(…) Si nous considérons que le nombre des catholiques en Chine est de sept millions et que l’Eglise de Chine a été fondée il y a sept cents ans, cela fait qu’il y a eu en moyenne 10 000 conversions par an depuis la fondation. C’est un chiffre dérisoire. Comment se fait-il qu’il soit si difficile au peuple chinois d’accepter l’Evangile ? Est-ce que le problème c’est le peuple lui-même ou la méthode d’évangélisation ? (…)
Il y a aujourd’hui quatre mille églises ouvertes au culte en Chine. Plus de mille séminaristes étudient au séminaire national ou dans l’un des six séminaires régionaux ou encore dans l’un des vingt séminaires provinciaux et diocésains. Le nombre des jeunes soeurs en formation est à peu près du même ordre.
Malheureusement, des luttes internes sont apparues dans l’Eglise. Il y a une Eglise qui se dit souterraine, loyale, silencieuse et souffrante et une Eglise qui se dit publique, officielle, patriotique ou ouverte. L’Eglise en Chine est comme une barque flottant sur un immense océan d’un milliard et deux cents millions d’êtres humains : dans la barque, les frères se querellent et certains se battent même entre eux. Il est possible que la barque chavire et que les passagers se noient. Il y a beaucoup d’autres barques alentour, européennes, américaines ou d’autres continents. Toutes se dirigent vers le rivage. L’Eglise est un peuple en pèlerinage. Les passagers des autres barques regardent la situation (dans notre barque) de loin avec leurs jumelles. Ils sont pleins de bons sentiments mais ne comprennent pas. Ils entendent les querelles entre personnes appartenant à des groupes partisans. Les uns crient très fort : nous sommes loyaux à l’égard du pape, nous sommes les vrais disciples du Christ, nous ne pouvons pas être en communion avec vous, les sacrements que vous célébrez ne sont pas valides et ceux qui vous suivent iront en enfer avec vous… Les autres disent de leur côté : nous sommes nous aussi loyaux à l’égard du pape, vous n’avez pas le monopole du ciel, la différence qui nous sépare est dans l’attitude par rapport au gouvernement, nous espérons que l’unité est possible… Quelques-uns des passagers des autres bateaux hochent la tête et disent : les Chinois sont vraiment bizarres, ils sont entre la vie et la mort et ils continuent de se battre entre eux. Quelques autres voient la situation en blanc et noir et disent : les deux groupes sont clairement distincts, nous devons donc soutenir l’un et faire disparaître l’autre. D’autres encore disent que les choses ne sont peut-être pas si claires et qu’il faut travailler à la réconciliation et à l’unité… Alors, même les observateurs extérieurs commencent à se quereller entre eux. (….)
La clé de la réconciliation est l’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et le Vatican
(…) Que vont être les lendemains pour l’Eglise de Chine ? (…) Dans la situation singulière que connaît aujourd’hui l’Eglise de Chine, le rétablissement de la communion ecclésiale interne exige – c’est le point essentiel – que la Chine et le Vatican restaurent leurs relations diplomatiques. Quelques-uns remarquent que c’est seulement très récemment que les Etats-Unis ont établi des liens avec le Vatican et la Chine elle aussi pourrait attendre deux-cents ans… Mais au cours de ces deux-cents années il n’y avait pas de division interne dans l’Eglise américaine. Personne n’interférait de l’extérieur pour semer la division et créer des conflits. Aujourd’hui l’Eglise de Chine est divisée en deux grands groupes. A l’intérieur de ces deux groupes il y a aussi d’autres divisions. La situation devient de plus en plus sérieuse. On dit que dans une région il y a des conflits entre différents groupes clandestins. Tout ceci est très douloureux. Si les relations ne sont pas normalisées entre la Chine et le Vatican, ce phénomène de division à l’intérieur de l’Eglise de Chine ne peut pas se résorber. Quelle est la raison pour laquelle les relations entre la Chine et le Vatican ne pourraient pas être rétablies aussitôt que possible ?
L’obstacle au rétablissement des relations diplomatiques n’est ni le problème de Taiwan ni la question de la nomination des évêques. C’est le manque de compréhension. Les temps ont changé. L’Eglise de Chine et le Saint-Siège ont eux aussi changé. Mais les négociateurs utilisent encore de vieux schémas pour se parler les uns aux autres. Comment les négociations pourraient-elles aboutir ?
Ce n’est un secret pour personne que la Chine et le Vatican sont en cours de négociations… Prions pour que les deux parties ne restent pas engluées sur leurs positions anciennes, et que chaque réunion amène un progrès plutôt qu’un recul. En ce qui nous concerne, nous, membres de l’Eglise ouverte, espérons voir le jour où l’Eglise catholique chinoise toute entière célébrera ensemble cette communion qui est le travail du Saint-Esprit et ne peut être accomplie que par Lui. Je crois profondément que c’est aussi cela que recherche l’Eglise souterraine et qu’elle ne cherche pas seulement à s’opposer en prenant le risque de prendre une orientation qui n’accepterait pas la sage décision du pape. Le pape, successeur de Pierre, a jusqu’à présent toujours mené le peuple de Dieu dans la charité. Il doit lui aussi espérer cette communion avec d’autant plus d’impatience. Le rétablissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Vatican ne résoudrait pas tous les problèmes d’un seul coup. L’hostilité, la méfiance, la division, la méconnaissance ne s’évanouiraient pas soudainement. Les blessures profondes provoquées par des décennies de conflits ne seront pas totalement guéries dans l’immédiat. (…)
Notre relation avec le diocèse de Hongkong est basée sur les trois principes de respect mutuel, d’assistance mutuelle et de non-interférence. C’est la même chose avec Taiwan. (…)
[NDLR. Vient ensuite une liste des actions nécessaires pour l’évangélisation de la Chine : sinisation de la théologie et de l’Eglise, étude des documents de Vatican II, spiritualité renforcée.]
Ce qui freine l’Evangile aujourd’hui en Chine, ce n’est pas le socialisme mais l’adoration de l’argent. Nous pouvons accepter une économie de marché socialiste à caractéristiques chinoises. L’idolâtrie de l’argent est l’ennemi commun du socialisme et du christianisme. Il y a aujourd’hui une crise spirituelle et un vide dans le peuple chinois. C’est un moment opportun pour l’évangélisation… L’avenir de l’Eglise en Chine est un avenir radieux…