » en général que les gens restés au pays, commencent également à connaître des conditions de vie difficiles. Ayant bénéficié des distributions de vivres du Haut-commissariat aux réfugiés pendant un an, certains sont arrivés au terme de cette aide. Un grand nombre de rapatriés sont sans terre, ou installés sur des terrains isolés et peu fertiles dont personne n’a voulu. Sans toit, ils logent généralement chez des parents ou des amis. ils sont souvent regardés avec méfiance par les gens restés au pays et leur insertion s’avère difficile. Ayant bénéficié d’un confort relatif dans les camps pendant de nombreuses années, ils ont perdu l’habitude de vivre dans la misère et sont revenus avec une mentalité d’assistés à qui tout semble dû.

Parmi les autres causes de la pauvreté, plusieurs des responsables laïcs signalent le manque de formation professionnelle, le manque d’imagination, l’absence de volonté de travailler. Ils signalent également le manque de solidarité, l’absence de relations même avec les voisins les plus proches. Selon eux, c’est l’effet d’un régime qui, jusque récemment, s’est appuyé sur la délation.

Le manque de petit capital privé empêche la relance de l’économie villageoise. Les plus « riches » (par exemple ceux qui reçoivent de l’argent de l’étranger) exploitent les plus pauvres en leur octroyant des prêts à des taux usuraires allant jusqu’à 30% par mois.