Eglises d'Asie

La faiblesse du gouvernement à l’égard des fondamentalistes musulmans suscite de plus en plus de réactions négatives dans la population

Publié le 18/03/2010




Le 9 juin 1994, les deux syndicats de journalistes du Bangladesh ont organisé une manifestation devant le bâtiment qui abrite le quotidien bengali Janakantha. Ils ont demandé la libération immédiate de Toab Khan et de Bohran Ahmed, deux de ses journalistes arrêtés la veille parce que, selon la police de Dacca, ils avaient “interprété de manière erronée le verset 3 du Coran, blessant ainsi la sensibilité religieuse des musulmansLe tribunal a refusé de les libérer sous caution. Le propriétaire du journal, accusé lui aussi, se cache et est recherché par la police. S’ils sont condamnés, les trois hommes risquent une peine de deux ans de travaux forcés.

Ces arrestations ont suivi la parution d’un éditorial du Janakantha, le 12 mai 1994, qui a provoqué de violentes protestations de groupes fondamentalistes musulmans devant les bureaux du journal. Les islamistes exigent que le quotidien soit interdit et que l’on poursuive ses éditeurs, comme on l’a fait pour l’écrivain féministe Taslima Nasreen elle aussi recherchée par la police pour les mêmes raisons. D’après les syndicats de journalistes, 24 journaux ont été pris à partie de la même manière par les fondamentalistes musulmans ces trois dernières années.

L’hebdomadaire de Dacca, Dhaka Courrier, observe que “ces attaques des fanatiques religieux contre les médias, les individus et les institutions constituent une tentative grave et concertée pour changer la nature de l’Etat du BangladeshDe leur côté, l’Association des écrivains, le Conseil de la presse du Bangladesh et d’autres organisations ont accusé le gouvernement de ne pas respecter la liberté de la presse et de manifester une faiblesse coupable à l’égard du “complot fondamentalisteL’écrivain Talisma Nasreen, qui est en fuite, a dénoncé dans un communiqué “le mandat d’amener” lancé contre elle. Elle a aussi déploré “l’inaction coupable du gouvernement contre ceux qui la menacent de mortTout cela, dit-elle, est une triste illustration des violations des droits de l’homme au Bangladesh. Les groupes fondamentalistes exigent que Talisma Nasreen soit “pendue pour blasphème”.

Le verset du Coran cité dans l’éditorial du Janakantha du 12 mai dernier était apparemment utilisé pour ridiculiser les religieux qui font des erreurs de traduction toujours à leur avantage. L’article disait aussi que les fatwas illégalement décrétées par les mollahs dans les villages, soi-disant par respect pour l’islam, sont surtout destinées à “fomenter une campagne politique” (1).

Plus de 85% des 110 millions d’habitants du Bangladesh sont musulmans et les observateurs estiment que l’analphabétisme de 75% de la population et l’obscurantisme religieux sont les deux facteurs du succès des fondamentalistes même si l’extrémisme manifesté par certains d’entre eux demeure largement minoritaire.