Eglises d'Asie

Pékin fait campagne contre l’influence de la culture étrangère

Publié le 18/03/2010




Selon le quotidien South China Morning Post de Hongkong (2), Pékin a lancé officiellement une nouvelle campagne contre l’influence supposée de la culture étrangère. Le directeur du département de la propagande, Ding Guan’gen, a demandé aux acteurs culturels de suivre l’ordre du président Jiang Zemin “d’armer le peuple de théories scientifiques et de le modeler dans un esprit élevéDans cette campagne qui concerne des formes variées de l’expression artistique, le peuple est encouragé à choisir des loisirs de type chinois plutôt qu’occidental.

De son côté, l’agence Chine nouvelle rapporte que le département de la Propagande encourage la création de bandes dessinées mettant en scène des personnages typiquement chinois afin de contrebalancer l’influence croissante des personnages américains de bandes dessinées tels que Mickey Mouse. En même temps, une campagne longue d’une année a commencé, qui aboutira au choix des dix meilleurs romans qui doivent être “des oeuvres saines qui inspirent le peuple et manifestent un goût artistique réelLes professionnels de l’éducation sont aussi l’objet d’une campagne destinée à recommander aux élèves du primaire et du secondaire “100 bons livres qui développeront leur sens patriotique

Au début du mois de novembre 1995, Li Ruihuan, membre du comité exécutif du politburo, a exprimé aussi le souhait de voir revivre l’Opéra de Pékin, “trésor culturel de la Chine autant que du mondeL’agence Chine nouvelle rapporte que la ville de Tianjin va organiser dans les semaines qui viennent le premier festival de l’Opéra de Pékin afin de contrebalancer l’influence néfaste des jeux électroniques et des films occidentaux chez les jeunes.

Selon la Far Eastern Economic Review, de Hongkong, cette campagne idéologique correspond à une résurgence du nationalisme chinois (3). Tout en faisant la promotion de la culture et des formes de loisirs chinoises, le gouvernement voudrait que le peuple éprouve de la fierté en contemplant le drapeau du pays et les monuments historiques de Chine tels que la grande muraille. Selon la même revue, cette poussée nationaliste du moment aurait deux causes principales : d’une part, la fierté devant la croissance rapide et les succès économiques de la Chine, d’autre part la crainte de voir cette expansion endiguée, en particulier par les Etats-Unis. Traditionnellement, les dirigeants de la Chine ont toujours exalté la fierté nationale, mais c’est la première fois que le régime communiste le fait avec autant d’éclat.

La propagande pour ce nouveau nationalisme chinois s’est manifestée au lendemain des événements de la place Tiananmen au printemps 1989. C’est à ce moment-là que le gouvernement a commencé d’affirmer que des forces étrangères avaient presque réussi à déchirer le pays et à détruire les progrès réalisés. Cette campagne s’est peu à peu étendue jusqu’à inclure la critique des pays qui essayaient d’isoler Pékin après sa répression du mouvement démocratique.

Aujourd’hui, Pékin continue de regarder les militants prodémocratiques comme des menaces pour l’unité nationale. Utilisant l’exemple des pays de l’Est européen, les autorités chinoises affirment qu’un parti unique et fort est essentiel à la stabilité sociale du pays : les appels en faveur des droits de l’homme et de la démocratie ne peuvent amener que désordres et divisions, en ouvrant les portes à l’agression étrangère et à l’humiliation nationale. Aux cérémonies du 50ème anniversaire des Nations Unies, le président Jiang Zemin avait déjà dénoncé “les grandes puissances qui utilisent leur souci de la démocratie pour empiéter sur la souveraineté des nations plus faibles

La fierté éprouvée par la Chine devant son développement économique rapide et ses succès en d’autres domaines comme l’athlétisme confortent un certain sentiment de supériorité traditionnel dans le pays. Un économiste étranger, cité par la Far Eastern Economic Review, dit par exemple que ses collègues chinois estiment que la Chine a été le premier pays du monde pendant presque toute son histoire et que sa marginalisation relative n’a été effective que pendant une période très courte. Ils pensent donc que la Chine aujourd’hui ne fait que reprendre une position “normale” pour elle en tête des nations.

La Chine se méfie profondément des Etats-Unis et a considéré la visite américaine du président taiwanais Lee Teng-hui en juin 1995 comme une tentative de “division de la mère-patrieLa Chine en appelle aussi au sentiment national chinois pour revendiquer les îles Spratly, en rappelant “le glorieux passé dont ces îles ont été les témoins, elles qui ont vu la culture des Han s’étendre à des pays et à des nations qui étaient encore sous-développés” (4).

La Far Eastern Economic Review note que cette résurgence du nationalisme chinois ne peut qu’amener un raidissement de la politique nationale tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le but principal de cette campagne est peut-être de maintenir l’unité et la stabilité du pays pendant les transformations rapides qui sont en cours, mais c’est néammoins avec une certaine anxiété que les pays voisins observent cette évolution. Les observateurs estiment généralement que ce courant nationaliste va probablement durer tant que la succession de Deng Xiaoping n’est pas réglée, les candidats ayant tout intérêt à faire de la surenchère patriotique pour asseoir leurs ambitions.