Comment en finir avec les Khmers rouges ?
Le contingent de l’ONU n’ayant pas réussi à désarmer les forces en présence, comment en finir avec les Khmers rouges qui contrôlent entre 10 et 15% du territoire national et dont les troupes sont estimées entre 5 000 et 20 000 combattants ? Depuis plusieurs mois, les partenaires mènent des pourparlers stériles, chacun adaptant sa position suivant la fortune de ses armes sur le terrain.
Au début de l’année 1994, contre l’avis de ses propres militaires, le gouvernement de Phnom Penh a choisi la manière forte : en février sur Anlong Veng, au nord du pays; en mars sur Païlin, la « capitale » khmer rouge, au nord-est; deux victoires-éclairs sur les révolutionnaires qui s’étaient retirés, rapidement muées en « humiliantes défaites ». Le général Sak Sutsakhan, chef de la branche armée de l’ex-FNLPK (Front national de libération du peuple khmer, parti nationaliste de Son Sann) est mortellement blessé à Païlin (et non décédé de malaria ou d’une crise cardiaque comme le prétend la version officielle).
Avec le matériel lourd pris aux forces gouvernementales, les Khmers rouges avancent jusqu’à Phnom Sampeuou, situé à 14 km de Battambang, et menacent la seconde ville du pays. Le personnel des ONGs accroît la panique générale en quittant précipitamment la ville. Personne ne semble en mesure d’arrêter la marche victorieuse des révolutionnaires. L’armée cambodgienne est défaite, au sens premier du terme : plus aucun chef ne la dirige, c’est la débandade. Une soixantaine de milliers de villageois fuient les combats, tant le long de la route nationale 10 (Battambang – Païlin), que dans la région de Ratanak – Mondol, ainsi que dans celle de Sisophon – Thmar Puok.
Le 30 avril, près de Kamping Pouy, les Khmers rouges interceptent brutalement la « marche de la paix » (Dhammayeatra), qui avait commis l’imprudence de se laisser précéder par deux soldats gouvernementaux en armes : trois marcheurs dont un moine et une nonne sont tués, plusieurs sont blessés. Les Khmers rouges retiennent dans la forêt, pendant quelques heures, les six marcheurs étrangers qui accompagnaient la marche. Ils expriment leur regret d’avoir tué un moine, leur demandent de rester neutres, et affirment qu’eux aussi veulent la paix. Selon ces étrangers, ce court séjour en forêt a été le sommet de la marche, car elle a permis un dialogue, limité mais réel, avec les Khmers rouges. Selon ces mêmes étrangers, l’armée gouvernementale ne cesse de provoquer les Khmers rouges tout au long de cette marche, rendant l’affrontement inévitable.
Cependant, les Khmers rouges ne se laissent pas griser par la victoire : un raid sur Battambang est à leur portée, mais ils savent ne pas pouvoir occuper la ville durablement. Ils heurteraient de plus l’opinion internationale qui risquerait de prendre fait et cause pour le gouvernement de Phnom Penh. Ils préfèrent donc stopper leur avance et même, en certains secteurs, se retirer.
Du côté de l’armée gouvernementale on achemine des renforts : 650 hommes des forces spéciales, et environ 300 hommes de la force de police politique A3, en principe dissoute avant les accords de Paris : c’est sans doute ce qui a fait dire aux Khmers rouges que le gouvernement de Phnom Penh avait fait venir 20 camions de mercenaires du Vietnam. On utilise la méthode de l’éléphant : pilonnage d’artillerie sur les villages tenus par les Khmers rouges, contraints à se retirer. Avant leur retraite, les Khmers rouges détruisent systématiquement tous les bâtiments officiels – mairies, hôpitaux, écoles – et brûlent les maisons des riches. Dès la reprise des villages, les militaires pillent tout ce qui reste : riz, bétail, meubles. Ils démontent les maisons et en emportent les poutres et les planches. On accuse les Khmers rouges d’avoir violé et décapité les jeunes femmes de soldats du FNPK, mais c’est en réalité l’ouvre de soudards de l’armée. Les soldats se font photographier avec des têtes de Khmers rouges à la main.
Peu à peu, l’armée reconquiert le terrain perdu. Le 23 mai, en reprenant Treng, elle est revenue à sa position initiale de mars. On annonce la découverte de 200 cadavres khmers rouges, dont 50 à Phum Svay Sâr à 10km de Treng, probablement exécutés d’une balle dans la tête pour s’être repliés devant les forces gouvernementales.
* Cette information est à prendre avec réserve : elle n’est donnée que par les forces de Phnom Penh et personne n’a été en mesure de l’infirmer ou de la confirmer. Le CICR a enquêté en vain.
Les Khmers rouges continuent à lancer de petites attaques contre Lahat Teuk ou Mongkolborey, le 15 mai. Le 24 mai, Sam Rainsy, ministre des Finances, fait le bilan de l’opération : l’armée gouvernementale a repris les positions qu’elle occupait avant son attaque du mois de mars, et déplore la perte de « centaines de vies humaines et de millions de dollars ». On avance le chiffre de 209 morts et la destruction de 12 blindés T-54.
Des négociations bloquées
Le 27 avril, le roi Sihanouk propose aux belligérants la tenue d’une table ronde à Phnom Penh, du 2 au 7 mai. Il lance également un appel pathétique pour un cessez-le-feu immédiat et sans condition. Certains journaux cambodgiens accusent alors Sihanouk d’être responsable de la défaite, d’avoir démoralisé l’armée en prônant les négociations avant la fin de l’action militaire. Khieu Samphan, représentant des Khmers rouges, désormais en position de force, déclare que Phnom Penh n’est pas un endroit neutre et que la sécurité de sa délégation n’y serait pas assurée. Il propose donc que la réunion se tienne à Paris ou à Jakarta, ce que les responsables du gouvernement ne peuvent accepter. Le 6 mai, le roi lance l’idée d’organiser de nouvelles élections sous sa propre supervision, afin de permettre aux Khmers rouges d’y participer.
Sihanouk propose ensuite d’inviter les Khmers rouges et les trois principales personnalités du gouvernement à Pyongyang, capitale de la Corée du Nord. Le prince Ranariddh, premier-premier ministre déclare que « tour de table signifie discussions et non pas négociations ». Il pose comme précondition que les Khmers rouges annoncent un cessez-le-feu. Chéa Sim, président de l’assemblée nationale, trouve qu’on a déjà beaucoup trop fait de concessions aux Khmers rouges.
Sihanouk s’avoue découragé. Profitant de son âge et de sa maladie, Sihanouk semble vouloir jouer le fou du roi, et dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas : « Je n’ai pas d’illusion, je sais qu’il n’y aura pas de compromis, ni à Jakarta, ni à Paris, ni nulle part ailleurs… Même cent tables rondes ne serviront à rien. Je ne comprends pas pourquoi les Khmers veulent détruire leur propre peuple ». Il donne un avertissement redoutable et à prendre au sérieux : « Si les combats continuent, notre peuple souffrira et seuls nos voisins seront vainqueurs. Le Cambodge mourra ». Le roi est en butte à des critiques systématiques et virulentes, dans de nombreux journaux cambodgiens qui l’accusent d’avoir soutenu les Khmers rouges. Il décide donc de partir se soigner en Chine, le 18 mai, soit deux semaines plus tôt que prévu. Le roi surprend d’ailleurs par son activité et son apparente grande forme, si bien que certains se demandent si les médecins chinois ont fait des miracles ou si le roi n’est qu’un malade imaginaire.
Le roi se rend compte que d’un côté comme de l’autre on ne veut ni négocier ni partager le pouvoir. Du côté gouvernemental, on cherche à s’approvisionner en armes pour lancer de nouvelles attaques et détruire à tout prix les Khmers rouges par la guerre, plutôt que de récupérer simplement les territoires qu’ils contrôlent. Du côté des Khmers rouges, on a décidé de lancer des offensives tant militaires que politiques pour renverser le gouvernement. Des documents émanant des Khmers rouges font état d’une réunion des chefs révolutionnaires avec Pol Pot, tenue en avril dans la jungle, pour définir leur stratégie. Il est clair pour eux que ni Ranariddh ni Hun Sen ne veulent de compromis avec eux. Il faut donc les convaincre, en accentuant les combats, qu’il n’y a pas d’issue militaire au conflit. Les Khmers rouges se sentent de plus en plus trahis par Ranariddh, leur allié de jadis, qui, avant les élections, leur avait promis de les faire entrer dans le gouvernement, et qui, maintenant, leur fait la guerre.
Sihanouk réaffirme donc avec insistance que l’unique voie pour sortir le pays de l’abîme où il s’enfonce par des conflits sans fin, est de faire entrer les Khmers rouges dans le gouvernement : « C’est une nécessité. Je ne veux pas être pessimiste. Ce n’est pas du pessimisme, c’est du réalisme ». Un certain nombre de personnalités khmères, dont trente membres de l’assemblée nationale, soit le quart, demandent à Sihanouk de prendre les pleins pouvoirs « pour un temps limité, afin de sauver le pays ». Une manifestation de soutien à Sihanouk est prévue le 17 mai. 20 000 journaux et tracts doivent être distribués pour l’occasion. Mais le 16 mai, le ministre de l’Intérieur interdit la manifestation, prétextant qu’elle pourrait se terminer dans le sang. Ranariddh, qui est contesté même à l’intérieur de son propre parti, menace de limoger toute personnalité qui soutiendrait le roi. « Le coup d’Etat constitutionnel » échoue. Sihanouk part en Chine le 18 mai comme prévu.
Le même jour, les deux co-premiers ministres et le président de l’assemblée nationale donnent leur accord pour se rendre à Pyongyang les 27-31 mai « sans cessez-le-feu et sans précondition ». Le 21 mai, dans une lettre écrite de Pékin aux participants de la table ronde de Pyongyang, le roi Sihanouk les supplie « d’accepter un cessez-le-feu inconditionnel, immédiat, complet, durable et irréversible sur tout le territoire », même si aucune autre solution politique n’est trouvée. Ce cessez-le-feu pourrait commencer dès le 15 juin et être supervisé par une commission comprenant des officiers des deux parties conduits par deux généraux « neutres ». Il propose la signature d’un traité sur l’unification du pays. Le gouvernement de Phnom Penh donne son accord par écrit, dès le 27 mai.
La veille de la réunion de Pyongyang, les Khmers rouges proposent un autre plan de paix: le gouvernement de Phnom Penh doit choisir les contingents de cinq parmi huit pays pour venir superviser le cessez-le-feu. Il s’agit de la Suisse, de l’Autriche, de Fidji, du Sri Lanka, des Philippines, de la Papouasie-Nouvelle Guinée, de la Finlande et du Népal. Arrivés à Pyongyang à bord du même avion, le roi Sihanouk, les trois principales autorités du gouvernement de Phnom Penh, et la délégation de sept Khmers rouges se séparent dès le second jour de la discussion sur un échec. Bien que « terminées dans une harmonieuse atmosphère » selon l’organe de presse officiel nord-coréen, les discussions n’aboutissent qu’à la création d’une commission qui se réunira à Phnom Penh le 15 juin, pour « résoudre pacifiquement tous les problèmes, dans un esprit de réconciliation et d’union nationale ». Les deux parties se sont engagées à garder le Cambodge « intact sans partition ni sécession ». Khieu Samphan a demandé l’établissement d’une « plateforme politique minimale » en vue de la « formation d’un gouvernement national et d’une armée nationale ».
A son retour à Phnom Penh, le prince Ranariddh rejette la responsabilité de l’échec des pourparlers de Pyongyang sur les Khmers rouges qui ont refusé par cinq fois la demande de Sihanouk pour un cessez-le-feu. « Le roi est à court d’initiatives nouvelles », dit-il, « le gouvernement n’a plus d’autre choix que de combattre, avec ou sans les pays amis… Les Khmers rouges ne veulent pas régler les problèmes en suspens par des moyens pacifiques ». Il affirme que la réunion de Pyongyang a coûté 100 000 dollars au gouvernement pour rien. Hun Sen proclame de son côté que le problème des Khmers rouges est à résoudre entre Khmers, sans interférence étrangère. Les diplomates occidentaux sont plus réservés et constatent que, d’un côté comme de l’autre, on ne fait aucun effort pour tenter de réduire les différences et les oppositions.
Décréter les Khmers rouges ‘hors-la-loi’
Depuis l’échec de la rencontre de Pyongyang, le gouvernement reprend la menace de décréter les Khmers rouges « hors-la-loi » et de les expulser de leur quartier de Phnom Penh. Cette menace, régulièrement brandie, avait été mise en sourdine à la fin du mois d’avril, sur pression du roi, pour permettre la tenue de la table ronde prévue au début du mois de mai. Le porte-parole du gouvernement justifie à l’avance cette mesure : « Les Khmers rouges sont des assassins, ils détruisent la culture cambodgienne, détruisent la vie du peuple, apportent l’influence étrangère et sont vendus aux intérêts étrangers et ne servent pas les intérêts cambodgiens ». Tout autant de griefs que l’on pourrait, à juste titre, retourner contre le gouvernement de Phnom Penh.
Le roi Sihanouk nomme Nhek Tioulong, un fidèle vétéran de l’époque du Sangkum, comme son représentant spécial pour la réunion du 15 juin. Chan Youran, Mak Ben, Thep Kunnal, Top Kiem, Méas Chey et Sok Roeu représentent les Khmers rouges. Du côté gouvernemental ce sont You Hokkry, vice-ministre de l’Intérieur, Veng Seryvuth et Sok An, du ministère des Affaires étrangères, et Toh Las, secrétaire général de l’Assemblée nationale. Ni Khieu Samphan, ni Ranariddh, ni Hun Sen, ni Chéa Sim, habituels négociateurs, n’assistent à la réunion. Un signe peu encourageant est donné par Phnom Penh à la veille de la rencontre: la télévision nationale diffuse « La déchirure », pour rappeler les horreurs des Khmers rouges. Au début de la réunion, Nhiek Tioulong lit une déclaration du roi dans laquelle ce dernier déclare que si la réunion échoue, il ne fera plus aucune proposition de rencontre. Le gouvernement propose qu’un cessez-le-feu commence le 30 juin, mais les Khmers rouges demandent préalablement que soit organisé le comité de supervision du cessez-le-feu, et donc refusent la date de son entrée en vigueur, posée comme préalable aux discussions: « Nous voulons un vrai cessez-le-feu, nous ne voulons pas nous tromper les uns les autres, et égarer l’opinion nationale et internationale », disent les Khmers rouges. D’accord pour ue trêve, mais seulement après le partage du pouvoir.
L’impasse est donc totale. Le 17 juin, le ministre de l’Intérieur intime l’ordre à la délégation khmère rouge de quitter les bâtiments qu’elle occupe dans le palais royal: « Puisque’il n’y a plus de discussions, nous pensons que les Khmers rouges n’ont plus besoin d’avoir un bureau ici… Ils utilisent la place pour diffuser leur propagande ». On les accuse d’utiliser les négociations pour se légitimer aux yeux du monde. Le roi Sihanouk leur écrit une lettre en leur demandant de quitter les lieux pour leur propre sécurité.
C’est donc la rupture, qui équivaut à une déclaration de guerre. « Le premier pas a été la fermeture du bureau des Khmers rouges à Phnom Penh. Le second sera de les déclarer ‘hors-la-loi' », annonce le porte-parole du gouvernement. Le prince Sirivuddh, ministre des Affaires étrangères, et Sam Rainsy, ministre des Finances, menacent de démissionner, si le gouvernement maintient sa volonté de déclarer les Khmers rouges hors-la-loi. Pour eux, la solution militaire ne résoudra pas le problème, la seule voie est le développement économique et social. Sirivuddh se dit ministre du Roi, et déclare qu’en tentant de mettre les Khmers rouges « hors-la-loi », le gouvernement trahit le roi. Sam Rainsy, comme ministre des finances, pense que la reprise de la guerre menacerait son fragile équilibre budgétaire. Le gouvernement les accuse alors d’être pro-khmers rouges: « Qu’ils se soumettent, ou qu’ils se démettent! » dit le porte-parole du gouvernement.
Déjà le 24 mai, Sam Rainsy avait annoncé qu’il ne démissionnerait pas du cabinet ministériel, en dépit des fortes pressions exercées sur lui. « Je puis être démissionné, c’est un autre problème », dit le ministre. Il estime rencontrer un nombre croissant de gens qui le soutiennenent dans son action, notamment le roi, qui, on s’en souvient, avait refusé son éviction du gouvernement en janvier dernier. Il se déclare heureux, éventuellement, d’avoir un Khmer rouge comme collègue au ministère des Finances, plutôt que de le voir dans la jungle.
La Thaïlande désapprouve, et demande instamment de ne pas passer à la seconde étape, qui constituerait « l’ultime rupture du processus de réconcilitation ». Elle serait prise au piège en ne pouvant plus délivrer de visas aux autorités khmères rouges résidant sur son sol. La Thaïlande propose que le conflit cambodgien soit soumis au sommet annuel de l’ASEAN en juillet prochain. Sans vouloir s’intégrer dans les histoires de son voisin, elle déclare par la voix de son ministre des Affaires étrangères, que mettre les Khmers rouges « hors-la-loi » aboutirait à la dislocation du gouvernement. Elle trouve étrange qu’une seule réunion puisse clore un processus de réconciliation.
Dans le désarroi politique du pays, le roi Sihanouk relance l’idée d’une prise du pouvoir: « Dans le cas où la situation deviendrait anarchique et désespérée, je pourrais prendre le pouvoir pour un ou deux ans,… et devenir mon propre premier ministre ». Mais il déclare qu’il ne le ferait uniquement que s’il y était invité par le parlement et des deux co-premier ministres. Dans ce cas il nommerait un gouvernement d’unité nationale comprenant 4 vice-présidents: Ranariddh, Hun Sen, Sam Rainsy et Khieu Samphan. Il avoue toutefois que son épouse Monique est opposée à ce plan, et que Hun Sen, qui contrôle la majeure partie de l’armée et de la police, s’y opposera. Hun Sen, irrité, écrit effectivement une longue lettre au roi, en récusant point par point ses propositions, comme non conformes à la Constitution du Royaume. Le roi se rétracte ensuite. Il affime n’avoir qu’une seule passion; faire un nouveau film intitulé « Un apôtre de la non-violence », dans lequel il célébrera les actions menées par Moha Ghossananda pour la paix dans son pays. A la radio, les Khmers rouges accusent Hun Sen de crime de lèse-majesté, et demandent qu’il soit condamné aux travaux forcés!
Comme par hasard, les Etats-Unis font connaître l’existence d’un projet, signé par le président Clinton lui-même à la fin du mois d’avril, visant à créér un organisme pour juger les crimes de guerre au Cambodge. Ce projet devra être ratifié par le département d’Etat avant le 30 juillet. Haing Ngor, principal auteur du film « La déchirure », et Chanthou Boua, épouse du spécialiste australien Ben Kiernan, connu pour son soutien au Prachéachon, donnent des conférences à Phnom Penh pour demander le jugement des Khmers rouges par un tribunal international… Certains gardent la tête froide, en faisant remarquer que la plupart des hommes de Prachéachon au pouvoir sont d’anciens Khmers rouges!
Sam Rainsy fait savoir que des pressions sérieuses sont exercées sur les membres du parlement pour signer le projet de loi mettant les Khmers rouges hors-la-loi. Déjà les 51 députés du Prachéachon ont signé le projet: du côté du FUNCINPEC, Ranariddh l’a signé en premier, pour donner l’exemple et inciter les membres de son parti à le suivre.
Le 28 juin, la crise politique s’aggrave lorsqu’on apprend que dix jours plus tôt, Ranariddh et Hun Sen ont signé une lettre donnant l’exclusivité de l’exportation du bois à deux sociétés thaïlandaise. Les droits de douanes seront désormais perçus par le ministère de la Défense cambodgien. Une telle autorisation est prise sans consultation du parlement, ni du ministère de l’Agriculture, des Forêts et des Pêches, ni celui du Commerce, ni celui des Finances et de l’Economie, ni celui des Affaires étrangères. Le ministre des Affaires étrangères reçoit des notes courroucées des ambassades du Japon et d’Indonésie, évincées du contrat. Le général Téa Chamrat, vice-ministre de la Défense, est chargé de la collecte des droits de douanes, « pour deux ou trois mois », mais avoue « ne pas savoir pourquoi ».
Plus que d’une affaire de grous sous, il semble s’agir d’une affaire politique: on veut forcer les deux ministres gêneurs, Sam Rainsy et Sirivuddh, à démissionner. Une odeur de coup d’Etat flotte sur Phnom Penh.
* C’est le représentant d’une société thaïlandaise évincée qui révèle l’affaire.
* Le Cambodge avait interdit l’exportation du bois depuis le 1er janvier 1994. Une dérogation avait été accordée aux sociétés thaïlandaises pour exporter les grumes coupées, jusqu’à la fin mars. Avec la lettre des deux ministres, les sociétés thaïlandaises pourront exporter immédiatement 180 000 m3 de bois, pour une valeur de 5,5 millions de dollars. Ranariddh qui se plaignait de la détérioration de l’environnement, semble avoir oublié ses arguments…
Vers une aide militaire étrangère?
Dès le 5 mai, devant l’échec de ses propositions de cessez-le-feu, le roi Sihanouk menace de demander une assistance militaire étrangère pour en finir avec les Khmers rouges. Il pense tout haut aux Etats-Unis, à la France, à l’Australie qui pourraient « fournir des munitions, des équipements et entraîner les troupes ». Mais lucide, il fait remarquer que son pays est « le plus corrompu du monde », que donner des armes à l’armée serait « inutile », car elles risqueraient fort d’être « revendues même aux Khmers rouges! » « Il n’y a pas de discipline, pas de formation de base. Les officiers vont au marché acheter leurs étoiles. Quand vous avez 10 000 colonels, il est difficile de trouver des soldats pour combattre », dit le roi. L’armée gouvernementale est créditée de 130 000 hommes, dont environ la moitié seraient des soldats fantômes, composée de 68% d’officiers, dont 2 000 généraux. La plupart des experts militaires estiment qu’un effectif de 15 000 hommes, bien entraînés et bien payés, avec 10 généraux, serait suffisant. Lors d’une tournée en Europe, le prince Sirivuddh, ministre cambodgien des Affaires étrangères a demandé des armes à la France et à la Grande-Bretagne. Le Canada et le Japon sont également sollicités. En mars, déjà, le Cambodge avait demandé des armes et des munitions au Vietnam et au Laos, mais ces deux pays avaient refusé toute aide.
La Thaïlande réagit violemment à ces propos, estimant que toute livraison d’armes ne ferait que prolonger la guerre. Elle craint pour sa propre sécurité. Cela ne l’empêche pas pour autant de soutenir militairement et diplomatiquement les Khmers rouges. Elle entreprend donc des démarches auprès des différents pays pressentis afin de prévenir toute aide militaire. Le 14 mai, le vice-ministre des Affaires étrangères thaïlandais demande à la France et à l’Indonésie de consulter les 19 signataires des accords de Paris sur la question. Le prince Ranariddh qualifie l’attitude thaïlandaise « d’hypocrite ». La diplomatie cambodgienne essaye d’obtenir un soutien de l’ASEAN, mais la position de la Thaïlande est forte.
Les Khmers rouges réagissent en demandant au peuple cambodgien de résister à une telle proposition qui ne vise qu’à maintenir le Cambodge sous la tutelle du Vietnam, avec l’appui des Etats-Unis, de la France, de l’Australie et du Japon. Son Sann est défavorable à l’octroi d’armes à son pays, ainsi que Buor Hell, président du Parti neutre khmer.
Le 19 mai, officiellement pour des raisons budgétaires, le Conseil de Sécurité de l’ONU rejette la demande du Cambodge de prolonger de six mois la présence des vingt hommes du groupe de liaison, dont le mandat a expiré le 15 mai. Le gouvernement cambodgien avait fait cette demande spécialement pour superviser la frontière khméro-thaïlandaise.
En dépit des démentis officiels, il semble que la Malaisie ait passé un contrat avec le gouvernement de Phnom Penh pour lui fournir d’importantes quantités d’armes et de munitions parmi les plus sophistiquées possédées par les pays de l’ASEAN. Le 19 mai, une grenade est lancée dans son ambassade à Phnom Penh, sans faire de dégâts.
Les Etats-Unis décident d’envoyer 90 officiers au Cambodge: une soixantaine d’experts en déminage, pour former des démineurs cambodgiens; 20 ingénieurs enseigneront les techniques de reconstruction de routes; 15 à 20 assureront la construction et l’entretien du matériel militaire. Ces militaires resteront plusieurs mois, mais ne seront impliqués dans aucune opération militaire offensive. Il n’est pas question qu’ils deviennent les conseillers militaires. Le syndrome de la défaite au Vietnam plane sur la décision du Congrès. Les Etats-Unis accordent également une aide de 90 000 dollars en manuels de formation militaire. Causant la fureur de la Thaïlande, Morton Abramowitz, ancien ambassadeur américain à Bangkok, écrit dans le Washington Post que la Thaïlande continue à assurer un soutien matériel et logistique important aux Khmers rouges, afin d’en faire un rempart contre un retour éventuel des Vietnamiens au Cambodge.
Le 5 juin, après avoir demandé l’avis de la Thaïlande, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, l’Australie rejette l’idée d’accorder une aide militaire au gouvernement cambodgien. Elle promet toutefois d’accorder une aide de 2,2 millions de dollars en assistance militaire, destinée spécialement au déminage. L’Australie assure déjà le système de communications de l’armée. Cependant, le 26 juin, Gareth Evans, ministre australien des Affaires étrangères, demande à la Communauté internationale de faire un dernier effort pour chasser les Khmers rouges!
La France, pour sa part, qui a été la première à recevoir une liste précise d’armements à fournir, affirme n’être pas en position de fournir du matériel militaire au Cambodge.
Les deux co-premiers ministres cambodgiens en visite officielle en Indonésie, le 23 juin, se montrent intéressés par l’achat de 3 hélicoptères Super-Puma français, assemblés sous licence en Indonésie, ainsi que par 4 avions CN-235. Ces appareils de seconde main, coûteraient moins cher que l’achat de matériel neuf…
D’une manière générale, les diplomates ne sont guère enclins à accorder une aide militaire qui ne ferait que prolonger l’escalade d’une guerre que personne ne peut gagner, et qui bloquerait le processus de négociation. « Le problème de l’armée n’est pas une question de munitions, mais de troupes. C’est une question de commandement », dit l’un d’entre eux. Dans le document émanant des Khmers rouges cités plus haut, ceux-ci affirment que leur principale source d’approvisionnement est la saisie des armes à l’ennemi. Ils se trouvent dans une situation similaire à celle qui prévalait en 1973, lors de l’arrêt de l’aide vietnamienne, consécutive à la signature des accords de paix. On estime qu’environ 50% des armes et munitions, théoriquement sorties des magasin de l’armée pour la bataille de Païllin ont disparu…
« Si une nation désirait aider le Cambodge, elle devrait aider à démobiliser les forces de l’armée royale et aider à la création d’une petite force bien payée et bien entraînée », semble être la solution de bon sens, rappelée par Jacques Bekaert.
Le Cambodge aurait-il manqué le train de l’espoir?
Sans vouloir que toutes les difficultés soient aplanies en quelques mois, on doit constater que peu de choses ont avancé dans la réorganisation du pays. L’Assemblée nationale a été bloquée pendant près de deux mois sur le problème de la réintégration en son sein de Chakrapong et de Sin Song, députés sécesssionnistes de mai 1993 qui avaient donné leur démission. Si la présidence bicéphale du gouvernement a permis une cohésion de façade entre le parti vainqueur des élections et celui des vaincus, les travaux parlementaires s’en trouvent retardés par des va-et-vient sans fin. Ainsi la loi sur l’immigration sur la presse, sur les investissements dorment dans les cartons.
La presse muselée
Le projet de loi sur la presse a été ajourné le 16 mai, sur la pression de plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme et de la Fédération internationale des journalistes, qui jugeaient le projet trop répressif. L’article 13 de la loi donnait en effet au ministre de l’Information le pouvoir de suspendre toute publication « affectant la sécurité et l’ordre public ». Si le premier terme est défini, le second ne l’est pas, et peut varier au gré des gouvernements.
Plusieurs journaux sont inquiétés:
– Le 16 mai, 17 000 exemplaires du journal khmer « Sakal » (l’Univers) sont saisis, pour crime de « lèse-majesté ». C’est en effet un crime anti-constitutionnel de critiquer le roi.
– Le 9 juin, le journal « Proum Bayon » (le Brahma du Bayon) a été fermé par le ministère de lnformation. Officiellement on avance que le directeur n’a que 24 ans, et non les 25 requis par la loi, et également qu’il ne bénéficie pas d’autorisation légale. En réalité, le journal est fermé parce qu’il a diffusé des articles jugés pro-khmers-rouges.
– Le 10 juin, Thou Hammangkul, directeur du journal khmer « Antarakum » (Intervention) est frappé mortellement par des inconnus. C’est la seconde fois que le journal est victime du terrorisme. La version officielle est un accident: la moto du directeur a heurté un cyclo.
– Nata Thayer, correspondante du Far Eastern Economic Review, a été inquiétée pour avoir écrit des propos critiques du gouvernement. On l’a menacée de ne pas renouveler son visa, et de restreindre la diffusion de l’hebdomadaire de Hongkong. Effectivement, les abonnés de la revue ne reçoivent pas le numéro du 23 juin qui publiait une longue interview du roi Sihanouk, peu amène pour le gouvernement.
– Une biographie du roi Sihanouk, écrite par Milton Osborne (« Sihanouk: Prince of Darkness, Prince of light »- Sihanouk: prince de l’obscurité, prince de lumière ») et interdit, car elle « fausse totalement la réalité », puisqu’elle est très critique à l’égard de Sihanouk.
Ieng Mouly, ministre de l’Information, demande aux journalistes nationaux et internationaux de « comprendre la situation du Cambodge », qui « n’a pas 200 ans d’histoire de la démocratie » et qui sort de 20 ans de guerre… Il y a au Cambodge 20 journaux locaux en khmer, 3 en anglais, 2 en français.
Finances
« Le premier trimestre 1994 a été satisfaisant » constate le conseiller économique français auprès du gouvernement cambodgien. La loi de finances a été votée, les objectifs du FMI sont tenus: seuls 10% du budget annuel a été dépensé en 3 mois, les ressources douanières, qui représentent près de 70% des recettes fiscales, ont rapporté 10 à 20% de plus que prévu. L’inflation a été réduite à 0% depuis les élections. Le gouvernement a donc cessé d’imprimer de la monnaie. Ses revenus compensent ses dépenses. « Même en n’ayant reçu que 13 millions de dollars sur les 60 promis par les Nations Unies pour les six mois consécutifs aux élections, nous ne sous sommes pas écroulés. Le gouvernement a réussi à assurer l’eau, l’électricité et d’autres nécessités de base au peuple », déclare Sam Rainsy, ministre des Finances. Cependant, à la fin juin, les forces armées avaient dépensé leur allocation de 63 millions de dollars, soit 20% du budget national.
Le courageux ministre des Finances ose employer les grands moyens. A la fin avril, il a mené une véritable mini-opération militaire, comprenant des membres du ministère de l’Economie et des Finances, de la Défense et de l’Intérieur, sur le port de Sré Ambel, afin de mettre fin à l’exportation illégale de bois et à l’importation de diverses denrées, organisées par des membres corrompus du gouvernement. Ce raid s’est heurté au 4ème régiment de la 3ème région militaire qui protégeait le commerce illicite.
Entre le 20 et le 25 mai, le même commando interministériel a découvert à Andong Teuk, dans la province de Kon Kong, la présence de plus de 1 000 camions transportant en contrebande des grumes vers la Thaïlande. Selon le vice-ministre des Finances, l’abattage clandestin des forêts cambodgiennes représente non seulement une perte sèche pour le gouvernement, mais fait peser une menace sérieuse sur l’environnement.
A partir du 1er juillet, sur décision du ministre des Finances, « la qualité, la quantité et le prix » des importations des produits pétroliers et pharmaceutiques, ainsi que le matériel importés par le gouvernement, seront contrôlés par un organisme international « Inchcape Testing Services », dont le siège est à Hongkong, et non plus par la société cambodgienne « Kamcontrôle », soupçonnée de corruption.
La récente baisse des tarifs douaniers en Thaïlande et au Vietnam pourrait faire diminuer le trafic clandestin, mais également entraîner la baisse des recettes étatiques. L’attribution au ministère de la Défense des recettes en provenance de l’exportation du bois, risque de mettre en péril le faible équilibre budgetaire.
Toutefois, les investisseurs étrangers ne se pressent guère: « l’insécurité, la corruption, les débâcles militaires, l’absence du plus rudimentaire cadre légal, l’impunité généralisée », provoquent la lassitude. Les plus hautes autorités singapouriennes font un constat que chacun peut vérifier: « Il n’y a plus rien à faire avec les Cambodgiens. Les ministres ne gouvernent pas, ils s’enrichissent. Il n’est même pas possible de passer un marché sérieux avec eux ». Des hommes d’affaires thaïlandais qui ont accepté de suivre la réglementation gouvernementale sont découragés par les pots de vins à verser, en vain, à tous les échelons, et reprennent le commerce avec les Khmers rouges, pour qui la parole donnée a valeur de loi.
* Le FMI (Fonds monétaire international) a accordé un prêt de 120 millions de dollars à 0,5% pour trois ans, afin de réformer et reconstruire l’économie cambodgienne. En octobre 1993, le FMI avait déjà accordé un prêt de 9 millions. Ces prêts expriment la confiance de l’organisme international à l’égard du gouvernement cambodgien, notamment à l’égard de son ministre des Finances, homme travailleur, courageux et honnête.
* Durant la première quinzaine de mai, la France a accordé un don de 10 millions de francs pour améliorer les voies ferrées cambodgiennes. Dans son mot de remerciement, Pich Kimsréang, directeur de la compagnie nationale des chemins de fer, a exprimé son désir de voir bientôt arriver 8 millions supplémentaires.
* La France s’est engagée à fournir du personnel et des équipements techniques pour améliorer la formation de la faculté de médecine, l’Institut d’Economie, les collèges de formation technique et agricole. La France construit également une école à Siemréap.
* Suite au départ du contigent de l’APRONUC, à la baisse de l’arrivée des touristes provoquée par l’insécurité, 10% des hôtels ont dû fermer, 50% d’autres fonctionnent mal. Certains ont été transformés en hôpitaux.
* Les fumeurs et buveurs verront les taxes sur le tabac et l’alcool augmenter de 50% à partir du 1er juillet.
* Le Cambodge a noué des relations diplomatiques avec 48 pays, et a ouvert 13 ambassades à travers le monde. 21 ambassadeurs étrangers sont en poste à Phnom Penh.
* D’après un sondage pratiqué sur 600 personnes, 42% des Cambodgiens choisissent les Etats-Unis comme éventuel pays où se rendre en vacances, 10% le Japon ou l’Australie, 9% la France.
En guise de conclusion provisoire
Il semble évident que les Khmers rouges ne tiennent pas à négocier, ni à faire de concessions, mais seulement à gagner du temps. Ils misent sur les divisions internes du gouvernement, sur son incapacité et sa corruption, qui causent un mécontentement réel et grandissant dans toute les couches de la population. Tôt ou tard le pays tombera en son pouvoir. Ils font donc règner une insécurité diffuse dans l’ensemble du pays qui bloque tout investissement étranger à long terme, et sabotent la reconstruction du pays.
Les opérations désastreuses menées par l’armée nationale depuis le début de l’année montrent à l’évidence la faiblesse militaire des deux camps, mais également la futilité de vouloir régler le problème par la force. Même entrés au gouvernement, ils n’auraient pas les moyens d’imposer leur férule à l’ensemble de la nation.
Les dernières offensives dans la région de Battambang-Sisophon donnent l’impression que les Khmers rouges ne sont plus motivés de la même façon que par le passé. Si le discours reste quelque peu marxiste, plusieurs unités se comportent comme une mafia organisée par des lois non écrites. Autrefois, ils avaient besoin d’argent pour la révolution, actuellement ils continuent la guerre pour gagner de l’argent, et partagent ainsi la même idéologie que les gens au pouvoir à Phnom Penh. Robins des bois, ils pillent les riches, brûlent leurs maisons, mais épargnent les pauvres; ils rançonnent les propriétaires de voitures, de motos (5 000 baths par véhicule, 10 000 pour un tracteur), sauf pour ceux qui leur rendent des services. Ils invitent les pauvres à aller se servir chez les riches en riz ou en autres biens de consommation, distribuent des bonbons aux enfants. On les appelle « Angkar chaèk » (« l’organisation qui partage »), alors que l’armée est désignée comme l’organisme qui « pille » (« thous thouk »). Dans la région de Kompong Thom, ils s’associent aux soldats gouvernementaux pour rançonner les villageois.
Tous s’accordent, théoriquement, pour affirmer que le développement des campagnes et le bien-être social, sont les seules armes qui peuvent vaincre les Khmers rouges. Hun Sen prend exemple de la Malaisie et de la Thaïlande qui ont réussi à réduire leurs maquis communistes par ce moyen. Seulement les actions contredisent les paroles: jamais l’écart entre riches et pauvres, entre villes et campagnes, n’a été aussi grand et si criant. Le luxe étalé outrageusement par les déteneurs du pouvoir politique et économique à Phom Penh ne peut que susciter des vocations révolutionnaires. A Phnom Penh, on compte au minimun 150 000 personnes vivant dans des conditions infra-humaines. Tôt ou tard, marxisé ou non, le peuple des opprimés se soulèvera, comme il a l’habitude de le faire au Cambodge, sous la conduite de modernes Achar Méan.
« Les Khmers rouges sont idéologiquement morts. Le mouvement représente peu d’attrait populaire, comme le ferait un grand courant politique. Le gouvernement cambodgien doit regarder les Khmers rouges pour ce qu’ils sont: non un ennemi militaire, mais la manifestation d’un ressentiment et d’un mécontentement contre la corruption des fonctionnaires, la brutalité et l’incompétance à travers le pays ».