Eglises d'Asie

HONGKONG : UNE EGLISE-PONT POUR LA CHINE

Publié le 18/03/2010




Position privilégiée de l’Eglise de Hongkong

En raison de la situation unique de leur territoire, les catholiques de Hongkong se trouvent dans une position qui leur permet de faire pont entre l’Eglise du continent chinois et l’Eglise universelle. Après 1997, en accord avec la Loi fondamentale (1), le diocèse de Hongkong doit jouir de la même liberté qu’il connaît actuellement. Cela veut dire qu’il pourra à l’avenir jouer indéfiniment son rôle de lien. Le diocèse de Hongkong a déjà apporté une aide importante aux Eglises-soeurs de l’autre côté de la frontière.

La réforme liturgique en Chine

Le 5ème congrès national des représentants des catholiques chinois, en septembre 1992 (2) a décidé de mettre rapidement en route une réforme liturgique. Dans toutes les églises, la messe sera célébrée en chinois. Le P. Thomas Lau, directeur de la commission liturgique du diocèse de Hongkong, a été invité à donner en Chine des conférences sur les réformes liturgiques. Il a de plus aidé le diocèse de Shanghai à publier 200 000 exemplaires du missel chinois. Celui-ci doit être utilisé à travers tout le pays. Ces missels, mis à part quelques changements peu importants, sont exactement semblables à ceux publiés à Taiwan et à Hongkong. Les autorités ecclésiastiques des trois unités géographiques (3) les ont vérifiés et ont pu faire les corrections appropriées. On a simplement apposé la mention « avec l’approbation ecclésiastiqueafin de ménager certaines susceptibilités.

La Bible imprimée en Chine

Par ailleurs, avec la permission du gouvernement, l’Eglise officielle de Pékin vient de publier 50 000 exemplaires de la « Bible chinoise franciscaine » en caractères simplifiés (4). Le P. Marcus Chen, directeur du « Studium biblicum » de Hongkong a servi d’intermédiaire et a donné son approbation. Lorsque les réserves de papier auront été refaites, 150 000 nouveaux exemplaires seront imprimés. Ces bibles seront mises à la disposition des catholiques dans tout le pays. A part quelques différences mineures, elles sont exactement semblables à celles publiées en dehors de la Chine. Le texte a lui aussi été révisé par les responsables du « Studium biblicum ». Cette version comporte les deux mentions officielles suivantes: « avec l’approbation de la conférence des évêques de Chine » et « officiellement révisé par le Studium biblicum de HongkongCette dernière mention a été imprimée immédiatement à la suite de l’introduction, pour montrer que le texte est exact(5).

Les séminaires « officiels » et « clandestins »

D’après leur situation, il faut diviser les séminaires de Chine en deux catégories: les séminaires « du silence » et les séminaires « officiels ». Les séminaires « du silence » ont été ouverts au début des années 80, avant les autres. Ils doivent leur existence à Mgr Fan Xueyan, évêque de Baoding, dans la province du Hebei. Ce dernier est considéré comme le fondateur de l' »Eglise souterraine ». Mgr Fan fut libéré de prison en 1979. Il se préoccupa immédiatement du problème de la formation des prêtres. C’est la raison pour laquelle ces « séminaires du silence » se sont développés. Ils n’ont pas de locaux fixes. Leurs cours ne sont pas organisés selon un programme déterminé. La durée des études varie entre deux ou trois ans et cinq ou six ans. Ils ne sont pas autorisés par le gouvernement et risquent en permanence de voir leurs portes fermées et leur personnel enseignant arrêté. Certains estiment qu’ils auraient formé quelque 400 prêtres. Ces séminaires, comme d’ailleurs toutes les activités de l’Eglise souterraine, sont étroitement surveillés par les services de sécurité. Il faut dire qu’en Chine, les services de sécurité contrôlent tout et tout le monde. Cependant, de nos jours, en raison de la nouvelle ouverture politico-économique, les catholiques de Taiwan et de Hongkong peuvent, de façon relativement facile, entrer en contact avec ces séminaires non officiels. Et cela sans que les services de sécurité interviennent. Naturellement, on reste très discret.

Nous appelons « officiels » les séminaires qui sont reconnus par le gouvernement. Le premier, ouvert en 1982, a été le séminaire de Sheshan, à Shanghai. On compte actuellement 24 séminaires « officiels », avec près d’un millier de séminaristes. D’après la manière dont ils ont été fondés, on peut les classer en quatre catégories : les séminaires nationaux, régionaux, provinciaux, diocésains. La plupart de ces institutions suivent un programme de formation et de recrutement préconciliaire. Jusqu’à présent, ils ont formé à peu près 500 jeunes prêtres. En 1989, Sheshan a, pour la première fois en Chine, obtenu du gouvernement la permission d’inviter des professeurs de l’extérieur. Le 5ème congrès national des représentants des catholiques chinois a décidé d’étendre cette autorisation à tous les séminaires. Ils pourront désormais inviter des professeurs de l’étranger, à condition d’en avoir obtenu la permission préalable du gouvernement. Les professeurs étrangers ne peuvent être plus de deux ensemble, dans un même séminaire. Le séminaire national de Pékin est en rapport direct avec des organisations pouvant recruter et fournir des professeurs. Par ailleurs, les séminaristes de Wuhan, Xian, Chengdu, Shenyan, Shijiazhuang et Fuzhou sont en relation avec le séminaire du Saint-Esprit de Hongkong et espèrent en recevoir des professeurs. Ils lui ont demandé de servir d’intermédiaire en cette affaire. La soeur Goretti Lau, doyenne du département de théologie, a été chargée de ce travail.

Les professeurs qui, depuis 1989, sont allés enseigner dans les séminaires, ont pu, à l’occasion, donner des conférences et même de véritables cours dans les couvents de religieuses. Récemment, le diocèse de Shanghai a obtenu du gouvernement la permission d’inviter formellement des professeurs de l’extérieur à donner des cours aux soeurs.

Une atmosphère générale plus détendue

L’atmosphère générale est plus détendue : des prêtres, des séminaristes, des religieuses, des dirigeants laïcs ont pu voyager hors de Chine. Le nombre des personnes autorisées à voyager à l’étranger s’accroît peu à peu. Nous avons eu la preuve de cette détente lorsque cinq jeunes prêtres de Shenyang, dans la province de Jilin, ont pu, pendant 12 jours, visiter Hongkong, Kuala Lumpur et Singapour. L’été dernier, un prêtre de Maryknoll, le P. Lawrence Flynn, a accompagné 14 prêtres, séminaristes et religieuses des Etats-Unis, pour des cours. Pendant le mois d’août 1993, 13 professeurs de séminaires sont venus (de Chine continentale) à Hongkong pour un cours de théologie d’un mois. Ils avaient été invités par l’Institut catholique pour la religion et la société. Par ailleurs, il est devenu plus facile d’envoyer de la littérature religieuse par la poste et les colis parviennent plus souvent à destination. Le Centre d’études du Saint-Esprit a reçu de nombreuses demandes de la part des évêques chinois. Ces derniers réclament de l’aide pour la formation des prêtres et religieuses, ainsi qu’une assistance financière en vue de construire couvents et églises, d’acheter livres et autres outils de formation. Heureusement, Hongkong n’est pas seul. De nombreuses Eglises et agences catholiques en Europe apportent leur généreuse contribution aux Eglises de Chine. Il faut faire mention spéciale de deux agences allemandes: « Missio » d’Aix-la-Chapelle et « Misereor ». Le gouvernement ne s’oppose pas à ces demandes. Au contraire, il les encourage activement, car il les considère comme des contributions au progrès économique.

De plus en plus de voyages en Chine des catholiques de Hongkong

En raison de la nouvelle politique d’ouverture, les catholiques de Hongkong organisent de plus en plus de voyages en Chine. Ils visitent les églises et les lieux de pèlerinage célèbres. Certaines paroisses forment des groupes de chrétiens qui s’intéressent à l’Eglise de Chine. Ceci dans le but de garder des relation avec les frères et les soeurs du continent. Ils leur offrent leur aide matérielle et spirituelle. En retour, ils acquièrent une connaissance approfondie de leurs frères chinois.

La conception religieuse du régime n’a pas fondamentalement changé

Lorsque les occidentaux disent de quelqu’un qu’il a été « arrêté », ils veulent habituellement dire que cette personne a été jetée en prison, coupée de tout contact avec l’extérieur. Il existe en Chine au moins quatre degrés d’emprisonnement: l’emprisonnement proprement dit; le camp de travail; la résidence surveillée; l’obligation, imposée par le gouvernement d’émigrer (vers une autre partie du pays) ou de participer à des réunions d’endoctrinement. Au cours des derniers mois, plusieurs évêques souterrains ont été libérés de prison. Leur élargissement doit beaucoup à un homme d’affaires américain résidant à Hongkong, M. John Kamm. Les évêques en question étaient: Mgr Yang Libo, de Langzhou (Gansu); Mgr Xie Shiguang évêque de Mindong (Fujian) – (deux prêtres du même diocèse ont été libérés: les PP. Zheng Zhongxing et Zhu Hezhuan); Mgr Liu Guandong, de Yixian (Hebei); le vicaire général, le P. Wu Yijun, de Wenzhou (Zhejiang), le P. Jin Dechen, de Nanyang (Henan) et Mgr Wang Milu, évêque de Tianshui (Gansu). Ces anciens prisonniers ne peuvent sortir de chez eux et ils doivent de temps en temps se présenter aux services de sécurité. Il n’y a pas eu vraiment d’évolution dans la manière dont les communistes contrôlent l’Eglise. On peut cependant percevoir quelques éléments positifs qui permettent d’espérer une ouverture progressive, en attendant un véritable changement d’attitude à l’égard des catholiques.

Que va-t-il se passer en 1997 ?

Que va-t-il se passer en 1997? Comment nous y préparer? Beaucoup se posent la question. Hongkong sera-t-il le même? Il semble y avoir quatre différentes opinions à ce sujet.

La première est très optimiste. On pense que le communisme a cessé d’exister dans le monde. En certains endroits, il a disparu peu à peu, en particulier en Europe de l’Est. Nous n’aurons donc pas à subir un gouvernement communiste. Le communisme se sera effondré d’ici là.

La seconde opinion est assez proche de la première. On pense que Hongkong restera plus ou moins ce qu’il est maintenant. Changer le système prévalent à Hongkong nuirait au développement de la Chine continentale et affecterait les espoirs de réunification avec Taiwan. Changer Hongkong ferait naître la peur à Taiwan et l’unification n’en deviendrait que plus difficile.

La troisième opinion est moins optimiste. Hongkong ne jouira plus de la position spéciale qui est la sienne actuellement. Il ne sera plus que l’une des villes importantes du sud de la Chine.

Quant à la quatrième opinion, elle est carrément pessimiste. La corruption, le népotisme, le contrôle du Parti sur le système judiciaire, tout cela aura une profonde influence sur Hongkong. Le Territoire ne fonctionnera plus aussi bien.

Personnellement, je ne pense pas que la première opinion soit réaliste, pour cette raison que la plupart des Chinois sont peu éduqués et qu’ils se contentent facilement de satisfaire leur besoins matériels élémentaires.

Je ne pense pas non plus que la dernière façon de voir se réalise : les raisons avancées pour la deuxième opinion seraient en ce cas valides. Cette solution ne serait pas bonne pour la Chine et elle ferait fuir Taiwan. Il faut se rappeler que Hongkong possède une tradition juridique et une expérience certaine en ce domaine.

Pour ma part, je préfère la seconde ou la troisième opinion. Espérons le meilleur, mais préparons-nous au pire. Après le 14ème congrès du Parti tenu cette année, nous avons assisté à un renforcement du système du marché. Ce qui devrait apporter à la Chine une certaine prospérité. Certains, de l’extérieur, pensent que la Chine se limitera aux réformes économiques et que rien ne va se passer dans le domaine politique. Mais le développement économique ne peut réussir sans une réforme politique.

En fait, je pense que la Chine a déjà réalisé des changements dans le domaine politique, même s’ils n’ont pas été aussi profonds qu’on aurait pu l’espérer. Deng Xiaoping a imposé une limite d’âge aux fonctionnaires du gouvernement; il a essayé de mettre sur la touche certains cadres qui s’étaient montrés incapables de tenir leur poste. Désormais, on impose des examens d’entrée dans les universités et les fonctionnaires doivent, s’ils veulent monter en grade, posséder des qualifications universitaires. Deng Xiaoping a aussi essayé d’imposer une séparation entre l’organisation du Parti et l’administration gouvernementale.

Beaucoup de problèmes restent à résoudre, en particulier parce que les fondateurs du gouvernement, ceux de la première génération, sont encore vivants. Ce sont des gens qui mettent leur confiance dans les fusils. Ils croient en une direction forte, charismatique. Ils tiennent ferme à l’idéologie. Ils ne sont pas pressés de mourir. Ces gens-là peuvent exercer une influence certaine sur l’avenir de Hongkong après 1997.

Je pense qu’après 1997, le gouvernement chinois n’accordera pas aux Eglises chrétiennes la confiance que le gouvernement britannique leur montre. Ils écouteront sans doute les réclamations des autres religions, qui demanderont les mêmes privilèges et la même confiance dont les Eglises chrétiennes jouissent de la part du gouvernement britannique. Le gouvernement chinois regarde toutes les religions comme des instruments devant servir à alléger les problèmes créés par le système. Les communistes ont récemment publié un livre sur Hongkong. Ils y disent que le système de Hongkong est le système capitaliste. Que beaucoup de gens sont riches, mais qu’il y reste aussi de nombreux pauvres. Il faudrait que les religions sachent inculquer à leurs fidèles le souci des pauvres. C’est à cela que les religions doivent servir.

Au cours de mes rencontres avec des officiels chinois, j’ai reçu l’assurance que l’Eglise catholique de Hongkong pourra maintenir ses contacts avec Rome. Elle pourra poursuivre ses activités religieuses et sociales, y compris gérer ses écoles. Caritas pourra continuer son travail. Cependant, il faut bien nous attendre à ce que notre liberté soit restreinte. Toute critique à l’égard du gouvernement ou du Parti amènera des difficultés. Je pense pourtant que l’Eglise pourra continuer à tenir sa place dans la société et à remplir sa mission. Si cette mission ne l’amène pas à une confrontation avec le gouvernement, l’Eglise pourra toujours évangéliser directement. Elle pourra aussi le faire de manière indirecte par intermédiaire de ses oeuvres sociales.

Afin de nous préparer aux défis de 1997, j’aimerais proposer à notre réflexion quelques suggestions concrètes.

1. Formons l’opinion publique à l’amour du peuple chinois.

2. Travaillons à réaliser l’unité entre le diocèse et les sociétés ou instituts missionnaires, ainsi qu’à l’intérieur de ces divers groupes, par un dialogue franc.

3.Etudions attentivement les textes de la Loi fondamentale au sujet des croyances, des organisations et activités religieuses. Faisons connaître ces textes.

4. Mettons au point des méthodes d’évangélisation ou de témoignage qui non seulement s’accordent avec les principes catholiques, mais qui soient aussi en harmonie avec la situation qui sera la nôtre à l’avenir. Mettons ces moyens en oeuvre de manière positive, mais en observant une certaine prudence.

ANNEXE

Les articles de la Loi fondamentale

Sur les croyances, les organisations et les activités religieuses

Article 137 : Les institutions d’éducation, quelles qu’elles soient, peuvent garder leur autonomie et jouir de la liberté d’enseignement. Elles peuvent continuer à recruter du personnel enseignant et à faire venir du matériel pédagogique de l’extérieur de la Région administrative spéciale de Hongkong. Les écoles dirigées par des organisations religieuses peuvent continuer à donner une éducation religieuse, y compris par des cours de religion.

Les élèves peuvent choisir librement leur institution. Ils sont libres d’aller pousuivre leurs études.

Article 141 : Le gouvernement de la Région administrative spéciale ne peut restreindre la liberté de croyance religieuse, ni s’intégrer dans les affaires des organisations religieuses ou restreindre les activités religieuses qui ne sont pas contraires à la loi de la Région.

Les organisations religieuses, en accord avec la loi, ont le droit d’acquérir, d’utiliser, de vendre, d’hériter des biens; elles ont le droit de recevoir de l’aide financière. Les droits fonciers et les intérêts déjà acquis sont maintenus et protégés.

Les organisations religieuses peuvent, comme par le passé, continuer de gérer séminaires et autres écoles, hôpitaux et oeuvres d’aide sociale et rendre service sur le plan social.

Les organisations religieuses et les croyants de la Région administrative spéciale peuvent maintenir et développer leurs relations avec les organisations religieuses et les croyants de l’extérieur.

Article 148 : Les relations entre les organisations non gouvernementales de la Région administrative spéciale avec leurs contreparties en Chine continentale, dans des domaines comme l’éducation, la science, la technologie, la culture, l’art, les sports, les activités professionnelles, la médecine et la santé, le travail, l’aide sociale et le travail social, ainsi que les organisations religieuses : ces relations sont fondées sur les principes de non-subordination, non-ingérence et de respect mutuel.