Eglises d'Asie

LA REPRESSION RELIGIEUSE DANS LE HEBEI Le récit d’un prêtre “clandestin”

Publié le 18/03/2010




Depuis la fin de 1995, les autorités communistes ont accentué leur répression des dissidents politiques et du monde religieux. Dans le domaine religieux, c’est Baoding dans la province du Hebei qui a le plus à souffrir. Le 22 novembre 1995, ce fut la démolition de l’église à peine bâtie de Beideng dans le canton de Qingyuan au sud de Baoding (ndlr. EDA 210). Trois cents policiers s’abattirent sur ce petit village de deux cents chrétiens. Ceux-ci résistèrent vigoureusement, ne voulant pas laisser détruire ce qu’ils avaient construit avec leurs économies durement acquises. Ils reçurent coups de pied et coups de poings et l’église fut finalement rasée. Un dizaine de femmes et enfants furent blessés. Cinq jeunes gens furent arrêtés ainsi qu’une femme, mais ils furent relâchés peu après.

Le 21 décembre 1995, c’était le premier anniversaire de la mort de Mgr Chen Jianzhang. Sa tombe se trouve à Anjiazhuang dans le canton de Xushui, quelque 40km au nord de Baoding. Les habitants de ce village, au nombre de plus de 2 000, sont tous catholiques. L’évêque auxiliaire de Baoding, Mgr An Shuxin, est de ce village et il y réside. Résolues à empêcher les chrétiens de venir à Anjiazhuang prier sur la tombe de cet évêque vénéré, les autorités communistes dépêchèrent près de cent véhicules et plus d’un millier d’hommes en armes des cantons voisins pour bloquer tous les chemins conduisant à Anjiazhuang. Quelques véhicules pénétrant dans le village de Anjiazhuang eurent leurs pneus crevés avec des clous. Prétextant de cet incident, les autorités arrêtèrent à l’envi les jeunes chrétiens du village, en tout plus d’une vingtaine. Presque tous sauf deux furent battus de chaînes et dévêtus dans ce climat glacial du nord. Alors qu’il gelait à l’extérieur, on fit encore souffler le ventilateur sur certains d’entre eux; d’autres rampant sur le sol, la police leur écrasait les doigts avec leurs chaussures. On les giflait en prenant la relève de ceux qui étaient fatigués de gifler. Chacun d’entre eux goûta du bâton électrique. Certains chrétiens qui restaient silencieux lors des interrogatoires furent cruellement battus pendant une heure par des policiers à tour de rôle. Le corps meurtri du haut en bas par le bâton électrique et zébré de plaies, on leur faisait enfin saisir le bâton électrique dans lequel on envoyait une décharge. Heureusement que l’électricité des deux bâtons s’était épuisée, autrement on aurait peine à imaginer le résultat. La cruauté de la répression soulève l’indignation, on ne peut en entendre parler sans pleurer. Si on en écrit ainsi le détail, c’est qu’avant de les libérer, on leur fit écrire une déclaration: à l’avenir, ils ne participeraient pas aux activités religieuses; en prison, ils n’avaient eu à souffrir aucune punition; ils leur était interdit de parler à d’autres des sévices de la police. Autrement, ils seraient arrêtés à nouveau.

Le 8 février 1996, des centaines d’hommes armés et casqués pénétraient à nouveau dans Anjiazhuang sous la conduite du député maire de Baoding Li Sen, du chef de canton de Xushui, du directeur de la sûreté, etc. Sans aucune formalité, ils arrêtaient le nouvel évêque et trois chrétiens: Guo Gengming, Yao Jinqiu et An Xianliang. On ne sait jusqu’à ce jour où se trouve Mgr An Shuxin. En même temps, l’église de Anjiazhuang a été fermée, on ne permet à personne d’y aller prier. Le même jour, deux chrétiennes étaient arrêtées au village de Damagezhuang, à environ 5km de Anjiazhuang. Motif: elles avaient hébergé deux séminaristes dans leur maison.

Sur ces entrefaites, l’atmosphère était particulièrement tendue dans le canton de Qingyuan au sud de Baoding bien qu’aucune arrestation n’y fût faite. L’évêque de Baoding, Su Zhimin, le curé de Donglu (pèlerinage à Marie reine de Chine), Cui Xingang, et l’évêque gravement malade et à moitié paralysé de Yixian, Mgr Liu Guandong, (l’évêque de Yixian réside à Weigezhuang dans le canton de Qingyuan), étaient tous assignés à résidence avec interdiction de sortir et de contacter des personnes à l’extérieur, soumis à une surveillance de 24 heures jour et nuit (ndlr. EDA 217). Donglu est particulièrement visé. Depuis la libéralisation de 1980, le nombre des pèlerins venant à Donglu n’a cessé d’augmenter d’année en année. En mai 1995, ils étaient une centaine de milliers. Pourquoi les pèlerins viennent-ils à Donglu? Premièrement parce que c’est un lieu saint; deuxièmement, parce qu’on peut y dire la vérité et y entendre la vérité. L’influence de Donglu sur l’Eglise de Chine est vaste et profonde. Les autorités communistes y font particulièrement attention. Les responsables de la province du Hebei et le directeur du Bureau central, Luo Gan, sont tous venus à Donglu. Chaque mois de mai, les autorités gouvernementales dépensent beaucoup d’énergie à empêcher les pèlerins de se rendre à Donglu, mais plus ils font obstacle, plus les pèlerins abondent. C’est pourquoi le gouvernement a décidé d’ouvrir un branche de la sûreté à Donglu en vue de résoudre cette question qu’il juge épineuse. On dit aussi qu’avant le mois de mai, ils vont détruire l’église de fortune de Donglu (en fait, il s’agit d’un simple abri pour la messe, les fidèles s’assemblant à ciel ouvert. Les autorités gouvernementales ont clairement indiqué que les mesures dirigées cette fois-ci contre les catholiques ne prendront fin qu’en juin.

Parmi les victimes de cette présente vague de répression, il y a aussi deux prêtres et six séminaristes de la congrégation de Saint Paul du diocèse de Zhengding au Hebei. Dans le diocèse de Yixian au Hebei, le père Liu résidant dans sa famille au village de Baoquan et trois religieuses enseignant le catéchisme aux enfants dans un village du diocèse de Baoding ont été successivement arrêtés. Le 27 février 1996, 25 chrétiens du canton de Qingyuan et un nombre plus important d’enseignants des villages ont participé à une réunion cantonale visant les catholiques convoquée par les responsables de la municipalité de Baoding, le chef de canton, le directeur de la sûreté, le directeur de l’instruction publique, etc. En gros, l’esprit de cette réunion était d’interdire aux enseignants de participer à tout activité religieuse soi-disant illégale sous peine de sanction politique; ils devaient en même temps garantir que leurs élèves ne participeraient pas non plus à aucune activité religieuse (ndlr. EDA 214). Les enseignants catholiques ont été postés dans des villages où il n’y a pas de fidèles. Le 28 février, ils avaient encore réunion dans leur propre village dans le même esprit que la veille et chaque enseignant devait certifier par écrit: qu’il ne participerait pas soi-même à aucune activité religieuse et qu’il en serait de même pour les élèves dépendant de lui. Avant cela, il y eut des directives de cette sorte: les enseignants qui participent à des activités religieuses seront limogés; quant aux élèves qui participent, la première fois qu’ils seront repérés, ils seront rééduqués en même temps que leurs parents, la deuxième fois, ils auront un avertissement, la troisième fois, ils seront renvoyés.

Une équipe de travail s’est installée dans les villages catholiques. Elle y fait d’une part un travail idéologique et d’autre part elle enquête sur les activités des fidèles. A l’est de Baoding dans le canton de Anxin, on interdit ouvertement aux gens de se réunir et encore plus au prêtre de célébrer dans les villages où les catholiques sont nombreux comme à Tuoshang, Shenjiahuai, Quantou, Zhaobeikou, Shanglou, etc.

A l’heure qu’il est, il y a sous les verrous à Baoding: Mgr An Shuxin, les fidèles Guo Bianmin, An Xianliang, Yao Jinqiu, Guo Yancheng, An Zhenglu, Guo Xiaohu, Di Yanlong. Et encore les deux chrétiennes de Damagezhuang: Zhu Xiurong, Liu Xiumei. Le prêtre et les séminaristes de Zhengding ont-ils été libérés? Pas de nouvelles précises. le P. Liu de Yixian est encore en prison. L’église de Anjiazhuang est sans doute ouverte aux fidèles et le traitement de Mgr Su Zhimin pas très sévère, mais on peut noter par bien des indices que le dégel ne pourra se produire avant la fin mai.

Les faits ci-dessus montrent comment les autorités communistes en prennent à leur aise avec la liberté religieuse. D’une part elles annoncent leur désir d’améliorer leurs relations avec le Vatican, d’autre part, elles ne permettent pas d’exister aux communautés catholiques fidèles à Rome. La raison pour laquelle l’Eglise à Baoding et dans le voisinage est persécutée est celle-ci: ces chrétiens gardent fermement la foi catholique traditionnelle; ils sont fidèles au chef suprême de l’Eglise, le pape de Rome, ils ne se soumettent pas à “l’Eglise patriotique” contrôlée par les autorités communistes.

17 mars 1996