Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE Du 1er mars au 30 avril 1997

Publié le 18/03/2010




La nouvelle année khmère, commencée dans la soirée du 13 avril, sous la protection de la divinité Tungsa, a bien mal débuté: comme en 1970, une comète est apparue. « La guerre est inévitable. Elle sera courte, car la queue de la comète est courte », commente le petit peuple qui redoute la guerre. Durant la première semaine de l’année, le sujet est sur toutes les lèvres, les gens suspendent la rénovation de leur maison, dépensent peu, gardent leur or comme monnaie d’échange en cas de conflit… Autant de petits signes qui dénotent le climat de peur vécue au jour le jour.

De fait, la tension politique de plus en plus vive, qui a caractérisé les deux derniers mois, peut chaque jour se transformer en affrontement armé, voire en guerre civile. Des heurts entre les deux clans ont déjà eu lieu à Battambang en février dernier. « Le Cambodge est comme une rizière moissonnée : il suffit d’une étincelle pour y mettre le feu », commente un diplomate asiatique. Tout peut arriver, même rien! Les nombreux investisseurs asiatiques peuvent cependant jouer le rôle de modérateurs dans la course au pouvoir, qui n’est, de fait, qu’une course à l’argent.

Les attaques verbales du secondpremier ministre contre la famille royale, le massacre des manifestants du 30 mars, les saisies massives de drogue du début avril, l’échec du retour du prince Sirivudh, le « coup d’Etat » de Hun Sen du 15 avril, sont autant d’événements significatifs qui s’inscrivent dans ce combat. Ranariddh semble avoir voulu provoquer son rival qui sort finalement vainqueur de ces divers affrontements. Nul doute que les mois prochains seront fertiles en nouveaux affrontements préparatoires aux élections de la fin de 1997 et 1998, si elles ont lieu. On semble s’acheminer vers un type de gouvernement dur à la birmane.

Puissent les voeux échangés en début d’année se réaliser pour le petit peuple khmer des campagnes, qui assiste avec peur et résignation à la confrontation de ses chefs. « Les éléphants se battent, et les fourmis sont écrasées », dit le proverbe ! Son sort ne s’est pas vraiment amélioré durant les dernières années, et il n’a vraiment pas besoin d’une nouvelle tragédie !

I PREPARATION DES ELECTIONS

La date

Le 25 mars, Ieng Kieth (FUNCINPEC) et Sar Kheng (PPC), au nom des deux principaux partis de la coalition gouvernementale se mettent d’accord pour fixer les élections législatives en novembre 1998. Les élections municipales pourraient se dérouler en décembre 1997 ou début 1998.

Le PPC a retiré sa condition préalable concernant l’inéligibilité des candidats détenteurs d’une double nationalité. Le FUNCINPEC, pour sa part, retire son exigence que deux commissions soient créées, l’une pour l’organisation des élections, l’autre pour la surveillance des élections.

Après les turbulences politiques du mois d’avril, le FUNCINPEC remet en question les accords conclus, propose la date du 19 mars 1998, et redemande la création de deux commissions.

Le PPC ne s’opposera pas à la présence d’observateurs internationaux, mais refuse que les élections soient organisées par des instances internationales. Un comité composé de membres du gouvernement, de membres des différents partis politiques, de représentants d’ONG locales et internationales, pourrait être en charge de l’organisation et de la supervision des élections.

Le mode de scrutin n’est toujours pas fixé. Hun Sen préfère la proportionnelle.

Les alliances

Les deux principaux partis tentent de rallier les petits partis: ainsi le PCC signe des accords de coopération avec le Parti Khmer Nationaliste (PKN), le Parti Républicain Libéral (PRL), dirigé par Bit Sieng Lim, le Parti Démocrate (PD), représenté par Uk Phuri, en l’absence du président In Tam, le Parti des Citoyens Khmers (PCK), dirigé par Nguon Soeur, dissident du FUNCINPEC, puis du PNK.

Le 27 février, le FUNCINPEC, le Parti de la Nation Khmère (PNK), présidé par Sam Rainsy, la faction du PLDB favorable à Son Sann et le Parti Neutraliste (PN), présidé par Bour Hel, font alliance pour former le FUN (Front Uni National, NUF en anglais, pour éviter le ridicule), en vue des prochaines élections, et adoptent les 14 points d’une plateforme commune : lutte contre l’immigration illégale et la corruption, respect des frontières du Cambodge, respect des droits de l’homme, protection de l’environnement, création d’une administration civile neutre. Le FUN demande la présence d’observateurs internationaux pour garantir des élections nationales libres et justes.

Le 1er mars, le PPC dénonce la création du FUN. car il inclut le PNK. qui « a sans cesse insulté le gouvernement royal, le traitant de mafieux, et a attisé les problèmes ». Le PPC rejette l’invitation faite à le rejoindre comme une manoeuvre pour le faire éclater.

Le 3 mars, Ranariddh appelle à une meilleure coopération entre le FUNCINPEC et le PPC. Il demande personnellement à Hun Sen de revenir à la bonne entente de 1993 et 1995. Le 4 mars, il annonce que les Khmers rouges d’Anlong Veng étudient la plateforme du FUN.

Le 5 mars, après des mois de tensions, les deux premiers ministres font preuve d’une unité sans précèdent, et organisent un déjeuner informel : « Les deux premiers ministres et les deux partis politiques ont compris leurs responsabilités historiques visàvis de la nation, du roi et du parlement », déclare Hun Sen à l’issue de ce déjeuner. « Nous réalisons que si nous continuons comme cela, nous perdrons la confiance du peuple, des pays amis et des investisseurs », commente Ranariddh, convaincu que seule l’amélioration des relations entre le FUNCINPEC et le PPC conduira à « des élections libres, équitables, paisibles et démocratiques ».

Le 19 mars, Khieu Samphan, représentant la ligne dure des Khmers rouges, apporte son soutien à la plateforme du FUN, estimant que cette alliance politique contribuera à unir les différentes factions du pays.

Le 21 mars, lors de la dernière journée du congrès annuel du FUNCINPEC, Ranariddh déclare: « nous sommes résolument contre l’existence au Cambodge d’un régime communiste totalitaire et nous sommes le rempart contre le retour d’un tel régime ». Il réaffirme qu’après les élections, il ne devrait plus y avoir qu’un seul premier ministre. « Après les élections, il ne doit exister aucune région autonome sous le contrôle d’un seul parti ». Lors de ce congrès, on note la présence d’une quarantaine d’exKhmers rouges dont Prum Su, commandant de l’ancienne division 519. Ranariddh introduit dans le FUNCINPEC 41 nouveaux membres, déserteurs du Molinaka, et 80 autres se présentant comme d’anciens membres du PLDB de la faction leng Mouly, de Kompong Cham. Le 23 mars, leng Mouly déclare qu’il ne reconnaît pas ces gens.

Combat pour le contrôle des médias

Ieng Mouly, ministre de l’Information, président de la faction du PLDB opposée à Son Sann, est allié au PPC. Le FUNCINPEC lance une attaque en règle contre le ministre et demande son remplacement, l’accusant de manquer de neutralité dans la préparation des élections.

Le 4 mars, Son Chhay, député PDLB de la faction Son Sann entrée dans le FUN, engage le combat: « Si leng Mouly, qui a signé un pacte avec le PPC, critique le FUCINPEC, ce parti demandera qu’il soit relevé de ses fonctions ». Il précise que le FUNCINPEC demande cela depuis un an, mais n’a pas réussi à cause des appuis dont jouit le ministre. Le 6 mars, Ranariddh accuse leng Mouly de favoriser le PPC en lui accordant plus de temps de parole qu’au FUNCINPEC sur la chaîne nationale.

Le 8 mars, Hun Sen répond que le ministre de l’Information ne sera pas relevé de ses fonctions. Le 12 mars, le FUNCINPEC demande officiellement le limogeage de Ieng Mouly « incapable d’assurer la neutralité des médias publics et de faire appliquer la loi sur la presse ». Le même jour, Ieng Mouly demande la permission aux copremiers ministres l’autorisation de couper leur discours afin de ne diffuser que les passages les plus intéressants.

Le 21 mars, lors du congrès annuel du FUNCINPEC, Ranariddh demande à nouveau le limogeage du ministre, puis le 24, menace d’envoyer les chars encercler le ministère de l’Information si les communiqués de son parti ne sont pas diffusés. Il rappelle que les deux premiers ministres disposent chacun de six tanks pour leur protection personnelle ! Ces communiqués sont diffusés à la télévision nationale le 24 au soir.

Le 26 mars, Ranariddh déclare que les élections locales et nationales ne seraient pas libres et équitables si Ieng Mouly restait ministre de l’Information, et demande une nouvelle fois son limogeage afin de garantir l’impartialité des élections.

Le verrouillage de l’information par le PPC se manifeste non seulement à l’égard du FUNCINPEC, mais également à l’égard d’autres partis:

Le 30 janvier, Ieng Mouly, ministre de l’Information. avertit la radio « La voix de la paixliée à la faction du PDLB fidèle à Son Sann, qui a commencé ses tests d’émission, du refus par son ministère de l’autorisation d’émettre, la fréquence étant déjà occupée. Le 3 mars, dans un courrier adressé au secrétaire d’Etat à l’Information, Son Soubert, viceprésident de l’Assemblée nationale et fils de Son Sann, s’étonne : lors des tests, la radio ne se superposait à aucune autre, et de rappeler à Khieu Kanharith, secrétaire dc’Etat à l’Information, que « La voix de la paix » avait reçu l’aval du premierpremier ministre en novembre 1996. Le secondpremier ministre n’a pas encore donné sa réponse. La radio émettra sans autorisation. Le 28 avril, Khieu Khanarith ordonne la fermeture de la radio sous peine de confiscation des équipements.

Le 25 mars, Khieu Kanharith, secrétaire d’Etat à l’Information, fait savoir que la demande, formulée par Sam Rainsy, le 6 mars, de se voir attribuer une fréquence sur la bande FM, était rejetée, car il y a « déjà trop de stations » qui émettent à Phnom Penh. Cette demande avait reçu l’accord de principe du premier-premier ministre. Hun Sen avait, pour sa part, transmis le dossier au ministère de l’Information.

Le 11 mars, le fils de Chun Kanal, président de la Ligue des journalistes cambodgiens (LJC), est abattu à la sortie de l’école par deux hommes en uniformes militaires. Le 26 mars, Kry Sothy, journaliste cambodgien, est poignardé par un étudiant, devant les locaux de son journal, « L’Opinion Publiquejournal connu pour ses opinions antiroyalistes. Il avait reçu des menaces. Le même jour, Nou Kim Y, rédacteur en chef de « Norkor Khmer » (Pays Khmer), proche du FUNCINPEC, et le directeur du journal « Kumnit Kaun Khmer » (Pensée des enfants khmers) qui l’accompagne, essuyent des coups de feu. Nou Kim Y avait reçu des menaces de mort s’il continuait à écrire des articles hostiles au PPC. Le même jour, un membre du service politique de « L’idéal khmer« , proche du PNK, est agressé par trois hommes en uniforme, armés, circulant en moto.

Attaques contre le roi et la famille royale

Selon une habitude connue, quand la situation empire, le prince Sihanouk menace de démissionner de sa fonction de chef de l’Etat, puis il menace d’abdiquer, espérant être supplié par ses sujets. Son séjour prolongé à Pékin pour soins médicaux est le signe que la situation à Phnom Penh est tendue. Dans son « Bulletin Mensuel de Documentation » (BMD) du 26 février, il engage le combat.

Constatant que les « Khmersrépublicains et autres antiSihanoukistes sont aujourd’hui plus actifs que jamaisle roi estime que les jours de la monarchie khmère sont « comptés » et indique qu’il envisage « sérieusement » d’abdiquer. Afin d’éviter qu’on l’accuse de vouloir s’impliquer dans la vie politique, le roi assure qu’il n’abdiquera pas avant l’an 2000, donc pas avant les élections. Concernant sa succession, le roi confirme son désir de voir le prince Norodom Ranariddh monter sur le trône. Et de préciser: « Ni Norodom Shihamoni, ni Norodom Monireuth n’accepteront d’être roi ou reine, car ils soutiennent Norodom Ranariddh, et ne veulent pas qu’il y ait une division ou une crise quelconque au sein de notre famille royale ». Le PPC soutiendrait la candidature de Shihamoni, ambassadeur du Cambodge auprès de l’Unesco, ou voudrait éventuellement faire modifier la Constitution afin de permettre à l’épouse du roi de devenir « reine régnante ».

Le 27 février, plusieurs membres du FUNCINPEC et du PPC demandent au roi de ne pas abdiquer. Le 4 mars, Hun Sen, second premier ministre, déclare que le roi ne peut pas abdiquer, car la constitution stipule que le roi est chef d’Etat à vie. Le 14 mars, il prévient que si le roi abdique, les élections, tant locales que nationales, seront reportées. Il invite la famille royale à quitter la vie politique du pays : « Si des membres de la famille royale veulent s’engager en politique, ils doivent abandonner leurs titres et quitter la famille royale à jamais, et pas seulement pour un tempsIl présentera son projet au roi, sous forme d’amendement à la constitution, dès que le souverain rentrera de Pékin. Si cette requête ne reçoit pas l’aval de la famille royale, il organisera une campagne nationale, voire un référendum, sur le maintien de la monarchie ou la fondation d’une république.

Certains observateurs voient dans ces propos une attaque directe contre Ranariddh, considéré comme dauphin du roi. Hun Sen accuse le FUNCINPEC de se servir de l’image du roi dans son combat. « Ils peuvent nous attaquer mais, quand nous contreattaquons, ils mettent le roi en avant… c’est injuste ». Il indique qu’il a fait part aux EtatsUnis de son idée d’interdire aux membres de la famille royale de jouer un rôle politique. Les EtatsUnis, souvent opposés à Sihanouk par le passé, répondent que c’est une affaire intérieure au pays.

Le 17 mars, Ranariddh déclare que si le roi abdique, les élections locales et nationales ne seront pas annulées pour autant, Hun Sen n’ayant pas l’autorité, à lui seul, de prendre une telle décision, car « selon la constitution, seuls les deuxtiers de l’Assemblée nationale ont le droit de décider de repousser la date des élections ». Il indique, bien que ne souhaitant pas que le roi abdique, que le FUNCINPEC le soutiendrait s’il voulait retourner à la vie politique. Hun Sen répond qu’il ne laissera personne violer la constitution et par conséquent empêchera le roi d’abdiquer.

Le 18, Ranariddh prévient que toute tentative pour forcer les membres de la famille royale à démissionner du gouvernement constituerait une « tentative de coup d’Etat. Si le pays est transformé en république, cela signifie qu’un coup d’Etat a eu lieu. La constitution ne comprend aucun article interdisant au roi d’abdiquer ou empêchant les membres de la famille royale d’entrer en politique ».

Le 19, Chéa Sim, président de l’Assemblée nationale, tente d’apaiser les tensions au sein de la coalition gouvernementale, et réaffirme sa confiance dans le roi et la reine « pour résoudre les problèmes anciens et récents ». Ranariddh, quant à lui, annonce qu’il va déposer une plainte devant la commission des droits de l’homme des Nations Unies, basée à Genève, contre le secondpremier ministre, Hun Sen, considérant les propositions de ce dernier comme « une discrimination raciale ». Mais le Cambodge n’a pas signé le protocole de la commission des droits de l’homme l’autorisant à déposer une telle plainte.

Le 20 mars, Hun Sen suggère que Sihanouk est à l’origine du mouvement khmer rouge pour avoir trop sévèrement réprimé ceux qui étaient taxés d’antiroyalistes. Il précise que si l’abdication du roi intervient avant le début de la campagne électorale, il y aurait le temps de désigner un nouveau roi, et les élections pourraient alors se tenir normalement. « Mais, si le roi abdique pendant la campagne, ou lorsque le vote aura commencé, alors les élections devront être reportées

Ranariddh ayant présenté à son auguste père des voeux de longévité, « comparable à celle de l’arbre de la Bodhi », le 19 avril, Hun Sen dit que les branches de l’arbre sont cassées, et qu’il va en faire du bois de chauffage ! Ranariddh demande au peuple de punir ce crime de lèse majesté.

II 30 mars : LE MASSACRE DES INNOCENTS

On connait l’opposition acharnée des deux premiers ministres contre le Parti de la Nation Khmère (PNK) de Sam Rainsy. Néanmoins, le 27 février, le PNK et le FUNCINPEC se sont unis pour former le FUN (Front Uni National). Désormais, Hun Sen, second premier ministre, utilisera tous les moyens pour écraser le PNK.

Le 14 février, un magistrat de la Cour municipale de Phnom Penh arrête Srung Vong Vannak, chef de la sécurité du Parti de la Nation Khmère (PNK), présidé par Sam Rainsy, ainsi que deux autres personnes (que Hun Sen prétend être membres du PNK, mais que Sam Rainsy ne reconnait pas pour telles), et les accuse d’avoir fait assassiner Khov Samuth, beaufrère de Hun Sen, le 19 novembre 1996. Cette arrestation n’est connue que le 5 mars. Pour Sam Rainsy, l’arrestation de Srung Vong Vannak n’est qu’une « mise en scène visant à déstabiliser le PNK », et à faire de lui « un autre Sirivudh ». Sam Rainsy est décidé d’utiliser tous les moyens juridiques pour se défendre, mais sans succès, devant une justice dominée par le PPC.

Mok Chito, chef de la police municipale. déclare que Srang Vong Vannak a avoué avoir recruté un tireur contre une récompense de 50 000 dollars.

Le 6 mars, Sam Rainsy accuse les autorités judiciaires de violation des droits de l’homme pour avoir emprisonné un suspect depuis le 14 février sans qu’aucun avocat, sa famille, ou un représentant d’ONG n’ait pu le contacter. Sa confession a été obtenue sous la torture.

Le 10 mars, Sam Rainsy écrit une lettreouverte au Roi, pour lui demander d’intervenir pour que Sran Vong Vannak puisse rencontrer un avocat, en conformité avec « la Constitution et les lois du Royaume, ainsi que les droits de l’homme universellement reconnus ». Le 10 mars, Yeng Marady, (FUNCINPEC), chefadjoint de la Police nationale, déclare que les recherches sont exclusivement menées par les membres de la police et de la justice favorables au PPC. Il demande la création d’une commission mixte.

Le 11 mars, les députés Son Chhay et Ahmad Yahya obtiennent la permission de rencontrer Srun Vong Vannak, mais ne peuvent lui parler. Le lendemain, sa mère est autorisée à le rencontrer durant une vingtaine de minutes, en compagnie d’un journaliste de l’agence Associated Press. Le 17 mars, elle affirmera que son fils a été contraint de faire une fausse déclaration accusant Sam Rainsy d’étre le commanditaire du meurtre du beaufrère de Hun Sen. Amnesty International demande aux autorités cambodgiennes de respecter les droits de Vannak et de lui permettre d’avoir accès à un avocat. Thomas Hammarberg, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l’homme au Cambodge qualifie cette détention « d’illégale » puisqu’il n’est pas autorisé à avoir un représentant légal.

Le 12 mars, quelques heures après une manifestation du PNK protestant contre la détention illégale de Srun Vong Vannak, de hauts fonctionnaires de police déclarent que la cour est en possession d’éléments permettant d’assigner Sam Rainsy pour le meurtre de Khov Samuth. Srun Vong Vannak mettrait nommément en cause Sam Rainsy comme commanditaire du meurtre. Mais Sam Rainsy est parti en Australie pour un voyage prévu de longue date.

Le 13 mars, Tioulong Saumura, son épouse, découvre la mise en cause de son mari dans la presse, sans avoir jamais reçu de document officiel depuis le début de l’affaire. « Tout se fait par l’intermédiaire des joumalistes… ll s’agit pour la police de lancer des rumeurs sur la place publique dans le seul but de déstabiliser le parti »… Le même jour, Ranariddh affirme qu’il n’apportera pas d’aide particulière à Sam Rainsy, son nouvel allié politique, car la « justice doit suivre son cours ». Le 14 mars, Hun Sen demande que le commanditaire du meurtre de son beaufrère soit arrêté, même s’il s’agit d’une personne haut placée.

Le 20 mars, Sam Rainsy, de retour à Phnom Penh, déclare qu’il n’a pas peur, n’ayant rien fait de mal. Il rentre chez lui escorté par une douzaine de policiers du FUNCINPEC, armés de fusils d’assaut AK47 et de lanceroquettes B40. « Hun Sen se cache derrière ce complot politique contre moi ». Il rencontre l’ambassadeur des EtatsUnis qui suit avec intérêt cette affaire. « Il m’a assuré que les EtatsUnis allaient exercer toute leur influence pour que les lois et procédures légales soient scrupuleusement respectées en ce qui concerne les accusations portées contre moi, qui sont de nature politique ».

Le 21 mars, 50 membres de l’Assemblée nationale, dont Ranariddh, Sam Rainsy, deux membres du PDLB et des membres du FUNCINPEC, signent une lettre commune demandant aux coministres de l’Intérieur plus d’informations sur l’affaire du meurtre de Kov Samuth et sur la légalité de la procédure judiciaire concernant les présumés assassins.

Le 25 mars, Sam Rainsy écrit au roi pour s’en « remettre à son jugement. J’accepterai de me présenter devant la justice si celleci est considérée comme indépendante par les représentants du peuple démocratiquement élus. »

Le Parti de la Nation Khmère (PNK) appelle à une manifestation, le dimanche 30 mars, devant l’Assemblée nationale, pour dénoncer « la soumission du système judiciaire au Parti du Peuple Cambodgien » (PPC), et pour demander la création du Conseil supérieur de la magistrature, prévu par les accords de Paris, qui seul, peut assurer l’impartialité de la justice. Le PPC bloque la création de ce conseil. Les manifestants réclament également, « l’annulation des décisions politiquement motivées, telle que la condamnation du prince Norodom Sirivudh ». Depuis 1993, « tous les juges ont été nommés par le PPC, sans tenir compte de leur compétences ni de leur sens de la justice ».

Environ 170 personnes, dont une quinzaine de journalistes d’opposition et de nombreuses travailleuses des usines de textile manifestent pacifiquement sur la pelouse située en face de l’Assemblée nationale, avec la double autorisation du ministère de l’Intérieur et de la municipalité de Phnom Penh. Contrairement aux autres manifestations, la police, qui doit assurer la sécurité, n’est pas là : vingt hommes n’arrivent que plus tard et se tiennent à distance comme s’ils étaient prévenus d’une attaque. Des militaires appartenant à une unité spéciale de Hun Sen, fortement armés, se tiennent à une centaine de mètres, devant la pagode Botum Vodey et le siège du PPC. A 8 heures 20, deux hommes, dont l’un s’était mêlé aux manifestants, lancent simultanément deux grenades de forte puissance, de fabrication américaine, de l’arrière du groupe, puis s’enfuyent en courant vers les hommes armés qui arrêtent leurs poursuivants. Le garde du corps de Rainsy a vu venir les grenades, et a plaqué son chef à terre : il sera tué sur le coup. A 8 h 30, lorque les manifestants sont en pleine émotion, deux hommes en uniforme de garde du corps de personnalités khmères, sur une grosse moto circulant sur la route passant entre l’Assemblée nationale et les manifestants, lancent une ou deux autres grenades devant le groupe (certains témoins disent que l’une des deux grenade a été lancée d’une voiture blanche qui est passée devant les manifestants au même moment que la moto).

C’est un carnage: on déplore au moins 19 morts, et plus de 125 blessés. Un témoin oculaire affirme que des soldats en armes ont protégé les deux premiers lanceurs de grenades, en tirant sur leurs poursuivants. D’autres affirment avoir vu les soldats tuer des témoins, et emmener les corps… « Les soldats et les attaquants se connaissaient, ils étaient prévenus de l’attaque ». Om Yentieng, conseiller de Hun Sen, confirme que certains membres de la garde personnelle de Hun Sen étaient sur les lieux.

Hun Sen présente ses condoléances aux familles, mais donne l’ordre d’arrêter Sam Rainsy. La police nationale n’obtempère pas, et Sam Rainsy pourra quitter en toute sécurité le pays, le 6 avril, pour se rendre, comme prévu de longue date, en France et aux EtatsUnis. Ce départ prouve qu’il n’y a aucune charge retenue contre lui.

A l’évidence, le massacre était prémédité : en lançant quatre grenades des quatres coins du groupe de manifestants, on voulait en tuer le plus grand nombre, et non pas seulement s’en prendre à Sam Rainsy ! Ce n’est pas seulement un acte d’intimidation politique. On peut y voir une tentative pour tuer dans l’oeuf toute volonté revendicatrice dans le pays. « Plus personne n’osera manifesterdit un observateur.

Une quinzaine de journalistes. des journaux d’opposition, sont blessés ou tués. Zhu Changdu, de l’agence de presse chinoise Xinhua News, et Rob Abney, citoyen américain, de l’Institut international républicain de Phnom Penh, sont au nombre des blessés.

Plusieurs ONG contestent la décision prise par la direction de l’hôpital Kantha Bopha, proche du massacre, qui a fermé ses portes aux blessés, dont plusieurs sont morts faute de soins immédiats. La direction dit que l’hôpital est destiné aux enfants malades et non aux blessés. Cependant, elle aurait pu au moins dépêcher des médecins et chirurgiens pour donner les premiers soins aux blessés, dont certains ont attendu plus d’une heure pour recevoir les premiers soins. La direction de la Croix-Rouge cambodgienne est largement responsable du fait, le personnel étant absent le week-end (comme le personnel des autres hôpitaux !).

Le massacre est condamné unanimement: Sihanouk, Ranariddh, le Département d’Etat américain s’expriment dès le 30 au soir. Les ambassades de France, de Grande-Bretagne et d’Allemagne condamnent pour le forme. Le soir, un gala organisé par la France à l’occasion de la biennale du cinéma, à quelques centaines de mètres du lieu du massacre, est maintenu. Kamal Ismaun, ambassadeur de Malaisie, représentant les pays de l’ASEAN, condamne le massacre, mais dans le même temps félicite les responsables gouvernementaux! Seul Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, Tony Kevin, ambassadeur d’Australie, et Thomas Hammarberg, haut-commissaire de l’ONU pour le respect des droits de l’homme au Cambodge, condamnent vigoureusement le massacre du 30 mars, et invitent les dirigeants à mettre fin à la violence. Thomas Hammarberg dénonce de nombreuses autres exactions, et met en doute la possibilité « d’une enquête sérieuse, professionnelle » sur le drame, tant de meurtres politiques commis ces derniers mois étant restés sans suite.

Le 6 avril, Ranariddh et 40 parlementaires cambodgiens demandent à l’ONU de venir procéder à l’enquête sur l’attentat. En l’absence du haut conseil de la magistrature, Ranariddh, premier-premier ministre, déclare n’avoir pas confiance en la justice de son pays, et demande que l’affaire soit confiée à des experts internationaux. Hun Sen lui rétorque que s’il n’a pas confiance en ses propres services, il n’a qu’à démissionner. Hun Sen accepte cependant que des experts étrangers apportent leur aide dans la recherche des coupables.

L’ONU ne peut intervenir qu’avec l’autorisation du gouvernement. Ce serait une violation de la souveraineté nationale. Cet appel s’inscrit dans la réaction habituelle des autorités cambodgiennes: confier le travail délicat à d’autres…

Le 9 avril, 11 sénateurs américains dénoncent ce massacre comme un « acte de terrorismeUn groupe d’ONG internationales signent une pétition pour demander aux gouvernements de leurs pays respectifs de suivre attentivement la recherche des coupables. « Notre premier objectif reste le respect des droits de l’homme, nous ne pouvons servir d’alibi humanitaire à un système qui refuse de se donner les moyens concrets de combattre l’injustice et la violence politique ». Les ONG posent la question des conditions liées à l’aide internationale au Cambodge. Le 14 avril, la Communauté européenne demande instamment que les auteurs de l’attentat du 30 mars soient recherchés et traduits en justice.

A la demande du ministère de l’Intérieur, le 29 avril, trois experts du FBI se rendent à Phnom Penh pour enquêter sur le massacre du 30 mars : « C’est normal, puisqu’un citoyen américain a été blessédisent les deux premiers ministres.

Suite à cet attentat, les investisseurs étrangers hésitent à s’engager dans le pays. Une délégation de Corée du Sud se rend au Camboge, mais les chefs d’entreprises attendent plus de stabilité politique.

Les soupçons se portent immédiatement sur Hun Sen, ou des membres du PPC : la présence de membres de sa garde personnelle, ses fréquentes menaces de lancer des grenades contre les opposants (en septembre 1995, une attaque à la grenade avait blessé 31 membres du PDLB, lors de son congrès), le muselage de la presse en faisant exécuter plusieurs journalistes, la volonté d’éliminer Sam Rainsy en tentant de le faire accuser du meurtre de son beaufrère, etc… Les manifestants réclamaient un changement capital qui affecterait sa façon de diriger le pays. Hun Sen se défend très mal, accuse Rainsy qui est sorti indemne, d’avoir fait lancer luimême les grenades ! Le 25 avril, il retirera ses accusations pour les reporter sur les Khmers rouges. Il fait reporter la responsabilité à la Communauté internationale pour avoir soutenu les actions de Rainsy ! Certains observateurs n’excluent pas la main de Teng Boonma, président de la chambre de commerce, proche de Hun Sen, et conseiller de Chéa Sim, président du PPC et de l’Assemblée nationale, d’être parmi les commanditaires du massacre.

En 1995, Sam Rainsy, alors ministre des Finances, s’en était fait un ennemi juré en refusant les conditions de vente du marché olympique, nouvellement construit par Teng Booma.

Les manifestations des travailleurs du textile, lancées et soutenues par Rainsy depuis décembre 1996 vont directement contre les intérêts du président de la chambre de commerce. Quelque temps avant le massacre, la fille de Teng Booma ne faisait pas mystère de la volonté de son père « d’écraser les manifestants ». Le comportement de Teng Booma, tirant le 7 avril, dans les pneus de l’avion de Royal Air Cambodge, rentrant de Hong Kong, est signifcatif de cet homme sans scrupule : « Rien ne peut m’effrayer… S’il s’était agi de mon personnel, je lui aurais tiré une balle dans la tête ! » Teng Booma avait payé pour 4 670 dollars d’excès de bagages, et la compagnie n’avait versé que 260 dollars pour une valise égarée, estimée par lui à plus de 2 000 dollars. Désormais, toute velléité de manifestation est interdite par la peur.

Certains accusent des membres dissidents du PPC. D’autres vont jusqu’à accuser le PNK, qui aurait planifié le massacre pour se faire de la publicité ! D’autres accusent les Khmers rouges.

Le 6 avril, Hun Sen propose que l’esplanade située devant la gare de Phnom Penh soit destinée à la tenue de manifestations. Le 8 avril, le ministère de l’Intérieur interdit désormais toute manifestation. Ranariddh et plusieurs ONG oeuvrant pour la défense des droits de l’homme protestent et estiment ces décisions contraires à la constitution.

Le 7 avril, la Cour municipale de Phnom Penh refuse la libération provisoire de Srun Vong Vannak, pour sa « propre securité » et parce qu’elle possède des preuves substantielles contre lui.

III 2 avril : SAISIE DE DROGUE A SIHANOUKVILLE

Le 2 avril, deux conteneurs chargés sur un bateau transportant du caoutchouc à destination de Ceylan, pour la société Mong Reththy, représentant Hun Sen pour l’exportation du caoutchouc, sont saisis sur les ordres de Heng Péo (PPC), chef du département antidrogue de Phnom Penh. Les deux conteneurs sont emmenés à Phnom Penh. Le 5 avril, Hun Sen dénonce « un parti politique qui organise un campagne pour arrêter son ami et les membres de sa parenté dans une affaire de drogueLe 6 avril, Hor Sok (FUNCINPEC), secrétaire d’Etat pour le ministère de l’Intérieur, annonce que l’arrestation de Mong Reththy est imminente, mais il est contredit par Hok Lundy (PPC), directeur de la police nationale. Après plusieurs reports, le 9 avril, les conteneurs sont ouverts, on y découvre 6 055 kilos de marijuana en paquets d’un kilo, stockés sur 11 palettes, au milieu de 21 autres chargées de caoutchouc. Mong Reththy affirme que les bordereaux d’envoi sont des faux, établis au nom de sa société. Il affirme avoir vendu 38 tonnes de caoutchouc en mars dernier, pour 35 000 dollars à Yim Sara, de la Continental ImportExport, mais dont on ne trouve pas le siège social… Selon la police, c’est la sixième fois que de faux bordereaux sont ainsi établis… On innocente Mong Reththy, pour inculper Chao Sokhom directeuradjoint de la police de Sihanoukville, membre du FUNCINPEC, protégé par Nhiek Bun Chhay, chef d’Etat Majoradjoint des FARC. Dans un discours du 11 avril, Hun Sen offre 10 000 dollars pour l’arrestation de Chao Sokhon, et 5 000 pour celle de 10 autres suspects (dont 6 seraient des officiers). Il demande également la levée de l’immunité parlementaire du coministre de l’Intérieur You Hockry (FUNCINPEC), et du général Po Lyda, chef du département antidrogue du ministère, soupçonnés d’avoir fait disparaître 2,5kg d’héroïne pure confisquée par le ministère de l’Intérieur, en février dernier. Mais, le 12 avril, Ranariddh refuse de signer la demande de levée d’immunité. Le 20 avril, Chao Sokhon est arrêté à Phnom Penh. Le 23 avril, You Hockry déclare avoir suffisamment de preuves pour arrêter Mong Reththy, mais ce dernier n’est pas arrêté.

Le 22 avril, après le « coup d’Etat » de Hun Sen relaté plus bas, Ranariddh écrit une lettre au président Clinton, pour demander l’assistance de l’US Drug Enforcement Agency (DEA) pour combattre le trafic de drogue au Cambodge. Par là, il veut exercer une pression politique sur Hun Sen, qu’il accuse d’utiliser les produits de la drogue pour construire des écoles. Cependant les EtatsUnis font savoir qu’ils ne répondront positivement que si les deux partis en font la demande. Le 23, Ranariddh écrit à Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, pour lui demander une assistance financière et technique de l’UN International Drug Control Program, car « le trafic de drogue risque de détruire la vie du Cambodge ».

Selon Interpol, les saisies de drogue en provenance du Cambodge ont augmenté de 1 000 % en 1996. La première saisie remonte à 1993 au Japon. Le Cambodge est devenu le principal pays de transit de l’héroïne en provenance du triangle d’or, et l’un des plus grand producteurs et exportateurs de marijuana. 59 tonnes de marijuana ont été saisies en 1996, envoyées en Mauritanie, en Australie, à Hong Kong, en Angleterre, Belgique, Hollande et à Ceylan, la plus grande partie par le port de Sihanoukville. Une partie transite par le port de Pochentong, par Koh Kong, et vers le Vietnam, le Laos et la Thaïlande. « Des militaires de haut rang, de puissants hommes d’affaires, qui apportent des appuis financiers aux hommes politiques sont impliqués dans ce trafic ». Le richissime homme d’a[faire Teng Boonma, (dont deux enfants « orphelins » ont été placés par la DASS en France!) est fortement soupçonné d’être impliqué dans ces différents trafics. Son nom a été placé sur la liste noire des trafiquants par les EtatsUnis. Il dispose d’hélicoptères privés, avec 16 pilotes russes, qui se rendent fréquemment au Laos, et se posent sur un terrain privé, classé « militaire », près de Pochentong.

« La marijuana est produite dans les provinces de Koh Kong, Kandal et Kompomg Cham », reconnait Yeng Marady, directeuradjoint de la police nationale. Le 9 avril, Ranariddh propose que les gouverneurs de trois provinces, dont Hun Neng, gouverneur de Kompomg Cham et frère de Hun Sen, soient démis de leurs fonctions.

Le 11 avril, Em Marina, veuve d’un officier du FUNCINPEC, tué en février dernier, est arrêtée avec 4,4 kg d’héroïne. Le 19 avril, un militaire et un policier sont arrêtés avec un kilo d’héroïne. Le 26 avril, deux Vietnamiens sont arrêtés à Phnom Penh avec 30 kg de marijuana.

Le 28 février, les EtatsUnis ont publié la liste des pays producteurs de drogue ou servant de lieux de transit, qui ont coopéré pour combattre ce trafic. Parmi les 32 pays figurant sur cette liste, le Cambodge fait partie des pays « certifiés », dont les efforts sont loués, bien que les investigations du gouvernement cambodgien n’aient conduit à aucune arrestation.

Dans ce pays sans foi ni loi, « où la corruption est presque partout, rien n’est possible », conclut le vicegouverneur de Sihanoukville.

IV 15 avril : RETOUR MANQUE DU PRINCE SIRIVUDDH

Le prince Sirivudh est exilé en France depuis 1995, à la suite d’un coup monté l’accusant d’avoir voulu assassiner Hun Sen. Il a été condamné « in absentia » à 10 ans de réclusion. En voyage en Australie pour neuf jours, il annonce qu’il prévoit de rentrer au pays au mois d’avril. Déjà en décembre 1996, il avait tenté sans succès un retour.

Le 21 mars, Ranariddh annonce que le FUNCINPEC allait demander au roi d’accorder son amnistie. Trois sénateurs américains écrivent une lettre a Hun Sen pour demander le retour de Sirivudh. Hun Sen maintient sa position: le prince pourra revenir seulement si le roi lui accorde son pardon, mais personnellement, il refuse de demander la grâce du roi. Le 4 avril, Son Sann écrit une lettre au roi pour demander de conseiller à Sirivuddh de retarder son retour, et de lui confier un poste à Pékin.

Le 7 avril, dans une lettre écrite de Pékin, le roi Sihanouk met en garde Sirivuddh, son demifrère, contre un retour au Cambodge et menace d’abdiquer immédiatement si des affrontements éclatent lors de son retour. Il refuse de lui accorder sa grâce, « pour ne pas faire de Hun Sen son ennemi ». Le 13 avril, Ranariddh renouvelle la promesse de garantir la protection de son oncle lors de son retour. Ranariddh semble faire du retour de son oncle un cheval de bataille contre Hun Sen. La Malaisie, la Thaïlande, Singapour refusent de laisser transiter Sirivudh par leur pays.

Le 15 avril, 30 hommes solidement armés, sous les ordres de hauts gradés de la police, y compris du FUNCINPEC, se rendent à l’aéroport de Pochentong pour arrêter le prince Sirivuddh qui doit arriver par le vol de Dragon Air en provenance de Hong Kong. Les deux coministres de l’Intérieur, Sar Kheng et You Hockry, ont donné l’ordre d’exécuter la sentence prise contre le prince en janvier 1996, et de l’envoyer à la prison T3 de Phnom Penh. « Le problème n’est pas celui du FUNCINPEC, mais celui du gouvernement », disent les deux coministres.

Cependant le prince n’arrive pas, la compagnie Dragon Air, ayant refusé de prendre à son bord un passager ne disposant pas des documents nécessaires pour le débarquement à Pochentong.

Il faut se rappeler que Sirivudh a été arrêté, son immunité parlementaire levée, grâce au concours des députés du FUNCINPEC qui n’ont demandé aucune preuve de sa culpabilité. Ranariddh voyait alors en lui un dangereux concurrent pour la direction du Parti. Hun Sen a beau jeu d’ironiser : « C’est Ranariddh qui a luimême informé le corps diplomatique des fautes de Sirivuddh. Pourquoi, I’année suivante, veut-il faire retomber la faute sur le seul Hun Sen

V 1519 avril : LE COUP D’ETAT DE HUN SEN

Le 15 avril, Ung Phan, député du FUNCINPEC, ministre d’Etat, fait une violente déclaration télévisée contre Ranariddh, président du FUNCINPEC, et premier premier ministre. Il reproche au prince son incompétence: il a créé l’instabilité politique dans le pays en attaquant continuellement le PPC, il est à l’origine de l’anarchie dans l’armée en tentant de renforcer les troupes du FUNCINPEC, il a commis un « coup d’Etat » en créant le FUN (Front Uni National) qui risque de faire regagner le pouvoir aux Khmers rouges, il protège des trafiquants de drogue (sous entendu You Hockry), etc.

Ung Phan, 46 ans, a été longtemps un proche de Hun Sen dans les années 1970. Réfugié avec lui au Vietnam, le 20 juin 1977, il occupe le poste de chef de cabinet du président de la RPK de 1979 à 1981, puis est affecté au cabinet du Conseil des ministres. Des rumeurs de corruption circulent à son sujet. En 1988, il est démis de ses fonctions de ministre des Postes et Télécommunications. dont il conserve toutefois la direction jusqu’en 1990. Il est jeté en prison en mai 1990, avec six autres personnalités, pour avoir tenté de créer le Parti Socialiste Démocratique. Il est exclu du PPC en juillet 1990 et jugé en octobre 1991, peu après les accords de Paris. En janvier 1992, il crée le Parti libéral Démocratique, et quelques jours après, il est victime d’un attentat, avec trois balles dans le corps. On soupçonne le PPC d’étre à l’origine de l’attentat. Il devient alors conseiller de Ranariddh, et député de Svay Rieng, puis est nommé secrétaire généraladjoint du FUNCINPEC, avec le prince Sirivuddh. C’est lui qui reçoit le coup de téléphone de Sirivuddh, dans lequel ce dernier menaçait de tuer Hun Sen. Il fait une déposition écrite qui est à l’origine de la condamnation du prince. Estce un hasard si sa communication à la TV cambodgienne est diffusée au moment même où Sirivuddh devait arriver au Cambodge ? Ung Phan est ministre d’Etat, et rentre de Long Beach, où il a passé près d’un an à étudier l’anglais.

Le 16 avril, 12 députés se rangent à ses côtés, avec Toan Chhay, le populaire gouverneur de Siemréap et résistant de la première heure, Duong Khem, gouverneur de Bantéay Méan Chhey, Rath Vankiri, troisième gouverneur de Koh Kong, et Chhim Sambol, commandantadjoint des FARC. Des déclarations de soutien de membres dissidents du FUNCINPEC sont abondamment lues sur la chaîne de télévision du PPC. Dans une longue conférence de presse diffusée et rediffusée, Hun Sen affirme que désormais c’est son parti qui a la majorité à la chambre, et qu’il est donc le premier premier ministre. Le FUNCINPEC avait 63 députés, et le PPC 57. Avec 12 voix supplémentaires, le PPC détient 69 voix sur 120, assez pour faire voter les lois, mais pas assez pour apporter des changements à la constitution, ou pour changer les ministres (car en 1993, le PPC avait imposé la règle des 2/3 des voix, soit 80, pour ce faire). Hun Sen s’opposera par tous les moyens à ce que les députés dissidents soient exclus de l’Assemblée. Des bruits courent que Toan Chhay pourrait être nommé premier ministre, et que Hun Sen se chargerait de la sécurité et des finances.

En 1995, le comité permanent de l’Assemblée, favorable à Hun Sen, avait voté l’expulsion de Sam Rainsy par 9 contre 3. Ieng Mouly, dissident du PLDB n’a pas été exclu. Mais ce Comité est favorable à Hun Sen.

Le 18 avril, le FUNCINPEC expulse les 12 députés dissidents du parti, et demande leur remplacement à l’Assemblée nationale. Le lendemain, on annonce que 8 dissidents (Phlong Sareth, Tuon Chum, Som Chanbout, Chum Héan, Men Sam Ean, Chau Sen Chumnau, Min Savoeun, Khun Phinob) sont retournés dans le giron du FUNCINPEC. Seuls 4 députés restent avec Toan Chhay dans la dissidence (Ung Phan, Eam Ra, Ros Hean, Mme Kong Saphat). Les repentis disent avoir été soumis à des actes d’intimidation de la part du PPC, mais la Voix de l’Amérique révèle plus prosaïquement que Hun Sen leur a proposé 10 000 dollars chacun. Les dissidents démentiront. Hor Sok, secrétaire du FUNCINPEC, affirme pour sa part que les 12 signatures étaient des faux.

Le 19 et 20 avril, des rumeurs de coup d’Etat et d’escarmouches entre les forces de police et les forces armées circulent, des commandants d’unités des deux partis massent des troupes et des tanks près de Phnom Penh. Les députés dissidents disposent d’une garde imposante, dépéchée par Hun Sen. La rumeur court que Kong Sophat, députée dissidente de Kratié, a disparu. Même Amnesty International s’inquiète. Elle était, en fait, restée chez elle. Les ambassades des EtatsUnis et d’Australie donnent des consignes de sécurité à leurs ressortissants, etc.

D’après Serey Kosal, exvice gouverneur de Battambang, (FUNCINPEC), limogé en février, Hun Sen avait programmé son coup d’Etat pour le 15 avril, l’arrivée de Sirivuddh lui offrant un prétexte. Il aurait ordonné la fermeture de l’aéroport, pour interdire le retour de Ranariddh, alors à l’étranger, ordonné l’assassinat de Nhiek Bun Chhay, chef d’Etatmajoradjoint des FARC et de Hor Sok, secrétaire d’Etat du ministère de l’Intérieur. De fait, le 21, des incidents causés devant les résidences des deux hommes ont causé la mort de trois personnes. Ces propos sont démentis vigoureusement par le PPC, mais éclairent les craintes de Sihanouk concernant un éventuel retour de Sirivuddh.

Le 23 avril, Toan Chhay tient une conférence de presse: il reste fidèle aux idéaux du FUNCINPEC, et tiendra un congrès du parti en mai, avec au moins 150 membres. Il reproche à Ranariddh de ne pas écouter ses compatriotes, de prendre des décisions hasardeuses, notamment celle d’envoyer une délégation négocier avec les Khmers rouges, de mépriser les petits : « Devant lui, on doit toujours dire oui ! ». Il dément l’accusation d’avoir reçu de l’argent de Hun Sen. Cependant, le PPC fournit un immeuble au nouveau parti.

Les journalistes locaux ont trouvé un billet de 100 dollars, contre reçu, attaché à la déclaration de Toan Chhay. Chum Kanal, président de la Ligue des journalistes cambodgiens trouve ce don « normal ». Ordinairement, lors des conférences de presse des deux premiers ministres, ils ne reçoivent que 2 à 4 dollars !

La majorité des observateurs voient la main de Hun sen derrière cette division au sein du FUNCINPEC : c’est la même méthode que celle utilisée pour la fracture du PLD, en 1995, du PNK, en 1996. Deux députés dissidents et repentis affirment qu’on leur a promis de l’argent et des postes importants s’ils rejoignaient Toan Chhay. Avec la nouvelle majorité parlementaire, le principe du consensus qui avait présidé aux décisions jusqu’alors, risque d’être remis en cause. Selon plusieurs députés, nul doute que le but de Hun Sen est de parvenir à obtenir la majorité des deux tiers.

Pen Sovann, ancien premier ministre de la République populaire du Kampuchéa, dénonce Hun Sen pour l’avoir fait arrêter le 2 décembre 1981, alors qu’il résistait à l’immigration des Vietnamiens au Cambodge. Il approuve le FUNCINPEC, sans toutefois vouloir en faire partie. Le PPC lui ayant fermé ses portes, il annonce la création prochaine de son propre parti.

Le 25 avril, les deux premiers ministres s’engagent à n’organiser ni « coup d’Etat ni confrontation armée ». Une commission comprenant sept des plus hautes autorités du ministère de l’Intérieur, de la Police et de la Défense signent un engagement de neutralité. Le 29 avril, 600 responsables, dont tous les gouverneurs, les vicegouverneurs, les commandants de la police et des FARC réunis à Phnom Penh s’engagent à rester en dehors du conflit politique qui oppose les deux premiers ministres : ils doivent rester fidèles au gouvernement et ne pas travailler pour les partis. Devant le Corps diplomatique, Hun Sen réaffirme que personne ne pourrait l’arrêter s’il décidait de faire un coup d’Etat, que la majorité de l’armée lui est fidèle. Il n’a pas besoin d’utiliser ce procédé, « puisqu’il détient le pouvoir en toute légalité ».

De Pékin, le roi Sihanouk dit qu’il ne « lui reste plus qu’à prier Bouddha, les Tévodus, les anciens rois et reines du pays… » Dans son « Bulletin d’information » du 29 avril, il estime que « l’heure est venue d’être pessimiste, car l’optimisme serait naïveté… C’est le début de la fin pour Ranariddh et le FUNCINPEC

Khmers rouges

Depuis le mois de décembre, les FARC (Forces armées royales cambodgiennes) tentent d’encercler la dernière base khmère rouge d’Anlong Veng, mais se refusent à lancer une offensive d’envergure. Environ 3 000 soldats des FARC seraient proches d’Anlong Veng. Leur marche est ralentie par la présence de nombreuses mines. Les combattants Khmers rouges seraient au nombre de 1 800, dont peut être 500 à Anlong Veng.

Le 14 février, Ranariddh envoie, de son propre chef, une équipe de 15 personnes, la plupart membres du FUNCINPEC, pour négocier un cessez-lefeu avec Ta Mok, représentant la branche dure des Khmers rouges. Sihanouk traite cette tentative de négociations avec Ta Mok de « folie naïve » : « Tomber dans un tel piège relève d’une très grave faute. Négocier avec Ta Mok est très immoral. Cela fait très mauvaise impression au plan international

Les combats sont gênés par la présence des négociateurs. Ta Mok, avec environ 200 hommes, attaque plusieurs positions gouvernementales, dont Ta Sec, le 27 février, à 12 km de la frontière thaïlandaise, dans la province de Préah Vihéar. Des renforts sont envoyés par les FARC.

Alors que Hun Sen affirme que les 15 membres de l’équipe ont été tués, Ranariddh soutient qu’il est toujours en contact avec eux. Cependant, le 12 avril, le FUNCINPEC reconnait que 12 des 15 membres de l’équipe ont été tués dès leur arrivée près d’Anlong Veng, et leur hélicoptère brulé. Toan Chhay, gouverneur de Siemréap, accuse Ranariddh de lui avoir interdit de dire la vérité qu’il connaissait depuis le début. Hun Sen critique avec virulence cette initiative : Si c’est moi qui avais conduit cette affaire, j’aurais démissionné ».

Le 20 avril, ordre est donné au combattants de suspendre leur offensive, en raison de l’instabilité politique du pays. Plusieurs unités refusent d’ailleurs d’avancer, n’ayant pas été payées depuis des mois, à la suite des dissensions entre les deux partis.

VI ECONOMIE ET DEVELOPPEMENT

Croissance

Selon la Banque asiatique pour le développement (BAD), la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) s’élève à 6 % en 1996 (7,5 % en 1995). Cette baisse de croissance est due, principalement aux mauvaises conditions climatiques, attribuées, elles, à la déforestation. Dans le secteur agricole, la progression n’a été que de 1,5 % (contre 6,5 % en 1995), la production rizicole de 1 %. Dans le faible secteur industriel, la progression a été de 13,5 % contre 9,8 en 1995, grâce à 14 % de croissance dans la construction et le textile. Les services, qui représentent 37,7 du PIB, ont crû de 7,7 %. L’inflation se situe à 10 %, contre 3,5 % en 1995. Les revenus sont inférieurs à ceux qui étaient attendus (225,6 millions de dollars), soit 7,4 du PIB. Les exportations s’élèvent à 615 millions de dollars, soit une baisse de 28,1 %, due à la chute des réexportations de produits importés. Les importations totalisent 1 010 millions de dollars, et représentent une chute de 14,1 %. Le déficit budgétaire annuel est donc de 430 millions de dollars, soit 14,1 du PIB. La dette publique est de 642 millions de dollars, soit 22% du Produit national brut (PNB). La BAD demande une réforme urgente du système fiscal et de secteur financier, ainsi que l’expansion des investisements du secteur privé. Elle recommande une augmentation des allocations aux services sociaux, comme l’éducation et la santé. Selon le ministre des Finances, le PIB par habitant s’élève désormais à près de 300 dollars, soit près de trois fois plus qu’en 1993.

Le 17 mars, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) s’est engagée à moderniser et informatiser l’administration des douanes réputée pour sa lourdeur de fonctionnement. L’UNCTAD prévoit d’y consacrer 1,5 millions de dollars pour permettre aux douanes de recouvrer un manque à gagner de plusieurs millions de dollars par an. Les recettes douanières constituent actuellement 65 % du budget de l’Etat, mais devraient se réduire avec l’entrée du pays dans l’ASEAN, puis dans l’AFTA (zone de libre échange de l’ASEAN). Le gouvernement voudrait baisser la part des droits de douanes dans le budget de l’Etat entre 25 et 30 % d’ici l’an 2 000. Des taxes et impôts sur les salaires vont être créés à partir du 1er juillet 1997, pour compenser cette baisse des droits de douanes. La taxe sur la valeur ajoutée commencera à être perçue le 1er janvier 1998. A compter du 1er Avril 1997, l’importateur doit payer une taxe de 4 % sur la revente de des marchandises.

Le 10 mars, Hun Sen, second premier ministre, déclare que si le PPC gagne les prochaines élections il n’y aura pas de création de taxes sur les terres agricoles.

Les experts de l’ONU prévoient une croissance de 7,1 % au cours des trois prochaines années.

Selon le ministère de l’Agriculture, la récolte de riz de 1997 s’élèverait à 3,6 millions de tonnes, soit un surplus de 200 000 tonnes par rapport aux besoins de la consommation nationale. La Malaisie se propose d’en acheter 40 000 tonnes. La production est donc d’environ 2 % supérieure par rapport à celle de l’année précédente, et de 35 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. C’est la seconde saison consécutive au cours de laquelle le pays dégagerait des surplus. Le Cambodge retrouve ainsi le niveau de 1970 (année record, avec 3,8 millions de tonnes). Cette bonne récolte est due aux précipitations globalement suffisantes et à une hausse de l’usage d’engrais, même si les inondations des mois de septembre et d’octobre, la présence de rats et autres animaux nuisibles ont provoqué de sérieux dégâts dans certaines provinces. L’agriculture, premier secteur d’activité au Cambodge, emploie 80 % de la maind’oeuvre du pays, et compose 42 % du PIB (Produit Intérieur Brut). Toutefois, la situation n’est pas homogène dans tout le pays: au moins 265 communes, soit 19 % de l’ensemble, auront besoin d’une assistance alimentaire, le riz représente 68 % des apports énergétiques quotidiens.

Selon la FAO et le PAM (Programme alimentaire mondial), le gouvernement doit faire des efforts pour la remise en état des infrastructures, dont le système d’irrigation et les moyens de transport. « Le système d’irrigation, déjà sérieusement abîmé par les années de guerre, a été davantage endommagé par les inondations de 1996 ».

Le 22 février, Pall San, le premier vicegouverneur de la province de Koh Kong, affirme, qu’en dépit de l’interdiction d’exportation de grumes à partir du 1er janvier 1997, 10 000 personnes travaillent à l’exploitation des forêts, en lien avec le FUNCINPEC et le PPC, continuent de couper des arbres et acheminent les grumes jusqu’en territoire thaïlandais. En avril, selon Chhan Sarun, chef du département des forêts au ministère de l’Agriculture, des entrepreneurs thaïlandais, aidés par des bandits, exportent illégalement 200 à 300 mètres cubes de bois chaque jour. « La mer est pleine de gens avec des fusils », ditil. 120 mètres cubes de bois ont été saisies sur le Mékong au début du mois d’avril. 159 mètres cubes le 19 mars.

Selon un rapport du PNUD, 16 553 emplois ont été créés au Cambodge entre 1994 et 1996, grâce à la construction de 50 nouvelles usines. Le textile a créé 10 708 emplois, soit 65 % des nouveaux emplois. L’industrie alimentaire, boissons et tabac, vient en second, avec 3 592 nouveaux emplois (soit 22 %). 67% des employés du textile travaillent près de Phnom Penh et viennent des provinces, la plupart sont des femmes et 92 % ont moins de 18 ans.

Le 19 mars, l’agence USAID a remis 2,4 millions de dollars à l’organisation « Action Internationale Contre la Faim » (AICF) pour mettre en oeuvre des projets de développement dans les provinces de Kratié et Stoeung Treng.

Le 28 mars, la compagnie sudcoréenne « Tong Yang Cement » et la société cambodgienne « Khaou Chuly » ont fondé une société mixte, avec respectivement 85 % et 15 % du capital pour construire une cimenterie d’un coût de 200 millions de dollars. L’usine, située dans la province de Kampot, devrait employer quelque 500 ouvriers cambodgiens et commencer à produire vers 2 000.

Prêts et dons

Le 5 mars, au terme d’une mission de dix jours au Cambodge, le Fond Monétaire International (FMI) annonce qu’il n’accordera son aide financière au Cambodge, suspendue depuis novembre 1996, que si le gouvernement cambodgien applique effectivement l’arrêt de la coupe et de l’exportation illégale de bois, fait entrer les recettes dans les caisses de l’Etat, et réduit le nombre des fonctionnaires. La décision finale sera prise en mai.

Le 28 mars, la Banque mondiale a approuvé 2 prêts d’un total de 57,4 millions e dollars pour aider le gouvernement cambodgien dans les domaines de la Santé et de l’Agriculture. 30,4 millions sont affectés à la construction ou à la réhabilitation de 26 hôpitaux et de 230 centres de santé en secteur rural. Depuis 1993, la BM a accordé 237 millions de dollars au Cambodge, payable en 40 ans, à un intérêt de 0,75 %.

Le 18 avril, la France a accordé une aide de 15 millions de francs pour aide dans des projets d’irrigation des zones rurales.

Le 19 avril, l’OPEP (Organisation des Pays Exporteurs de Pétrole) a fourni un prêt de 4 millions de dollars de participation à un projet gouvernemental de 34,8 millions pour rétablir le système d’adduction d’eau et d’évacuation des eaux usées de la capitale, avec l’Agence Norvégienne pour le Développement et le BAD. Actuellement, seulement 30 % des habitants de la capitale bénéficient de l’eau courante et du tout à l’égout. D’importants travaux d’évacuation des eaux de pluies ont été effectués sur le boulevard Mao Tsé Toung à Phnom Penh.

Le 21 avril, le Dannemark a donné 800 000 dollars pour que soit menée une étude de 18 mois, sur l’environnement maritime touché par la déforestation, l’élevage des crevettes, etc. Le Danemark a déjà fourni une aide d’environ 50 millions de dollars au pays.

L’ambassade de Chine a accordé 140 000 dollars pour la formation du personnel de l’usine pharmaceutique de Phnom Penh.

Mouvement sociaux

Suite aux nombreuses manifestations d’ouvrières depuis le mois de décembre 1996, le 11 mars, Pou Sothirak, ministre de l’Industrie, demande à 33 patrons d’entreprises du secteur textile, d’édicter des règlements intérieurs et de respecter les principes de base établis par les autorités: salaire minimum de 40 dollars par mois, durée journalière de travail de 8 heures, heures supplémentaires négociées et rémunérées, congés maladies, etc.

Rémi Aufrère, représentant du syndicat Force Ouvrière s’est rendu au Cambodge le 20 avril pour aider à la mise en place du Syndicat indépendant des ouvriers du Cambodge (SIORC). Melle Ou Mary, représentante du SIORC, a été reçue à la même date par les responsables de FO en France.

400 travailleurs de l’usine de ciment de Chakrey Ting sont en grève depuis le 19 mars. Les manifestants reprochent à la direction d’avoir licencié 6 ouvriers qui ont reçu des pot de vins, qualifiés « de pourboires traditionnels » par les employés. L’usine est louée par le gouvernement à la société « Naga Cement » depuis mai 1996, qui est associée à la société suisse Holderbank et à « Cambodian Industrial Developpement Corporation ».

VII DIVERS

Selon un rapport de la Banque asiatique de développement, 60% de la population cambodgienne est composée de femmes, 18 % des filles âgées de 10 à 14 ans ont quitté l’école pour travailler, et 20 % des scolarisées sont parvenues à la fin du secondaire. 80 % des femmes adultes sont illettrées. Cette situation est liée à la pauvreté et à l’habitude de privilégier l’éducation des garçons.

Le 20 mars, environ 300 personnes ont entrepris une marche pour la paix de 332 kms, pendant 25 jours organisée par le Vénérable Maha Ghosananda, dédiée à la réconciliation et à la fin de l’utilisation des mines. Cette marche passe par Païlin et Phnom Malai, contrôlées par les Khmers rouges de Ieng Sary.

Le 21 avril, le Conseil des ministres a voté à l’unanimité 19 documents concernant l’entrée du Cambodge dans l’ASEAN, avant de les présenter à l’Assemblée nationale. Cette entrée dans l’ASEAN est prévue pour le mois de juillet prochain. Les tensions au sein du gouvernement cambodgien risquent cependant de retarder cette entrée dans l’ASEAN. Les ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN doivent discuter de la date d’admission de la Birmanie, du Cambodge et du Laos dans l’association le 31 mai à Kuala Lumpur. Selon Son Sann et le roi Sihanouk, l’entrée du Cambodge dans l’ASEAN sera une catastrophe économique, produite par la suppression des droits de douanes, l’importation des produits étrangers, l’invasion des hommes d’affaires sinovietnamiens.

Le 10 avril, le Cambodge est devenu le 135ème membre de l’Union inter-parlementaire.

Dans une lettre en date du 25 mars, Son Sann présente sa démission de président du PBLD. Le 24 février, le roi l’avait nommé membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de Nhiek Tioulong, décédé le 9 juin 1996.

Le 2 avril, Eric Ambroise, français au passé douteux, directeur du restaurant « Le Cactus », de Sihanoukville, est assassiné. Il s’agit sans doute d’un crime lié à la drogue, bien que certains lient cet assassinat au fait qu’il ait vu deux policier tuer de sang froid un homme lors du massacre du 30 mars.

Le roi Sihanouk prévoit la montée en puissance de « purs patriotes », entre les années 2010 et 2020 qui reprendront le flambeau khmer rouge.

Le 21 avril, une promotion de 42 avocats ont reçu leur Certificat d’aptitude professionnelle, après dix huit mois de formation à l’Ecole royale d’administration. Depuis 3 mois, ces « avocats des pauvres » ont défendu 393 affaires pénales et 238 affaires civiles.

Le Centre pour l’Action contre les Mines (CAMAC) a décidé une augmentation de 51% du nombre de ses équipes de déminage pour enlever les quelques 6 millions de mines afin d’achever ce travail en 25 ans, contre 100 prévus initialement. CAMAC comporte actuellement 41 équipes de 29 démineurs chacune. D’anciens Khmers rouges vont faire partie des nouvelles équipes. 20 chiens sont entrainés pour la détection des mines. Depuis le début de ses opérations, CMAC a détruit 60 000 mines antipersonnel, 500 mines antichars et 360 000 pièces nonexplosées. Le CMAC a déminé une superficie de 34 kilomètres carrés. Il estime à 2 666 kilomètres carrés les terres encore minées et à environ 46000 le nombre de personnes blessées par des mines depuis 1970. On estime entre 150 et 30 personnes le nombre de personnes blessées ou tuées par mois. D’après le MAG (Mine Advisory Group), 188 personnes ont été blessées ou tuées par des mines durant le mois de janvier 1997. En mars 39 personnes ont été tuées et 119 blessées.