Eglises d'Asie

LA VRAIE NATURE DE L’ASSOCIATION PATRIOTIQUE DES CATHOLIQUES CHINOIS

Publié le 18/03/2010




P l a n

Introduction (China Oggi, Asianews, Hongkong)

Préambule : Quelques réponses du catéchisme catholique

Chapitre 1 Les trois organisations

1. L’Association patriotique des catholiques chinois

2. La Commission administrative catholique

3. Le Collège des évêques chinois

Chapitre 2 Buts et caractères de l’Association patriotique

1. Buts

2. Notes sur l’Eglise et caractères de l’Association patriotique

Chapitre 3 Activités de l’Association patriotique

1. Refus des directives du Saint-Siège

2. Ignorance volontaire du concile Vatican II

3. Les sacres d’évêques sans mandat apostolique

INTRODUCTION

Le document que nous offrons aux lecteurs, traduit de l’original chinois, vraisemblablement écrit dans les premiers mois de 1990, était destiné à circuler à l’intérieur de la communauté catholique non officielle de Chine. Une copie est tombée presque aussitôt entre les mains de la police. L’auteur a été arrêté, ainsi que sa femme, en décembre 1990 et condamné au mois de juillet suivant à trois années de “réforme par le travail”, pour avoir écrit et répandu du “matériel subversif et contre-révolutionnaire”.

Dans sa jeunesse l’auteur, qui dépasse aujourd’hui la cinquantaine, aurait voulu devenir prêtre. Il étudia quelque temps dans un séminaire proche de son village au centre de la Chine. L’arrivée du Parti communiste au pouvoir lui fit changer de route. Il acquit à l’université une bonne formation et y rencontra celle qui serait la compagne de sa vie. Ni l’un ni l’autre n’ont jamais renié leur foi, ce qui a lourdement pesé sur leur destin. De longues années de prison, sombre tunnel, ont été le creuset de leur mûrissement. Leurs relations avec des personnalités exceptionnelles du monde catholique chinois les a aidés à lire avec acuité la patiente mise en scène montée par le régime pour amener l’Eglise de Chine à se vider d’elle-même et s’autodétruire. Au moyen d’un seul instrument: l’Association patriotique des catholiques chinois.

Quiconque se plie aux manoeuvres des maîtres installés dans la nouvelle Cité interdite ne construit plus l’Eglise catholique, mais quelque chose d’autre. Le domaine inviolable de la conscience personnelle restant sauf, la foi manipulée et conduite par les autorités politiques n’est plus la même : quelque chose d’extrêmement important a disparu. Telle est l’idée, sous une forme souvent sinueuse et avec des répétitions à l’infini, qui ne cesse d’émerger du présent document, l’un des rares qui tentent d’expliquer de façon un peu élaborée les motifs qui poussent tant de catholiques à résister à toutes les tentatives du régime pour dompter la communauté catholique.

La théologie de l’auteur est un peu démodée. Personne en Chine n’a eu le moyen de prendre part au renouveau même de la pensée dont l’Eglise a bénéficié grâce au concile Vatican II. L’isolement, l’absence de livres et de revues, l’impossibilité des libres rencontres ont empêché l’Eglise de Chine de croître et d’avancer comme le reste de la catholicité a pu le faire.

Le texte original a eu besoin d’une sérieuse toilette pour le rendre accessible au lecteur européen. Les notes et presque tous les sous-titres sont de notre rédaction. Certaines allusions imprécises à l’histoire, pour lesquelles l’auteur ne disposait pas de sources sûres d’information, ont été complétées et modifiées par nous.

Cet essai examine les principes, les théories et les initiatives de l’Association patriotique des catholiques chinois qui mènent à une Eglise séparée. Il met également en relief le contraste entre l’Association et l’Eglise chinoise en communion avec le Saint-Siège. Il réfute des équivoques et des positions discutables qui servent d’appuis à cette entreprise de séparation et qu’utilisent les organisations séparées de l’Eglise. En définitive, il tente de donner une réponse aux questions posées par la situation actuelle de l’Eglise en Chine.

Le document que nous présentons a le mérite d’aider à comprendre cette situation de l’Eglise et des catholiques chinois. L’insistance même avec laquelle l’auteur démontre que l’Association patriotique et tout ce qui dépend d’elle sont “illégitimes et séparés” de l’Eglise manifeste la gravité de la crise que traverse aujourd’hui la communauté catholique chinoise. Car c’est un texte rédigé pour les chrétiens de Chine, qui se le passent sous le manteau. Mais il est de grand prix aussi pour nous, qui assistons de l’extérieur à la persécution d’une Eglise soeur et à sa division. Nous y lisons un avertissement : respecter la souffrance des catholiques chinois fidèles au pape, et bien sûr une invite à prier pour que le Seigneur donne la paix et l’unité à l’Eglise de Chine. Il n’est pas rare qu’en Occident, la presse même catholique regarde avec trop de sympathie l’Association patriotique. Le présent document soulève bien des interrogations sur pareille attitude.

La rédaction

PREAMBULE

Quelques réponses du catéchisme catholique

Pour comprendre l’association patriotique des catholiques chinois, il faut partir des principes de base du catéchisme catholique, qui disent clairement ce qu’est l’Eglise et, par antithèse, ce que l’association n’est pas et ne peut pas être.

Qu’est-ce que l’Eglise catholique ? Celle qu’a fondée notre Seigneur Jésus Christ : les fidèles de toutes nations réunis spirituellement en un seul Corps, qui est l’Eglise. L’Association patriotique des catholiques chinois n’a pas été fondée par notre Seigneur, elle n’appartient pas à son Corps qui est l’Eglise. Elle en est une partie séparée et malade.

Quelle différence y a-t-il entre l’Eglise catholique et les autres Eglises ? L’Eglise est une, sainte, catholique et apostolique, ce qui la différencie beaucoup de toutes les autres. L’Association patriotique est un organisme séparé et profane, qui s’oppose au chef des apôtres, et un instrument de l’Etat qui agit suivant l’orientation d’une ligne politique.

Une troisième question est celle de savoir qui est le chef de l’Eglise. Son chef invisible est notre Seigneur Jésus Christ. Son chef visible est le pape, successeur de Pierre. D’où vient l’Association patriotique ? Qui est son chef? On la fait remonter à Pi Shushi, mort en 1978, président du premier puis du deuxième comité national de l’Association. C’est Pi qui sacra en 1958 les premiers évêques qui s’étaient nommés eux-mêmes à leur charge sans l’approbation du pape. En 1962, à la deuxième conférence des représentants catholiques, il proposa d'”instituer complètement une Eglise indépendante, autonome, maîtresse de sa gestion financière“. Aujourd’hui, le successeur de Pi comme chef visible de l’Association patriotique est Zong Huaide, évêque nommé en secret par le Saint-Siège à la veille de la Libération qui s’est spontanément déclaré tel après 1949 (1). En 1983, au cours d’une assemblée conjointe de l’Association patriotique et de la Commission administrative catholique, Zong a publiquement approuvé “la décision de s’engager sur la voie qui mène à la formation d’une Eglise catholique chinoise indépendante, autonome, maîtresse de sa gestion financière” et accusé le Vatican de “chercher à rétablir sur l’Eglise de Chine un contrôle de type colonial, dans une tentative totalement irréaliste et vouée à l’échec“.

Quels sont les devoirs des membres de l’Eglise ? Laïcs, ils doivent obéir aux enseignements des prêtres ; prêtres, à ceux des évêques, qui doivent eux-mêmes obéir aux enseignements du pape. Ainsi seront-ils un, comme l’a dit notre Seigneur Jésus Christ, un dans un seul bercail sous un pasteur unique. Dans l’Association patriotique, au contraire, les prêtres n’obéissent pas à l’enseignement des évêques en communion avec le pape, et des évêques n’obéissent pas aux enseignements du pape, de sorte qu’ils sont séparés les uns des autres comme en des bergeries distinctes dirigées par autant de pasteurs.

Quelle autorité Jésus a-t-il conférée à l’Eglise ? Il lui a confié trois tâches : enseigner, prendre soin des fidèles, dispenser les sacrements et célébrer l’eucharistie. L’Association patriotique, parce qu’elle n’est pas l’Eglise catholique, ne peut pas avoir ces trois pouvoirs. Elle s’oppose au contraire aux pouvoirs d’enseignement et de gouvernement exercés sur l’Eglise universelle.

Pourquoi le Pape est-il infaillible quand il enseigne les croyants ? Parce que Jésus l’a voulu et que l’Esprit Saint le protège de l’erreur. L’Association patriotique qui s’est toujours opposée aux enseignements du pape va donc à l’encontre de la volonté de Jésus et de l’action du Saint Esprit.

Comment pouvons-nous adorer Dieu ? La réponse est que nous devons être en union avec l’Eglise qu’Il a fondée, croire qu’Il s’est révélé, observer ses commandements, etc. L’Association patriotique n’est pas l’Eglise fondée par Dieu, mais une organisation dirigée par le gouvernement. Adhérer à l’Association patriotique, ce n’est donc pas adorer Dieu ni obéir aux dogmes qu’Il a révélés.

Tout ce que nous venons de dire relève de la doctrine élémentaire et bien connue de l’Eglise. Pourtant, certains membres du clergé chinois qui ont cédé tôt ou tard aux pressions n’osent pas en parler franchement. Hors de Chine, il est étrange que tant de membres estimés du clergé négligent ce fondement doctrinal et au nom d’informations superficielles et de théories fantaisistes, critiquent le pape et vilipendent ceux qui le soutiennent, tout en exaltant le corps séparé qui s’oppose à lui, l’Association patriotique. Il est encore plus surprenant, inexplicable, que des membres du clergé, nés dans un pays catholique et formés dans l’Eglise, qui administrent les sacrements et célèbrent la messe chaque jour, servent d’agents d’un parti politique athée et de militants de l’Association patriotique, en lançant des attaques contre le successeur de Pierre, contre les prêtres et les laïcs en communion avec lui et contre la hiérarchie ecclésiastique. Incapables de distinguer le bien du mal, le vrai du faux, ils aident les méchants à commettre leurs méfaits et à donner le coup de grâce à des êtres sans défense. Cet écrit se propose de dévoiler la vraie nature de l’Association patriotique des catholiques chinois, encensée par tant de flatteurs, pour en permettre une compréhension juste.

CHAPITRE I

Les trois organisations

La dénomination d’“Association patriotique des catholiques chinois” paraît impliquer un caractère distinctement patriotique. Elle soulève en fait de graves problèmes pour la nation et pour l’Eglise. Nombreux, dans le pays et à l’étranger, sont ceux qui connaissent l’Association seulement de nom, en dehors des faits. Il vaut donc la peine de faire le point sur les terribles souffrances qu’elle cause à l’Eglise. Indépendamment du contenu de ses statuts, de ses actions et de ses théories, l’Association patriotique est, par ce qu’elle a été à ses débuts et ce qu’elle est devenue, une organisation séparée qui menace l’unité de l’Eglise universelle.

Elle est en réalité constituée de trois organisations distinctes : l’Association patriotique des catholiques chinois proprement dite, la Commission administrative catholique et le Collège des évêques chinois (2). Examinons leurs statuts et leurs principes de base.

1. L’Association patriotique des catholiques chinois

Elle est décrite dans chinoise (3) comme “une organisation patriotique chinoise“. Dans le Dictionnaire des religions(4), elle est définie aussi comme “une organisation populaire et patriotique des croyants, formée de clercs et de laïcs catholiques de Chine“. Dans leur version révisée de 1980, ses statuts (5) affirment que le but de l’Association est “d’unir la totalité du clergé et des laïcs du pays, sous la direction du Parti communiste et du gouvernement du peuple, dans la poursuite des buts suivants : promouvoir le patriotisme, observer les lois du pays en matière religieuse, prendre une part active dans l’effort national pour une modernisation socialiste, développer les échanges amicaux avec les personnalités du monde catholique international, lutter contre l’impérialisme, sauvegarder la paix mondiale et aider le gouvernement à renforcer la politique de liberté religieuse“.

L’Association a été formellement fondée en 1957. Mais elle a été précédée de diverses organisations voulues par le gouvernement entre 1950 et 1956 pour lancer le “mouvement patriotique catholique chinois anti-impérialiste“. Leur objectif était de faire disparaître, sous l’impulsion du gouvernement, “l’influence impérialiste” à l’intérieur de l’Eglise. Elles ont eu en réalité pour but d’éliminer de l’Eglise les missionnaires étrangers et le clergé chinois qui n’était pas disposé à rompre avec le pape. Elles ont lancé beaucoup d’actions contre l’Eglise et contre le pape. Le 30 novembre 1950, à Guangyuan, le manifeste des “trois autonomies” (6) marqua le début de campagnes de protestations contre l’excommunication prononcée par la sacrée congrégation du Saint-Office en juillet 1949(7) et, en décembre 1950, contre Mgr Antonio Riberi, l’internonce apostolique, qui avait dénoncé dans une lettre le mouvement des “trois autonomies” comme instrument de division de l’Eglise. Le 31 mars 1951, des ecclésiastiques dirigés par le vicaire général de Nanjing, Li Weiguang, publièrent une déclaration visant à rendre effectif le mouvement des trois autonomies et à “s’opposer résolument aux ingérences du Vatican dans la politique interne de la Chine en coupant une fois pour toutes les relations politiques et économiques avec lui“. En juin 1951, contre un missionnaire étranger, Man Jishi, qui n’avait pensé qu’à préserver l’unité et la solidarité dans l’Eglise, les autorités de Tianjin trouvèrent des collaborateurs empressés pour l’accuser d’avoir formé une clique contre-révolutionnaire(8). Les mêmes milieux appuyèrent fortement l’attaque montée contre le représentant à Pékin de l’internonce, Mgr Tarcisio Martina (9), accusé par les autorités d'”avoir bombardé Tienanmen“. En 1955, le gouvernement lança une violente campagne pour démasquer l’évêque de Shanghaï, Mgr Gong Pinmei, coupable de crimes contre-révolutionnaires parce qu’il avait suivi les instructions présumées d’une “puissance étrangère” (c’est-à-dire du pape).

Toutes ces actions de l’époque des “trois autonomies” et des organisations anti-impérialistes menées à l’échelle du pays révèlent en profondeur la nature réelle de l’Association patriotique. Son comité fondateur fut constitué le 25 mars 1956. Dès sa fondation formelle, en juillet 1957, les initiatives en faveur d’une Eglise séparée se succédèrent selon un programme préétabli. A la première conférence nationale des délégués catholiques, en juillet 1957, fut exprimée l’intention de “suivre la voie socialiste et de fonder une Eglise autonome“. En mars 1958, sans approbation pontificale, les diocèses de Hankou et de Wuchang élirent leurs évêques respectifs, qui furent ordonnés le 13 avril suivant. Les membres de l’Association patriotique unirent leurs voix à celles des participants de cette ordination pour accuser le Saint-Siège de manque de bon sens et refuser de s’incliner à l’annonce de l’excommunication papale. En janvier 1962, à la deuxième conférence des délégués catholiques (10), il fut proposé de “rompre nettement avec le contrôle du Vatican et de poursuivre sérieusement la tâche de construction d’une Eglise indépendante et autonome“.

A la troisième conférence nationale, à la fin de mai et au début de juin 1980, la tâche principale de l’Association patriotique devient celle “de s’orienter vers le développement d’une Eglise catholique chinoise indépendante, autonome, maîtresse de sa gestion financière“. C’est au cours de cette troisième conférence que sont créés, sans l’approbation du Saint-Siège, la Commission administrative et le Collège des évêques chinois. En juin 1981, quand le Saint-Siège nomme Mgr Deng Yiming (Mgr Dominique Tang) archevêque de Canton, le comité permanent de l’Association patriotique, la Commission administrative et le Collège des évêques tiennent une assemblée commune qui reproche au Vatican d’ignorer les droits souverains de l’Eglise chinoise. En avril 1983, une réunion élargie de la Commission administrative et du troisième comité permanent de l’Association patriotique approuve la “résolution d’entreprendre la création d’une Eglise catholique chinoise indépendante, autonome et maîtresse de sa gestion financière“. En soulignant que “la tentative poursuivie par le Saint-Siège et par d’autres Eglises étrangères de reprendre un contrôle colonial sur l’Eglise de Chine est impossible et vouée à l’échec“, les participants de la réunion confirment le principe de vouloir fonder une Eglise indépendante, autonome et maîtresse de sa gestion financière.

Dans les premières années qui ont suivi la Libération, quand les autorités gouvernementales organisaient une réunion, elles n’annonçaient pas l’ordre du jour aux participants. Les avis de convocation ressemblaient à des ordres et seuls les organisateurs de la réunion avaient une idée de son objet et des décisions à prendre. L’assemblée s’ouvrait par la présentation de “rapports” préparés d’avance, qui étaient ensuite approuvés dans la pagaille générale, à mains levées et par acclamation. C’est dans ces conditions de ce genre que s’est déroulée l’assemblée inaugurale de l’Association patriotique. Des prêtres et des laïcs, honnêtes mais peu au fait des ruses de la politique, ont été utilisés pour appuyer les décisions de l’assemblée, simplement parce qu’ils étaient là avec les autres. Il est permis de dire que la majeure partie des prêtres n’ont pas participé à l’assemblée inaugurale de l’Association patriotique de leur propre volonté, mais contraints. N’étant pas bien informés des questions, les fidèles ont été attirés par la ruse et appâtés. Tous savaient que le “mouvement des trois autonomies” voulait diviser l’Eglise. C’est pourtant en de telles circonstances qu’est née l’Association patriotique des catholiques chinois.

Ses statuts et ses activités disent de manière explicite et sans équivoque qu’elle est une organisation de nature politique et non religieuse, qui menace l’unité de l’Eglise. Ses statuts la définissent comme une “organisation de masse, patriotique et religieuse, formée de catholiques chinois clercs et laïcs“. C’est donc une organisation populaire spécifiquement chinoise, pas une organisation de l’Eglise “catholique” romaine. Parce que c’est une organisation dite “de masse”, les individus peuvent choisir d’y adhérer ou non. L’adhésion est donc volontaire et ne pas adhérer ne saurait être considéré comme illégal, comme il en va de l’adhésion à toute autre organisation de caractère populaire. Mais en fait, les autorités considèrent tous ceux qui n’adhèrent pas à cette organisation comme des contre-révolutionnaires qui n’aiment pas leur pays. En pratique, l’Association patriotique est donc une organisation “de masse” à laquelle tout croyant doit adhérer.

Son but déclaré consiste à “promouvoir”, “observer”, “partager”, “développer”, “sauvegarder” et “rendre effectives” les directives du Parti communiste et du gouvernement du peuple. Tous ces objectifs décrits dans ses statuts sont de caractère politique, aucun ne concerne l’Eglise. L’Association patriotique est donc tout simplement une organisation politique. Son action se déroule hors du consentement des hautes autorités ecclésiastiques, “sous la direction du Parti communiste chinois et du gouvernement du peuple“.

Aux termes de la loi, les organisations politiques doivent s’en tenir à leurs programmes politiques et n’ont pas le droit d’intervenir dans les questions proprement religieuses, qui sont protégées par la constitution. Elles n’ont pas non plus le droit d’énoncer des doctrines ou des déclarations de foi de nature religieuse, ni de se mêler d’interpréter les doctrines, ni d’ordonner des évêques sans autorisation ni de fonder des organisations satellites. Or l’Association patriotique fait pourtant tout cela, en violation ouverte des lois, et avec le soutien du gouvernement. C’est donc une organisation politique dite “de masse” constituée de quelques croyants. N’ayant pas la nature transcendante de l’Eglise catholique, elle ne mérite pas d’être considérée comme une organisation religieuse indépendante, encore moins peut-elle être identifiée avec la sainte Eglise catholique fondée par notre Seigneur Jésus-Christ. Elle n’a ni la catholicité ni la sainteté.

Une organisation qui ne peut pas être définie comme religieuse n’a pas le droit de demander à ses membres de ne pas suivre telle doctrine ni le droit d’exercer un pouvoir de gouvernement sur les croyants, pas plus que le droit de porter atteinte à la liberté religieuse des citoyens, qui sont libres de croire ou de ne pas croire. Or l’Association patriotique soutenue par les autorités officielles déborde largement de son rôle et viole le droit à la liberté des croyants, qui devraient pouvoir refuser d’en faire partie.

Bien que ses statuts indiquent clairement que l’Association patriotique n’est pas apte à être définie comme une religion indépendante, elle se prévaut pourtant des fondements de la doctrine catholique et se considère comme l’Eglise catholique légitime. Elle n’en a pas moins abandonné l’obligation du célibat propre au clergé catholique, refusé l’autorité du pape sur l’ensemble de l’Eglise, renié le magistère confié à l’Eglise par Jésus lui-même ainsi que tous les documents promulgués par les conciles oecuméniques et par le Saint-Siège à l’intention de l’Eglise universelle.

Tout cela prouve qu’il est impossible de voir dans l’Association patriotique l’Eglise “une, sainte, catholique et apostolique”.

Toutes les actions accomplies par les autorités gouvernementales pour aider l’Association patriotique à détruire l’Eglise catholique romaine sont illégales. En voici des exemples. L’article 35 de la constitution prévoit en termes explicites que les citoyens jouissent de la liberté d’association. Mais pour remplacer l’Eglise catholique romaine par cette institution séparée qu’est l’Association patriotique, les autorités ont retiré aux citoyens la liberté de ne pas adhérer à celle-ci. En violation de la loi, elles condamnent et punissent les chrétiens qui n’acceptent pas de faire partie de l’Association patriotique, en les accusant d’être des croyants “clandestins” et d’appartenir à des “forces secrètes“,au point de leur dénier le droit à la liberté religieuse dont ils jouissaient avant la fondation de l’Association.

Le droit à la liberté religieuse, tel que l’énonce l’article 36 de la constitution, est le propre des organisations religieuses que le pays reconnaît. Le catholicisme est une des cinq religions légitimes reconnues de longue date en Chine et doit comme telle jouir de cette liberté. Pourtant les autorités ne garantissent pas ce libre droit à tous les catholiques. Elles le réservent à la poignée de ceux qui ont adhéré à l’Association patriotique. Ceux qui n’y adhèrent pas – la majorité – sont considérés comme des croyants “clandestins” et “contre-révolutionnaires” et sont persécutés.

2. La Commission administrative catholique

La Commission administrative catholique est définie dans le Dictionnaire des religions et dans chinoise comme “une organisation catholique au niveau national, qui a pour objet de traiter les affaires religieuses de la Chine et dont les membres sont élus par la conférence des représentants catholiques“. Les objectifs qui lui sont assignés sont : “continuer et développer l’esprit traditionnel de Jésus-Christ quand il a fondé son Eglise ainsi que la mission des apôtres, selon la Bible ; prêcher l’Evangile de Jésus; encourager les efforts déployés pour la gloire de Dieu et le salut des âmes; guider les clercs et les laïcs dans l’observance des commandements divins ; soutenir les principes d’indépendance, d’autonomie de gouvernement et d’administration démocratique ; discuter et décider les questions majeures de caractère ecclésiastique et diriger l’Eglise catholique chinoise de façon satisfaisante“.

Les statuts de la Commission administrative votés à la troisième conférence des représentants catholiques en 1980 (11) énoncent clairement son but : “maintenir les principes d’indépendance, d’autonomie de gouvernement et d’administration démocratique, diriger l’Eglise catholique chinoise de façon satisfaisante“, ce qui revient à déclarer la rupture complète avec la direction et le contrôle du Saint-Siège sur l’Eglise de Chine et à s’opposer au magistère sacré du pape. Les mêmes statuts se réclament d’un programme de base “fondé sur la Bible“, sans souffler mot de la Tradition. Or si l’Eglise catholique donne une grande importance à l’autorité des saintes Ecritures, elle ne saurait oublier que la Tradition est aussi source de vérité, dépôt de la doctrine, des enseignements et des pratiques de l’Eglise.

L’article 8 de la constitution Dei Verbum sur la révélation divine du concile Vatican II énonce : “C’est par la Tradition que le canon des saints Livres se fait connaître dans sa totalité à l’Eglise, c’est en elle que les saintes Lettres elles-mêmes sont comprises de façon plus pénétrante et sont rendues indéfiniment actives”. L’article 21 dit que “l’Eglise a toujours considéré les saintes Ecritures et la Tradition comme la règle suprême de sa foi” et l’article 9 : “La Tradition sacrée et la sainte Ecriture possèdent d’étroites liaisons et communications entre elles. Toutes deux, en effet, découlant de la même source divine, se réunissent, peut-on dire, en un seul courant et tendent à la même fin… C’est pourquoi l’Ecriture et la Tradition doivent être reçues et vénérées l’une et l’autre avec un égal sentiment de piété, avec un égal respect”. Au sujet du rapport qui unit la sainte Ecriture, la Tradition sacrée et le magistère de l’Eglise, l’article 10 affirme que ces trois éléments “sont tellement liés et associés qu’aucun d’eux n’a de consistance sans les autres et que tous contribuent en même temps, de façon efficace au salut des âmes, chacun à sa manière, sous l’action du seul Saint-Esprit”.

La majeure partie des confessions protestantes soutiennent que la plus grande autorité réside dans les saintes Ecritures et n’acceptent pas de donner une importance égale à la Tradition. Au contraire elles ne reconnaissent même pas l’existence d’une Tradition sacrée, s’opposant en cela aux enseignements des Pères de l’Eglise et des conciles oecuméniques. Les statuts de la Commission administrative semblent inspirés des idées de Luther. Ils ont été approuvés le 23 mai 1980 alors que la constitution Dei Verbum sur la révélation divine a été promulguée le 18 septembre 1965. Il est évident qu’en rédigeant ses statuts, la Commission administrative a voulu délibérément rompre avec la loi de l’Eglise.

Statutairement composée de membres élus par la conférence nationale des représentants catholiques, la Commission administrative est issue d’une organisation “de masse” qui ne jouit pas de l’approbation pontificale. Elle n’est donc aucunement habilitée à se mêler des affaires de l’Eglise catholique légitime. De son côté, l’Eglise catholique romaine, qui est dotée d’une structure et d’une hiérarchie bien organisées, ne saurait permettre à une organisation politique ou populaire, au fond uniquement politique, d’interférer dans ses affaires.

La Commission administrative est “une organisation nationale chinoise qui s’occupe des affaires religieuses catholiques“. Selon la loi et la tradition de l’Eglise catholique, les affaires d’un pays ou d’une région doivent être discutées et résolues par la conférence épiscopale en communion avec le pape. La Commission administrative, organisation étrangère à l’Eglise, n’a rien à y voir. Organisation populaire, politique et profane voulue par les autorités gouvernementales pour s’opposer à la règle traditionnelle de l’Eglise catholique, elle n’a aucun droit de gouverner l’Eglise fondée par Jésus-Christ. Elle ne peut pas non plus “continuer et développer l’esprit traditionnel de Jésus-Christ quand il a fondé son Eglise et la mission de ses apôtres“, ni “guider les prêtres et les laïcs dans l’obéissance aux commandements de Dieu“. Elle est en réalité une organisation illégitime qui s’oppose au gouvernement de l’Eglise.

Relèvent de l’oeuvre missionnaire certains objectifs de la Commission administrative qui entend “continuer, prêcher, encourager, guider, délibérer et déciderA cet égard, le décret Ad gentes sur l’activité missionnaire de l’Eglise affirme clairement dans son article 6 que “cette tâche, c’est par l’ordre des évêques, à la tête duquel se trouve le successeur de Pierre, qu’elle doit être accomplie, avec la prière et la collaboration de toute l’Eglise”, qu’elle “est unique et la même, partout, en toute situation”. L’article 29 du décret porte au sujet de la coordination nécessaire : “Pour toutes les missions et pour toute l’activité missionnaire, il faut qu’il n’y ait qu’un seul dicastère compétent, celui de De Propaganda Fide…Dans la direction de ce dicastère doivent avoir une part active les représentants choisis de tous ceux qui collaborent à l’oeuvre missionnaire…, selon des modes et des méthodes à établir par le pontife romain”. Dans les Eglises locales, la tâche missionnaire devra donc être dirigée par la seule conférence légitime des évêques du pays, reconnue par le Saint-Siège et sous l’autorité du pape. La Commission administrative, organisation populaire antipapale, ne peut donc pas interférer dans cette tâche.

3. Le Collège des évêques chinois

L’encyclopédie chinoise définit le Collège des évêques chinois comme “une organisation s’occupant des affaires ecclésiastiques, constituée par les évêques légitimes des diocèses de la Chine” et établie en conformité avec “les statuts (13) de la Commission administrative catholique” approuvés par la conférence nationale des représentants catholiques en 1980. Ses fonctions comportent “l’étude et l’explication de la doctrine et des lois de l’Eglise, l’échange d’expériences pastorales et l’encouragement des rapports amicaux avec l’étranger“. Le président, le vice-président et le secrétaire général du Collège des évêques chinois sont élus par ses membres.

Comme la Commission administrative le Collège des évêques chinois est une organisation populaire “de massefondée sans l’approbation du pape et qui vise la formation d’une Eglise séparée. Il ne se conforme ni au code de droit canonique ni aux décisions du concile Vatican II. C’est un organisme illégitime et non qualifié.

La constitution Lumen gentium sur l’Eglise affirme dans son article 22 : “Saint Pierre et les autres apôtres constituent, par ordre du Seigneur, un seul collège apostolique et le pontife romain, successeur de Pierre, et les évêques, successeurs des apôtres, sont unis entre eux”. Le pouvoir des évêques d’enseigner et de gouverner l’Eglise découle de leur participation au collège apostolique et lui donne sa continuité. Le Collège des évêques chinois, fondé sans l’accord du pape, en première ligne de la lutte pour rompre les relations avec lui et s’opposer à lui, s’est déjà séparé de la communion avec le collège de l’ordre épiscopal. Il n’est pas un collège épiscopal. L’article 22 de la constitution sur l’Eglise dit qu’ “on est constitué membre du corps épiscopal en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique avec le chef du collège et avec les membres”, et poursuit : “le collège ou corps épiscopal n’a cependant d’autorité que si on le conçoit uni à son chef le pontife romain, successeur de Pierre, lequel conserve intégralement sa primauté sur tous, tant pasteurs que fidèles”. Les évêques de l’Association patriotique n’ont jamais été en communion hiérarchique avec le chef du corps épiscopal, le pape, dans l’Eglise universelle ou avec ses autres membres, et n’ont pas conservé intégralement la primauté du souverain pontife.

La note explicative préalable de la constitution sur l’Eglise dit que le mot “collège” – remplacé à l’occasion par les mots “ordre” et “corps” – “ne s’entend pas au sens strict qu’il possède dans la langue juridique, à savoir d’un groupe d’égaux qui déléguerait son pouvoir à un président, mais d’un groupe stable dont la structure et l’autorité se déterminent à partir de la Révélation”. Jésus a établi les douze apôtres “à la façon d’un collège, c’est-à-dire d’un groupe stable”. La formation du Collège des évêques chinois a été réglée par les statuts de la Commission administrative approuvés à la conférence nationale des représentants catholiques, en 1980. C’est donc “un groupe d’égaux“, élus par une foule d’individus, comme un parlement ou une chambre de représentants. Ce n’est pas un groupe stable, ni un ordre indépendant, ni un corps uni. Sa formation n’est pas conforme à la tradition de l’Eglise. C’est un groupe illégitime qui réunit des individus, rien de plus.

L’article 22 de la “constitution sur l’Eglise” dit encore : “Le pouvoir collégial peut être exercé, en union avec le pape, par les évêques répandus en tous les points du monde, à condition que le chef du collège les appelle à une action collective ou, du moins, approuve ou accepte librement l’action conjointe des évêques dispersés, en sorte qu’elle constitue un véritable acte collégial”. Les évêques de l’Association patriotique n’ont pas le droit d’exercer un pouvoir collégial, n’étant pas appelés ou approuvés par le pape, et leur action ne peut donc pas se définir comme un acte collégial.

Le décret Christus Dominus sur l’office pastoral des évêques dans l’Eglise, article 38 paragraphe 3, affirme que, dans un pays donné ou une région, “chaque conférence épiscopale rédigera ses statuts, qui devront être reconnus par le Siège apostolique”. Le même article, paragraphe 4, ajoute que “les décisions de la conférence épiscopale, pourvu qu’elles aient été prises légitimement… et aient été reconnues par le Siège apostolique, obligeront juridiquement, mais seulement dans les cas prescrits par le droit commun ou quand un ordre spécial du Siège apostolique, donné sur son initiative ou à la demande de la conférence elle-même, en aura ainsi disposé”. Ce décret a été promulgué le 28 octobre 1965, tandis que le Collège des évêques chinois a été formé le 23 mai 1980. Ses statuts n’ont pas été approuvés par le pape et ses décisions n’ont pas été soumises au Siège apostolique et n’ont jamais été reconnues par lui. Le Collège des évêques chinois n’est donc pas seulement illégitime, ses actes sont nuls.

Au sujet de la doctrine de l’infaillibilité du pape, c’est-à-dire du chef du collège épiscopal, la constitution sur l’Eglise, article 25, affirme : “Cette infaillibilité, le pontife romain, chef du collège des évêques, la possède en vertu de son office lorsque, en sa qualité de pasteur et de docteur suprême de tous les fidèles, il proclame, en la définissant, une doctrine de foi ou de morale”. Le Collège des évêques chinois n’a jamais soumis une de ses décisions à l’approbation du pape. Plusieurs des décisions de ce Collège ont contredit directement des décisions du Siège apostolique et menacé l’unité de l’Eglise. Ses évêques qui se sont donné pour tâche “l’étude et la diffusion de la doctrine et des lois de l’Eglise” refusent d’obéir aux lois du Saint-Siège et n’acceptent pas le dogme de l’infaillibilité du pape puisqu’ils s’opposent ouvertement à lui.

Au sujet des fonctions du pape dans le collège épiscopal, la constitution sur l’Eglise, article 22, dit : “Le collège ou corps épiscopal n’a cependant d’autorité que si on le conçoit comme uni à son chef le pontife romain, successeur de Pierre, qui conserve intégralement sa primauté sur tous, tant pasteurs que fidèles… L’ordre des évêques…uni à son chef le pontife romain, et jamais sans ce chef, est également sujet du pouvoir suprême et plénier sur toute l’Eglise, pouvoir qui ne peut être exercé qu’avec le consentement du pontife romain”. Le même article dit encore :”Le pontife romain, en vertu de son office qui est celui de vicaire du Christ et de pasteur de toute l’Eglise, a sur celle-ci un pouvoir plénier, suprême et universel. La note explicative préalable, paragraphe 3, de la même constitution remarque qu'”il est également du ressort du souverain pontife, qui a la charge du troupeau tout entier, de déterminer, selon les besoins de l’Eglise qui varient avec les époques, comment il convient d’exercer cette même charge soit personnellement soit collégialement”.

Dans un pays ou dans une région, le rôle et le pouvoir du collège épiscopal sont fixés sans équivoque par le “décret sur l’office pastoral des évêques dans l’Eglise”. La règle générale est qu’une décision n’a de valeur qu’après l’approbation du pape. Cela confirme le pouvoir plénier et suprême dont jouit le pape en tant que chef du collège épiscopal. Si les évêques ne sont pas en communion avec lui, le collège épiscopal n’a pas le pouvoir d’exercer ses fonctions propres. En conséquence, le Collège des évêques chinois, en tout et pour tout séparé du pape, n’a pas du tout un tel pouvoir. Dès lors que le pape “conserve intact son rôle de vicaire du Christ et de pasteur de l’Eglise universelle”, les initiatives du Collège des évêques chinois qui ont porté à la division et aux actions antipapales vont sans l’ombre d’un doute à l’encontre de la doctrine de l’Eglise et contredisent le Christ lui-même. Jésus-Christ a confié le soin de son troupeau au pape, successeur de Pierre. Il n’est donc pas légitime que le Collège des évêques chinois aille contre le pape.

L’article 25 de la constitution sur l’Eglise dit : “Lorsque le pontife romain ou le corps des évêques avec lui définissent une vérité, ils l’entendent selon la Révélation elle-même, à laquelle tous doivent adhérer et se conformer”. Le Collège des évêques chinois n’a jamais obéi aux décisions du concile Vatican II et des synodes des évêques établis par le pape. Il apparaît donc absurde que le Collège des évêques chinois se comporte comme l’unique corps qui “étudie et répand la doctrine et qui gouverne l’Eglise“, et même qu’il prétende être apte à exercer un tel office.

La constitution sur l’Eglise affirme en son article 23 : “Chaque évêque représente sa propre Eglise et tous ensemble avec le pape représentent l’Eglise entière….Mais, en tant que membres du collège épiscopal et successeurs légitimes des apôtres, tous les évêques sont tenus, par une disposition et un commandement du Christ, d’avoir pour toute l’Eglise une sollicitude qui… contribue considérablement au bien de l’Eglise universelle… Chaque évêque donc… est tenu de collaborer avec ses semblables et avec le successeur de Pierre, auquel tout spécialement fut confiée la charge suprême de propager le nom chrétien”. Puisque aucun évêque de l’Association patriotique ne collabore avec les autres évêques présents en Chine ni avec un autre évêque des autres pays de l’Eglise universelle ni avec le pape, ils ne sont pas qualifiés pour recevoir la mission de diffuser le christianisme ou de représenter l’Eglise entière en union avec le pape. Le Collège des évêques chinois est une organisation qui provoque la division en refusant la communion avec le pape.

Selon leurs propres principes de base, les trois organismes catholiques chinois sont des organisations politiques “de masse” qui mènent à une Eglise séparée, soumise aux autorités chinoises, en désaccord avec le Saint-Siège. Ils nient le pouvoir suprême du pape, enfreignent les décisions du concile Vatican II et menacent l’unité de l’Eglise universelle. Il est étrange que ces organismes, nommés par le gouvernement et conduits selon des principes superficiels qui ne les qualifient pas comme guides, osent se proclamer eux-mêmes les “guides” de l’Eglise universelle en Chine. Etrange aussi que ces trois organisations, tout en se vantant d’être de simples formations politiques “de masse”, usurpent les fonctions d’une religion légitime et prétendent se substituer à l’Eglise catholique romaine légitime.

On s’étonne qu’à l’étranger tant de personnes, par bonté d’âme ou pour d’autres raisons, se fassent encore illusion sur ces trois organisations jusqu’à les considérer comme le courant principal de l’Eglise chinoise et à faire l’éloge de leurs “vertus” et de leurs “oeuvres”. Il est révoltant de voir des traîtres masqués en honnêtes gens.

CHAPITRE II

Buts et caractères

de l’association patriotique des catholiques chinois

La nature de l’Association patriotique ressort de son origine, de ses caractères intrinsèques et de ses manifestations, qui mènent directement à une Eglise séparée. L’Association patriotique n’est rien d’autre qu’un instrument de division élaboré par ses inspirateurs, ses organisateurs et dirigeants issus d’un parti politique athée.

1. Buts de l’Association patriotique

Trois raisons ont motivé la fondation de l’Association patriotique par le Parti communiste. Avant tout, faire de cette Association une organisation de masse, une “religion”, qui puisse se substituer à l’Eglise catholique. En second lieu, développer cette organisation de masse de la même manière qu’un parti, en faire un organe du gouvernement, soumis à son autorité administrative, pour qu’il puisse s’en servir largement à ses propres fins. Enfin, faire de l’Eglise du Christ un organisme séculier et de nature purement sociale, dans lequel disparaissent peu à peu le divin et le transcendant et que des moyens politiques permettent de contrôler en attendant sa complète extinction. Les tentatives des inspirateurs en vue de contrôler, utiliser, remplacer et détruire l’Eglise sont les vrais buts de l’Association patriotique et mènent à une division à l’intérieur même de l’Eglise.

Les évènements des dernières décennies ne prouvent que trop l’intention du gouvernement chinois d’atteindre par tous les moyens en son pouvoir les objectifs qu’on vient d’énumérer. Mais chaque fois qu’il a voulu mettre ses projets en acte, il s’est principalement heurté au Saint-Siège, qui avait à coeur la sauvegarde de la transcendance et du caractère sacré de l’Eglise, et à la majorité des fidèles de Chine, qui veulent protéger l’unité de l’Eglise. C’est ce qui a poussé les autorités à prendre des mesures qui visaient à supprimer l’“obscur pouvoir clandestin“, défini “Eglise non officielle“(14).

D’autre part, le gouvernement réclame la “non-ingérence dans les affaires intérieures, y compris dans les questions religieuses“, comme une des conditions de base des rapports entre la Chine et le Vatican. Cette idée de “non-ingérence dans les affaires intérieures, y compris dans les questions religieuses” signifie, sous d’autres mots, séparer l’Eglise catholique de Chine de celle de Rome et en faire une organisation politique de masse, soumise au gouvernement.

Le but ultime des inspirateurs et des organisateurs de l’Association patriotique est de détruire l’Eglise catholique. Mais en attendant, ils se servent de l’Eglise comme d’un moyen d’infiltration au service de leur politique prolétarienne : réaliser les quatre modernisations, donner du prestige à l’Etat avec la prétendue liberté de religion, présenter un faux visage de paix. Manifestement ils cherchent à soumettre la religion à la politique, le transcendant au profane, l’esprit à la matière, Dieu au peuple. L’Association patriotique est une de leurs armes.

2. Notes sur l’Eglise et caractères de l’Association patriotique

L’Eglise fondée par le Christ a quatre caractères principaux : elle est une, sainte, catholique et apostolique. L’Association patriotique, fondée sans ces quatre caractères, s’oppose à eux.

Sa première caractéristique requiert de l’Eglise fondée par Jésus-Christ qu’elle soit une dans la foi, une dans la doctrine, une dans les sacrements et dans la liturgie, une aussi dans son gouvernement : un seul bercail sous un même pasteur. L’Association patriotique ne reconnaît pas le pape comme vicaire du Christ sur la terre, comme le pasteur de l’Eglise universelle. Elle n’obéit pas à son magistère transmis par le Christ lui-même, ni ne suit les décisions des conciles oecuméniques. Elle “décide les principales questions des affaires d’Eglise” toute seule, “répand, explique la doctrine et gouverne l’Eglise” pour son propre compte, consacre des évêques qui se sont eux-mêmes élus sans l’approbation pontificale. L’Association patriotique ne peut donc pas être définie comme une partie de la véritable Eglise, mais plutôt comme une organisation qui menace l’unique vraie Eglise.

La sainteté est le deuxième caractère de l’Eglise. Son fondateur est le Dieu saint, innocent, vrai, qui nous a rendus saints de bien des manières. Les inspirateurs et les organisateurs de l’Association patriotique appartiennent à un parti politique athée, qui voit la haine comme un des principes fondamentaux et ne peut donc pas être saint. L’Association est elle-même une organisation de masse, profane et politique, qui ne fait pas bon usage des moyens de la sainte Eglise pour sanctifier les hommes, et ne peut donc pas être sainte elle-même. L’Association patriotique, instrument politique au service de projets qui menacent l’unité de l’Eglise, repoussent les enseignements de Jésus et empêchent la croissance de la charité, ne peut pas être sainte.

L’Eglise est catholique parce qu’elle a été fondée par Jésus-Christ et existe pour tous les hommes, de tous les temps, qu’elle s’est répandue dans le monde entier au service de toutes les nations. Elle dépasse les limites du temps et celles de l’espace, les barrières de races et de classes sociales. Sans acception de sexe, de condition ou de travail, l’Eglise peut sanctifier indistinctement tous les hommes, qu’ils soient pauvres, riches, sages ou stupides. L’Association patriotique, quant à elle, est une organisation profane, le produit d’un Etat et d’un parti politique, au service exclusif d’un pays, d’un pouvoir politique et d’une classe sociale, dans une période limitée de temps, selon les buts de ses fondateurs. Elle ne peut servir tous les hommes, qui sont images de Dieu. L’Association patriotique est égocentrique, pas catholique.

L’Eglise est apostolique parce que, fondée par le Christ, elle a été remise par lui à ses apôtres et à leurs successeurs directs des générations suivantes. La révélation de Jésus a été transmise, par la sainte Ecriture et la Tradition sacrée, à travers les apôtres et leurs successeurs, le pape et les évêques. Après l’époque apostolique, l’Eglise, grâce à l’illumination du Saint Esprit, a été la gardienne du trésor de la révélation par son magistère. L’Eglise “apostolique” doit par conséquent avoir la sainte Ecriture, la Tradition sacrée et l’autorité de son magistère, trois éléments tellement liés et associés qu’ils sont inséparables (15). Les statuts de la Commission administrative se disent certes “basés sur la Bible“, mais sans souffler mot de la Tradition sacrée et de l’autorité du magistère de l’Eglise, ce qui revient à nier l’une et l’autre et à refuser ouvertement d’être dirigé par le pape, successeur du chef des apôtres. L’Association patriotique est contre l’Eglise apostolique, elle ne peut pas être, toute seule, l’Eglise apostolique. Au surplus, l’Association a été fondée pour : “secouer le contrôle papal“, “rompre les relations avec le pape“, “former une Eglise indépendante, qui se gouverne et se gère elle-mêmeéliminer de l’Eglise chinoise l’influence de l’impérialisme étranger“. Elle ne possède donc assurément pas le caractère de l’apostolicité.

Récemment, toutefois, les membres de l’Association patriotique et ceux qui la soutiennent en secret ont commencé à “reconnaître le pape” en paroles, pour convaincre les fidèles et les aider à sortir d’embarras. Mais en réalité, ils n’ont affirmé reconnaître dans le pape que le chef de l’Eglise catholique, et non pas le chef de l’Association patriotique. Ils sont comme Lucifer, le diable en personne, qui n’adore pas Dieu, même s’il le reconnaît comme le vrai Dieu tout-puissant. La reconnaissance ne peut se limiter à des mots, elle doit être suivie d’actes.

Dépourvue des quatre caractères de l’Eglise et opposée à elle, l’Association patriotique ne peut pas être identifiée à l’Eglise fondée par Jésus Christ ni la représenter. C’est pourtant très souvent que l’Association patriotique, organisation politique “de masse”, se fait passer pour la représentante de l’Eglise catholique. Par exemple, elle lance des ordres aux chrétiens chinois, ou bien fait part au monde entier de ses propositions et de ses points de vue, comme une religion indépendante doublée d’un appareil administratif. Qui a jamais conféré pareille énorme autorité à une “organisation de masse” formée d’une poignée de fidèles comme c’est le cas de l’Association patriotique ? Bien qu’elle n’ait jamais eu, depuis sa création, un grand nombre de participants, elle s’est toujours considérée comme l’Eglise catholique romaine en Chine. Elle célèbre des cérémonies lors de rencontres internationales (par exemple au village des jeux asiatiques). Elle s’arroge le droit de faire des commentaires en marge des évènements du monde pour le compte de l’Eglise catholique chinoise. Cette organisation populaire ose sacrer des évêques qui se sont nommés eux-mêmes, édicter des lois pour l’Eglise, répandre sa doctrine et s’offrir à la diriger. Le contrôle exercé par l’Association patriotique sur les questions qui concernent la doctrine, la discipline et la nomination des évêques prive le successeur de Pierre de l’exercice du pouvoir suprême que Jésus lui-même lui a directement conféré.

La Commission administrative, décrite par ses statuts comme une organisation d’évangélisation, contrôle en réalité les décisions prises dans les affaires ecclésiastiques les plus importantes. Elle prive de ce pouvoir l’organe compétent pour décider de ces affaires, la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

Les fonctions du Collège des évêques chinois ont beau être définies comme celles d’un organe parlementaire, il s’arroge le pouvoir de “répandre la doctrine et les lois de l’Eglise“, en se substituant au Saint-Siège dans le gouvernement de l’Eglise entière et en privant le pape de l’exercice de son pouvoir d’arbitre ultime.

Il est donc clair qu’il s’agit ici d’une organisation politique qui interfère dans une religion et cherche directement à la gouverner. La constitution chinoise garantit la liberté d’association et la liberté de croyance. Chacun peut décider d’embrasser la confession de son choix. On ne pourrait donc pas reprocher à l’Association patriotique de vouloir devenir une religion indépendante. Puisqu’il existe déjà plusieurs confessions protestantes, rien n’interdit qu’elle en devienne une de plus. Mais selon l’esprit de la constitution la liberté d’association n’est pas la liberté d’attaquer, de diffamer et de détruire le catholicisme, qui existe de longue date et qui jouit de la protection de la constitution. Or, non contente de se considérer comme l’Eglise catholique de fait et d’en usurper le nom, l’Association patriotique s’est emparée des propriétés de l’Eglise et de tous ses édifices de culte. Elle s’appuie sur le pouvoir du gouvernement et s’adonne à la persécution de l’Eglise authentique et légitime.

Usurpant le nom d’Eglise catholique de Chine, s’appropriant ses biens, l’Association patriotique la prive aussi de son droit à la liberté de culte, jadis garanti par la constitution. Jusqu’au commencement de la République populaire et bien avant la naissance de l’Association patriotique, l’Eglise catholique a été l’une des cinq religions reconnues en Chine. Elle a été protégée par le “programme commun” et ensuite par la constitution. Aujourd’hui l’Association patriotique, forte du pouvoir du gouvernement qui l’appuie, a accaparé cette liberté de culte pour elle seule et se permet de déclarer “les fidèles clandestins hors la loi” du seul fait qu’ils n’acceptent pas d’entrer dans son organisation. L’Association patriotique, née en 1957, se permet avec beaucoup d’arrogance et de présomption de désobéir aux lois de l’Eglise et à celles du pays. C’est la tâche insensée que ses soutiens, qui tirent les ficelles dans la coulisse, lui ont assignée.

Dans la première lettre aux Corinthiens, saint Paul a donné une bonne explication de la doctrine du corps mystique du Christ, à laquelle s’opposent nettement les actions de l’Association patriotique : “De même que le corps, bien qu’il soit un, a beaucoup de membres et que tous les membres, bien que nombreux, soient un seul corps, de même en est-il du Christ” (1 Co 12,12). A l’inverse, l’Association patriotique soutient qu’elle est la vraie Eglise catholique “de Chine” mais sans parler de “l’Eglise catholique de Rome”. Saint Paul ajoutait : “L’oeil ne peut pas dire à la main : je n’ai pas besoin de toi, ni la tête aux pieds : je n’ai pas besoin de vous” (1 Co 12,21). Depuis la création de l’Association patriotique en 1957, toutes les conférences nationales ont affirmé n’avoir nul besoin des autres parties du corps. Au contraire, elles ont décidé “d’entrer dans la voie du socialisme et de fonder une Eglise autonome“, et aussi de “poursuivre la tâche de fonder une Eglise indépendante, qui se gouverne et se gère elle-même“. Le reproche de saint Paul aux Corinthiens reste d’actualité : “Je vous exhorte, frères, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, à être tous unanimes dans vos paroles, qu’il n’y ait point de division entre vous, soyez en parfaite union de pensée et d’intention. Il m’a été signalé à votre sujet, frères, par les gens de Chloé, qu’il y a entre vous des discordes : moi je suis de Paul, et moi d’Apollo, moi de Cephas, moi du Christ… Le Christ serait-il divisé ?” (1 Co 1, 10-12). L’Association patriotique prétend appartenir à l’Eglise chinoise, à l’Eglise qui est “sous la direction du Parti communiste chinois et du gouvernement du peuple” (Principes directeurs de l’Association patriotique des catholiques chinois, 1958), à l’Eglise qui “s’engage sur la voie du socialisme” (proposition de la première conférence nationale de juillet 1957). De telles positions et de tels principes n’expriment certainement pas une “union parfaite de pensée et d’intention”.

Soulignant que le Christ est la tête et expliquant la fonction de la tête dans un corps, saint Paul a dit : “Les souffrances et le bonheur d’un membre du corps sont aussi les souffrances et le bonheur de la tête “(Col 1,24). “Il est aussi la tête du corps, qui est l’Eglise (Col 1,18)…, dont tout le corps reçoit subsistance et cohésion par les jointures et ligaments et réalise ainsi sa croissance selon le vouloir de Dieu” (Col 2,19). L’Association patriotique, niant la fonction de la tête, a dans toutes les assemblées passées mis en avant les principes du refus total. Par exemple à la première conférence nationale de 1957, elle a proposé de “rompre d’une manière nette avec le contrôle du Vatican“. Elle a encore dit à l’occasion de la troisième conférence nationale, en avril 1981, qu'”il n’est pas possible que le Vatican et une Eglise étrangère restaurent le contrôle colonial sur l’Eglise de Chine“.

CHAPITRE III

Les activités de l’association patriotique

Depuis sa création, les activités de l’Association patriotique ont tendu à porter la division à l’intérieur de l’Eglise. Elles se ramènent au refus des directives du Saint-Siège, au désintérêt pour les décisions prises par les conciles oecuméniques, à l’élection et à l’ordination d’évêques sans l’approbation pontificale.

1. Refus des directives du Saint-Siège

Ce refus concerne les encycliques, les décrets des congrégations et les lettres pastorales des autorités ecclésiastiques. L’Association patriotique a toujours soutenu que les décrets et les lettres pastorales venaient d’impérialistes étrangers qui cherchaient à restaurer leur domination coloniale sur l’Eglise de Chine.

En mai 1950, les autorités chinoises lancent à Pékin le “Mouvement de réforme des trois autonomies”. Elles obligent les fidèles à accuser le Saint-Siège d’impérialisme et critiquent les prêtres et les fidèles qui refusent d’entrer dans le mouvement. Le Saint-Siège fait savoir à l’Eglise de Chine qu’il est défendu aux fidèles d'”adhérer à une organisation du parti communiste ou appuyée par lui”. En décembre, l’internonce apostolique Mgr Antonio Riberi envoie une lettre pastorale à tous les évêques de Chine, dans laquelle il souligne que le Mouvement des trois autonomies divise l’Eglise, “s’oppose à la doctrine et aux lois de l’Eglise” et “entrave sa mission surnaturelle”. Le 31 mars 1951, la presse de Nankin publie une déclaration signée par le vicaire général de ce diocèse, Li Weiguang, et 783 catholiques, en faveur de la réforme de l’Eglise et contre l’intervention du Saint-Siège dans la politique intérieure du pays. Le même jour, l’internonce Riberi, encore en résidence à Nankin, écrit une lettre pastorale aux Ordinaires de Chine où il condamne la déclaration du vicaire général Li et dénonce une fois de plus l’application des “trois autonomies” à l’Eglise catholique, qu’il définit comme “un pernicieux complot de l’Ennemi”. Les autorités réagissent en interdisant aux fidèles d’obéir à l’internonce et mobilisent les fidèles “patriotes” pour condamner ses “crimes“. L’internonce est expulsé le 18 septembre.

Tout au long des persécutions religieuses qui sévissent en Chine, le Saint-Siège publie une série de documents. Les fidèles excités à la révolte et trompés répondent aux lettres pastorales et aux décrets par des condamnations, des insultes et des protestations. Pour tenter d’arrêter le progrès du mouvement des trois autonomies mis en marche par les autorités chinoises, le pape Pie XII publie trois encycliques. La première, datée du 18 janvier 1952 et intitulée Cupimus imprimis, demande aux croyants de rester fidèles à l’Eglise et affirme que les actions du mouvement des trois autonomies en faveur d’une rupture des liens avec l’Eglise catholique de Rome ne peuvent pas être admises. Le 7 octobre 1954 paraît une deuxième encyclique, Ad Sinarum gentem dans laquelle il est expliqué que l’Eglise est une et catholique et que le mouvement des trois autonomies, s’il n’est pas faux en soi, a tort de combattre pour des doctrines et des modes de direction qui diffèrent des coutumes de l’Eglise catholique. La troisième encyclique publiée le 29 juin 1958, Ad apostolorum principis, condamne la duplicité de l’organisation trompeuse qu’est l’Association patriotique. Elle souligne qu’un évêque choisi et sacré par l’Association patriotique sans l’approbation pontificale “n’entre pas dans la bergerie par la porte, mais par une autre voie à la façon des voleurs et des brigands” (Jo 10,1) et n’a donc pas le pouvoir de gouvernement. Bien que de tels évêques, choisis et sacrés sans l’approbation pontificale, aient reçu validement l’ordre sacré, ils ont pourtant enfreint la loi, commis une faute et blasphémé contre Dieu. Le pape assure de son soutien ceux qui auront refusé de suivre les chefs de l’Association patriotique. Les autorités chinoises et les membres de l’Association patriotique condamnent encore une fois l’intervention du pape, avec des insultes et des protestations. Aucune attention n’est accordée aux documents pontificaux et le mouvement de réforme continue dans sa propre ligne.

Après la mort du pape Pie XII, ses successeurs ne lancent plus aucune interdiction et changent radicalement d’attitude, préférant formuler des critiques, tenter de persuader et appeler à la prière. Pendant un consistoire secret tenu le 15 décembre 1958, le pape Jean XXIII réclame des prières pour l’Eglise souffrante de Chine, persécutée par l’Association patriotique qui trompe les fidèles et les pousse à diviser l’Eglise. Le pape demande aussi de prier pour une Chine dans laquelle les prêtres sont incarcérés. Le même jour, dans son message de voeux de Noël, Jean XXIII rappelle que “c’est seulement grâce à l’unité que la tour de Babel en Chine peut être rendue inoffensive”. Dans sa lettre au cardinal Micara du 12 janvier 1959, le pape demande aux enfants du diocèse de Rome de prier avec le corps mystique du Christ, hélas! divisé en Chine. Le 25 janvier 1959, le pape célèbre à la basilique Saint-Pierre une messe pour l’Eglise en Chine qui souffre persécution. Le jour de la Pentecôte, le 15 mai de la même année, le pape accuse les autorités chinoises de fomenter la division et ajoute que la situation de l’Eglise catholique en Chine s’aggrave comme celle de l’Eglise de Hongrie.

Le 6 août 1964, Paul VI souligne dans sa première encyclique, Ecclesiam suam, que le système qui mène à l’athéisme doit être refuté et que “la voie de l’Eglise est la porte ouverte au dialogue avec les dirigeants chinois”. Le 1er janvier 1966, le pape envoie une lettre de voeux aux diverses nations. Seuls les gouvernements de Hanoi et de Pékin ne lui adressent aucune réponse. Le jour de l’Epiphanie, 6 janvier 1967, à l’occasion du quarantième anniversaire du sacre des six premiers évêques chinois et du vingtième anniversaire de l’érection de la hiérarchie chinoise, le pape célébre la messe et prie pour l’Eglise de Chine. Dans son sermon, il fait l’éloge de la culture chinoise et dit son inquiétude du sort de la nation chinoise. En novembre 1970, le pape fait un voyage aux Philippines et préside la première réunion des conférences épiscopales d’Asie. Son “message aux peuples d’Asie” aborde les thèmes de la justice et de la paix. Mais la Chine n’en tient aucun compte. A Hongkong, dans l’homélie prononcée pendant la célébration eucharistique le 4 décembre 1970, Paul VI dit que, “pour la Chine aussi, le Christ est un guide, un pasteur et un rédempteur débordant d’amour”. Dans un appel indirect il demande aux autorités chinoises de mettre fin à la persécution de l’Eglise catholique. En 1971, dans son encyclique Octogesima adveniens, le pape passe en revue diverses philosophies et idéologies et met en garde les fidèles à l’égard du socialisme, du marxisme, du libéralisme. L’attaque de la part des autorités chinoises ne se fait pas attendre.

Jean-Paul II a exprimé à plusieurs reprises le désir d’établir un contact avec les autorités chinoises pour poser les bases de relations amicales. Le 19 août 1979, le pape affirme qu’il désire beaucoup le rétablissement des relations avec l’Eglise en Chine et exprime l’espoir que l’Eglise chinoise puisse jouir d’une pleine liberté religieuse. Dans son message dominical prononcé le 7 septembre 1980, le pape promet de prier pour le progrès et pour la prospérité de la Chine, en faisant allusion à la sortie de prison de l’évêque de Canton, Mgr Dominique Deng (Tang). Le 18 février 1981, il exprime devant une communauté chrétienne chinoise d’outre-mer sa profonde préoccupation, son amour et sa compréhension pour les chrétiens de Chine, disant : “Si les missionnaires arrivent à comprendre la Chine comme l’a comprise Matteo Ricci, les relations sino-vaticanes s’amélioreront”. Trois jours après, à Manille, le pape dit son espoir de pouvoir faire une visite aux nations d’Asie, pour rencontrer les troupeaux de brebis qui avaient tant souffert en Chine. Le 6 janvier 1982, il envoie une lettre aux évêques du monde entier pour qu’ils invitent les fidèles à prier pour la Chine et pour tous ceux qui sont séparés du Saint-Siège pour diverses raisons, pour que l’Eglise universelle puisse être de nouveau unie. Le pape dit aussi que pendant tout son mandat la Chine sera sa première et déchirante préoccupation. La liberté de l’Eglise en Chine s’annonce plus probable, de même que devient plus profonde la compréhension de la situation réelle de l’Eglise en Chine. Le 21 mars 1982, le pape célèbre une messe spéciale pour l’Eglise en Chine près de la basilique Saint-Pierre. Le même jour, parlant depuis le Vatican, il formule l’espoir que les frères et les soeurs de Chine “rechercheront l’unité de pensée et de sentiment, en particulier dans la prière”. Durant la même année, en commémoration du quatrième centenaire de l’arrivée de Matteo Ricci en Chine, le pape répète qu’il veut dialoguer avec la Chine et établir un pont avec elle. Dans une lettre écrite le 10 septembre à l’évêque de Macerata, lieu de naissance de Matteo Ricci, il affirme que la préoccupation et l’amour pour la Chine auront occupé une place importante et constante dans ses pensées jusqu’à la fin de son mandat. En même temps, il fait l’éloge de Matteo Ricci et le définit comme un pont entre la culture de l’Orient et celle de l’Occident. A la cérémonie de clôture de