Eglises d'Asie

Pékin s’inquiète du renouveau islamique

Publié le 18/03/2010




Contrôler la population musulmane de Chine est une tâche pour laquelle Pékin est obligé de faire preuve de beaucoup de diplomatie. Le dernier recensement a compté 20 millions de musulmans dans le pays, descendants pour la plupart des commerçants arabes ou venus d’Asie centrale après le VIIè siècle (4).

L’Association islamique de Chine est l’organisation officielle qui gère toutes les grandes mosquées et la plupart de ses membres ne présentent bien entendu aucune menace pour le Parti communiste qui les a mis en place. Mais l’islam chinois connaît aujourd’hui un renouveau religieux important dans ses bases territoriales traditionnelles. Des liens de plus en plus étroits s’établissent avec d’autres pays islamiques. Par exemple, en 1979, il n’y avait que dix-neuf musulmans chinois à faire le pèlerinage de La Mecque et en 1995 ils étaient plusieurs milliers (5).

De même que le bouddhisme au Tibet et le christianisme à travers toute la Chine, l’islam est devenu une force que le pouvoir cherche à contenir. En août 1995, à Hotan dans le Xinjiang, dix-neuf musulmans ont été condamnés à des peines de prison allant jusqu’à quinze ans pour possession d’armes et appartenance à un “groupe contre révolutionnaireQuelques mois auparavant, des séparatistes musulmans avaient été exécutés pour avoir été impliqués dans un attentat à la bombe commis à Urumqi, capitale du Xinjiang, en février 1992 (6).

La région autonome hui du Ningxia, dont la capitale est Yinchuan, compte la plus importante minorité musulmane de Chine. Un tiers environ des cinq millions d’habitants de la province sont des Hui musulmans (7). Depuis la fin de la révolution culturelle, 2700 mosquées y ont été construites ou restaurées. “L’islam s’est renforcé en Chine ces cinq dernières années” affirme Ma Mingxian, membre du Parti communiste et de l’Institut islamique de la province. Les autorités contrôlent sans doute fermement les organisations musulmanes officielles, mais la province garde encore son caractère distinct. Contrairement au reste de la Chine, la viande de porc ne se trouve pas au menu des restaurants qui déploient des inscriptions arabes traditionnelles affirmant qu’ils sont “qing zhenc’est-à-dire “purs et vrais” selon la coutume musulmane. Le mouton est la viande habituelle.

Dans les zones rurales du Ningxia, la résurgence de la religion est immédiatement perceptible. Même dans les districts méridionaux les plus pauvres, chaque village possède sa mosquée et son “ahong” ou prêtre. Depuis le début de la réforme économique en 1979, les musulmans du Ningxia ont eu beaucoup de contacts avec le monde islamique hors de Chine. Dans les années 1980, des milliers de travailleurs de la province ont été embauchés au Yémen, en Egypte, Koweit ou Abu Dhabi. Ces pays n’offrent plus de contrats aujourd’hui, mais beaucoup de travailleurs y ont fait l’expérience profonde de leur identité musulmane.

Les musulmans ne représentent qu’une petite proportion de la population chinoise mais ils sont particulièrement nombreux dans le nord-ouest et se trouvent géographiquement proches des nouvelles républiques indépendante d’Asie centrale. Ceci n’est pas sans inquiéter le gouvernement chinois d’autant plus que les peuples d’Asie centrale sont majoritairement musulmans et certaines ethnies sont à cheval sur la frontière. Le Xinjiang, où habite la minorité musulmane ouïgour, le Gansu et le Qinghai comptent aussi une population islamique non négligeable.

En janvier 1996, Pékin a imposé de nouvelles restrictions aux activités religieuses en forçant tous les lieux de culte à se faire enregistrer : “Ceux qui veulent diviser le pays sous couvert de religion doivent être réprimés“, a déclaré le conseiller d’Etat Ismaïl Amat. En novembre 1995, le secrétaire du parti communiste du Xinjiang affirmait de son côté au quotidien officiel de la province: “Notre succès dans la promotion de l’unité nationale dépend du contrôle que nous exerçons sur la religion et sur notre capacité à faire cesser les activités religieuses illégales” (8).