Eglises d'Asie

LE COMBAT CONTRE LE SIDA EST RENDU DIFFICILE par l’absence d’équipement

Publié le 18/03/2010




Ol Ny, conseillère de santé pour le sida, se souvient très bien de son premier client. Il s’était assis sur la couche de son petit bureau, tremblant de peur : “Il disait ‘je veux mourir, je veux me planter au milieu de la rue'”.

Ol Ny fit de son mieux pour le rassurer. Elle lui expliqua patiemment la maladie et l’envoya voir un docteur de l’autre côté du couloir. Mais elle ne pouvait pas suggérer le médicament AZT qui peut efficacement retarder l’apparition des symptômes. Il est trop coûteux, les pharmacies et les cliniques n’en possèdent pas. Il n’y a pas de groupe de soutien pour les malades du sida au Cambodge et très peu de médecins locaux connaissent la manière de traiter la maladie.

Le pays est en pleine campagne officielle de prévention du sida, mais le système de santé est trop mal équipé pour pouvoir aider efficacement ceux qui souffrent de la maladie. “Nous disposons d’un certain nombre de soutiens pour la prévention, mais nous n’en avons aucun pour des programmes éventuels de traitement de la maladieaffirme le docteur Hor Bunleng, directeur du programme national ‘sida’ au ministère de la Santé.

Le ministère et différents groupes humanitaires essaient de transformer leurs programmes afin de mettre l’accent sur l’utilisation du préservatif et l’éducation des prostituées et de leurs clients. En même temps, dit le ministre, les hôpitaux, les cliniques et les familles doivent se préparer à prendre soin des malades du sida.

Jusqu’à une époque récente, le sida n’avait pas beaucoup de visibilité au Cambodge. Contrairement aux pays voisins comme la Thaïlande, où la consommation de drogues par piqûres intraveineuses et l’industrie du sexe ont mis en route une forte épidémie de sida, le Cambodge commence à peine à prendre conscience de l’ampleur du phénomène. A l’heure actuelle, 2 000 cas de séropositivité et trois décès seulement ont été officiellement confirmés. En l’absence d’un système de contrôle suffisamment large, la plupart de ceux qui sont infectés ne le savent pas parce que des années peuvent passer avant que les symptômes n’apparaissent.

Récemment, le gouvernement a essayé d’évaluer l’extension de la maladie en testant certains groupes particuliers, comme les soldats, les donateurs de sang et les travailleurs de l’industrie du sexe. Ses conclusions ont été les suivantes : les taux de séropositivité vont de 4,1% pour les femmes enceintes à 39% pour les hôtesses de bars et les prostituées travaillant à Koh Kong. Entre 1991 et 1995, le pourcentage de donateurs de sang testés séropositifs est passé de 0,8% à 6,1%.

Selon les services du ministère de la Santé, le taux national de séropositivité pour l’ensemble des groupes sélectionnés est de 2,64% pour les femmes enceintes, 8% pour les membres de la police ou de l’armée, 24,95% pour les hôtesses de bars, et 38% pour les travailleurs de l’industrie du sexe.

Le taux général de séropositivité dans le pays est aujourd’hui de 4,87%. Il n’était que de de 4,07% il y a six mois.

C’est en se basant sur ces données que l’Organisation mondiale de la santé a pu estimer récemment que 30 000 Cambodgiens étaient aujourd’hui infectés du virus du sida.

Chaque jour, la maladie gagne en visibilité. Les docteurs de l’hôpital Kantha Bopha voient aujourd’hui des bébés naître de mères séropositives. Sur 25 enfants traités, la moitié environ vont être contaminés. Peu d’entre eux survivront au-delà de l’âge de sept ou huit ans. Les médecins de l’hôpital de pédiatrie peuvent soigner les enfants mais ne peuvent pratiquement rien pour les mères sinon leur conseiller de se faire aider par le centre d’aide psychologique.

La plupart des femmes enceintes contaminées ne savent pas qu’elles le sont. Même dans le cas où un diagnostic a été porté, on ne peut pas faire grand chose pour protéger les enfants à naître. Des études ont démontré que l’on peut réduire le taux de transmission de la maladie par les mères aux enfants à naître en prenant de l’AZT. Comme nous l’avons déjà dit, le médicament coûte cher et n’est pas disponible au Cambodge.

Le cas récent d’un étudiant de l’université souffrant d’une maladie liée à sa séropositivité a mis en lumière la nécessité de moyens plus efficaces contre le sida. Le jeune homme s’est en effet manifesté il y a quelque temps à un groupe humanitaire local pour demander de l’aide. Selon les membres du groupe, aucun hôpital n’a accepté de le recevoir pour traitement et ils ont dû s’en remettre à une association privée pour le prendre en charge.

Tous les hôpitaux ont l’obligation morale de soigner tous les patients, y compris ceux qui souffrent du sida, dit le docteur Hor Bunleng. Il admet cependant que certains membres du personnel des hôpitaux ont peur de se trouver contaminés eux-mêmes. Beaucoup de docteurs et d’infirmières ont pourtant appris comment se prémunir d’une contamination éventuelle par les patients atteints de la maladie, mais ils ne disposent pas de stocks suffisants de gants de protection, de masques ou de seringues jetables. “La raison, c’est qu’ils ont toujours peur de ne pas avoir suffisamment d’équipementdit le docteur Hor Bunleng.

Le ministère est à la recherche de financement pour aider les hôpitaux à s’équiper selon leurs besoins. De plus, trois médecins doivent aller en France, en décembre 1995, pour se former au traitement du sida.

Des programmes de formation sont aussi en cours au Cambodge même. Une récente enquête parmi les infirmières a démontré que la plupart d’entre elles étaient très peu informées sur la maladie. Par exemple, la moitié d’entre elles pensaient qu’on peut être contaminé par un étranger mais non par son ami ou son époux. Cinq pour cent seulement savaient que le sida peut se transmettre par une seringue contaminée. Au vu des résultats de l’enquête, le ministère a décidé d’organiser des sessions de formation pour cent infirmières au mois d’août 1995.

Une unité spéciale ‘sida’ est aussi en projet pour l’hôpital Preah Norodom Sihanouk de Phnom Penh. Mais ce sont tous les hôpitaux qui devraient pouvoir soigner le sida, dit le docteur Hor Bunleng.

Zari Gill, directrice du programme ‘sida’ de World Vision International, affirme que beaucoup de patients estiment n’avoir plus aucune chance une fois que la maladie est diagnostiquée chez eux. “Nous avons entendu parler de gens qui ont été diagnostiqués séropositifs : ils sont tombés malades et ils ont disparu de la circulationdit elle. Elle ajoute : “Beaucoup craignent la discriminationLes travailleurs hospitaliers disent avoir entendu parler de plusieurs suicides de personnes testées séropositives. C’est la raison pour laquelle World Vision International a contribué à l’organisation d’un centre d’aide psychologique. L’association songe aussi à former un groupe de soutien pour les malades du sida et espère pouvoir établir une équipe de travailleurs de la santé pour rendre visite aux familles qui préfèrent soigner leurs malades à domicile. “La première étape consiste toujours à demander de l’aideconseille le Dr Gill à tous ceux qui sont déclarés séropositifs.