Eglises d'Asie

A Pékin, des chrétiens s’engagent au nom de leur foi dans la société

Publié le 18/03/2010




Un groupe de militants chrétiens de Pékin a commencé de faire parler de lui quand l’un d’eux, Xiao Biguang (3), a été arrêté par la police le 12 avril 1994, puis quand la police en a emmené six autres le 3 juin, qu’elle a relâchés peu après à l’exception de l’un d’entre eux, Gao Feng, emprisonné pendant un mois.

Le 1er août, quelques-uns de ces chrétiens qui se dénomment “compagnons de l’amour sacré”, ont lancé un appel à leurs frères chrétiens et à “quiconque dans le monde aime la démocratie et la libertéleur demandant de les aider à “obtenir que nos frères détenus soient libérés et que son emploi soit rendu à notre frère qui a été licencié” (4). Selon ses propres déclarations, le groupe a noué des liens avec la communauté dissidente de Chine pendant le mouvement pro-démocratique de 1989. Quelques-uns de ses membres avaient rejoint les protestataires de la place Tiananmen et participé à la fondation d’un syndicat clandestin. Depuis lors, ces chrétiens ont accueilli des dissidents, comme le militant pro-démocrate connu, Wei Jingsheng, dans les réunions privées de leur fraternité, leurs rencontres de prières et sessions d’étude de la Bible.

L’un de ces chrétiens, nommé Liu Huanwen, a été arrêté le 10 juillet parce qu’il était engagé dans un syndicat clandestin de travailleurs. Un membre de ce syndicat venu chercher un asile politique à Hongkong, Shen Yin, a affirmé que Liu était le président exécutif du syndicat avant son arrestation (5). Cette déclaration a peut-être pesé sur le sort de Liu, qui vient d’être condamné à deux ans de travaux forcés pour “hooliganisme” (6). Liu, âgé de 32 ans, a déjà fait deux ans de camp de travail pour avoir porté une croix pendant la protestation de la place Tiananmen en 1989 et mené des jeunes de son Eglise à la manifestation. On a également rapporté que Gao Feng, 26 ans, ouvrier de fabrication sur une chaîne de montage d’automobiles à Pékin, a été réintégré dans son usine après sa libération (7).

Les engagements politiques pris au nom de la foi par ces chrétiens de Pékin représentent un important progrès. Jusqu’ici, la majorité des chrétiens chinois évitent la politique. Il apparaît maintenant que quelques jeunes intellectuels des villes qui se sont tournés vers le christianisme – phénomène apparu de façon plus marquée à la suite du massacre de Tiananmen (8) – commencent à comprendre ce qu’implique leur foi pour la société qui les entoure et cherchent à y apporter un changement. Ils ne représentent cependant qu’une infime minorité dans une communauté qui n’est elle-même qu’une petite fraction de la population du pays. Nul doute qu’il ne faille longtemps avant qu’une portion visible de la communauté chrétienne chinoise en vienne à partager ces convictions, puisque celle-ci vit surtout dans des régions rurales, qu’elle est peu instruite, sans contact avec le monde extérieur et maintient une distinction tranchée entre la foi et l’engagement social.

Il faut noter aussi que ces militants chrétiens utilisent désormais la presse étrangère comme moyen de défense. Jusqu’ici, le recours aux médias internationaux pour faire connaître la condition des chrétiens de Chine était surtout le fait d’initiatives extérieures. Maintenant, quelques-uns de ces croyants prennent eux-mêmes l’initiative. Cela vient d’une audace croissante des chrétiens de Chine pour défendre publiquement leurs intérêts et leurs droits. Et le rôle de la presse étrangère dans toute l’affaire reflète aussi l’intégration de plus en plus étroite de la Chine dans la communauté internationale, à mesure qu’avance sa réforme économique.