Eglises d'Asie

PAS DE PAIX SANS UNE REVOLUTION CULTURELLE

Publié le 18/03/2010




La paix, une véritable paix accompagnée de justice, voilà le besoin le plus pressant du Sri Lanka en ce moment. Il faut travailler à établir la paix sur plusieurs fronts: politique, structurel, interpersonnel, psychologique. Et il faut utiliser divers moyens. La guerre civile, une guerre tellement malencontreuse et qui nous remplit de tristesse, a tué de 30 000 à 40 000 personnes, et environ un millions d’habitants sont devenus des réfugiés dans leur propre pays.

Pendant trois mois, à la fin de l’année 1995, le gouvernement a mené une opération militaire qui lui a permis de récupérer la ville de Jaffna, le quartier général des Tigres Tamouls (LTTE). Il y a eu 3000 morts et 250 000 personnes se sont enfuies de chez elles. A ces chiffres il faut ajouter au moins 100 000 Srilankais exilés en raison du conflit ethnique qui dure dans notre pays depuis presque 40 ans.

L’inquiétude s’impose en premier lieu au sujet des êtres humains, les vies de ceux qui, du jour au lendemain, sont devenus des réfugiés, alors que les forces armées srilankaises prenaient Jaffna et que le LTTE leur donnait à peine deux heures pour fuir la ville et se mettre en route. Ils se sont trouvés, en fait, pris entre deux feux, incapables de prendre la moindre décision. Ils se sont installés dans des camps provisoires, sous le soleil ou la pluie, sans travail, essayant de survivre grâce à la nourriture fournie par la charité. Ce sont les vieillards et les enfants qui souffrent le plus. Sans abri, les femmes sont exploitées de toutes manières.

Le premier devoir à la fois du gouvernement et du LTTE est de donner aux non-combattants un environnement où ils puissent trouver paix et sécurité. L’opinion publique srilankaise n’est pas suffisamment informée de cette triste réalité dans laquelle vivent tant de nos compatriotes. Les leaders politiques d’avant 1994 et les groupes militants sont, les uns et les autres, coupables de cette guerre. Il faut arrêter celle-ci.

Tous, partis politiques, groupes organisés, individus, doivent s’efforcer de trouver une solution politique permettant aux minorités de sentir que leurs droits sont respectés, et à la majorité de perdre ses inquiétudes quant à l’intégrité et à l’unité du pays.

Lorsque le gouvernement a mis en avant un ensemble de mesures destinées à faciliter une solution politique à la crise ethnique, c’était la première fois qu’un gouvernement srilankais avait le courage de faire des propositions concrètes pour une restructuration du gouvernement dans ce pays aux multiples ethnies et sur la base d’un véritable partage du pouvoir. Cela pourrait énormément aider à rectifier les injustices du passé et la discrimination contre les gens de langue tamoule. Cela pourrait aussi préparer la route vers une cohabitation plus juste, plus réelle, plus pacifique, des diverses communautés implantées dans le pays.

Les propositions mises en avant par le gouvernement actuel devraient unir le pays, tout en offrant leur autonomie aux régions. Elles ne diviseront pas le pays et ne donneront pas plus de pouvoirs que nécessaire, ni aux Tamouls ni aux musulmans.

Aux problèmes économiques qui sont à la racine de la violence ethnique, Il faut aussi trouver des solutions à long terme. Il est significatif que le conflit ethnique s’est aggravé à la suite de la libéralisation de l’économie en 1977. La libéralisation des importations a causé une diminution de la demande pour les tissus, les oignons, les piments, les raisins, qui étaient les principaux produits exportés par le nord avant 1977. Cette libéralisation des importations a été aussi à l’origine de la diminution de l’emploi à la campagne.

Plus nous libéralisons les importations et plus notre dette internationale s’accroît; nous bradons nos entreprises publiques, et les tensions d’origine ethnique ne pourront manquer de s’aggraver en raison des dures conséquences d’une politique perçue comme une discrimination d’ordre ethnique.

Il sera nécessaire de planifier avec soin le partage du pouvoir avec les régions de façon à ce qu’il s’harmonise avec une politique économique ouverte qui rassemble le pays tout entier.

Et, ne l’oublions pas, les compagnies transnationales qui accaparent des secteurs entiers de notre économie sont en lien avec les fabriquants et marchands d’armes dans le monde. Ces derniers ont tout intérêt à voir se continuer les guerres civiles et les « conflits de basse intensité ».

Notre nation doit faire face à un autre défi, plus profond encore: il s’agit de guérir les blessures ethniques et d’accepter chaque personne comme un être humain avec les mêmes droits que nous, notre égal en dignité. Nos quatre religions nous montrent le chemin de la paix.

Il nous faut préparer à long terme un programme de formation à la paix. Actuellement, des deux côtés du fossé qui nous sépare, on encourage les gens à se battre contre un ennemi qui est perçu ou que l’on montre dans la peau soit d’un terroriste, soit d’un agent du pouvoir oppressif.

Dans ces circonstances, c’est un véritable effort qui nous est demandé, de nous convaincre nous-mêmes que tous les Srilankais sont frères et soeurs. Les groupes de citoyens, les moyens de communications sociales, l’Etat, devraient se

donner les moyens d’une formation à une philosophie et à des méthodes permettant la résolution pacifique des conflits. Nos livres d’histoire, même nos ouvrages de littérature, devraient être repensés dans le but de promouvoir l’harmonie, la compréhension mutuelle entre nos peuples.

Le programme de paix doit inclure une réorientation de notre tournure d’esprit et de notre culture, car ces derniers temps, nous nous sommes laissé prendre par le militantisme.

Nous devons tous nous mettre au travail, pour rebâtir notre nation et la sortir de cette triste situation dans laquelle les jeunes, en particulier ceux du nord et de l’est, n’ont pu, en dix ans, connaître un seul jour de paix.

On pourrait mettre au programme des activités visant à encourager l’unité nationale, comme des camps de travail dans les zones affectées par la guerre, où l’on reconstruirait les maisons et autres bâtiments détruits. On pourrait motiver les jeunes, les mobiliser, leur donner une aide financière pour un programme de reconstruction et de réhabilitation à grande échelle et selon un plan sérieusement étali.

Après notre expérience amère des dix dernières années, tous peuvent y gagner en noblesse s’ils savent affronter le défi d’un travail pour la paix dans la bonne volonté.

Nous pouvons mettre au point une philosophie nationale, une politique, un programme de reconstruction qui porterait sur une année. Et ceci avant même que la guerre ne soit terminée. Les religions peuvent nous donner l’inspiration nécessaire et nous entraîner dans cette tâche qui consiste à reconstruire notre nation sur des bases de paix et de justice.