Eglises d'Asie

La presse et les organisations non gouvernementales contrôlées plus strictement au nom de l’état d’urgence

Publié le 18/03/2010




L’opinion se demande si des préoccupations électorales n’ont pas inspiré les mesures que le gouvernement vient de prendre dans le cadre de la loi d’état d’urgence à l’égard de la liberté d’expression et des organisations non gouvernementales.

Le président D.S. Wijetunga a promulgué le 20 décembre 1993 deux amendements à la législation d’état d’urgence déjà en vigueur. Le premier qualifie de sédition l’encouragement à “la haine ou le mépris” à l’égard du président, du gouvernement, de la constitution ou de l’administration de la justice, ou entre les différentes races, catégories sociales ou groupes du pays, que ce soit par des discours, des écrits ou des images. Les peines prévues vont jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. Le deuxième amendement instaure un contrôle plus strict des organisations non gouvernementales, de leurs finances et de leurs activités.

Les partis d’opposition voient un rapport entre cette mesure et l’annonce de la prochaine élection présidentielle vers la fin de 1994, que suivront en principe les élections au parlement.

Le Parti national uni, qui est au pouvoir, a subi un grave revers aux élections de 1993 en perdant le contrôle de la province de l’ouest où se trouve Colombo. Son intérêt est d’empêcher l’expression des mécontentements contre l’augmentation des dépenses de guerre et du coût de la vie, l’aggravation du chômage, le marasme social et économique.

Le gouvernement s’inquiète aussi de voir la trentaine de journaux hebdomadaires et bihebdomadaires de la presse d’opposition qui paraissent dans la région de Colombo, mettre en lumière des questions comme la guerre ethnique, l’agitation de la jeunesse, le chômage, les violations des droits de l’homme, la pauvreté… Ils touchent plus de six cent mille lecteurs qui vivent ou travaillent à Colombo. Des sources proches des milieux officiels ont déclaré que le gouvernement impute à l’influence de la presse d’opposition la perte de plus de cent mille voix dans les élections au conseil provincial de 1993. Il aurait été très irrité par les comptes rendus des combats contre les rebelles tamouls dans le nord et dans l’est, qui ont infligé en novembre aux forces gouvernementales les plus lourdes pertes qu’elles aient essuyées en dix années de conflit.

Ce sont aussi des préoccupations électorales qui pourraient avoir motivé un contrôle plus strict des organisations non gouvernementales. Les critiques portent moins sur le contenu des mesures prises que sur leur modalité, par voie d’ordonnance, alors que la procédure législative normale aurait pu aboutir au même résultat. Selon des sources gouvernementales, les associations cinghalaises et le clergé bouddhiste du sud ont accusé des organisations non gouvernementales d’avoir détourné des aides financières extérieures au profit des rebelles tamouls. Des dignitaires bouddhistes de haut rang auraient également affirmé que la plupart des organisations non gouvernementales sont chrétiennes et travaillent, sous couvert de programmes d’assistance, à convertir les bouddhistes réduits à la misère (10). La nouvelle réglementation imposée aux organisations non gouvernementales serait pour le gouvernement un moyen de répondre sans retard aux groupes cinghalais et bouddhistes du sud, forces politiques puissantes à ménager dans la perspective des élections.