Eglises d'Asie

La présence massive des employées de maison philippines ne facilite pas leurs relations avec une partie de la population de Hongkong

Publié le 18/03/2010




Les relations entre les 60 000 Filipinas qui travaillent à Hongkong comme employées de maison et la majorité chinoise du territoire ne sont pas toujours très cordiales, sans qu’on puisse toujours démêler entre injustice sociale et incompréhension culturelle.

Depuis plusieurs mois, aux entrées d’un complexe immobilier de Tregunter Road dans le quartier luxueux des “Mid-Levels”, une affiche qui voisinait avec le panneau d’interdiction des chiens défendait aux employées filipinas d’utiliser les ascenseurs des locataires. Elles devaient se contenter des ascenseurs de service. Les employées protestèrent. A la suite d’articles de la presse de Hongkong et d’une plainte déposée auprès du gouvernement du territoire par le consulat général des Philippines, l’affiche a disparu. Mais les locataires ont pris la relève de la société de gérance et une autre affiche apposée le 4 décembre dans les ascenseurs disait à leurs employées : “Cessez de nous déranger ! Vous devez prendre l’ascenseur de service, c’est votre place. Si cela ne vous plaît pas, retournez chez vous. Ne l’oubliez pas : vous travaillez ici comme servantes. Signé: un groupe de locataires très en colère”.

L’incident se situe dans le contexte de la présence massive à Hongkong des employées étrangères. Originaires des Philippines, de Thaïlande, du Sri Lanka ou de l’Inde, elles ont droit, de par la loi, à un jour de repos par semaine. Les Filipinas se rassemblent chaque dimanche sur la place “Statue Square”, à côté du Conseil législatif, et dans un jardin attenant. Elles sont au moins vingt mille, venues rencontrer pour quelques heures parentes, amies, compatriotes. Elles pique-niquent, jouent, lisent, font de la correspondance ou encore prient, la Bible à la main. La rumeur devient assourdissante. Les poubelles débordent. Autour de la place, les marchands d’articles de luxe, bloqués par cette foule derrière leurs vitrines, s’affligent de n’en voir venir aucune cliente. Pendant plusieurs mois, une violente campagne de presse a été menée contre la présence des Filipinas dans le quartier le dimanche. Des banderoles d’interdiction ont été placées aux abords de certains immeubles.

Le problème est que ces employées de maison n’ont pas d’endroit où se retrouver. Rien n’est prévu pour les accueillir les jours de congé. Dans une lettre à l’éditeur d’un journal de langue anglaise, un lecteur a proposé que chaque week-end, un parking souterrain soit vidé et mis à leur disposition.

Un membre de la commission diocésaine de pastorale des Philippins s’est indigné de la campagne de presse : “C’est un racisme indigne. On traite les Filipinas comme si elles appartenaient à une race inférieure”. Le P. John Tong, vicaire général et président de la même commission, est plus nuancé : “On peut, dit-il, considérer ces incidents d’une manière plus ou moins positive ou négative. Dans l’affaire des ascenseurs, la première affiche était rédigée en chinois en même temps qu’en tagalog (3), elle ne s’adressait donc pas exclusivement aux Filipinas. Et c’est bien l’usage de faire passer par l’escalier de service les gens qui viennent là pour travailler. De plus, quand les Philippines se déplacent en bande, il arrive que les locataires de l’immeuble ne trouvent plus de place dans l’ascenseur. Peut-on dire que la société de gérance fait preuve de discrimination ? Il reste que l’affaire est extrêmement délicate, parce que les sensibilités sont à fleur de peau. Une plus grande prudence aurait été de mise. Et le ton de la deuxième affiche est inacceptable. On ne peut pas dire aux gens de rentrer chez eux s’ils ne sont pas contents”.