Eglises d'Asie

LE CONFUCIANISME AUJOURD’HUI

Publié le 18/03/2010




I – LE CONFUCIANISME EST-IL UNE RELIGION ?

Le confucianisme, qui doit son nom à Confucius (forme latinisée de Kong Fuzi), a dominé pendant plus de deux millénaires la Chine et les pays d’Asie imprégnés de sa culture, en marquant d’une influence profonde la politique des gouvernants et la mentalité populaire.

La doctrine de Confucius et ses élaborations successives sont à l’origine d’un système d’essence éthico-philosophique qui semble à beaucoup sans lien direct avec la religion. C’est pourquoi le gouvernement communiste n’a pas regardé cette doctrine comme une religion organisée et ne l’a pas inscrite dans la liste des religions autorisées. Il est donc nécessaire de nous demander au seuil de cette étude si le confucianisme peut être considéré comme une religion.

Dans la gamme des opinions exprimées sur le sujet, on peut distinguer une interprétation dominante, soutenue par des experts d’Occident et d’Orient, qui souligne la nature rationaliste et agnostique du confucianisme. Cette interprétation est commune chez les intellectuels chinois modernes qui cherchent à donner sa pleine mesure à la civilisation chinoise face à un monde occidental plus fort et plus rationnel. Mais cette ligne a beau être soutenue par nombre d’éminents savants, il ne paraît pas toujours possible de la concilier avec les faits et les données sociologiques.

Une recherche objective démontre en effet que dans la façon commune de sentir, le confucianisme se compénètre avec le taoïsme et le bouddhisme pour former “l’unité des trois doctrines ou religions” (Sanjiao guiyi). Le sentiment religieux confucéen se révèle aussi par ses caractéristiques comme la place centrale des rites et des cérémonies (li), du mandat du ciel (tianming),etc. Il faut en outre considérer – nous le ferons en détail plus loin – que le Confucius de l’histoire a subi un processus graduel de “déification” et que les fonctionnaires confucéens de l’empire, connus en Occident sous le nom de “mandarins” 1, étaient responsables non seulement de l’ordre social et moral des sujets, mais aussi du culte officiel et de sa conformité à la loi. Ce culte comprenait tous les rites réservés à l’empereur vis-à-vis du Ciel, tout l’ensemble du culte des ancêtres (ceux de la famille impériale et ceux des familles plus ordinaires), les cérémonies réservées aux ministres et aux fonctionnaires locaux dans l’exercice de leurs services quotidiens à l’égard des diverses “divinités tutélaires” de la ville, de la justice et de l’ordre, etc. , dont le culte de Confucius 2 lui-même dans les divers temples qui lui étaient dédiés. A Qufu, dans le sanctuaire construit au lieu de sa naissance, les grandioses cérémonies commémoratives devaient être présidées par son descendant direct.

Tout cela justifie amplement que le confucianisme soit rangé parmi les religions de la Chine 3. Beaucoup ont oeuvré en ce sens, de Wang Chi Yuan à Kang Youwei 4 . Persuadés de la nature religieuse du confucianisme, ils ont cherché à l’élever au rang de religion d’Etat ou de religion mondiale et à mettre Confucius au rang de divinité, dans le but de s’opposer aux autres religions et spécialement à la religion chrétienne. Ces penseurs ne voulaient pas que la Chine fût tenue pour un pays dépourvu de sa propre religion. Ils ont même tenté de faire mettre une clause dans la constitution nationale, déclarant le confucianisme religion d’Etat. Chang Chi-yun, un des plus grands représentants du mouvement néoconfucianiste moderne pour une religion mondiale, affirme : “On doit admettre que le confucianisme n’est pas aussi bien organisé que les autres grandes religions mondiales. Pourtant une de ses caractéristiques le qualifie comme grande religion, la préoccupation du Sage face à la Divinité du Ciel (Dieu), selon lui la vraie voie de justice et de droiture…” 5

II – SYNTHESE HISTORIQUE

1. ORIGINE ET DEVELOPPEMENT

Une prédominance incontestée

Avant Confucius (né à Qufu dans l’Etat de Lu (actuel Shandong) en 551 avant J.C. et mort en 479) opéraient dans les cours des différents Etats des sages, devins et conseillers qui présidaient aux cérémonies, aux divinations, aux rites et à la musique de cour. Après la chute de la dynastie Zhou occidentale en 771 avant J.C., certains d’entre eux quittèrent la cour et peu à peu formèrent une classe de maîtres itinérants et privés, appelés ru (juspécialisés dans l’enseignement, mais aussi dans les cérémonies publiques comme les mariages et les funérailles. Confucius appartenait à cette classe et attira autour de lui un bon groupe de disciples. Pour les former, c’est-à-dire développer leur personnalité morale et intellectuelle afin qu’ils deviennent de bons fonctionnaires de l’Etat, il insistait avant tout sur le cérémonial, li (rite ou étiquette, à l’origine rite sacrificiel) considéré comme la base des rapports humains (wu lun, les cinq relations sociales : roi-ministre, père-fils, mari-femme, entre frères et entre amis), caractérisés par la piété filiale (xiao) au sein de la famille, par la fidélité-sincérité (xin, cheng) dans les rapports avec l’autorité et par l’humanité, l’altruisme ou la bienveillance (ren) et la droiture (yi) dans l’ensemble des rapports sociaux. Bien que Confucius n’ait rien écrit, on lui a attribué par la suite une nouvelle rédaction du Wu Jing ainsi que des “dialogues”, Lunyu, recueil de ses aphorismes.

Ses trois mille disciples ne suivirent pas unanimement ses traces. Certains développèrent le contenu éthico-social de sa doctrine, d’autres, son aspect métaphysique et religieux. Mencius (Mengzi, 390-305 avant J.C.), son disciple le plus célèbre, donna un approfondissement positif à sa doctrine de la bonté de la nature humaine, tandis que Xunzi (322-234 avant J.C.) souligna la tendance négative de la nature humaine et donc la nécessité de l’éducation et de la discipline.

Après une série de luttes avec d’autres écoles (telles que celle des “légalistes”) et de conflits avec les gouvernants, l’empereur Wudi de la dynastie Han officialisa le confucianisme comme doctrine de l’Etat (136 avant J.C.) et exclut les autres doctrines du programme d’étude de l’administration publique. De leur côté les confucéens travaillèrent à la justification de l’empereur et de son système de gouvernement. Cette consécration officielle fut à l’origine de la classe des lettrés-fonctionnaires, les mandarins, chargés du gouvernement de l’Etat, à sa tête et dans les régions, ainsi que de la vie publique et des cérémonies officielles, religieuses et civiles.

Pendant le développement du taoïsme et du bouddhisme aux premiers siècles de notre ère, les confucéens maintinrent leur prédominance dans l’enseignement mais subirent l’influence des deux autres doctrines, dans un continuel échange de vocabulaire et de concepts. La dynastie Tang confirma la position officielle du confucianisme et ordonna la construction de temples à Confucius dans chaque district (630). Le contact des autres grandes religions stimula un nouveau développement de la doctrine confucéenne, qui prit la forme du néo-confucianisme de la dynastie Song (960-1279). Pour les maîtres de cette école, le li devient la réalité ultime, la source du bien et de la vérité, qui opère à travers l’énergie vitale, qi.

Zhu Xi commenta et publia “les quatre livres”, Sishu (Daxue, Zhongyong, Lunyu et Mengzi), qui ont été étudiés de 1313 à 1905 dans le monde chinois par toute personne instruite. L’enseignement de cette école domina le monde culturel de son temps, mais devint ensuite rigide et dogmatique, suscitant la réaction de l’école idéaliste de Lu Jiuyuan (1139-1193), suivi par Wang Yangming (1472-1529) qui substitua au li le “coeur/esprit”, xin, situé dans l’intime de l’être humain, qui exaltait l’habileté native et la connaissance humaine dans leur réalisation pratique (union de la théorie et de la pratique).

Avec l’avènement de la dynastie Qing, originaire de la Mandchourie (1644-1911), apparurent diverses tendances parmi les lettrés confucéens. Certains, pour ne pas collaborer avec un pouvoir “étranger”, se sont voués à la philosophie politico-historique, comme Huang Zongxi (1610-1695) et Wang Fuzhi (1619-1692). D’autres ont privilégié l’application pratique et utilitariste du savoir, sous l’influence aussi des connaissances scientifiques occidentales apportées par les jésuites. Au dix-neuvième siècle, après le heurt avec les puissances occidentales, on a cherché à réinterpréter Confucius comme un réformateur capable de montrer le chemin du renouveau du pays. Cela a abouti à la “Réforme des cent jours” de 1898, dirigée par Kang Yuwei.

L’époque de la crise

A l’arrivée de l’ère moderne et de l’esprit révolutionnaire, le confucianisme, nonobstant l’élévation de Confucius au rang de “Seigneur” en 1906, subit de rudes coups. La suppression du système des examens pour l’accès au service civil, en 1905, fait disparaître la classe des lettrés-fonctionnaires confucéens. Pendant les premières années de la République (proclamée en 1911), le confucianisme est critiqué et refusé presque en bloc par la nouvelle génération des intellectuels, qui le jugent statique et inféodé au pouvoir. La vieille garde fait d’ultimes tentatives pour le sauver comme “religion d’Etat”, mais en vain. Ses institutions et ses traditions sont abandonnées au nom de la Nouvelle culture prônée par “le mouvement du 4 mai” (1919), avec le slogan “A bas Confucius et sa boutique!”

Avec les années 20 la vague de mépris semble retomber un peu, grâce à Sun Yatsen (le père de la République chinoise : 1866-1925) et son élaboration confucéenne de la doctrine sociale des Trois principes du peuple (Sanmin Zhuyi) ; à Chiang Kai Shek (Jiang Jieshi, 1887-1975) et son gouvernement nationaliste qui reprennent les traditions et coutumes confucéennes ; au Mouvement de la vie nouvelle des années 30 et à la célébration annuelle de l’anniversaire de Confucius à partir du 28 août 1939.

L’empire du Manzhouguo, proclamé en Mandchourie par les Japonais en 1932, relance aussi l’idéologie confucéenne et le culte de Confucius. Mais les contributions les plus significatives de ces années sont le Mouvement du nouveau confucianisme moderne (Xiandai Xinruxue) de Liang Shuming, éminent promoteur et conservateur de communautés autocratiques des années 30 ; de Xiong Shili, qui a uni l’idéalisme néo-confucéen et celui du bouddhisme ; de Feng Youlan, qui a restructuré le rationalisme néo-confucéen en un système original basé sur la logique moderne.

2. LE CONFUCIANISME SOUS LE GOUVERNEMENT COMMUNISTE (1949-1976)

La philosophie et les superstitions

Avec l’avènement du régime communiste en 1949 les attitudes de critique et de mépris à l’égard de la tradition confucéenne en tant qu’idéologie de la classe dirigeante féodale l’emportent, en dépit du principe posé par Mao Zedong (1893-1976) lui-même en 1938: “Nous devons faire le bilan de tout notre passé, de Confucius à Sun Yatsen, pour pouvoir jouir de ce précieux héritage” 6.

Le maoïsme assimile les confucéens à la classe des intellectuels, pas à celle des ministres religieux. En outre les discussions théoriques de la première phase de la République populaire sur les problèmes religieux sont centrées sur la distinction entre religion et superstition. On arrive ainsi à diversifier la politique selon qu’elle concerne les “religions organisées” (soit les cinq grandes religions mondiales : bouddhisme, taoïsme, islam, catholicisme et protestantisme) ou les autres croyances et doctrines, traitées de “superstitions”. Il s’ensuit que le confucianisme qui n’a plus aucune structure est considéré comme une simple philosophie et ses adeptes comme des intellectuels, tandis que ses pratiques religieuses concrètes traditionnelles, telles que le culte des ancêtres, les rituels des tribunaux, les rites en l’honneur de Confucius et des autres sages, sont rangées dans le domaine des superstitions.

Politique officielle

A l’égard du confucianisme la politique officielle du gouvernement communiste a pris en considération le fondateur, les doctrines, les adeptes, l’ensemble des rites et l’héritage historique. Elle est passée par une série d’étapes dont les principales peuvent se résumer ainsi : de 1949 à 1956, substitution de l’idéologie marxiste et de ses promoteurs à l’idéologie et aux partisans du confucianisme ; en 1956-1959, campagne des cent fleurs pour amadouer les intellectuels, suivie de la campagne contre les réactionnaires de droite; de 1960 à 1965, tentatives de réévaluation de Confucius et de ses doctrines ; reprise des attaques contre Confucius et les confucéens qui culminent, d’abord dans la Révolution culturelle (spécialement dans les années 1966-1969), puis dans la campagne de critique contre Lin Biao et Confucius, en 1973-1974, reprise sporadiquement en 1976. Considérons de plus près chacune de ces étapes.

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Aussitôt après la prise de pouvoir du Parti communiste, les intellectuels et les lettrés confucéens ont été écartés par des théoriciens marxistes de leurs responsabilités, au gouvernement et dans les universités, et contraints d’étudier la nouvelle idéologie officielle, les professeurs de Pékin et de Tianjin devant consacrer de douze à quinze heures par semaine à l’étude des documents communistes. Des campagnes s’abattirent sur eux dans les années 50 pour les forcer à l’autocritique. La répression ne fut toutefois qu’intermittente. Le contrôle, pas toujours très strict. Certains ont donc pu continuer à publier des oeuvres dans la ligne traditionnelle, comme Xiong Shili (c’est de lui qu’est Yuan Ru, “le confucianisme des origines”, 1956). D’autres ont réédité leurs textes avec de légères révisions. Les premiers intellectuels de renom attaqués par la presse officielle furent Hu Shi, vers le milieu de 1955, à cause de son pragmatisme et de son orientation pro-américaine, puis Liang Shuming, pour son enthousiasme excessif à l’égard de la tradition chinoise. Dans la seconde moitié de 1955 Feng Youlan a également été contraint plusieurs fois de faire son autocritique.

A cette époque la préoccupation prioritaire des théoriciens communistes est de définir l’histoire chinoise selon les modèles marxistes et de la juger à partir des concepts de “rôle des masses” et de “lutte des classes”. Il est donc nécessaire d’évaluer à quelle classe Confucius appartenait et quelles positions il a eues dans l’histoire. On cherche en somme à faire cadrer le confucianisme dans la classification inspirée par les théoriciens soviétiques, qui subdivisent l’histoire de l’humanité en une succession de cinq modes de production : les communes primitives, les sociétés esclavagiste, féodale, capitaliste et enfin communiste. Comme aucune donnée ne s’impose avec évidence, le jugement sur Confucius dans les années 50 se diversifie. Certains soulignent l’opposition du Sage à la chute de la société esclavagiste. D’autres qui le regardent pourtant comme un “représentant du système féodal”, un “membre de l’aristocratie propriétaire d’esclaves”, insistent sur son rôle positif puisqu’il a “cherché le compromis entre l’aristocratie et le peuple” ou “contribué à renverser le système esclavagiste”.

Les notions confucéennes en matière d’éducation ne sont pas l’objet d’une critique directe. C’est seulement quand on commence à donner une importance majeure à l’éducation, en 1954, et à se séparer du modèle soviétique d’instruction publique, en 1956, que l’attention se tourne vers l’héritage traditionnel confucéen. “Dans les premières années 50, les livres et les articles publiés étaient dans l’ensemble favorables à Confucius. C’était pour l’essentiel des rééditions de travaux antérieurs. Bien que remises à jour selon la terminologie marxiste, elles offraient rarement des interprétations neuves” 7.

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Pour s’assurer du loyalisme des confucéens comme des autres intellectuels, les autorités chinoises lancent en 1955-1956 le mouvement du “dévouement du coeur” pour leur demander un dévouement total à la cause communiste. Mais les résultats de cette “politique du sourire” ne sont guère brillants. Et la preuve en est apportée par l’abondance des critiques au cours de la campagne suivante dite des Cent fleurs (1956-1957), quand tous les intellectuels sont invités à exprimer ouvertement leurs opinions. En janvier et mai 1957 se tiennent deux conférences, l’une sur la signification de la tradition chinoise dans l’ère socialiste, l’autre sur l’histoire chinoise. Feng Youlan et d’autres soulignent la nature transcendante, par rapport aux classes sociales, de quelques doctrines traditionnelles et cherchent à revaloriser Confucius. L’intérêt renouvelé pour la pensée traditionnelle ne suscite pas seulement un vif débat, mais des critiques contre le parti, contre la politique d’imitation de l’URSS et finalement contre le communisme lui-même. Ces attaques effrayent tellement les autorités qu’elles arrêtent ce mouvement en juin 1957 et lancent une campagne contre les réactionnaires de droite. Beaucoup de professeurs d’université sont licenciés, condamnés aux travaux forcés et contraints à la retraite.

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Au début des années 60, on assiste à un certain relâchement de la pression sur les lettrés confucéens, dû pour une part à la faillite des communes agraires et du Grand bond en avant de 1958. Au contraire, la possibilité de faire réentendre leur voix est favorisée par le président de la République Liu Shaoqi, le premier ministre Zhou Enlai (1898-1976) et le ministre de la culture Zhou Yang, qui ont pris les rênes du pouvoir en mettant quelque peu de côté Mao Zedong. Les années 1961 et 1962 sont marquées par des débats sur Confucius les plus vifs et animés qu’on ait vus depuis la fondation de la République populaire. Le 2440e anniversaire de sa mort est célébré en 1962, sans que sa signification en soit expliquée. Presque chaque université et institut d’histoire organise des réunions pour discuter ses enseignements. Son village natal est ouvert au public et reçoit en moyenne trente mille visiteurs par jour. Des journées commémoratives suivies par cent soixante philosophes et historiens sont organisées par Zhou Yang lui-même en novembre 1962 à Qufu (Shandong). Feng Youlan qui y joue un rôle actif tente, non sans rencontrer des oppositions, de mettre en relief la fonction de réformateur de Confucius: éducation ouverte à toute classe sociale, ouverture de bonnes relations avec tous, solutions des contradictions par la bienveillance (ren). Le débat continue dans la presse officielle, surtout de 1963 à 1965, entre quelques-uns des interlocuteurs et d’autres. Il s’élargit aux thèmes du théisme, de la religion et de la superstition et contribue à faire voir dans le confucianisme une philosophie et non pas une religion.

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Mais le climat de plus grand libéralisme dure peu. Dès septembre 1962 Mao Zedong lance un appel à “ne jamais oublier la lutte de classesqui déclenche au début de 1963 des attaques contre certains partisans de Confucius. Mais c’est la grande Révolution culturelle, avec la publication de la “Décision en seize points”, le 8 août 1966, qui vise à déchaîner des attaques impitoyables contre tous les intellectuels. Les gardes rouges lancent la campagne contre les “quatre vieilles” (la culture, l’idéologie, les coutumes et les habitudes), avec l’idée de délivrer les écoles de la “domination des intellectuels bourgeois”. Dans les universités on assiste souvent à des heurts et à des violences. Historiens et philosophes sont taxés de “féodaux et révisionnistes”, contraints par les gardes rouges à rédiger leur autocritique et expédiés à la campagne pour être rééduqués dans le travail manuel par les paysans. Leur domicile est perquisitionné, leurs bibliothèques livrées aux flammes. Ces persécutions en poussent beaucoup au suicide. Les confucéens âgés tombent tous en disgrâce. Guo Muruo, Feng Youlan et Yang Rongguo sont attaqués. Fan Wenlan y perd la vie. Les plus jeunes qui ont écrit d’importants articles dans les années 60 sont eux aussi discrédités, traités de “boutique de Confucius”. On leur associe Liu Shaoqi, “attaqué et abattu, mais dont l’esprit rôde encore alentour

Contre Confucius et ses doctrines, le débat atteint son paroxysme. Tout en s’en prenant directement à lui, les attaques les plus violentes et négatives visent sa pensée : “Dans notre nouvelle Chine socialiste il n’y a aucune place pour les notions confucéenness ou pour les idées capitalistes et révisionnistes qui servent aux classes d’exploiteurs… Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, l’un des principaux devoirs est d’éliminer le cadavre fossilisé de Confucius et de déraciner complètement les notions confucéennes complètement réactionnairesAu nom de la vulgarisation de la philosophie, beaucoup donnent de la voix dans le débat et se disent prêts à continuer la lutte contre Confucius jusqu’au bout. Shanghai est le centre de cette lutte. La période de la Révolution culturelle se caractérise ainsi par deux aspects qui se maintiendront ensuite : désormais tous peuvent parler et écrire de Confucius ; les personnalités et les évènements du passé peuvent être utilisés, voire critiqués, pour expliquer les évènements du temps présent.

Après une phase de calme relatif la campagne anti-confucéenne reprend après le dixième congrès du Parti communiste chinois en août 1973, en y associant expressément Liu Shaoqi et Lin Biao. Programmée en septembre 1973, sous l’impulsion de Jiang Qing et Wang Hongwen, elle s’intensifie avec les démonstrations de masse à Pékin des 24 et 25 janvier 1974 et atteignent leur paroxysme en juillet de la même année. Contre “le Sage de Lu” toutes les couches sociales se mobilisent : rassemblements de masse, affiches (dazibao), poèmes et chansons, expositions, conférences et leçons données par des étudiants et des enseignants aux ouvriers et aux paysans, diatribes en série dans la presse et à la radio, le tout accompagné d’une surabondance de livres et de brochures. Cette campagne s’appelle officiellement “campagne de critique de Lin Biao et de Confucius”. “Les doctrines réactionnaires de Confucius et de Mencius sont des doctrines de restauration. Toutes les classes dirigeantes réactionnaires de Chine les ont adoptées pour freiner le progrès social et restaurer l’ordre ancien… Adorer Confucius, recommander l’étude des classiques confucéens et le retour aux vieux rites et à la vieille idéologie sont des signes d’une culture féodale. En Chine la culture impérialiste et la culture semiféodale se sont unies en une alliance réactionnaire, qui vise à la faillite de la révolution populaire chinoise” 8. Ces conclusions sont présentées comme ultimes et définitives.

Une directive du Comité central du Parti du 1er juillet 1974 marque le déclin de la campagne jusqu’en février 1975, quand lui est substituée une campagne contre les droits bourgeois. La critique de Confucius reprend en février 1976, marquée par des articles du Quotidien du peuple signés par Liang Xiao, membre des groupes universitaires de critique de Pékin et Qinghua. Elle continue de façon sporadique toute l’année.

La politique anticonfucéenne atteint son point culminant en 1978. Le chef local du Parti ordonne alors de démolir les murs qui entourent Qufu, le village natal de Confucius. Mais pour les descendants du Maître, soumis aux persécutions et aux critiques, le pire était arrivé en 1966, quand les gardes rouges avaient installé leur quartier général dans le mausolée de Confucius, désacralisant celui-ci jusque dans sa tombe. Les années 80 seront pour ces descendants une vraie libération puisque on assiste depuis quinze ans à une transformation remarquable de cette bourgade qui devient l’une des principales attractions touristiques du pays, avec la construction de nouveaux immeubles et d’hôtels, la restauration des rues et des monuments. En 1989, pour la célébration de l’anniversaire de la naissance de Confucius, on reprend pour la première fois depuis 1949, mais sans la présidence de son descendant direct, les grandes cérémonies traditionnelles, avec de longs défilés de participants en costumes d’époque accompagnés de musiques et de danses traditionnelles aux sons d’instruments anciens 9.

3. LA SITUATION ACTUELLE DU CONFUCIANISME (depuis 1976)

Renversement de tendance

Après la chute de la Bande des quatre, en octobre 1976, on entre dans une nouvelle phase qui se caractérise par plus de modération envers le confucianisme. C’est l’un des effets du changement de situation des intellectuels, auparavant “marchands de l’idéologie bourgeoise”, “neuvième catégorie de salauds”, promus “détenteurs de la clé d’or”. Par une nouvelle volte-face après tant d’autres sont en premier lieu dénoncés les animateurs et les supporters des campagnes anticonfucéennes. Le périodique Etude et critique de Shanghai, qui avait déclenché les attaques les plus acharnées, est suspendu. L’équipe des éditions de recherche historique est dissoute. Les groupes de critique de masse des universités de Pékin, Qinghua et Shanghai sont à leur tour pris pour cibles. Même les confucéens qui se sont vaille que vaille adaptés au nouveau courant ou qui paraissent l’avoir soutenu sont condamnés. Le mouvement anti-confucéen n’est pas seulement frappé parce qu’il s’est servi de la critique pour des buts politiques, mais aussi à cause de son rejet violent et poussé à l’extrême de toutes les traditions chinoises, à l’encontre de la pensée de Mao Zedong lui-même.

Réévaluation de Confucius et réhabilitation des confucéens

La nécessité d’une réévaluation de Confucius est affirmée dans un article de Pang Pu, paru le 12 août 1979 dans le quotidien des intellectuels Guangming Ribao. C’est la première d’un nombre grandissant d’initiatives semblables. Il s’agit de voir en Confucius “le grand penseur, l’éducateur, l’homme politique, le philosophe et l’historien, et pas seulement le fondateur de la culture chinoiseA cette réévaluation contribuent les apports individuels de savants et les rencontres qui se multiplient à la moyenne d’une par an, à Pékin, à Qufu, entre spécialistes chinois et étrangers.

La première réunion se tient à Qufu en octobre 1978. Les exposés sont publiés en recueil en 1980 sous le titre Réévaluation de Confucius et de la pensée confucéenne. Les participants unanimes ont dénoncé la Bande des quatre, accusée d’avoir dénié toute valeur au confucianisme et de s’être servi de Confucius dans un but politique. Ils ont également tous été d’accord pour proposer à son égard une évaluation plus critique et objective.

La deuxième conférence se tient aussi à Qufu en octobre-novembre 1980, centrée sur la pensée pédagogique de Confucius et son rapport avec le système féodal. Les participants lancent un appel pour que soient réhabilités tous les intellectuels confucéens rétrogradés, attaqués, critiqués et condamnés dans les campagnes antérieures.

La troisième conférence de Qufu, en avril 1983, propose comme méthode une “triple distinction” pour évaluer Confucius et sa doctrine : admettre ses éléments valables, éliminer le négatif et, en cas de mélange, s’appliquer au discernement.

En septembre 1984 se tient à Qufu une importante conférence nationale pour fêter les 2535 ans de la naissance de Confucius et inaugurer sa statue. La conférence montre Confucius “grand éducateur, philosophe et homme d’Etat” et le confucianisme comme facteur de progrès économique. Elle se donne aussi pour tâche d’organiser une Fondation Confucius, sous la présidence honoraire de Gu Mu, et la commission préparatoire d’une Association de recherche confucéenne, ce qui marque une étape importante dans l’histoire du confucianisme en Chine.

En juin 1985, l’Association de recherche confucéenne qui vient de naître organise une autre conférence, au cours de laquelle ses objectifs sont précisés par le président Zhang Dainian : la diffusion des idées de Confucius et la préservation critique de son héritage culturel, en fonction du devoir présent de “construire la civilisation matérielle et spirituelle de la Chine”.

En août 1987, le premier symposium international sur le confucianisme, qui se tient encore à Qufu avec des participants de douze pays, est l’occasion de souligner que le confucianisme “n’est pas seulement une cristallisation de la culture nationale de la Chine”, mais qu’il est aussi “une part du patrimoine culturel du monde entier”. Il est à la fois “utile à la modernisation de la Chine et à l’avenir de toute l’humanité”.

L’année 1989 peut être appelée une “année confucéenne” à cause des nombreuses manifestations qui marquent le 2540e anniversaire de la naissance de Confucius : après des rencontres et des congrès dans tout le pays, sa célébration culmine avec la reprise de la tradition de la cérémonie solennelle au grand temple de Qufu et le premier festival culturel confucéen (20 septembre-10 octobre).

Recherches et publications

Grâce à la libéralisation d’après Mao, la situation des études confucéennes va s’améliorant avec la multiplication d’instituts de recherche et de publications spécialisées. Les deux organismes du niveau national lancent chacun leur publication : à partir de mars 1986 la Fondation de Confucius publie les Etudes confucéennes, quadrimestriel ; l’Association de recherche confucéenne édite, sans périodicité régulière, le Bulletin de recherche confucéenne. Au niveau provincial et local sont fondées diverses associations d’études confucéennes, comme celles de Shandong, de Hunan, de Qufu,etc. Beaucoup d’universités ouvrent un centre spécialisé sur Confucius, le confucianisme et les classiques.

Parallèlement l’édition de livres s’améliore en quantité et en qualité. Les principaux sujets traités comprennent la personnalité et les doctrines de Confucius et de ses disciples les plus éminents, leurs rapports avec la société de leur temps, les diverses interprétations données à leurs idées, l’histoire et le rôle du confucianisme…, mais aussi les divers types de méthodes de recherche, de façon à parvenir à une évaluation objective des études menées soit dans un but scientifique, pour approfondir les connaissances, soit dans un but pédagogique et politique, pour éduquer et élever la conscience politique des masses. De 1979 à 1987, plus de cinq cents auteurs ont publié plus de mille ouvrages ou essais.

Le mouvement du néo-confucianisme moderne

Le renouveau d’intérêt suscité par Confucius et les études confucéennes, les contacts de plus en plus fréquents avec des spécialistes de l’étranger ont attiré l’attention de beaucoup d’intellectuels de Chine sur le mouvement néo-confucéen moderne.

Celui-ci est né de la réaction conservatrice aux attaques lancées par le “mouvement du 4 mai” (1919) contre Confucius et le confucianisme. Il constitue un des courants principaux de la pensée conservatrice dans la culture moderne chinoise, en concurrence avec le libéralisme occidental, proposé par Hu Shi, et avec le socialisme marxiste, dominé par Li Dazhao et Chen Dexiu. Liang Shuming, qui a contre-attaqué au nom de la tradition, restait ouvert aux impulsions nouvelles dues à la rencontre avec la culture et la science de l’Occident. Il a été suivi dans les années 30 et 40 par Xiong Shili, Feng Youlan, He Lun, etc. qui ont combiné les doctrines des traditions confucéennes et bouddhistes avec les philosophies occidentales alors en vogue pour tenter de leur donner de nouvelles interprétations et de créer de nouvelles synthèses. Ils ont ainsi déclenché ce qu’on peut considérer comme une première phase du mouvement moderne de renaissance du confucianisme. Une deuxième phase, dans les années 50 et 60, est dominée par les néo-confucéens réfugiés à Hongkong et à Taiwan après la prise de pouvoir du Parti communiste en Chine. Les années 70 voient l’émergence d’une troisième génération de néo-confucéens.

Sur la nature et les caractéristiques de ce mouvement, les études des chercheurs chinois portent la marque de l’ambiance idéologique dans laquelle elles ont été faites et de la rareté des sources. Elles tendent donc à souligner sa nature philosophique, culturelle et socio-politique, et l’évaluent selon des critères liés à l’idéologie socialiste. Ce n’est pas par hasard si la conférence sur le néo-confucianisme citée plus haut a tout fait pour écarter l’interprétation religieuse de ce courant de pensée et le réduire à une vision socio-philosophique. D’autres chercheurs sont allés dans le même sens. D’une façon générale les positions acceptées sont les suivantes. On doit tout d’abord distinguer, selon la terminologie de Tu Wei-Ming, entre la Tradition des confucéens (Rujia Chuantong) et la Chine du confucianisme (Rujiao Zhongguo). La seconde, “liée à l’héritage féodal empoisonné” a été éliminée avec la société féodale. La première survit au contraire, parce que ses valeurs culturelles sont des valeurs communes et durables. Affranchie de ses liens avec la société féodale, elle a trouvé une nouvelle vitalité et créativité.

En général les néo-confucéens sont hostiles à l’acceptation aveugle et totale soit de la voie capitaliste occidentale soit de la voie socialiste russe. Ils en suggèrent une troisième, désignée dans les années 80 “civilisation industrielle orientale” ou “voie de la modernisation du capitalisme confucéen”.

Conclusion

Dans l’analyse de Tu Wei-Ming, la possibilité de développement de la “troisième phase” du confucianisme se fonde sur sa capacité de faire front d’une façon créatrice aux défis de la culture occidentale, principalement à trois niveaux : au niveau surnaturel, le confucianisme doit répondre de façon originale aux problèmes soulevés par le christianisme ; au niveau socio-politique, il doit s’ouvrir au dialogue et trouver des points en commun avec le socialisme marxiste ; au niveau de la psychologie des profondeurs, il doit savoir affronter et pénétrer la problématique populaire qu’ont soulevée l’existentialisme, le freudisme, etc. C’est seulement de cette façon que la philosophie chinoise retrouvera un élan. Il faudra certes beaucoup de temps avant qu’apparaissent des résultats significatifs, mais la vitalité qui en est un bon gage ne semble pas lui manquer.

III – LE CONFUCIANISME EN DEHORS DE LA REPUBLIQUE

POPULAIRE DE CHINE

A Taiwan

“Si le confucianisme n’a plus de culte officiel, il apparaît avec évidence qu’il est étroitement intégré dans le système religieux et la pratique religieuse des Taiwanais. Les enseignements moraux et ethiques du confucianisme se retrouvent dans les règles traditionnelles du comportement social transmises de génération en génération. La piété filiale, le respect de l’âge et de l’autorité, le culte des ancêtres, les cérémonies comme les mariages et les funérailles sont toujours considérées comme fondamentales. De fait, les notions de la famille et de la société sino-taiwanaise, la forte insistance sur la compréhension d’autrui et le compromis, sur les coutumes et les traditions, le souci des observances rituelles et religieuses, la confiance sereine dans le Ciel… sont dus principalement à l’influence profonde du confucianisme et prouvent sa valeur et son rôle permanent dans la société taiwanaise” 10.

Actuellement le confucianisme fleurit à Taiwan, patronné par le gouvernement nationaliste qui fait célébrer le 28 septembre l’anniversaire de la naissance de Confucius comme “journée des enseignants”. Au niveau populaire, les temples à Confucius sont conservés avec beaucoup de soin et on y célèbre les fonctions religieuses de façon régulière. Il s’en construit de nouveaux à l’initiative de la population.

Pour approfondir l’étude de l’aspect philosophique du confucianisme, le gouvernement nationaliste a fondé en 1960 la société pour l’étude des enseignements de Confucius et de Mencius, qui publie un mensuel du même nom et favorise la diffusion de la doctrine confucéenne dans les écoles grâce à des concours et des textes scolaires. Au delà de la publication de livres et d’opuscules la société vise à maintenir des rapports avec les autres associations confucéennes de par le monde.

Quant aux relations avec le confucianisme de la Chine continentale, le gouvernement de Taipei a fondé en 1966, avec l’aide d’éminentes personnalités confucéennes réfugiées dans l’île après la Révolution de 1949, le comité pour le renouveau de la culture chinoise.

Le néoconfucianisme moderne a pris ici des caractéristiques clairement religieuses. Ch’en Chien-Fu en a été le promoteur le plus engagé, au moyen de la revue “Le nouveau confucéen” (Xinrujia), avec une bonne audience, surtout parmi les intellectuels. Dans ses nombreux écrits, Ch’en n’hésite pas à parler de l'”Eglise néoconfucéenne”, dont il souligne la continuité avec la tradition chinoise, rendue “nouvelle” aussi par la forte présence d’idées séculières modernes et de notions chrétiennes.

A Hongkong

Il existe à Hongkong beaucoup d’institutions liées au confucianisme. Les principales sont la Sainte association de Confucius, l’association générale de la Sainte doctrine de Chine, la Sainte école de Confucius (fondée dans les années 20) et l’institut de l’enseignement confucéen (fondé en 1930). Ces institutions coopèrent entre elles et avec les autres groupes religieux de Hongkong, célèbrent ensemble les fêtes confucéennes traditionnelles, mais ne sont pas coordonnées par un organisme central et n’ont pas un responsable unique.

Chacune d’elles est engagée en divers services sociaux, principalement dans le secteur éducatif avec des crèches, des écoles élémentaires et secondaires, également dans des actions de propagande par des cours, des articles dans la presse locale, l’édition de livres. L’organe officiel du confucianisme est le bulletin Kongdao Zhuankan. Ses principales célébrations sont l’anniversaire de la naissance de Confucius (le 27e jour du huitième mois de l’année lunaire) et celui de Mencius (le deuxième jour du quatrième mois). Dans les écoles dirigées par des institutions confucéennes et en beaucoup d’autres, l’anniversaire de la naissance de Confucius est célébré le 28 septembre en tant que fête de l’enseignement, marquée par diverses activités. Venus du continent après la fondation de la République populaire, d’éminents représentants du courant philosophique confucéen lui ont donné une impulsion nouvelle.

A Singapour

Singapour, cité-Etat dont 77% de la population est chinoise, mais qui est ouverte à l’influence occidentale grâce à sa position géographique, à son histoire et à l’usage de l’anglais, jouit depuis plus de trois décennies d’un rapide progrès économique. Les principes inspirateurs de ses dirigeants sont le pragmatisme et la mentalité confucéenne. La tradition confucéenne est toujours maintenue par les coutumes familiales, les écoles chinoises et les divers clans. Elle est le principal instrument de la solidarité sociale et du maintien de l’ordre, en même temps qu’un moyen sûr pour intégrer les nouveaux immigrants et développer les initiatives économiques. Alors qu’en Malaisie des associations et des écoles confucéennes étaient déjà formées, la première société confucéenne de Singapour remonte à 1898.

Depuis 1959, sous la direction de Lee Kwan Yew, la mentalité confucéenne a favorisé un développement rapide de la cité-Etat, en renforçant l’autorité d’un chef respecté, mais aussi le sens de l’épargne, l’ardeur au travail, les efforts d’amélioration du niveau d’instruction, etc. L’unité familiale et sociale, basée sur les vertus traditionnelles de bienveillance, de droiture et d’harmonie des relations, a été inculquée à la population comme un remède contre la course au profit, néanmoins avec des effets limités.

La question de l’éducation morale est devenue pressante vers la fin des années 70, à cause des phénomènes inquiétants de la drogue et de la criminalité des jeunes, de l’augmentation du nombre des divorces, de l’abandon des vieux, etc. Avec un pragmatisme tout confucéen les autorités de Singapour se sont mises en quête d’un programme d’éducation morale rapide et efficace. Elles ont eu recours au confucianisme, qui avait l’avantage de proposer des valeurs traditionnelles déjà présentes dans les familles chinoises, en invitant en août 1982 comme conseillers huit experts confucéens de Taiwan et des Etats-Unis. Ces efforts ont conduit à organiser un cours de sciences religieuses comprenant aussi l’éthique confucéenne et, par conséquent, à donner priorité aux sciences civiques et à l’éducation morale. Le confucianisme est ainsi devenu à Singapour un instrument, non seulement de cohésion sociale, mais principalement de formation de la jeunesse. Il a obtenu un écho remarquable sur le plan de la morale comme au point de vue religieux.

On observe dans les nouvelles générations de Chinois de Singapour un passage du taoïsme et du bouddhisme vers le confucianisme et l’agnosticisme. Bien que le confucianisme soit davantage considéré comme une philosophie, il existe pourtant dans la religion populaire un culte de Confucius, sous deux formes: comme composante d’une religion syncrétiste, qui vénère Confucius en même temps que d’autres esprits et divinités en différents temples, ou bien comme culte spécifique et autonome de Confucius. Caractéristique est le culte qui lui est rendu par les enseignants et les candidats aux examens. Le fait d'”adresser des prières à Confucius pour des objectifs scolaires” est postérieur à 1965. C’est peut-être un reflet de l’importance plus grande donnée à l’instruction depuis l’indépendance de Singapour.

En Corée

Le confucianisme est entré en Corée entre 372 et 528 de l’ère chrétienne en plusieurs royaumes qui adoptèrent graduellement le système administratif chinois. En 936, la dynastie Koryo unifia le pays et adopta le système confucéen des examens pour l’administration, en limitant toutefois son accès à la noblesse. En 1392, le général Yi Song-gye conquit le pouvoir et fonda la dynastie Choson (Yi) qui dura jusqu’en 1910, avec un système administratif centralisé de type chinois et le confucianisme dans sa nouvelle formulation de l’époque Song comme doctrine officielle. L’enseignement basé sur les classiques chinois et spécialement sur les ouvrages éthiques et philosophiques de Confucius devint la base de l’éducation et par conséquent de la carrière politique.

Après l’annexion du pays par le Japon (1905-1945), le système de gouvernement a continué d’être le système confucéen traditionnel, paternaliste et rigide. La population recevait une instruction élémentaire suffisante pour le progrès de la productivité, mais pas pour la formation de dirigeants politiques.

Aujourd’hui, les disciples du confucianisme sont près de huit millions, plus de douze mille maîtres enseignent l’éthique confucéenne et il y a plusieurs centaines de lieux de culte. On a récemment observé une tendance à chercher une réponse au matérialisme envahissant et à la déshumanisation de la société moderne dans les traditions et les valeurs confucéennes. Le gouvernement encourage cette recherche. Quelques savants confucéens organisent des cours chez eux et concourent à d’autres initiatives de caractère pédagogique, grâce auxquelles s’accroît l’intérêt pour la littérature classique chinoise et confucéenne.

Au Japon

A la différence de la Corée et du Vietnam, le Japon n’a jamais été conquis par la Chine. L’influence chinoise n’y a donc pas été imposée, elle a pénétré de manière lente et spontanée.

En 604 de l’ère chrétienne, le prince Shotoku introduisit au Japon un gouvernement selon le modèle chinois. Sa “constitution en 17 articles” prônait les principes confucéens: indivisibilité de l’autorité, centralisation du gouvernement, choix et promotion des fonctionnaires selon le mérite, tout en imposant le respect à l’égard du bouddhisme et en exaltant les vertus confucéennes. L’organisation officielle d’ambassades en Chine facilita le transfert quasi complet de la culture chinoise au Japon, même si le bouddhisme se répandait dans le peuple. Le rythme de l’assimilation a été si surprenant qu’il a porté le Japon, entre le cinquième et le huitième siècles, d’une société relativement primitive à un haut degré de sophistication culturelle. Depuis lors jusqu’à la fin du douzième siècle, la culture aristocratique japonaise, riche d’éléments chinois, n’avait plus à s’appliquer à imiter le modèle continental, car les éléments chinois étaient désormais complètement assimilés aux tendances autochtones.

Au cours des périodes Kamakura (1192-1333) et Ashikaga (1333-1573) où s’est développé le système féodal, le modèle confucéen de gouvernement centralisé et bureaucratique a été en partie abandonné, mais le concept de “loyauté” est resté à la base des rapports entre les chefs militaires (shogun) et l’empereur ainsi que du code de conduite des guerriers (samurai). A l’époque Tokugawa (1603-1868) reprend vigueur l’appel du confucianisme à un gouvernement basé non pas sur la force brute mais sur l’exemple moral, sur la persuasion et l’obéissance. Il fournit un modèle d’organisation politique qui donne de l’importance non pas à l’hérédité ou aux liens de loyauté, mais à l’enseignement et à l’uniformité administrative. La reprise du confucianisme comme doctrine officielle contribue à la transformation du Japon au vingtième siècle. Le mélange de valeurs féodales et de valeurs confucéennes de la période Tokugawa laisse au peuple japonais un héritage extraordinaire de formalisme et de rigidité, mais aussi un sens aigu de la discipline intérieure et de l’effort personnel.

Cependant, au cours des années de l’époque Meiji et de la modernisation (1867-1912), si les fonctionnaires confucéens restent bien vus par la cour impériale pour leur comportement anti-chrétien, les concepts fondamentaux du confucianisme sont relégués au domaine de l’enseignement.

En 1907 reprend la célébration régulière des cérémonies du temple de Confucius à Tokyo et en 1918 les diverses institutions confucéennens s’organisent en une Association confucéenne, qui a pour but de combattre l’esprit matérialiste occidental, le désordre social et le déclin moral. La détérioration de la situation nationale et mondiale dans les années 30 crée une atmosphère favorable à une synthèse du nationalisme avec l’éthique confucéenne, en vue de la politique nationale, exprimée par les Principes cardinaux de l’identité nationale du Japon (1937) et de la politique étrangère comme moyen de justifier son expansion en Corée, en Mandchourie et en Chine. Dans ces pays, les autorités japonaises prennent l’initiative de la reprise du culte et des études confucéennes. En Chine, elles favorisent la fondation de la “Société pour le renouveau du peuple”, Xinminhui, en vue de stimuler la reprise des traditions et des valeurs confucéennes.

Après sa défaite de la seconde guerre mondiale, le Japon tourne un peu le dos à son héritage confucéen et se concentre sur la reprise économique. Mais on note depuis quelques années les signes d’un renouveau d’intérêt pour le confucianisme.

Au Vietnam

La dynastie chinoise Han annexa le pays du Nam Viet (le nord du Vietnam actuel) en 111 avant Jésus-Christ. Malgré la révolte conduite par les deux soeurs Tru’ng en 40 de l’ère chrétienne, la Chine consolida sa domination et imposa son propre système administratif, l’écriture chinoise et la culture confucéenne qui était alors sa doctrine officielle. Le pays se libéra de la suprématie politique chinoise en 939 quand Ngo Quyen devint le chef du nouvel Etat du Vietnam, mais sans rejeter le système administratif et culturel chinois. Les lettrés-fonctionnaires continuèrent d’être recrutés par concours.

Le Vietnam résista avec peine à l’armée mongole au treizième siècle, ce qui eut pour effet de faciliter sa reconquête par les Chinois en 1407. Mais quelques années après le héros national Le Loi prit la tête d’un soulèvement qui permit au pays d’obtenir de nouveau l’indépendance d’un Etat tributaire de l’empire chinois. Sous la dynastie Le (1428-1789), le gouvernement conserva le système bureaucratique de style chinois.

Dans le pays passé sous le contrôle français à la fin du dix-neuvième siècle survivent un temps les examens publics qui inculquent une orthodoxie et un conservatisme désormais dépassés. La culture chinoise, en particulier le mode de gouvernement et le système pédagogique confucéens continuent d’influencer en profondeur la mentalité du peuple vietnamien. Même pendant sa guerre d’indépendance, le modèle chinois a gardé une force d’attraction manifestée à de nombreuses reprises, sous une forme parfois négative comme l’incapacité de légitimer l’opposition à la personnalité dominante. L’influence dans le domaine de l’enseignement est plus durable : “Le garçon se rendait à l’école à six ans. Il offrait à son maître un coq qui était sacrifié à Confucius. C’était la cérémonie de ‘l’ouverture de l’intelligence’. Dans le programme la place centrale était réservée aux ‘quatre livres’ et aux ‘cinq classiques’. L’enseignement sino-vietnamien était essentiellement moral : l’ambition de tout Sino-Vietnamien était de mériter le titre de quân-tu, c’est-à-dire d’honnête homme” 11.

Avec l’arrivée du communisme, les principes confucéens et le culte de Confucius ont presque complètement disparu. Pourtant, même si la pratique du culte des ancêtres diminue aussi dans l’actuelle société vietnamienne, les relations familiales conservent leur caractère essentiel et donnent une base aux initiatives démocratiques comme aux groupes de pression qui naissent dans le présent contexte de réforme économique.

En Occident

Confucius et son enseignement ont commencé d’être connus en Europe grâce aux jésuites du dix-septième siècle, surtout par le père Michel Ruggieri et sa traduction latine des “Quatre livres” en 1591-1592, suivi par le père Mathieu Ricci et son “Histoire de l’introduction du christianisme en Chine”. Tout ce que les jésuites ont transmis sur le monde chinois, Leibniz l’a recueilli dans ses Novissima Sinica (1697), en accentuant l’image idéalisée que l’Europe était en train de se faire de la Chine et qui allait durer longtemps. Les antiques doctrines chinoises suscitèrent dans le milieu philosophique occidental un vif intérêt qui fit former des associations et des cercles confucéens en plusieurs pays d’Europe comme l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède, la Russie.

Aux Etats-Unis d’Amérique le confucianisme a fait ses premiers pas dans les milieux de la recherche universitaire en vue de mieux comprendre les valeurs et la pensée chinoises. Sa tradition religieuse, son culte, ses célébrations, s’y développent parallèllement, principalement dans la communauté chinoise et à Hawaï. L’université de Hawaï est depuis les années 70 le centre et le moteur des études confucéennes et de l’assimilation du confucianisme dans la culture américaine. Le principal penseur confucéen en Amérique est sans aucun doute Tu Wei-Ming, de l’université de Harvard, qui cherche par ses nombreux écrits et ses brillantes interprétations à adapter la doctrine confucéenne aux exigences modernes.

N o t e s

(1) Cette façon d’appeller les fonctionnaires impériaux chinois dérive probablement du portugais mandar : commander.

(2) Les sacrifices à Confucius avaient lieu à de nombreuses occasions. En plus des cérémonies solennelles célébrant l’anniversaire de la naissance ou de la mort du Sage, d’autres rites importants comme ceux qu’on appelait “les quatre sacrifices” (Dang), étaient faits le quatrième jour du premier mois de chacune des quatre saisons. Le prestige de Confucius augmentant, les cérémonies étaient célébrées à la fois par ses descendants à Qufu et au niveau national par les fonctionnaires et les lettrés qui présidaient les cérémonies dans les temples dédiés à Confucius dans les grandes villes, et dans la capitale par l’empereur qui offrait en personne les sacrifices.

(3) En gardant cependant toujours présent à l’esprit que la conception chinoise de la religion est sous plusieurs aspects différente de celle de l’Occident. Elle est avant tout utilitariste, elle sert au bien matériel et social de l’individu et de la société. Elle est éclectique, non dogmatique et par essence non institutionnelle, basée sur une vision unitaire qui favorise la notion de gouvernement et l’autorité absolue.

(4) Au sujet des tentatives de Wang Chi Yuan, vers la fin de la dynastie Ming : C.K. Yang, Religion in Chinese Society, University of California Press, Berkeley, 1970, pp.356-357.

(5) Chang Chi Yun, A System of Cardinal Values for Ideal Personality and Ideal Society, dans “Chinese Culture”, XXI, 3, septembre 1980, p.67.

(6) Le rôle du Parti communiste chinois dans la guerre nationale, Selected Readings from the Works of Mao Tse Tung, Foreign Languages Press, Pékin, 1967, p.155.

(7) Kam Louie, Critiques of Confucius in Contemporary China, Chinese University Press, Hongkong, 1980, p.34.

(8) Editorial commun de la presse officielle à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la République populaire, 1er octobre 1974.

(9) Voir des descriptions détaillées dans Revival of Confucian Ceremonies in China, P. Swart-B. Till, dans The Turning of the Tide, éd. J.F. Pas, Hongkong Branch Royal Asiatic Society & Oxford University Press, Oxford-New York 1989, pp. 210-214.

(10) P.A. Geusens, God the Father loves us, Hua Ming Press, Taipei, 1969, pp. 105-106.

(11) P.Huard – M.Durand : Connaissance du Vietnam, Paris-Hanoi, E.F.E.O., 1954, pp. 83-107.

G L O S S A I R E

Canons confucéens Les classiques confucéens sont regroupés de façons diverses. Un premier groupe comprend “Les quatre livres”, Si Shu, qui sont les oeuvres classiques du confucianisme, soit : “La grande science” Daxue; “Le juste milieu”, Zhongyong; les “Dialogues” ou Discours, Lunyu, et “Le livre de Mencius”, Mengzi. Un second groupe rassemble les oeuvres classiques admises par la tradition confucéenne comme son bien propre. Ce sont : “Les cinq classiques”, Wujing : “Le classique des mutations”, Yijing; “Le classique des documents historiques”, Shujing; “Le classique des odes”, Shijing; “Les mémoires sur les rites”, Liji, et “Les annales du printemps-automne”, Chunqiu. Il y en avait un sixième : “Le classique de la musique”, Yuejing, mais il est perdu.

Un regroupement traditionnel moins fin est celui des “Treize classiques”, Shisanjing : “Les quatre livres”, “Les cinq classiques”, auxquels on ajoute “Les rites de Zhou”, Zhou li, “Cérémonies et rites”, Yili, et les commentaires des “Annales”, Chunqiu.

Culte des ancêtres C’est l’ensemble du culte et des rites qui ont pour but de vénérer et commémorer les esprits des parents défunts et, en particulier, des ancêtres et des têtes de lignée de la famille. Il a un rapport étroit avec l’exercice de la piété filiale (xiao) et sert à conserver l’unité de tous les membres de la “grande famille” (clan). Antérieur à Confucius, il a été adopté par la tradition confucéenne. Pour le commun des gens, le culte des ancêtres est l’élément principal de la pratique religieuse. Chaque maison conserve un petit autel sur lequel sont exposées les “tablettes des ancêtres” (planchettes de bois portant l’inscription des noms des défunts). On y brûle de l’encens et l’on y offre des mets et des fruits. Aujourd’hui cette tradition n’est plus très répandue, surtout à Hongkong et en Chine populaire. Le culte des ancêtres est cependant maintenu dans ces pays par la visite aux tombes deux ou trois fois par an, en général à la fête de Qingming, au printemps, et à celle de Chongyang en automne.

Da Tong la “grande unité” ou la “communauté universelle”, idéal de la société pour les confucéens, formulé dans l’ouvrage “Mémoires sur les rites”, Liji.

Examens impériaux Système des examens civils pour la sélection des fonctionnaires de l’empire, établi en 136 avant J.C. et peu à peu élaboré sous la dynastie Han. Son organisation spécifique a varié selon les époques. Durant la dernière dynastie Qing il consistait en un système d’examens à trois niveaux : local, qui conférait le titre de Xiucai, provincial, qui donnait le titre de Gongshi, et national, à la capitale, qui donnait le titre de Jinshi et dont le premier du classement était Zhuangyuan. Ce système des examens a duré en Chine jusqu’en 1905. Il a inspiré le système de recrutement pour le service civil en vigueur dans l’empire britannique et aux Etats-Unis.

Junzi Le mot désignait à l’origine les membres de la classe aristocratique, mais Confucius l’a utilisé au sens moral, pour désigner le sage et le parfait gentilhomme.

Li Principe de conduite, rite, cérémonie, ritualisme, étiquette, comportement correct, régles de bonnes manières, etc.

Li (écrit avec un caractère différent du précédent) : principe naturel, loi naturelle, raison, ordre naturel, essence de toutes choses, modèle naturel, etc. C’est un terme-clé du néo-confucianisme de la dynastie Song, en relation et en opposition à qi.

Qi Force matérielle, matière, énergie physique, éther, souffle, force vitale, etc. Il s’oppose au Li, qui est le principe intrinsèque de toute chose, tandis que qi en produit la substance et la forme.

Ren Vertu fondamentale au centre de la vision confucéene de la vie, assez complexe et difficile à traduire dans les langues occidentales. Elle est normalement traduite par : bienveillance, altruisme, humanité, vertu parfaite, charité, amour, etc. L’idéogramme chinois est formé du symbole de l’homme flanqué du nombre deux, qui signifient respectivement l’individu et les autres; l’idée originelle semble donc être l’ouverture de l’individu aux autres (altruisme). Confucius la définissait comme ce qui rend l’homme vraiment homme (humanité) et l’expliquait comme la synthèse du respect (gong), de la compréhension ou de la douceur (kuan), de la confiance (xin), de la sensibilité ou sollicitude (min) et de la gentillesse (hui).

Ru lettré, docte confucéen. Rujia : famille ou école des Ru.

San Gang : les “trois liens” fondamentaux : du roi avec ses ministres, du père avec ses fils et du mari avec sa femme, proposés en premier lieu par les “légalistes” et accueillis ensuite dans le confucianisme par Dong Zhongshu. D’habitude ils sont joints aux “cinq (vertus) constantes” (San Gang Wu Chang).

Shangdi nom antique utilisé depuis la dynastie Shang pour désigner Dieu comme souverain d’en-haut ou divinité suprême. Selon les interprétations données par divers savants, c’est la représentation transcendante de la fonction de l’empereur ou du grand roi à l’âge de bronze, la personnification de l’ordre des saisons ou du roi de la végétation, ou le symbole de l’ancêtre des origines.

Tian Le Ciel. Terme antique, écrit avec un caractère anthropomorphique, utilisé de préférence pendant la dynastie Zhou (1134-221 avant J.C.) pour désigner Dieu, l’Etre suprême ou l’ancêtre des origines.

Tian Ming Le mandat ou décret du Ciel, invoqué pour justifier le pouvoir d’un empereur et d’une dynastie, encore qu’il ait historiquement été utilisé aussi pour justifier la rebellion contre eux quand on croyait que l’indignité de leurs actions avait fait tomber le mandat.

Tianren Heyi union entre le Ciel et l’humanité. C’est l’idéal d’harmonie et de communion parfaite entre l’homme, la nature et l’Etre suprême, basé sur une influence réciproque, auquel tend le confucianisme.

Tianzi Fils du Ciel, titre désignant l’empereur.

Wu Chang les “cinq (vertus) constantes”, soit l’altruisme ou la bienveillance (ren), la droiture et la justice (yi), le principe de bonne conduite ou le comportement correct (lila sagesse (zhi) et la fidélité (xin).

Wu Lun les “cinq relations sociales” qui sont à la base de la vie sociale chinoise, soit entre l’empereur et le ministre (autorité civile et sujets), le père et les fils, le mari et la femme, entre frères et soeurs (aînés et cadets) et entre amis. Ces relations doivent être vécues de la manière convenable que Mencius spécifie en ces termes : “Entre l’empereur et les ministres il doit y avoir de la droiture; entre le père et ses fils, de l’affection; entre le mari et la femme, une différenciation (des rôles); entre aînés et cadets, de l’ordre; entre amis, de la confiance”.

Xiao piété filiale, un des éléments essentiels de la vie familiale chinoise répandu au niveau populaire par le “Classique de la piété filiale”, Xiao Jing, recueil de vingt-quatre contes. Il a une relation étroite avec le culte des ancêtres.

Xin ce terme chinois signifie aussi bien le coeur que l’esprit de la personne humaine, c’est pourquoi il est d’habitude traduit par “coeur et esprit” pour éviter de mettre exclusivement l’accent sur l’intellectualité ou sur le sentiment.

Zheng Ming Doctrine, élaborée par les confucéens à l’époque antérieure aux Han, de la rectification des noms, c’est-à-dire de la nécessité de restituer leur nom exact aux choses, aux actions et aux rapports, de façon que le nom corresponde vraiment à la réalité. C’est une philosophie du langage, prééminente dans Xunzi, applicable à toute réalité.