Eglises d'Asie

ACCUEILLIR LE TROISIEME MILLENAIRE le coeur plein d’espérance Lettre pastorale de Mgr Jin Luxian évêque de Shanghai

Publié le 18/03/2010




Chers prêtres, religieuses, frères et fidèles,

Aujourd’hui, c’est la grande fête de Noël pour le monde entier.

Bonne fête de Noël à vous tous. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix aux hommes qu’il aime« (Luc 2/14).

Dans quelques jours, ce sera 1996, et quatre ans plus tard, nous entrerons dans le troisième millénaire. Puisque nous vivons le passage à un nouveau siècle, à un nouveau millénaire, nous sommes naturellement sensibles aux dispositions spéciales de Dieu envers nous et nous pouvons penser naturellement qu’une mission nous est confiée. Accueillons d’un coeur plein d’espérances le 21ème siècle et le troisième millénaire!

Lors de l’approche du deuxième millénaire, il y eut déjà des gens pour annoncer l’imminence de la fin du monde et répandre l’effroi. Maintenant que le deuxième millénaire tire à sa fin, il y a aussi des gens pour prédire la fin de l’univers. Cette idée, je crois, reflète sans doute chez certains l’espoir ardent de la seconde venue du Christ, mais il nous faut aussi être en garde contre les motivations fautives de tel ou tel. Par exemple, il y a trois ans, un pasteur en Corée annonçait l’année le mois et le jour de la fin du monde, en profitant pour se faire de l’argent. Finalement, la période prévue passa sans que rien soit changé de la vie des hommes. L’auteur des rumeurs dut s’éclipser, couvert de honte. Aujourd’hui, quelques individus isolés annoncent à leur tour la fin du monde pour des raisons inavouables. J’espère que les croyants de Shanghai ne se laisseront pas facilement abuser. Parlant avec ses disciples de la fin du monde avant sa passion, Jésus leur dit: « Quant au jour et à l’heure, personne ne le sait sauf le Père; même les anges du ciel n’en savent rien, et le Fils non plus » (Mat.24.36). Si Jésus lui-même n’en savait rien, comment le saurions-nous nous-mêmes?

Jésus a dit: « Il faut que l’Evangile du Royaume soit d’abord annoncé au monde entier en témoignage pour tous les hommes; alors seulement viendra le dénouement » (Mat.24.14). A présent, la Bonne Nouvelle n’a pas encore été annoncée au monde entier, trois milliards d’hommes ne connaissent pas encore l’Evangile du Royaume, comment le dénouement pourrait-il se produire? L’apôtre Paul a dit aussi: « …Jusqu’à ce que nous autres hommes, tous ensemble ne fassions plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu pour constituer cet homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du ChristEph.4.13).

Nous sommes encore bien éloignés des conditions préalables énoncées par Paul. L’apôtre Paul dit: « Lors de son retour, le Christ remettra le Royaume au Père. Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Cor.15.27-28). Maintenant, toutes choses ne sont pas encore soumises au Christ. On peut voir ainsi que la fin du monde demande une compréhension globale. Ne mettons-pas en avant un aspect particulier, ne nous laissons-pas aller à une foi aveugle et gardons-nous encore plus de la diffuser.

Il est clair que la fin du monde n’est pas la destruction de l’univers , mais c’est Dieu qui devient tout en tous. Suivant la révélation de l’Apocalypse, lors de la seconde venue du Christ, ce monde ressuscitera et sera transformé, et ne sera pas anéanti.

Nous le savons tous, l’humanité est encore dans l’enfance, il est fort possible que notre race humaine émigre un jour sur d’autres planètes pour y survivre et s’y développer! C’est pourquoi ce monde n’est pas près de se disloquer.

Au cours de l’histoire, il y a eu des périodes de plusieurs siècles sans grand changement; en d’autres temps, les changements se précipitent. Dans la deuxième moitié de notre siècle, la science a fait des avancées vertigineuses, le progrès de l’humanité a été considérable. La connaissance accumulée par l’humanité aujourd’hui est de plus en plus abondante, ce qui précipite les progrès. Il faut nous en réjouir, il est insensé d’en douter, l’histoire ne peut rétrograder ni se répéter.

Evidemment, le progrès est comme la marée. Les vagues ayant atteint leur plus haute poussée semblent se retirer. Mais la vague suivante pousse immédiatement la précédente et poursuit l’avance. Le recul devient une nouvelle avance.

Eh bien, que sera l’avenir? Je n’ai pas la grâce d’un prophète, je ne peux prédire ce que sera le siècle prochain, encore moins le prochain millénaire. Si l’on me force à en dire quelques mots, ce ne peut-être que pour prévoir les vingt ou trente années à venir.

Situation générale aujourd’hui: l’humanité entière s’avance sur le chemin de l’unité et de la paix. En un temps où les techniques progressent de jour en jour, où l’économie se développe à grande allure, il n’est plus possible à un pays, à un peuple, de demeurer isolés et de vivre en autarcie. A présent, les peuples de tous les pays prennent progressivement conscience de la nécessité de s’unir, sans quoi il n’y a pas moyen de survivre en ce monde au développement de la concurrence économique. L’Asie du sud-est a déjà établi une communauté. Le nombre de ses pays membres augmente progressivement. La communauté européenne de l’Ouest fait sans doute face à des difficultés, mais elle se renforce et s’étend vers l’Est, son dynamisme l’appelle à couvrir toute l’Europe. Le Canada, les Etats-Unis et le Mexique s’unissent en zone d’échanges commerciaux, l’Amérique latine s’achemine vers l’unité, personne ne peut entraver cette tendance. Sans doute, quelques pays, pour des raisons historiques, ont été unifiés par la force. Il est compréhensible que certains d’entre eux cherchent leur indépendance et c’est inévitable. Mais lorsqu’ils auront acquis une véritable indépendance, ils devront recréer des liens sur une base plus juste. L’humanité prend conscience d’être un même corps. Espérons qu’elle soit capable d’avancer dans la compréhension, la coopération, l’unité en vue d’atteindre l’idéal d’une grande communauté humaine. Ceci reste encore une voie de progression lente, mais le but sera finalement atteint. Toute personne éclairée consacre sa vie à lutter pour cela.

Avec le progrès de la science, l’humanité dispose de moyens de plus en plus riches, l’humanité rêve de s’élever progressivement jusqu’au règne de la liberté. Par exemple, les progrès de la biologie permettent de mieux comprendre le mystère de l’homme, de simuler la vie, d’améliorer son propre corps, mais il faut en même temps redoubler de vigilance, car sous l’apparence d’une liberté de plus en plus grande, la majorité des hommes, je pense surtout aux populations des pays capitalistes, sont peu à peu en train de perdre inconsciemment leur liberté.

Par la biologie, les hommes peuvent percer les secrets de la vie, percer le code de formation de l’intelligence et de la conscience. Les hommes sont peut-être en mesure par des procédés scientifiques, de simuler ou de créer une nouvelle génération d’hommes, de produire par eugénisme une humanité de force physique bien supérieure et d’élever le niveau intellectuel. Mais si les lois de la morale ne sont pas respectées, le danger est incalculable. On peut créer un monstre incontrôlable, endommager ou même détruire complètement l’humanité, provoquer la fin de la liberté humaine. Aujourd’hui, les médias sont capables de manipuler l’opinion publique. Les émissions télévisées des pays capitalistes et autres moyens de propagande se concentrent entre les mains de capitalistes monopolistes. Ils peuvent influencer, manipuler les élections soi-disant libres tandis que la liberté réelle des citoyens a en fait disparu. Le pouvoir politique appartient alors aux dix mille milliardaires qui le manipulent à leur service.

Aujourd’hui, ce dont l’humanité a le plus besoin, c’est de justice, de paix et de développement. Sans paix, il n’y a pas de développement et la paix vient de la justice. A considérer l’ensemble du globe, on y voit peu de justice. Le globe terrestre est création de Dieu, don de Dieu à l’humanité entière pour qu’elle le cultive et en jouisse en commun. Mais la richesse du monde est actuellement dans les mains de quelques pays développés. Les populations de la majorité des pays sont exploitées, réduites en esclavage. Et même à l’intérieur des pays développés, la richesse est monopolisée par les capitalistes des multinationales. Cette situation injuste devra être abolie grâce aux efforts de toute l’humanité. Il s’en suivra un nouvel ordre social. La religion doit oeuvrer dans ce but pour permettre aux hommes de jouir d’une véritable liberté, de l’égalité, de la justice, de la paix et du développement, et non plus faire le jeu d’un organisme injuste et individualiste, soucieux de préserver sa domination et d’exploiter la majorité des hommes.

Le catholicisme du siècle prochain servira le développement, mais un développement déséquilibré: dans les pays en développement, le nombre des chrétiens continuera d’augmenter, tandis que les fidèles d’Amérique et d’Europe seront de moins en moins nombreux à l’église. Richesse, intérêt individuel, esprit de jouissance, indifférence à l’au-delà pénètrent et rongent l’âme humaine. Mais il y en aura toujours qui sauront entrer par la porte étroite, des croyants seront plus fervents, leur foi sera plus profonde. L’Eglise est le corps du Christ. Les dirigeants de rangs divers seront plus conscients du caractère de communion des sacrements de l’Eglise. En conduisant les fidèles par l’amour et non par le droit, l’Eglise devra éviter de s’institutionnaliser à outrance. Le véritable maître de l’Eglise, c’est le croyant. Le clergé progressera dans l’imitation de Jésus, comprenant que son rôle est de servir et non d’être servi. L’âge d’une gestion commune de l’Eglise par les croyants est arrivé. Nous l’accueillons avec joie.

Au siècle prochain, l’Eglise de notre pays continuera de se développer. A la fin de ce siècle, nombre de centres d’études religieuses sont établis en divers lieux et produisent des articles de haut niveau. Il faut nous en réjouir. Il est dommage que nous-mêmes fassions peu de recherche. Le gros des prêtres âgés se borne aux tâches pastorales sans se préoccuper de recherche intellectuelle; et la jeune génération n’a reçu qu’une formation intellectuelle relativement superficielle. Même leur culture chinoise est peu élevée. Ne parlons pas de leur connaissance des langues étrangères et de leur souci de l’étude. C’est là une grande déficience de notre Eglise. Il faudra y remédier au siècle prochain, autrement il est inutile de parler d’une Eglise autonome.

Aujourd’hui, on parle à l’étranger d’une fièvre religieuse ou d’une fièvre chrétienne dans notre pays. C’est quelque peu exagéré. Au moins en ce qui nous concerne, nous ne constatons pas de fièvre catholique. Le rythme de croissance de la population catholique est de loin inférieur à celui des protestants. La raison en est d’une part que nos catholiques pensent surtout à sauver leur âme sans s’appliquer à répandre l’Evangile alentour; ils en laissent le soin à leurs prêtres. On ne peut sous-estimer d’autre part que notre Eglise souffre d’une division interne en deux grands groupes, chacun se préoccupant de lui-même.

J’entends dire: « Vous annoncez l’amour du Christ, mais vous n’avez pas un brin d’amour pour vos propres frères. Vos actes démentent vos paroles, comment voulez-vous qu’on vous croie »? De ceci, nous pouvons tirer deux conclusions:

1. Non seulement dans l’annonce de l’Evangile, mais aussi dans la gestion du diocèse, nous devons nous appuyer sur la masse des fidèles et la mettre en mouvement. Dans le passé, tout reposait sur le clergé. C’est fini. Maintenant l’heure est aux laïcs. Dans l’Eglise primitive, tous les fidèles étaient des saints. A l’origine, ce mot « saint », « laïcus » en latin, venait du grec « layos ». Avec l’évolution du mot, « saint » est devenu « séculier ». Notre traduction chinoise en « fidèles ordinaires » est déficiente, comme si les fidèles étaient inférieurs au clergé. En fait les prêtres ne sont en rien supérieurs aux fidèles, mais ils sont envoyés au service des fidèles, ils en sont les serviteurs. Saint Augustin a une parole célèbre: « Pour vous, je suis évêque, avec vous, je suis chrétienDe nombreux théologiens disent: « travailler pour les fidèlesL’expression est insuffisante. Il faudrait dire « travailler avec les fidèlesPrêtres, religieuses et frères devraient s’en rappeler. Ils n’ont pas à se placer au-dessus des fidèles. Nous devons vivre avec eux, travailler avec eux, partager leurs peines et leurs joies.

2. Nous devons donner la priorité à la formation des fidèles, former parmi eux des catéchistes, former un bon ensemble de gens capables, y compris des dirigeants, leur permettre de s’associer à la tâche des prêtres de paroisses parmi les fidèles, d’organiser des groupes d’étude et de discussion, des partages de Bible. C’est d’une grande importance dans la vie des fidèles. Il est tout à fait insuffisant de faire apprendre par coeur quelques passages de catéchisme. Qu’ils fassent des visites de familles, qu’ils organisent des programmes de week-end, des activités de loisirs saines, des services collectifs de bienfaisance. Les fidèles ne devraient pas se doper sur une table de mahjong. Les jeunes et les enfants ne devraient pas passer des journées sur des jeux électroniques, des vidéocassettes, devant la télévision. Non seulement ils gâchent leur temps, mais encore ils apprennent à se disputer et à se battre. C’est pourquoi nous avons maintenant la responsabilité de produire des cassettes et vidéocassettes de qualité humaine.

Le grand séminaire et le noviciat des religieuses demeurent la tâche essentielle du diocèse. Ce sont les regrettés Mgr Zhang Jiashu et Mgr Li Side qui ont fondé le séminaire de Sheshan et le noviciat de la Présentation. Ils n’ont pas épargné les ressources en personnel et en argent pour permettre le développement actuel de ces deux instituts et la formation de promotions successives de prêtres et de religieuses. Mais l’optimisme n’est pas facile, car outre les succès, les erreurs n’ont pas manqué: ils et elles manquent de vision spirituelle, leur esprit de sacrifice fait défaut, l’intérêt personnel prévaut sur les intérêts de l’Eglise, on n’obéit pas aux nominations, on met peu d’ardeur à l’évangélisation, on veut s’habiller à la mode. Les fidèles trouvent que notre jeune génération respire l’orgueil et la vanité. En ceci, je dois assumer une pleine responsabilité, d’un bout à l’autre il faut souligner la formation spirituelle. Une personne religieuse devrait se rappeler de l’enseignement de Jésus-Christ: « Qui veut me suivre doit renoncer à soi-même et porter sa croixLe savoir est sans doute important, mais la vie spirituelle et le travail manuel sont plus importants. Au séminaire, l’étude des langues étrangères est secondaire. Dans l’avenir, on enverra encore une minorité faire des études à l’étranger, mais on ne choisira pas pour candidats ceux qui sont tous les jours un livre de langue étrangère à la main ou à l’écoute d’audiocassettes de langue, et encore moins ceux qui rechignent sur le travail manuel sans souci du bien commun, sans obéissance au règlement. Quant à ceux qui reviennent d’études à l’étranger, ils devraient encore plus être les premiers à servir généreusement, montrant en tout l’exemple aux étudiants. Nous exigerons de leur part un temps suffisamment long de service pastoral direct. Nous continuerons le système adopté ces dernières années de faire venir de l’étranger et d’envoyer à l’étranger. Nous remercions chaleureusement le personnel qui nous aide de l’étranger et nous prions Dieu de les récompenser au centuple.

Nous continuons à nous préoccuper de la croissance spirituelle des soeurs qui ont fait leurs voeux et des prêtres qui sont déjà ordonnés. Evêque, doyens, curés, devraient les entourer de leurs soins et leur monter un bon exemple. En ceci, les paroles ne valent pas les actes. Sans leur faire de reproches directs, il convient de les éduquer, de les guider la main dans la main. Il ne faut pas garder le silence en leur présence et les dénigrer par derrière. C’est notre devoir d’observer le 8ème commandement. Nous, les anciens, ne tarderons pas à quitter ce monde, et le travail du diocèse tombera entièrement sur les épaules de ces jeunes. Si nous ne traitons pas bien la génération future, comment pourrons-nous rendre des comptes à Dieu? La jeune génération doit respecter les anciens et en apprendre toutes sortes de vertus. J’espère que tous méditent régulièrement la lettre de St Jacques, le chapitre 13 de la 1ère aux Corinthiens. Il y a là matière à réflexion et à réforme personnelle. Jeunes prêtres, jeunes religieuses, ce n’est pas la simple imposition des mains ou de simples voeux qui font de vous de saints prêtres et religieuses. Nous avons à nous sanctifier toute la vie. Si nous n’avançons pas, nous reculons. Il faut savoir qu’un peu de négligence peut nous faire descendre bien bas. Les cas de sel qui s’affadit ou de lumière qui n’éclaire plus le monde ne sont pas des exceptions que nous avons sous les yeux. C’est pourquoi nous devons tenir ferme à la formation continue. L’année prochaine, notre diocèse va construire un centre de formation permanente ou de retraite dans le cadre attrayant des rives du lac de Dianshan. Ce centre qui requiert tous nos efforts ne sera pas réservé au diocèse, mais il ouvrira largement ses portes aux prêtres, religieuses et laïcs de tout le pays. Prions Dieu de bénir ce projet.

Au début du 21ème siècle, il est possible que la situation financière de notre diocèse s’améliore, et la fortune, l’argent, n’ont pour but que de nous aider à aimer Dieu et les hommes. Mais l’argent est très capable de nous pourrir le coeur. Il nous faut toujours et partout imiter Jésus et Marie qui ont passé toute leur vie dans la pauvreté, ont aimé les pauvres et pris le parti des pauvres. C’est ainsi que nous devons être: si nous en avons les moyens, il faut aider les pauvres, contribuer au bien de l’Eglise de Chine, de la société, de notre pays. En ce qui nous concerne, il est important de servir les pauvres, mais il est encore plus important d’éprouver personnellement la souffrance des pauvres, de mener une vie simple avec les pauvres, penser continuellement aux enfants qui ne peuvent aller à l’école, aux adultes privés de travail, aux malades graves, aux pauvres qui ne peuvent entrer à l’hôpital… Autrement, comment serions-nous d’autres Christ?

En contemplant l’avenir, ce qui nous peine le plus, c’est qu’en dépit des appels répétés du pape à notre Eglise en Chine de ne pas nous diviser mais de nous unir, nous ne voyons pas encore dans les circonstances actuelles de signes d’amélioration. Serait-ce que notre Eglise va perpétuer ses divisions? Ne pouvons-nous recueillir les leçons du passé? Où se trouve aujourd’hui l’abcès qui nous divise? Est-ce un problème théologique? Est-ce une question de fidélité ou non? Je crains qu’il n’y ait d’autres motivations! Nous ne savons rien d’autre que Jésus et Jésus crucifié pour notre humanité entière. Pouvons-nous laisser le sang de Jésus couler en vain tandis que nous condamnons les autres à l’enfer, à subir la peine éternelle? Tous les membres de notre diocèse ne doivent avoir à la bouche que des paroles de réconciliation, de pardon, d’amour mutuel, de communion, et nos actes doivent répondre à nos paroles. Gardons-nous du contraire.

Dans notre vaste pays peuplé d’un milliard deux cents millions de personnes, s’il se trouve quelques fervents de la religion, il y a peut-être encore plus de fervents de la superstition. Les mauvais sujets en profitent pour créer des sectes vicieuses nuisibles à l’âme humaine et à l’ordre social. Nous devons accroître notre vigilance, éduquer les fidèles, les éclairer, les garder de tomber dans le panneau.

Les temps changent, la société change, la pensée humaine change aussi. Ne nous effrayons pas de l’instabilité du coeur humain, l’humanité va tout de même de l’avant. Nous devons nous soumettre aux faits, être objectifs, pleins d’une compréhension aimante, chérir les hommes nouveaux de chaque génération, croire qu’ils ne décevront pas les espoirs des anciens mais qu’ils iront au-delà. Les choses sont en évolution constante, c’est pourquoi il faut étudier. Outre la doctrine, la théologie, la philosophie, il faut étudier la politique, l’économie, les décrets officiels, faute de quoi il est impossible de s’adapter à une société en évolution constante, d’y survivre, encore moins de servir l’homme et de répandre la foi.

Tout change. Mais la parole de Dieu est une vérité éternelle, toujours jeune. Comment annoncer l’Evangile, la Parole de Dieu, notre Dao en des mots accessibles à l’homme d’aujourd’hui?

D’un côté, il nous faut étudier, approfondir la réflexion, méditer l’Evangile, croire et imiter Jésus. En même temps, il nous faut aimer profondément la société, le pays, l’Eglise. C’est ainsi que nous pourrons annoncer l’Evangile en vérité, témoigner de l’Evangile sans sombrer dans l’artificiel.

Voyez comme le Jésus de l’histoire aimait la vie, aimait ses proches, aimait ses disciples hommes et femmes, la foule et tout spécialement les pauvres. La foule aimait aussi entendre son enseignement, le suivait des jours et des nuits, en oubliant le dormir et le manger pour l’écouter parler. Et si nous en revenons à nous-mêmes qui nous détachons de la société, de la foule, qui parlons comme des livres et sortons des doctrines fades et insipides, comment blâmer les gens qui nous reprochent de raconter des âneries, qui s’impatientent de nous entendre raisonner. J’espère que les prêtres, les soeurs, les frères sauront ne faire qu’un avec le peuple et deviendront ses bons pasteurs.

Nous vivons dans un monde où la paix progresse, les gens de notre pays jouissent d’une paix durable. Tout en rendant grâce à Dieu, nous devons aussi remercier les dirigeants de notre pays, prier pour eux, prier le Saint-Esprit de les aider, de les éclairer.

En même temps, nous ne devrions pas oublier qu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, tout le monde croyait à une paix mondiale durable, sans plus jamais de guerre. En réalité, au cours des cinquante dernières années, des prétendues « guerres régionales » ont éclaté 149 fois, le nombre des morts a atteint 23 millions dont 8 millions de femmes et d’enfants. Comment ne pas s’attrister profondément en pensant à ces champs de bataille flambant aux quatre coins du monde? Nous devons sans cesse prier pour la paix du monde.

Nous devons apporter notre propre contribution à l’unité du pays, à la stabilité sociale en nous gardant de créer des divisions et des contradictions. « Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu » (Mat.5.9). Appliquons-nous à devenir tous des enfants de Dieu.

La vie de la population s’améliore de jour en jour, c’est une bonne chose. Dieu en réalité veut que nous nous enrichissions tous ensemble. Ce que Jésus critique c’est l’inégalité entre pauvres et riches, ce n’est pas une quête de richesse par la voie de la justice et du labeur. Nous encouragerons les fidèles et l’ensemble de la population à rechercher un « confort modeste » de sorte qu’une vie plus aisée, plus riche conduise à penser davantage aux autres, à aider les autres. Nous vivons de manière positive la vie de ce monde tout en poursuivant le bonheur éternel dans l’au-delà. La prière du 21ème dimanche contient une pensée profonde: « Seigneur, fais que tes enfants s’unissent, aide-nous à t’aimer, à garder tes commandements, à attendre ta promesse, de sorte que vivant dans ce monde changeant nous gardions notre coeur tendu vers la demeure du bonheur véritable ». Prions de cette façon et agissons ainsi. Amen!