Eglises d'Asie

Un conflit interne entre bouddhistes et chrétiens menace la résistance karen

Publié le 18/03/2010




Au début du mois de décembre 1994, 400 soldats bouddhistes appartenant à l’armée karen, qui résiste depuis plus de quarante ans au pouvoir central de Rangoun, se sont mutinés et ont occupé un confluent de rivières à l’intérieur de la zone contrôlée par l’armée rebelle à la frontière thaïlandaise. C’est la crise interne la plus grave qui frappe la résistance karen depuis 1949. Des moines bouddhistes et des civils sont aussi impliqués dans la mutinerie.

Les officiers de l’armée karen ainsi que les leaders de l’Union nationale karen qui forme le gouvernement rebelle sont presque tous chrétiens, baptistes, catholiques ou adventistes du septième jour. Les hommes de troupe sont à 70% bouddhistes ou animistes. Les mutins exigent que soient punis des officiers qui ont maltraité des civils bouddhistes parce qu’ils voulaient construire des temples dans des lieux jugés dangereux par les autorités militaires et que les missionnaires bouddhistes puissent se déplacer librement dans les zones occupées par l’armée karen. Ils se plaignent d’injustices commises à leur encontre par les chrétiens.

Les chefs de l’Union nationale karen ont accepté les demandes des mutins et promis une amnistie générale. Le problème n’est pas réglé pour autant et pourrait réapparaître. Des observateurs disent que la population, estimée à cent mille personnes, habitant la zone montagneuse contrôlée par l’armée karen, est fatiguée de la guerre, démoralisée et d’autant plus vulnérable à toute tentative de déstabilisation organisée à partir de Rangoun.

Selon les chefs karen, tout a commencé il y a deux ans avec l’arrivée de moines d’une secte bouddhiste végétarienne très populaire en Birmanie centrale. Ils faisaient de généreuses donations et prêchaient un message aussi simple qu’attrayant : suivez notre enseignement et vous n’aurez pas à faire la guerre… Parallèlement, les troupes de la junte au pouvoir à Rangoun ont commencé à dispenser les villageois bouddhistes du travail forcé de porteurs qu’elles imposent aux populations des zones proches du front. A la même époque aussi, ont circulé des tracts accusant les officiers chrétiens de discrimination à l’encontre des bouddhistes. Des villages bouddhistes ont commencé à refuser de recevoir des soldats armés. Pour les chefs karen, toute cette affaire est une manoeuvre de déstabilisation psychologique organisée par la junte militaire de Rangoun. Ils admettent pourtant que des réformes sont nécessaires dans l’administration de la zone qu’ils occupent sur la frontière thaïlandaise. Les observateurs sont cependant sceptiques et se demandent s’il n’est pas trop tard car les troupes birmanes maintiennent une pression sans faille sur la zone contrôlée par les Karen.

L’armée du pouvoir central n’a pas tardé à essayer de profiter de la situation et a attaqué immédiatement mais apparemment sans succès un poste avancé des rebelles. L’armée karen compte environ cinq mille hommes et protège, dans sa base de Manerplaw, le gouvernement légitime de Rangoun renversé par la junte militaire.

Les Karen, au nombre de huit millions environ, sont la minorité ethnique la plus importante de Birmanie.