Eglises d'Asie – Chine
L’ENSEIGNEMENT DANS UN REGIME SOCIALISTE A ECONOMIE DE MARCHE
Publié le 18/03/2010
Si l’argent n’est pas une panacée pour résoudre les problèmes de l’enseignement en Chine, il est à l’origine de bien des maux et son absence explique beaucoup de nouvelles initiatives. D’une part, en effet, les fonds affectés à l’enseignement sont parfois détournés vers d’autres usages, les dépenses irrégulièrement engagées sont si fréquentes que beaucoup de parents ne sont plus en mesure d’envoyer leurs enfants à l’école. D’autre part, faute de soutien gouvernemental, des écoles doivent créer et gérer des magasins et des usines pour s’autofinancer et certains poussent l’audace jusqu’à ouvrir pour cela des écoles privées. Les effets de ces solutions nouvelles restent aujourd’hui matière à débats.
Le problème de l’argent est aussi l’une des préoccupations principales des enseignants. Le peu qu’ils gagnent leur impose une vie spartiate. Beaucoup n’ont pas été payés depuis plusieurs mois. Pour essayer d’améliorer leur sort, il leur faut suivre le courant de l’économie socialiste de marché : ou bien quitter leur poste et « plonger dans la mer des affairesou bien trouver une occupation d’appoint. Les gens qui s’inquiètent des effets fâcheux de telles solutions sur la qualité de l’enseignement n’ont rien à suggérer aux enseignants pour améliorer leur sort.
STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT
ET PLANS
En février 1993, Li Tieying, conseiller d’Etat et alors président de la commission de l’enseignement public, a saisi l’occasion de la publication du « Schéma d’une réforme et d’un développement de l’enseignement en Chine » pour formuler des critiques. Il a déploré qu’en dépit de la fréquente insistance de Deng Xiaoping et d’autres dirigeants du Parti sur le caractère stratégique de l’enseignement, des fonctionnaires le négligent encore et restent prisonniers de l’idée fausse que l’enseignement qui coûte de l’argent et de la peine ne rapporte rien. Il a également critiqué ceux qui estiment que l’enseignement est désormais suffisamment développé et doit céder le pas à d’autres projets. Au nom de cette opinion, des fonds destinés à l’enseignement ont été détournés vers d’autres emplois (2). En quelques phrases, Li Tieying mettait ainsi le doigt sur le problème de l’enseignement en Chine. Mais lui qui distribuait le blâme sur ses « camarades » ne pouvait esquiver sa responsabilité de président de la commission de l’enseignement public. On l’a bien vu lors de l’élection des conseillers d’Etat en mars 1993. C’est lui qui a obtenu le moins de voix (2 037) et qui rencontra l’opposition la plus forte (722 voix contre) (3). Aujourd’hui le « Schéma » reste le plan de la réforme longtemps attendue de l’enseignement et l’on espère que le nouveau président de la commission de l’enseignement public, Zhu Kaixuan, réussira là où son prédécesseur a échoué.
La direction de l’enseignement scolaire
Le « Schéma de réforme » a fixé deux objectifs à l’enseignement scolaire primaire et secondaire.
Premièrement, le principe des neuf années d’instruction obligatoire, qui comprend la formation professionnelle et technique dans le premier cycle du secondaire, doit devenir la règle à l’échelle nationale, tandis que le deuxième cycle du secondaire doit être généralisé dans les grandes municipalités urbaines et dans les régions côtières économiquement développées.
Deuxièmement, le nombre des élèves admis dans les écoles professionnelles et techniques du second cycle du secondaire doit être augmenté de façon significative. Les élèves qui ont parcouru les deux cycles du secondaire sans pouvoir accéder aux études supérieures doivent recevoir la formation professionnelle et technique plus ou moins longue qui les rendra aptes à leurs futurs emplois (4).
Pour atteindre ces objectifs, le « Schéma » a précisé diverses réformes de l’enseignement. Le gouvernement central, conscient de ses limites sur le plan financier, a suggéré de remplacer l’ancien système de dépendance complète à l’égard des ressources officielles par un système nouveau à établir graduellement : des écoles gérées par le gouvernement et des écoles dirigées par des organisations sociales. Actuellement, bien que les autorités locales soient principalement responsables de l’enseignement de base (écoles primaires et premier cycle du secondaire), le « Schéma de réforme » offre d’ores et déjà « encouragement et soutien » aux organisations sociales et aux personnes physiques qui gèrent des écoles sous « la conduite » et avec l’appui administratif renforcé du gouvernement au niveau approprié. En 1991, sur les 713 millions de yuan consacrés à l’enseignement, 331 millions provenaient de sources non officielles. Le projet Espoir est un programme de grande envergure basé sur des ressources internes non officielles et sur des ressources extérieures pour le développement de l’enseignement. Son accueil à l’intérieur n’a toutefois pas été très enthousiaste. Au milieu de 1992, plus de la moitié des dons pour le projet Espoir (50 millions de yuan) provenaient d’outre-mer (5).
Pourquoi le projet Espoir ?
Le gouvernement chinois a beau se vanter d’avoir abaissé la proportion des illettrés de 80 pour cent au début des années 50 à 15,88 pour cent en 1990, et de procurer l’instruction à près de 98 pour cent des enfants, c’est un fait criant que plus d’un million d’écoliers du primaire abandonnent chaque année l’école pour cause de pauvreté. Selon l’institut statistique d’Etat, plus de 30 millions d’enfants de 6 à 14 ans n’ont jamais fréquenté l’école ou bien l’ont abandonnée, et 84 pour cent d’entre eux sont dans les régions rurales. Ceux qui fréquentent les écoles travaillent dans des locaux minables, avec des équipements obsolètes et inadéquats. En juin 1993, à Baoji, le toit d’une classe s’est effondré, un élève a été tué et cinq ont été blessés (6).
Telle était la situation quand la Fondation pour le développement de la jeunesse chinoise a été créée en mars 1989 sous l’égide du comité central de la ligue de la jeunesse communiste, de la fédération nationale des jeunes, de la fédération nationale des étudiants et de la commission nationale du travail des jeunes. Un an plus tard, la Fondation lança le projet Espoir. Grâce à des « contributions financières de la populationun fonds était constitué, en premier lieu pour aider les élèves des régions rurales pauvres incapables de suivre jusqu’au bout l’enseignement de base, puis pour aider les sujets prometteurs à finir leurs études secondaires voire à entreprendre des études supérieures. Le projet prévoyait aussi de créer éventuellement une école primaire dans chaque circonscription pauvre (7).
Trois années ont passé, pendant lesquelles le projet Espoir a aidé environ 320 000 élèves dans 648 circonscriptions pauvres à poursuivre leurs études. A la fin de mars 1993, 33 écoles primaires avaient été bâties avec ses fonds et 37 autres étaient en construction. Un deuxième volet du projet a permis à 200 000 autres élèves de retourner en classe au cours de l’année scolaire, ce qui portait le total des élèves aidés à plus de 500 000. D’autre part, mille élèves du secondaire et cent étudiants d’université ont reçu un soutien financier (8). Assurément, ces statistiques révèlent un certain progrès. Mais le projet Espoir est loin d’être un plein succès.
Une amélioration nécessaire
Ainsi que l’a expliqué le secrétaire général de la Fondation pour le développement de la jeunesse chinoise, Xu Yongguang, le projet Espoir a choisi la méthode du « financement populaire de l’instruction » pour compenser le « manque de ressources de l’EtatCe recours à des ressources non officielles n’a pas réussi à surmonter le problème de la répartition inégale de la richesse entre les provinces. La province du Sichuan, économiquement en retard, a été la première à établir une antenne de la Fondation en 1988 et à mettre en route le projet Espoir. De 1990 jusqu’au début de 1993, cette antenne du Sichuan a recueilli 5,5 millions de yuan, en incluant dans ce chiffre des dons reçus de la Fondation elle-même. Depuis 1991, le Yunnan n’a reçu que 1,58 million de yuan et le Guangxi n’a été en mesure de construire qu’une seule école primaire financée par le projet Espoir. En revanche, la province plus riche de Canton, qui n’a mis le projet en route qu’en 1992, a constitué un capital d’environ 16 millions de yuan, le plus important du pays, a construit au titre du projet Espoir six écoles primaires et entamé la construction de huit autres (9). Si les différences sont telles entre les provinces, comment le projet Espoir peut-il inverser la tendance et faire que les laissés-pour-compte de l’école ne soient pas concentrés dans les régions pauvres ? La question amène à s’interroger sur la gestion du projet Espoir, tant par la Fondation pour le développement de la jeunesse chinoise que par ses antennes locales, ainsi que sur les relations entre la Fondation et les instances gouvernementales, en particulier les services de l’enseignement. On perçoit mal de quelle autorité la Fondation dispose pour la répartition des fonds entre les provinces et si elle est en mesure d’en surveiller l’emploi quand ils sont transférés à des organes officiels.
En dépit de la publicité donnée au projet Espoir, on sait peu de choses sur la façon dont il est administré. Le public a seulement appris de l’organisme officiel d’audit que ses comptes sont corrects, que les donations locales sont « fondamentalement » utilisées telles qu’elles ont été stipulées et qu’aucune « irrégularité majeure » n’a été découverte. Cependant, le projet Espoir doit « se défendre contre des contrefaçonsDes collectes frauduleuses au nom de ce projet ont été signalées à Hainan et dans le Shansi. Ces incidents montrent que la gestion doit être améliorée. En juillet 1993, la Fondation a annoncé cinq mesures pour renforcer la gestion administrative, dont un réseau informatique national qui améliorera les circuits financiers et les mécanismes de contrôle social. Ainsi que l’a dit un chef adjoint de l’organisme d’audit, c’est une affaire de crédibilité : « Mieux les fonds sont gérés et employés, plus ils seront disponibles(10).
TOUJOURS UNE QUESTION D’ARGENT
Paradoxalement, si le développement économique de la dernière décennie a fait concevoir le projet Espoir, qui fait appel aux ressources de la communauté pour financer l’enseignement, c’est aussi le facteur économique qui est une des causes des difficultés actuelles. Dans la Chine rurale, le problème de l’enseignement n’a rien d’accidentel. L’écart croissant des niveaux de vie entre régions urbaines et rurales a déclenché la réapparition du travail des enfants et maintenant celui des « marchands d’enfantsCes enfants sont contraints de quitter l’école parce que leurs parents n’ont pas les moyens de supporter certaines dépenses ou simplement veulent gagner de l’argent. Les piètres moyens de transport dans les régions de montagnes ont aggravé les choses, ainsi que la tradition qui veut qu’« on se soucie de ses garçons mais qu’on néglige ses fillesDans une circonscription du Hunan, 3050 des 45 759 élèves du primaire et du premier cycle secondaire ont arrêté leurs études au cours de la dernière année scolaire, ce qui fait un taux moyen des abandons de 6,7 pour cent. Mais le taux a atteint 40 pour cent dans certaines écoles. Une enquête a montré que dans une circonscription rurale du Guangxi, 102 seulement des 1082 écoliers sont allés jusqu’au bout des études primaires.
Charges anormales
Il peut sembler étrange que des parents n’encouragent pas leurs enfants à aller à l’école puisqu’en théorie l’enseignement primaire et celui du premier cycle secondaire sont gratuits. L’une des principales raisons est que ces établissements sont autorisés par le gouvernement central à se faire payer diverses charges. Le montant de ces charges est fixé par les autorités provinciales de l’enseignement, des finances et des prix, d’après le niveau de revenu des leurs administrés, et elles doivent être approuvées par le gouvernement local. Mais les règles sont souvent enfreintes. La pratique de réclamer des « charges irrégulièressi répandue dans la Chine rurale, sévit également dans les écoles et elle est devenue, selon la commission de l’enseignement public, une raison majeure qui fait partir des élèves des écoles secondaires du premier cycle. Dans certaines localités, les élèves doivent payer pour une quarantaine de postes de frais tels que : protection de l’environnement, contrôles sanitaires, activités culturelles rurales et même contrôle des naissances. En d’autres régions, ces irrégularités ont pris la forme plus subtile de « l’emprunt » aux parents. Dans l’enseignement secondaire du second cycle, qui n’entre pas dans le plan d’enseignement public obligatoire, la situation est encore pire. Dans le district de Jize (Hebei), les frais scolaires sont passés de 65 à 80 yuan et les frais divers de 20 yuan à 50. Dans l’école secondaire n°1 du district un tiers des élèves du niveau un ont quitté l’école et ceux du niveau trois ont refusé de payer les frais (12).
En théorie, les gouvernements locaux sont supposés rectifier ces tendances, mais ils ne le font pas toujours. On demande aux écoles de se faire régler des charges pour le compte de services officiels et il arrive qu’en qualité d’agents du gouvernement local, elles obligent leurs élèves à lui acheter leurs manuels afin d’augmenter ses revenus. En d’autres cas, les frais extraordinaires sont simplement pour l’école un ultime expédient. En outre, l’apport financier du gouvernement local est insuffisant et n’est pas toujours fourni comme prévu. Bien que le Projet demande aux pouvoirs locaux d’augmenter leurs dépenses d’enseignement à au moins 15 pour cent de leurs dépenses totales de la période du huitième plan quinquennal, jusqu’à présent rien n’indique que cette politique ait été appliquée (13). A moins que les écoles puissent trouver d’autres ressources, le problème de leurs « charges irrégulières » demeurera.
Une nouvelle source de financement : les entreprises d’établissements scolaires
Une autre méthode de recueillir de l’argent, c’est de faire des affaires. A des échelles variées et sous bien des formes, plus de 20 000 entreprises ont été créées dans un millier d’écoles post-secondaires, et dans le million d’écoles primaires et secondaires du pays, plus de 80 pour cent ont leur propre entreprise. Leurs produits vont des boissons et des cosmétiques aux pièces détachées pour navires de guerre. Mais le but de ces entreprises est clair : gagner de l’argent. Un mode nouveau d’enseigner – « intégrer l’école et l’entreprise, financer l’école par l’usine » – est devenu un moyen financier essentiel pour développer l’enseignement et élever le niveau de vie des enseignants. Depuis 1991, ces entreprises d’établissements scolaires ont fourni quelque cinq milliards de yuan à l’enseignement de base (14).
En dépit de leur importance financière, ces entreprises d’écoles ont touché le point sensible des droits de propriété dans le système économique de la Chine. Actuellement, dans les entreprises d’établissements scolaires, environ vingt pour cent du personnel vient de ces établissements, le reste du personnel est recruté à l’extérieur. Dès que l’affaire prospère, des conflits d’intérêts éclatent. L’école se considère comme propriétaire de l’entreprise et revendique le droit de distribuer les bénéfices et de rémunérer son personnel. De leur côté, les employés de l’entreprise la voient comme une entité indépendante et autonome, qui peut décider elle-même de la répartition de ses profits. En fait, distribuer ses bénéfices ne va pas sans péril pour l’entreprise d’établissement scolaire. Car étant conçue pour financer son enseignement, elle est exemptée de l’impôt de 33 pour cent sur les bénéfices à condition de reverser 40 pour cent de ses profits à l’activité scolaire. Mais comme la direction de l’école doit payer pour le logement des employés de l’entreprise et pour certains de leurs avantages sociaux, il reste peu d’argent pour doter l’entreprise de réserves. En outre, à cause des bas salaires, l’effectif de l’entreprise se renouvelle très vite. Autant de questions qui montrent à peine la partie émergée de l’iceberg qu’est la gestion d’une entreprise par une école. Comme l’a écrit l’auteur d’un article , il est nécessaire que le gouvernement donne des directives claires et une réglementation (15). La presse chinoise qui met l’accent sur le rôle financier de ces affaires gérées par les établissements scolaires ne dit pas grand-chose de leurs effets sur la qualité de l’enseignement, sur le moral des professeurs sur la capacité des élèves à se concentrer sur leurs études.
Ecoles privées
Certains responsables de l’enseignement ont trouvé une autre méthode pour résoudre le problème de l’insuffisance des ressources de l’Etat. Ils ont choisi de ressusciter un modèle ancien d’entreprise, disparu en Chine depuis quarante ans, l’école privée. Au début de 1993, 17 universités, 54 écoles secondaires et 655 écoles primaires ont été enregistrées comme établissements privés à plein temps auprès de la direction de l’enseignement public. Ces établissements se sont multipliés à la suite du voyage d’inspection de Deng Xiaoping en Chine du sud en 1992 (16).
Selon un article (édition d’outre-mer), il y a, en dehors des écoles publiques, quatre types d’établissements scolaires : 1( l’école gérée par une organisation sociale, – 2( l’école que l’Etat dirige avec une assistance financière de groupes d’outremer, qui sont représentés au conseil d’administration de l’école, – 3( l’école dirigée par une organisation sociale avec le soutien de l’Etat, qui fournit par exemple les locaux scolaires et les installations, – 4( l’école privée, dont le directeur et les responsables légaux sont des personnes physiques, libres de recruter les professeurs, de se procurer ressources, locaux et installations. Toutefois, l’usage de l’expression « école privée » dans les médias chinois reste controversé. Certains commentateurs considèrent l’école privée comme une variété de l’école dirigée par une organisation sociale. Il faudra évidemment du temps pour que les gens acceptent cette institution tout nouvellement ressuscitée. Le débat ne porte d’ailleurs pas seulement sur le concept d’école privée, mais aussi sur l’influence des écoles privées dans l’enseignement.
Tout d’abord se pose là encore le problème de l’argent. Dans les établissements privés, les frais d’inscription et les autres charges vont de quelques centaines à plus de quatre mille yuan. Ces établissements ont commencé d’apparaître comme des entreprises à but lucratif et on les appelle des « écoles pour les noblesEn août 1993, Zhu Kaixuan a reproché à ces « écoles de la noblesse » d’être à l’opposé des principes éducatifs de la Chine. Mais il ne manque pas de « nobles » dans la Chine d’aujourd’hui. Une école privée de Pékin qui faisait payer 950 yuan par an en frais d’inscription et frais divers a vendu ses places en cinq jours. La chose s’explique à la lumière d’un phénomène inédit : l’élève payant. Celui qui n’est pas admis dans une école ou bien qui refuse celle que les autorités lui assignent peut trouver à s’inscrire comme élève payant. Dans une école secondaire prestigieuse l’élève de ce genre peut avoir à payer 10 000 yuan par an (17). Par comparaison, les élèves des écoles privées ne sont pas aussi « nobles
En deuxième lieu, la qualité de l’enseignement dispensé par les écoles privées est mise en cause parce qu’elles emploient beaucoup d’enseignants retraités ou à temps partiel et admettent des élèves refusés par les écoles publiques. Cependant certaines de ces institutions privées accordent des traitements élevés et peuvent donc recruter des professeurs expérimentés ou hautement qualifiés sortis de grandes écoles ou d’instituts de recherche pédagogique. On dit que leur niveau scolaire est élevé. Quoiqu’il en soit, rien ne garantit que les écoles privées sont de haute qualité (18).
La discussion n’est pas close. Mais plus importante est la question de l’indépendance de l’école. Les écoles privées jouissent maintenant d’une autonomie de gestion, pour les admissions, les finances, le recrutement de leurs professeurs. Le gouvernement peut-il à la fois se décharger d’une partie de son fardeau éducatif et maintenir le même contrôle serré que par le passé sur l’enseignement ? (19)
LES ENSEIGNANTS
Perte d’enseignants
Comme beaucoup d’enseignants vivent aujourd’hui une vie difficile, on comprend sans peine que les écoles privées qui allouent de hauts salaires attirent de bons professeurs. Dans le Hebei, les enseignants sont si pauvres que leur syndicat doit les aider à « secouer le joug de la pauvretéEt ces salaires si bas ne sont pas toujours payés. « Dans notre pays, écrit un journaliste, on néglige toujours délibérément le revenu de deux catégories sociales, les paysans et les enseignantsAu début de 1993, le retard de paiement des traitements dus aux enseignants de sept provinces atteignait 340 millions de yuan. Dans la seule province de Liaoning, l’arriéré de 1992 s’élevait à 53 millions de yuan. Le gouvernement a rappelé une circulaire de 1991 sur les salaires des enseignants et pressé les autorités locales de combler les retards. Il est néanmoins admis que les choses ne se sont pas améliorées partout et que le problème s’est plutôt aggravé en certains endroits. Lors d’une réunion de la journée des enseignants, au mois de septembre, le vice-premier ministre Li Lanqing a signalé la réapparition de ce problème des retards de paie (20).
La conséquence de la vie difficile des enseignants, c’est qu’il n’est pas rare qu’ils quittent la profession. De 1990 à août 1992, le Huinan en a perdu 6 292 du primaire et du secondaire, soit environ deux pour cent de l’effectif total. Dans le nombre, 1 154 sont allés à Hainan et à Canton pour « s’immerger dans la mer des affairesLa même chose est vraie en d’autres régions du pays, comme à Shanghai où 2 292 enseignants sont partis l’année dernière. Ces départs ont affecté le niveau de l’enseignement et des cours ne sont plus donnés faute de professeurs. La pénurie d’enseignants s’aggrave quand le départ des jeunes pour le monde des affaires coïncide avec le départ en retraite des professeurs âgés (21).
La formation des maîtres
La venue de nouveaux enseignants peut-elle remédier à la situation? La Chine compte 500 000 élèves dans 257 collèges pédagogiques et 680 000 dans 1 026 écoles normales. Mais les meilleurs sujets qui arrivent à la fin de leurs études secondaires ont peu de goût pour le métier d’enseignant et la formation pédagogique pâtit elle aussi du manque de ressources et d’équipements scolaires. Pour remplir les écoles normales, il a fallu abaisser les critères d’admission. Un autre moyen de remédier à la pénurie a été de délivrer des certificats de capacité à des sujets qui justifient des connaissances scolaires sans avoir reçu aucune formation pédagogique (22). Comme ces mesures ne peuvent pas être des solutions durables, c’est l’action de formation interne qui a commencé d’attirer des enseignants et d’augmenter leur qualification.
Actuellement, 265 collèges assurent des cours de formation interne pour environ 250 000 enseignants du secondaire, et 2 018 écoles font la même chose pour 530 000 instituteurs primaires. A la fin de 1989, 71,4 pour cent des instituteurs et plus de 40 pour cent des professeurs du secondaire étaient qualifiés. L’écart entre l’offre et la demande d’enseignants qualifiés reste néanmoins criant et, en 1989, la formation interne a abordé une troisième étape en devenant davantage permanente et grâce à l’octroi de congés d’étude aux enseignants qui la suivent (23).
o O o
Le « Schéma de réforme et de développement de l’enseignement en Chine » a dessiné la carte du système d’enseignement de demain dans le pays. Il indique que le gouvernement central aura à jouer et joue déjà un moins grand rôle, tout comme dans l’économie. Qu’il s’agisse de trouver pour chaque élève une place dans une école ou de recruter et de former des professeurs, le gouvernement actuel doit compter sur des ressources extérieures, et en payer le prix en deserrant son contrôle. Le projet Espoir, les entreprises d’établissements scolaires, la réapparition des écoles privées, les départs de professeurs… montrent que si l’économie de marché peut offrir de nouvelles solutions aux problèmes de l’enseignement, elle ne peut pas les résoudre tous.