Eglises d'Asie

Le pape demande aux catholiques de rester en communion avec lui

Publié le 18/03/2010




Jean-Paul II a écrit une lettre au cardinal Tomko qui se rendait à Taiwan pour les fêtes commémoratives du septième centenaire de l’arrivée à Pékin du franciscain Jean de Montecorvino. Voici une traduction du texte intégral de cette lettre (2) que le cardinal a lue publiquement le 26 septembre au cours d’une messe célébrée à l’université catholique Fu Jen de Hsinchuang près de Taipei.

” A mon cher frère le cardinal Joseph Tomko,

préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples,

Je suis très heureux que vous alliez présider les cérémonies spéciales qui vont être célébrées à Taiwan en souvenir de l’oeuvre missionnaire remarquable de Jean de Montecorvino, premier héraut de l’Evangile auprès du peuple chinois et premier archevêque de Khambaliq, aujourd’hui Pékin. Sept siècles se sont écoulés depuis que le grand missionnaire franciscain est arrivé dans cette ville, après cinq années de voyage, apportant une lettre du pape Nicolas IV au souverain des vastes territoires de l’Extrême-Orient. D’après ses lettres et des écrits de contemporains nous savons que son apostolat en Chine a produit des fruits abondants, au point qu’en 1307 le pape Clément V l’éleva au rang d’archevêque et lui accorda des facultés étendues pour établir et organiser l’Eglise dans cette région éloignée. Son ordination eut lieu en 1310 en présence du Khan, quand les évêques envoyés pour le sacrer furent enfin arrivés dans cette capitale. Quand il mourut, en 1328, ses trente-quatre années de sage et inlassable activité missionnaire à Khambaliq avaient donné naissance à une communauté nombreuse de chrétiens pleins de foi et à un large réseau d’églises, de couvents, d’écoles et d’autres institutions.

La célébration du septième centenaire de l’arrivée de Jean de Montecorvino à Pékin m’offre l’occasion de diriger mes pensées vers la communauté catholique chinoise d’aujourd’hui, qui est la continuation et le fruit de la croissance de cette première “plantatio Ecclesiae” sur le sol chinois. Je suis vraiment heureux de réaffirmer mon affection et mon estime profonde en notre Seigneur Jésus Christ pour tous les fils et toutes les filles catholiques de cette grande et illustre famille chinoise. Avec toute l’ardeur de mon coeur je me sens spirituellement présent parmi eux, et je les assure que je suis spécialement près de ceux qui ont des difficultés de toutes sortes et qui ont témoigné et continuent de témoigner, même au prix de souffrances profondes et prolongées, qu’un catholique qui désire rester tel et être reconnu comme tel ne peut pas renier le principe de communion avec le successeur de Pierre, que le Seigneur a constitué son vicaire, “source permanente et visible et fondement de l’unité de foi et de fraternité” (Lumen gentium, 18).

Je sais qu’en différentes régions du pays beaucoup de communautés ferventes et se développent. C’est mon désir, en exécution de la mission reçue du Christ, de les confirmer dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour (cf Luc 22,32), de les encourager à la fidélité, à la compréhension et à la réconciliation et de les rassembler tous dans la communion qui nous unit dans le Christ par la puissance de l’Esprit saint. Invitant tous les fils et filles de l’Eglise catholique de Chine à vivre cette communion dans la vérité et l’amour (cf 2 Jo 1,3), ma fervente prière est qu’elle puisse se manifester de plus en plus visiblement. La foi et la pratique religieuse sont une source active d’engagement dans la responsabilité sociale et civique. Il ne peut pas y avoir opposition ou incompatibilité à être tout à la fois vraiment catholique et authentiquement chinois.

Je prie pour que ces célébrations de Taiwan encouragent les évêques, les prêtres, les religieuses et les laïques de cette chère communauté que j’espère rencontrer aussitôt que la divine Providence le permettra. Puissent-elles les encourager à être toujours des disciples plus fidèles du Christ et de généreux coopérateurs de leurs frères et soeurs chinois du continent. En signe de mon ardent désir d’embrasser toute la famille catholique chinoise, je vous envoie avec joie ma bénédiction apostolique.

Du Vatican le 8 septembre 1994 Jean-Paul II PP”

Destinée à tous les catholiques de Chine, qu’ils soient à Taïwan ou sur le continent, cette lettre a été par discrétion adressée au cardinal Tomko, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples. Le Saint-Siège évite ainsi les confusions qu’aurait entraînées un message directement adressé aux autorités de l’Eglise en Chine, sauf à préciser à quels évêques, dans quelle Chine. Par l’intermédiaire du cardinal Tomko, le pape entend s’adresser à tous les catholiques de toute la Chine.

La référence à Jean de Montcorvin comme “premier héraut de l’Evangile auprès des Chinois” pourra paraître à certains manquer de recul historique et d’esprit oecuménique. La première annonce de l’Evangile en Chine remonte en effet au septième siècle. L’évêque Abraham, envoyé en mission par l’Eglise d’Orient, arriva en l’an 635 à Chang’an, capitale de la dynastie chinoise des Tang. Les Ecritures qu’il apportait furent traduites en chinois et le christianisme bénéficia d’une approbation impériale officielle. Il est vrai que l’Eglise d’Orient était nestorienne. Les franciscains furent envoyés par l’Eglise romaine, mais ils touchèrent surtout les envahisseurs mongols et fort peu les Chinois eux-mêmes.

Ce sept-centième anniversaire n’est qu’une occasion pour le pape de montrer ses préoccupations pour l’Eglise en Chine aujourd’hui. Il salue d’abord ceux qui se sont montrés d’une absolue fidélité en témoignant de leur union au successeur de saint Pierre. Il étend ensuite sa vision aux “nombreuses communautés ferventes” chez qui il souhaite “fidélité, compréhension et réconciliation” en vue de les réunir toutes dans le Christ. Il laisse entendre ainsi que les catholiques de Chine doivent surmonter les divisions qui se sont creusées entre “clandestins” et “patriotiques” au cours des dernières décennies.

Il souhaite que leur union puisse se manifester d’une manière de plus en plus “visibleC’est inviter les clandestins, sans sacrifier leur fidélité au Christ et à l’Eglise, à se joindre à ceux qui pratiquent ouvertement. Il désire enfin que leur foi se traduise en actes au service de leurs concitoyens dans la société civile. Le pape rejoint ainsi les préoccupations du gouvernement chinois et rejette les discriminations passées, en soulignant qu’on peut être à la fois vrai catholique et authentique Chinois.