Eglises d'Asie

Démonstration de force des fondamentalistes musulmans alors que le gouvernement est accusé de connivence avec eux

Publié le 18/03/2010




Les musulmans fondamentalistes du Bangladesh ont profité de l’affaire de l’écrivain féministe Taslima Nasreen (1) pour montrer leur force dans des manifestations de masse à Dacca, le 29 juillet 1994.

Le Conseil de l’action unitaire, coalition de treize groupes fondamentalistes et partis politiques, a rassemblé de cent à deux cent mille militants islamistes devant le siège du Parlement national. Des orateurs en colère ont réclamé la pendaison de Nasreen et de ceux qu’ils appellent communistes et athées. Nasreen était alors recherchée, accusée d’offense aux sentiments religieux des musulmans parce que, selon une publication indienne, elle avait dit qu’il fallait “réviser le Coran de fond en combleL’écrivain qui s’est présentée aux juges a obtenu sa liberté sous caution et s’est réfugiée en Suède. Le propos qui lui était prêté, a-t-elle dit, se rapporte à la shariah, au code islamique, pas au Coran. Elle encourait déjà la réprobation des fondamentalistes pour son livre “Lazza” (honte), qui raconte l’histoire d’une famille appartenant à la communauté hindoue persécutée au Bangladesh, et qui a été interdit. Au Bangladesh, ont déclaré les orateurs du meeting, bruyamment approuvés par la foule, quiconque insulte le Coran ou l’islam est passible de mort, il n’a pas le droit de vivre.

Le Conseil de l’action unitaire a demandé que soient édictées des lois sur le blasphème, que les ennemis de l’islam soient punis, qu’il soit mis fin aux activités “anti-islamiques” d’organisations non gouvernementales, que l’instruction islamique et militaire soit rendue obligatoire dans les écoles. “L’islamisation totale de l’Etat est la seule solution au problème présenta dit Fazlul Huq, l’un des chefs du Conseil de l’action unitaire.

Ce même jour, un autre meeting a été organisé séparément par le Jamaat-e-Islami, le plus grand parti politique fondamentaliste islamique du Bangladesh. Le chef du parti, Golam Azam, a pris la parole devant une foule estimée à quinze mille personnes par les médias. Sous la protection d’une forte escorte, il a accusé le gouvernement d’avoir renoncé à renforcer les lois contre le blasphème et l’apostasie par crainte des pays occidentaux. C’était une des rares apparitions publiques d’Azam depuis qu’un tribunal lui a restitué l’an dernier ses droits civiques dont il avait été privé pour crimes de guerre. Il était accusé d’avoir rejoint les forces du Pakistan occidental pour commettre des atrocités contre les Bengalis pendant la guerre de 1971 qui a abouti à l’indépendance du Pakistan oriental devenu le Bangladesh. Beaucoup de fondamentalistes voient cette scission du Pakistan comme une fracture de l’unité islamique.

Des anti-fondamentalistes avaient manifesté contre la présence d’Azam à un précédent meeting du Jamaat, le 26 juillet à Chittagong, deuxième ville du Bangladesh. Les heurts avec les partisans du Jamaat et la police firent six morts et des douzaines de blessés. Le lendemain, la ville avait été paralysée par une grève de protestation déclenchée par l’Union étudiante antifondamentaliste. De l’avis d’observateurs, le Conseil de l’action unitaire et le Jamaat ont prouvé par leurs meetings de juillet à Dacca qu’ils restaient capables de mobiliser les masses après les événements de Chittagong.

La ligue Awami, principal parti d’opposition, qui a reproché au gouvernement de ne pas avoir jugé Azam pour ses crimes de guerre, est maintenant engagée dans une alliance inconfortable avec le Jamaat pour renverser le parti nationaliste bangladais au pouvoir. La ligue, tout en prévenant qu’elle ne tolérerait rien qui déroge à l’islam, a dit son refus de toute utilisation des mosquées par un parti politique. Elle a rappelé aussi que les organisations non gouvernementales, cibles des fondamentalistes, jouent un rôle positif dans le développement.