Eglises d'Asie – Chine
LA DISPARITION DE MGR CHARLES LEMAIRE MARQUE LA FIN D’UNE PAGE D’HISTOIRE DE L’EGLISE DE CHINE
Publié le 18/03/2010
Charles Lemaire est né le 16 janvier 1900, à Bertry, département du Nord, dans le diocèse de Cambrai. Son père possédait une petite usine de tissage. Ses études primaires et secondaires furent perturbées par la guerre de 1914-1918. Au mois d’avril 1919, il entre au petit-séminaire de Saint-Saulve puis au grand-séminaire de Cambrai en 1922.
Admis le 12 septembre 1925 aux Missions Etrangères de Paris, il accomplit un an de théologie à Bièvres, puis est envoyé à Rome, d’où il revient avec une licence en droit canonique et un doctorat en théologie. Il sera ordonné prêtre le 21 septembre 1929, par Mgr de Guébriant, alors supérieur général de la Société.
Le P. Lemaire part pour la Manchourie le 8 septembre 1930. A partir du mois de novembre de la même année, il étudie la langue, devient vicaire à la cathédrale. Il en est nommé responsable en mai 1932, puis recteur du séminaire à partir de janvier 1939.
Confronté avec l’Histoire, Mgr Lemaire l’a été aussi et surtout à la fin des années 1930. Après l’invasion du nord-est de la Chine par le Japon, une dizaine de circonscriptions ecclésiastiques se sont du jour au lendemain trouvées coupées du représentant du Saint-Siège en Chine. Ce dernier, en effet, à l’époque, résidait à Nankin. Rome demanda donc à l’évêque de Kirin de jouer le rôle d’ambassadeur du Vatican auprès du gouvernement du Mandchoukouo. Mgr Gaspais se défendit « comme un beau diable ». Finalement, il dit au Saint-Père quelque chose comme ceci: « Vous m’avez nommé évêque d’un diocèse déterminé. Je suis occupé plein temps. Je n’ai ni le temps ni la possiblité de jouer les diplomates. » A quoi Rome répondit à peu près: « Qu’a cela ne tienne. Nous allons vous donner de l’aide ». Et c’est ainsi que, selon ses propre dires, Mgr Lemaire devint évêque. Cette obligation qui avait été faite à Mgr Gaspais de jouer un rôle de diplomate est restée une source de disputes entre le Vatican et certains milieux chinois où l’on accuse Rome d’avoir reconnu le gouvernement du Mandchoukouo et d’avoir ainsi trahi la Chine. En fait, et Mgr Lemaire, qui a été mêlé de près à toute l’hisoire, était très clair sur ce point, Mgr Gaspais n’a jamais eu le statut de diplomate. Même s’il a pu lui arriver, par la force des choses, de participer, par exemple, à des réceptions officielles, il n’a jamais fait partie du corps diplomatique. Et le Vatican n’a jamais formellement reconnu le gouvernement du Mandchoukouo. Seulement, il fallait bien essayer de garder le contact avec la dizaine de diocèses qui se trouvaient sous la juridiction de fait du Mandchoukouo. Et il fallait bien parler à ce dernier gouvernement, au nom des évêques, du clergé et des fidèles qui vivaient en Manchourie.
La tourmente de la seconde guerre mondiale à peine passée, Mgr Lemaire s’est trouvé, une fois encore affronté à l’Histoire. La société des Missions Etrangères de Paris tenait son assemblée générale tous les dix ans. La première ayant eu lieu en 1920, les suivantes se tenaient, tout naturellement, la dernière année de chaque décennie. En 1940, la guerre avait empêché les représentants des missionnaires de rentrer en France. L’assemblée n’avait donc pu avoir lieu. Malheureusement, le supérieur général de l’époque, dont le mandat avait été prorogé, voyait sa santé décliner rapidement. Il demanda finalement à Rome de lui désigner un successeur. En 1945, le Vatican nomma Mgr Charles Lemaire: à Kirin, les Japonais avaient disparu et Mgr Gaspais avait pu reprendre à plein temps ses activités de pasteur; Mgr Lemaire se trouvait donc, d’une certaine manière, sous-employé. Lors de l’assemblée générale de 1950, il fut élu supérieur général par 30 voix sur 31, pour un mandat complet de dix ans. C’est durant cette période qu’il eut à gérer le très difficile problème posé par l’expulsion de Chine de plusieurs centaines de prêtres des Missions étrangères de Paris après la prise de pouvoir des communistes à Pékin. A la fin de son mandat de supérieur général, en 1960, il s’installa à Hongkong comme supérieur de la maison de Béthanie.
Cette étape de sa vie devait être la plus longue, puisqu’elle dura 35 ans. En plus de ses devoirs de supérieur de maison, Mgr Lemaire a jusqu’au bout mis son dévouement au service de nombreuses religieuses: qu’il s’agisse des Soeurs de Saint Paul de Chartres, des Petites Soeurs des Pauvres ou des Petites Soeurs de Jésus. Il n’oublia pourtant jamais son ancienne mission de Kirin. Il était resté en contact épistolaire avec plusieurs prêtres du diocèse, ses anciens élèves et avec des religieuses. Dans le courant de l’année 1993, cinq jeunes prêtres de Kirin passaient quelques jours à Hongkong, au cours d’un voyage organisé. Ils allèrent voir Mgr Lemaire. Il aurait été bien difficile de dire qui était le plus heureux: des jeunes qui rencontraient pour la première fois le grand ancien ou de l’ancien qui voyait venir à lui les fruits du travail accompli soixante ans plus tôt.