Eglises d'Asie

Le choix du nouveau Panchen Lama par le Dalaï Lama déclenche la colère de Pékin

Publié le 18/03/2010




Un vent de tempête souffle à Pékin, où le gouvernement chinois reproche au Dalaï Lama, chef spirituel et temporel du Tibet, d’avoir outrepassé ses droits. La controverse est née de la reconnaissance officielle, le 14 mai 1995, par le Dalaï Lama, du jeune Gedhun Chokeyi Nyima, comme réincarnation du dernier Panchen Lama, numéro deux de la hiérarchie tibétaine, décédé en 1989. Le jeune garçon est né le 25 avril 1989.

Le gouvernement de Beijing ne conteste pas la légitimité spirituelle du nouveau Panchen Lama. Il reproche au Dalaï Lama d’avoir outrepassé son autorité en proclamant sa décision.

Dans cette affaire, on retrouve la mentalité traditionnelle du gouvernement chinois pour qui les question religieuses aussi doivent être soumises aux autorités civiles. Selon un commentateur de Hongkong, les responsables de Pékin ont depuis longtemps renoncé à faire disparaître la religion du Tibet. Mais les relations entre la population tibétaine et le « gouvernement central » n’ont cessé d’être tendues, surtout depuis le soulèvement populaire de 1959.

Etrangement, la proclamation faite le 14 mai 1995 par le Dalaï Lama a provoqué dans la presse officelle chinoise de longs commentaires théologiques. Le Quotidien du Peuple, par exemple, s’est lancé dans une critique détaillée de la technique – strictement religieuse – utilisée pour parvenir à la conviction que tel personnage était bien la réincarnation du Panchen Lama.

De son côté, le Dalaï Lama déclare: « Je me suis lancé dans cette tâche historique et spirituelle avec un sens profond de ma responsabilité. Ces dernières années, j’ai accompli avec le plus grand soin les rites religieux indispensables et j’ai prié dans le cadre des ‘Trois Joyaux Infaillibles’. Ces « Joyaux » s’appellent « Sangha » (la communauté), « Dharma » (le devoir) et « Bouddha » ainsi que ses réincarnations. Il semble hors de doute que le Dalaï Lama a demandé l’avis de plusieurs membres du comité de sélection formé par le gouvernement chinois.

La colère de Pékin vient sans doute en partie de ce que les membres de ce comité ont estimé devoir suivre les avis du Dalaï Lama. Les autorités gouvernementales auraient peut-être désigné le même candidat, mais se réservaient d’en faire l’annonce plus tard dans le courant de l’année. L’action du Dalaï Lama les force à se mettre à la recherche d’une autre « réincarnation ».

Ce ne serait pas la première fois que s’élèverait une rivalité entre deux « réincarnations du Bouddha » (2). L’affaire présente a ceci de particulier que, depuis le milieux des années 80, la communauté tibétaine émigrée fait campagne contre le régime de Pékin et connaît un succès certain. Une preuve en est fournie par l’action de certains parlementaires américains qui se sont donné pour but la dénociation officielle par les Etats-Unis de l’occupation du Tibet. Ils cherchent de plus à faire nommer un envoyé spécial américain auprès du gouvernement tibétain en exil. On dit par ailleurs, que, fin politique, le Dalaï Lama veut se donner le plus d’atouts possibles avant la disparition de M. Deng Xiaoping: ceci afin d’obtenir un maximum de concessions au moment de la transition. En 1979, les Tibétains avaient de la même manière profité de l’arrivée de Deng Xiaoping au sommet de la hiérarchie chinoise.

D’aucuns pensent qu’avec cette initiative, le Dalaï Lama s’est définitivement fermé la voie du retour au Tibet. Il a pourtant, apparemment, fait une offre de paix au gouvernement chinois au moment même de sa déclaration: « C’est une affaire religieuse, a-t-il dit. Ce n’est pas une affaire politique. Ces dernières années, je suis resté en contact par divers moyens avec le gouvernement chinois à ce sujet. J’espère que ce dernier accordera sa compréhension, sa coopération, son aide, au monastère de Tashi Lhunpo, afin de permettre au garçon de recevoir une formation religieuse appropriée et de se préparer à assumer ses responsabilités spirituelles ».

Des rapports ont paru dans la presse de Hongkong, selon lesquels le gouvernement de Pékin aurait arrêté le supérieur du monastère de Tahsi Lhunpo. On lui reprocherait d’avoir secrètement pris contact avec le Dalaï Lama. Mais les autorités chinoises rejettent vigoureusement cette accusation.