Eglises d'Asie

ABUS DE POUVOIRA propos du nouveau projet de loi sur le contrôle des naissances

Publié le 18/03/2010




L’une des marques d’un régime totalitaire est sa conviction de posséder le droit absolu de diriger la vie des citoyens d’une manière qu’aucune société libérale ne pourrait même envisager. Mais même par comparaison aux autres gouvernements autoritaires, l’entrée soudaine de la Chine dans le domaine de l’eugénisme est scandaleuse. Depuis les expériences des dictatures fascistes des années 1930-1940, aucun gouvernement n’avait osé aussi ouvertement se préparer à « se servir des moyens de la loi pour éviter de nouvelles naissances de qualité inférieure et améliorer le niveau de la population toute entièreselon les termes de l’agence Chine nouvelle.

Le plan gouvernemental sous forme d’un projet de loi sur l’eugénisme et la santé doit encore être approuvé par le comité exécutif du Congrès national du peuple. Mais qu’on puisse même préparer une telle loi indique à quel point on en est arrivé dans le manque de respect pour les droits de l’individu dans les cercles gouvernementaux chinois.

L’idée n’est pas seulement scandaleuse, elle est aussi inefficace. Toute justification éventuelle de cet abus de pouvoir, en termes de gains sociaux pratiques, est vouée à l’échec parce qu’il ne peut pas y avoir de gains significatifs.

Il est peut-être vrai, comme l’affirme froidement Chine nouvelle, qu’il y a dans le pays plus de dix millions de personnes handicapées « qui auraient pu être évitées » si les contrôles avaient été plus efficaces. Mais on peut se demander si les contrôles qui sont maintenant proposés seront plus efficaces pour « éviter » un tel nombre. Dans des millions de cas il est probable que les risques n’étaient pas connus à l’avance et que les parents n’étaient pas conscients des dangers. Les problèmes génétiques ne deviennent le plus souvent apparents qu’après la naissance d’un enfant.

Le plan ne peut se justifier non plus sous le prétexte qu’il n’y aurait pas d’alternative. Ceux qui souffrent de maladies curables auraient davantage bénéficié d’un meilleur système de santé et d’éducation, de programmes prénatals pour la santé de la mère et de l’enfant, que de chirugiens brandissant le bistouri. S’il y avait un choix possible entre l’espoir d’une guérison et la naissance d’un enfant malade, difforme et handicapé, il n’y aurait pas besoin de poser la question à beaucoup de femmes. Mais la réputation de la Chine de cacher des programmes de stérilisation sous des dehors de planning familial rend beaucoup de mères méfiantes quant aux intentions réelles des médecins officiels qu’on leur envoie pour les conseiller.

Les maladies incurables soulèvent des problèmes beaucoup plus sérieux. L’hépatite est endémique en Asie, mais pas toujours fatale. Tous les porteurs du virus ne développent pas la maladie, bien qu’une personne sur quatre soit atteinte du cancer du foie plus tard dans la vie. Même si le taux d’infection est élevé, tous les enfants dont les parents sont porteurs du virus n’en héritent pas forcément. Souvent le cycle peut être arrêté grâce à la vaccination du nouveau-né. Est-ce que tous les porteurs du virus de l’hépatite doivent être stérilisés et interdits de mariage ?

Il y a encore d’autres dangers. La connaissance scientifique de la génétique et des maladies héréditaires en est encore à ses débuts. A mesure que cette connaissance progresse il sera peut-être possible de détecter plus précisément la probabilité des anomalies. Mais un peu de science est aussi une chose dangereuse. Est-ce que les femmes dont les mères ont eu le cancer du sein par exemple doivent être stérilisées parce qu’elles pourraient être génétiquement prédisposées à la maladie et pourraient la transmettre à leurs filles ? Conseiller est une chose, contraindre en est une autre.

Et où s’arrête le contrôle ? Des voyageurs ont constaté une augmentation des anomalies chez les nouveau-nés dans le voisinage du site d’essais nucléaires du désert de Lop Nor. Est-ce que cela veut dire que tout le monde dans la région risque de devoir se faire stériliser ? Et dans ces endroits isolés où l’endogamie provoque un taux élevé d’anomalies de naissance, est-ce que des villages entiers devront subir le même sort parce qu’il se trouve que leurs habitants portent le même nom de famille ?

Cette nouvelle politique va enrager ceux qui critiquent la situation des droits de l’homme en Chine. Déjà la politique de l’enfant unique est sévèrement condamnée dans les milieux internationaux comme une violation des droits de l’homme. Des groupes internationaux remettent aujourd’hui en question l’aide accordée aux programmes de planning familial en Chine parce qu’ils ont peur que l’argent soit utilisé à des programmes de stérilisation forcée. Au début du mois de décembre, un rapport a présenté la condamnation à mort de fonctionnaires d’hôpitaux qui avaient aidé des femmes à échapper à la stérilisation obligatoire comme un succès de la campagne anti-corruption. Cela démontre aussi la profondeur du ressentiment populaire contre l’application de la politique de l’enfant unique.

Le projet de loi insiste sur le fait que ce sont des fonctionnaires formés et des organisations approuvées qui doivent s’occuper de la stérilisation et des visites médicales prémaritales. On peut avoir peur que ces fonctionnaires soient mis dans des situations où ils peuvent abuser de leur pouvoir pour des raisons politiques ou à leur profit personnel.

La Chine peut difficilement se permettre de livrer encore une autre bataille des droits de l’homme qui pourrait être évitée. Que ce soit au Congrès des Etats-Unis ou dans les organisations internationales d’aide au développement et au planning familial, l’inquiétude grandit sur la manière dont la Chine traite ses citoyens. De telles manifestations d’inhumanité sont la dernière chose dont la Chine et le peuple chinois ont besoin pour leur image.