Eglises d'Asie

Après quarante ans de communisme, les “superstitions” traditionnelles sont de retour

Publié le 18/03/2010




En l’espace de quelques mois le Quotidien du Peuple a publié deux éditoriaux décrivant et critiquant l’augmentation des pratiques superstitieuses traditionnelles à travers le pays en dépit de l’instauration et de la promotion depuis quarante ans de la “civilisation spirituelle socialiste” (1).

Le premier éditorial publié le 7 mai 1994 commence par noter le grand nombre des lettres de lecteurs au journal au sujet d’activités superstitieuses. Un lecteur de la province du Hunan raconte que même des cadres communistes ont eu recours à un spécialiste de “Fengshui” (géomancien) qui leur a fait croire qu’un terrain destiné à la construction était un lieu “favorable”. Moyennant quoi, ils ont fait couper les arbres qui étaient sur le terrain et y ont construit des tombes pour leurs parents encore en vie. Soixante-cinq tombes auraient été ainsi construites. Un autre lecteur de la province du Shandong, dans l’est de la Chine, écrit qu’au moment des enterrements les magasins d’Etat vendent de plus en plus de faux billets de banque qui sont brûlés par les parents des morts pour que ceux-ci puissent utiliser cet argent dans l’autre monde.

Une autre lettre est écrite par le directeur de l’équipe de recherche sur la société rurale de la province du Fujian sur la côte orientale. Elle raconte comment le groupe a conduit une enquête dans trente villages de la province et y a trouvé cent prêtres taoïstes, des sorciers et des maîtres de “Fengshui” dont les affaires prospèrent. Ils ont aussi découvert que cent-seize autels avaient été fabriqués pour brûler de l’encens, adorer Bouddha et prier les dieux. Vingt-sept de ces autels ont été construits depuis 1990.

Un lecteur de Changsha, capitale de la province du Hunan, écrit qu’à la suite de l’introduction de l’économie de marché, un grand changement s’est produit dans la société. Quelques-uns de ceux qui sont devenus riches sans trouver la satisfaction spirituelle ont commencé à se poser la question du sens de la vie. Ils croient au surnaturel et, de ce fait, “le travail idéologique s’en trouve affaibli

Deux lecteurs écrivent de la province du Hebei pour raconter que l’année dernière, le tribunal du district a emménagé dans de nouveaux locaux. A cette occasion, le nouveau président du tribunal a consulté un géomancien qui lui a dit que le meilleur moment pour procéder à l’emménagement était le 22 septembre à minuit. Au jour et à l’heure dite, le président a donc sacrifié un poulet, brulé de l’encens et prié les dieux. C’est seulement ensuite qu’il a fait procéder à l’emménagement. Pour éloigner les mauvais esprits, il aurait aussi fait installer deux lions de pierre à l’entrée du tribunal. Beaucoup d’autres lecteurs ont écrit aussi pour dire que, sous couvert de liberté de religion, les “superstitions” étaient propagées en beaucoup d’endroits.

Le deuxième éditorial du Quotidien du Peuple est daté du 20 juin 1994. L’auteur commente d’abord la fièvre qui a saisi les bâtisseurs de temples. Quelques villages, dit-il, ne se contentent pas de construire un temple, mais édifient un grand nombre d’autels à différentes divinités comme le dieu de la terre, le dieu de la montagne, de la ville et ainsi de suite. Dans un village, un temple aurait même été construit au beau milieu du terrain de l’école. Les gens vont au temple tous les jours pour y brûler de l’encens et le lieu est devenu tellement bruyant que les enfants sont incapables de se concentrer sur leurs études. L’auteur déplore ensuite les grandes sommes d’argent dépensées par les paysans pour des activités de ce genre.

L’éditorial critique aussi les cadres locaux du Parti qui laissent faire ou bien même aident eux-mêmes à la construction des temples ou participent aux cérémonies officielles d’inauguration. Par ailleurs, l’auteur s’en prend vivement à la mentalité de certains cadres qui regardent les temples comme un moyen d’attirer les touristes et de contribuer ainsi au développement de l’économie locale. Une telle attitude, dit l’auteur, a des conséquences néfastes pour l’établissement d’une “civilisation spirituelle socialisteL’éditorial conclut en rappelant aux cadres la responsabilité de propager l’athéisme dont ils sont chargés par la constitution.