Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION POLITIQUE ET SOCIALE du 1er mars au 1er mai 1996
Publié le 18/03/2010
Cependant, malgré tout, lentement, moins vite que le peuple khmer serait en droit de l’attendre, le Cambodge progresse : quelques kilomètres de routes sont réparés chaque mois, quelques usines commencent à être construites, le niveau de vie moyen s’améliore de quelques centimes, la sécurité, au moins pour les étrangers, est globalement assurée. Le fait de dilapider les richesses nationales intègre d’une certaine façon le pays dans la vie économique asiatique.
La responsabilité des pays donateurs de fonds pour le redressement du pays, dont la France au deuxième rang derrière le Japon, est toutefois réelle et peut autoriser un certain « devoir d’ingérenceDe ce point de vue, la réunion des pays donateurs à Tokyo en juillet 1996 devrait être un test.
Un coup d’Etat silencieux
Sur le plan de la politique interne, ces deux derniers mois se sont caractérisés par la poursuite de la lutte sans merci pour le contrôle exclusif du pouvoir par le Parti du peuple cambodgien (PPC ou Prachéachon, ex-communiste), faisant craindre en permanence des affrontements militaires avec le Funcinpec (Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif) royaliste. La monarchie elle-même semble sérieusement mise en question.
Le 4 mars, lors d’une interview dans sa résidence de Pékin, où il s’est rendu officiellement pour examens médicaux, le roi Sihanouk prédit que le PPC pourrait gagner les élections de 1998, faisant de Hun Sen l’unique premier ministre. Il lie cette victoire éventuelle à la possibilité pour son fils, Norodom Ranariddh, de lui succéder sur le trône royal. Selon le roi, le prince Sirivudh, son demi-frère, aurait pu être un meilleur chef de parti que Ranariddh à la tête du Funcinpec.
Le roi se sent étranger au Cambodge. Le manque de respect de la constitution, les rivalités politiques, l’indifférence internationale, les médisances des journalistes à son égard, la corruption, et son impuissance à changer quoi que ce soit, sont les raisons du sentiment royal. D’après lui, Sam Rainsy et Sirivudh semblent avoir le vent en poupe à l’étranger, mais « ils ne sont soutenus que par une minorité dans le pays et resteront dans l’opposition toute leur vie
Le 10 mars, le roi écrit une lettre à son fils Ranariddh, lui révélant qu’il est atteint de lésions cérébrales et pourrait rapidement quitter son poste de chef de l’Etat. Avant d’abandonner ses fonctions, il nommera sans doute Chéa Sim à la fois chef de l’Etat et régent jusqu’à sa mort. Il ne dit pas quand ces changements se produiront, mais il affirme que son avenir est très incertain, même à court ou moyen terme.
Le roi a décidé de cesser de donner des interviews, pour couper court à toutes les rumeurs sur sa succession. Il estime que la presse lui cause trop de soucis et ne retranscrit que rarement de façon correcte ses propos.
Les déclarations de Sihanouk à l’étranger sont toujours intéressantes à décrypter : il y dit tout haut, et le plus souvent sur un mode comique, ce qu’il pense et ce que pensent beaucoup à l’intérieur du Cambodge. Les nouvelles concernant sa maladie, ou l’annonce de sa mort imminente sont toujours le signe d’une crise politique sérieuse. Cette fois, c’est l’avenir du Funcinpec et même de la monarchie qui est en jeu. Selon des observateurs avertis, Sihanouk accepterait la disparition du Funcinpec en échange de la désignation de Ranariddh au trône royal. Cela n’est pas du goût de tous les membres du Funcinpec, ni même du PPC qui est sûr de son pouvoir. C’est sans doute dans cette perspective qu’il convient de lire les événements de ces deux derniers mois.
Le 21 mars lors du congrès du Funcinpec, le prince Ranariddh, président du Funcinpec et premier ministre menace de se retirer de la coalition gouvernementale si son parti n’obtient pas un partage équitable du pouvoir. Bien que vainqueur aux élections de 1993, son parti n’occupe pas encore la moitié des postes administratifs prévus. Les postes administratifs de province, du ministère de la Justice, de l’Information et de la Culture, ainsi que la Cour suprême sont toujours contrôlés par le PPC, en violation des accords de Paris. En cas de retrait de la coalition gouvernementale, des élections devraient avoir lieu dès 1996, et non en 1998 comme prévu. Hun Sen, second premier ministre, demande aux membres du PPC de garder leur calme après « certains événements regrettablesSi Ranariddh s’est comparé à un « pantinHun Sen se compare à un crabe enfoui dans le sable, qui n’est atteint que par les lourdes voix des paysans pauvres, des étudiants et des travailleurs « demandant la paix, la réconciliation nationale et le développement
En décembre 1995, Sar Kheng et You Hockry, co-ministres de l’Intérieur, avaient signé un accord prévoyant que les deux partis désigneraient les fonctionnaires des 174 srocks (arrondissements) du Cambodge. Si le chef de srock est membre du PPC, son premier adjoint doit être Funcinpec, et vice-versa. En février, un autre accord autorisait le Funcinpec a nommer 1 648 de ses membres à des postes provinciaux, municipaux ou de srock. Restait en suspens le nombre d’adjoints par srock. Le Funcinpec a demandé que le nombre en soit doublé. Le PPC, lui, demandait qu’il reste inchangé et que le Funcinpec ne nomme qu’une personne par srock.
La nomination des fonctionnaires au niveau des srocks est capitale: le Funcinpec, créé à l’étranger, notamment dans la résistance anti-vietnamienne de 1979 à 1989, a peu d’implantation populaire locale. A l’inverse, chaque petit village a son bâtiment du PPC, dûment repérable. Au niveau villageois, municipal et d’arrondissement, la totalité du pouvoir est dans les mains du PPC. On comprend donc l’enjeu des discussions.
Le 25 mars, Loy Chheang, secrétaire général du Funcinpec, rencontre Chéa Sim, président du PPC. Le lendemain, fait exceptionnel, après un entretien au palais royal, le roi Sihanouk se déplace au domicile de Chéa Sim. Le communiqué qui suit la rencontre exprime l’inquiétude royale devant cette « crise inattendue » et suggère la tenue d’une table ronde à l’initiative du palais, en cas de détérioration de la situation.
Le 26 mars, le PPC rend public un communiqué, rejetant le principe de discussions concernant le partage des postes dans les srocks, et indiquant que les accords de Paris ne demandaient que le partage du pouvoir au plus haut niveau, ce qui a été réalisé. Le PPC souligne d’ailleurs, que dans un esprit de compromis, il a déjà permis l’intégration de nombreux membres du Funcinpec au niveau ministériel et provincial. Il précise enfin qu’il avait permis au Funcinpec de nommer des responsables dans les sroks, mais que la liste des propositions du Funcinpec ne lui a pas été remise.
Depuis la mi-mars, des rumeurs de coup d’Etat, de mouvements de troupe inhabituels et la crainte de heurts entre le PPC et le Funcinpec circulent à Phnom Penh. Hun Sen et Ranariddh ont chacun renforcé leur garde personnelle. Hun Sen évoque publiquement une nouvelle tentative d’assassinat contre sa personne, et il avertit qu’il écraserait, au besoin, toutes « les forces réactionnairesIl laisse entendre que le Funcinpec aurait déplacé des officiers et des troupes de la région de Battambang vers Phnom Penh.
Ces rumeurs se sont révélées sans fondement. Il s’agit en fait du général Bun Chhay (Funcinpec) qui a menacé de revenir vers Phnom Penh avec ses troupes, si le général Ke Kim Yan (PPC), chef d’Etat major des FARC (Forces armées royales cambodgiennes) quittait Battambang pour la capitale.
Dans tout régime, l’annonce de l’assassinat permet de renforcer le pouvoir, de prendre des mesures d’exception, prélude à la paranoïa dictatoriale.
Le 5 avril, Ranariddh et Hun Sen se rencontrent à Kompong Cham, et le 9, Sar Kheng, co-ministre de l’Intérieur (PPC) rencontre Ing Kieth, vice-président de l’Assemblée nationale (Funcinpec), pour parler officiellement de leur différend sur le partage du pouvoir. Ils tombent d’accord pour sauvegarder la coalition gouvernementale, pour régler les problèmes d’une manière pacifique, et pour de nouvelles rencontres.
Le 12 avril, Hun Sen adopte une nouvelle fois, une ligne dure, réaffirmant qu’il refuse « absolument » de signer la concession d’un seul poste de srock au Funcinpec. Comme par hasard, lors d’une visite du second premier ministre à Prey Veng, « des vieilles femmes de Prey Veng » expriment le désir qu’Hun Sen occupe une position plus élevée que celle qu’il occupe actuellement. Président de la République? Le roi Sihanouk ne pense pas que le premier ministre ait de telles ambitions, mais si une majorité de Cambodgiens se prononçait contre la monarchie et pour la république, la monarchie s’effacerait.
Pour la seconde fois, le 27 avril, Hun Sen réaffirme qu’il n’hésitera pas à utiliser l’armée contre quiconque essayerait de dissoudre l’Assemblée nationale ou de violer la constitution. « Vous pouvez le leur dire à tous ceux qui sont partis en Franceprécise même Hun Sen. Dans la nuit du 27 au 28 avril, des tanks circulent à Phnom Penh. On annonce que 50 Khmers rouges sont dans les environs de la capitale, ce qui permet de déployer 150 militaires et policiers supplémentaires.
Ranariddh est parti en France « en visite privée », le 26 avril, jour où le roi y a achevé une visite officielle. Sirivudh, Chakrapong, Sam Raingsy et plusieurs autres parlementaires y sont déjà depuis quelques temps … Le dimanche 28 avril, deux manifestations de réfugiés cambodgiens regroupant environ 120 personnes, convergent vers l’ambassade du Cambodge en France pour réclamer la démocratie au pays … On ne peut s’empêcher de penser à une conspiration … Le roi lui-même a dû nier devant la presse française toute tentative de déstabilisation menée contre Hun Sen ou le PPC.
De fait, comme chaque année, Ranariddh se rend à l’université d’Aix-en-Provence pour y donner des cours de droit international pendant une semaine, ce qui lui permet de bénéficier d’un salaire attribué par les contribuables français.
Au terme de sa visite officielle en France, le roi Sihanouk retarde son retour au pays. Certains mettent ce retard en rapport avec les déclarations menaçantes de Hun Sen du 27 avril. Des rumeurs courent que Ranariddh pourrait devenir bonze en Inde après sa semaine d’enseignement. Ce serait alors la fin de sa carrière politique.
C’est dans ce même contexte de lutte sans merci pour le contrôle du pouvoir qu’il convient d’analyser les diverses déclarations concernant les élections de 1998 et un article du projet de loi sur la nationalité.
Le 6 mars, le second premier ministre Hun Sen appelle à la coopération entre les deux grands partis de la coalition, et à la formation de nouveaux partis. Il se dit prêt à accueillir la formation de plus de cent nouveaux partis. Selon lui, le prince Ranariddh aurait donné son accord de principe pour adopter un système électoral personnel plutôt que proportionnel pour 1998.
Le 19 mars, les Khmers rouges appellent à une supervision des élections de 1998 par des observateurs étrangers afin qu’elles soient justes et équitables. Khiêu Sampan, premier ministre khmer rouge a demandé qu’un comité spécial soit mis en place avec la « coopération de tous les partis politiques » pour assurer le suivi de ces élections.
La préparation des prochaines élections communales qui devraient avoir lieu en 1997 semble très en retard. Certains laissent entendre qu’il vaudrait mieux en retarder la date. D’ici ces élections, l’Assemblée nationale devrait adopter une loi électorale, une loi sur les partis politiques, une loi sur la nationalité. Le ministère de l’Intérieur devrait recenser et enregistrer les futurs votants, former les équipes pour superviser ces élections.
Certaines clauses du projet de loi électorale pour les élections communales semblent déjà controversées. Une clause interdit aux fonctionnaires qui ont été renvoyés de leur fonction de se présenter aux élections pendant cinq ans. Sont aussi interdites de candidatures les personnes qui ont été naturalisées depuis moins de dix ans et celles qui ont réclamé la citoyenneté depuis moins de cinq ans. Ce projet de loi requiert pour les maires l’élection à la majorité simple. Le candidat qui obtient le plus de votes, même si c’est 20 ou 30 % gagne automatiquement. La plupart des experts affirment qu’un système où le candidat doit obtenir 50 % des voix grâce à un second tour est plus démocratique. Le système proportionnel a aussi ses défauts puisque les candidats sont choisis par le parti, et que les gens ne connaissent pas les candidats.
Cependant, en dépit de ces affirmations, le Parti de la Nation Khmère (PNK) de Sam Raingsy demeure interdit.
Au début du mois de mars, Sam Raingsy écrit une lettre aux deux co-ministres de l’Intérieur pour prendre rendez-vous. On lui répond trois fois en trois semaines que la ministère de l’Intérieur ne peut recevoir la délégation du PNK. Sam Raingsy s’est pourtant plié aux exigences du ministère, en changeant le logo et la date de la fondation de son parti.
Le 14 mars, en dépit de sa récente expulsion du PNK, Nguon Soeur (réfugié cambodgien de Chambéry, ancien chef-adjoint de la police) tient un congrès de dissidents du PNK. Moins de mille personnes y participent, la plupart d’entre elles étant des squatters vivant près de l’Ambassade de Russie, sans carte de membre du parti. Ils ont touché cinq dollars pour venir. Interrogé à ce sujet, Nguon Soeur n’a rien à cacher: « Cet argent est juste de la charité, pas pour les engager à venir au Congrès … Ma femme est propriétaire de cinq restaurants en France et donner cet argent n’a pas posé de gros problèmes ».
De son côté, le 15 mars, Raingsy a lui aussi tenu un congrès avec 400 membres du conseil national du PNK. Aucun mot n’est prononcé sur la dissidence du PNK. Dans son discours, Sam Raingsy souligne les difficultés à mettre en place le conseil constitutionnel et exprime sa conviction que le PNK sera l’adversaire n° 1 du PPC lors de prochaines élections. Le PNK aurait 84 430 membres, soit un accroissement de 600 à 700 signatures par jour.
Même si on peut voir la main de Hun Sen derrière la dissidence de Nguon Soeur, You Hockry, co-ministre de l’Intérieur, ne semble disposé à reconnaître aucune des deux factions.
Dans une nouvelle tentative pour obtenir la reconnaissance du gouvernement, le 18 mars, lors d’un congrès extraordinaire du Parti libéral de la réconciliation (PLR) qui a pris part aux élections de 1993, le PNK fusionne avec le PLR. Les 250 membres présents élisent Sam Raingsy président, puis changent le nom du parti en « Parti de la Nation Khmèretout en gardant la date de la fondation du PLR. Ils votent ensuite la déplacement du siège du Parti au siège du PNK et le changement de logo. L’ancien président du PLR devient vice-président du PNK. Le parti se donne maintenant comme objectifs d’ouvrir des bureaux un peu partout dans le pays et de lancer une station de radio. Le ministère de l’Intérieur répond avec une logique de type marxiste que puisque le PNK n’a pas de membres à l’Assemblée nationale, il ne peut exercer d’action qu’avec l’autorisation du gouvernement.
Par la voix de son président, le PNK réaffirme sa proximité de pensée avec le Funcinpec et ses différences avec le PPC.
Durant la dernière quinzaine du mois d’avril, est révélé un article du projet de loi sur la nationalité, stipulant qu’un homme politique cambodgien ne peut avoir qu’une seule nationalité. Hun Sen ne cache pas son opinion: « Ma position personnelle et celle du PPC est qu’on ne peut être éligible qu’après avoir abandonné sa nationalité étrangère! ». Le PPC met directement en cause les candidatures des membres du Funcinpec, dont le plus grand nombre possède une double nationalité française, australienne, américaine, canadienne. Huit membres sur neuf de la commission préparant le texte de loi sur la nationalité sont favorables à l’abandon de la nationalité étrangère pour les personnalités politiques du pays.
La proposition de Hun Sen est évidemment politique, mais c’est la norme qui est en vigueur dans la plupart des pays asiatiques. Ranariddh estime que cette proposition freinera l’arrivé des Cambodgiens formés à l’étranger et donc le développement du pays. Il ne s’agit cependant que des politiciens et non des spécialistes ou ingénieurs. Les spécialistes cambodgiens venus de l’étranger travaillent pour la plupart dans des sociétés étrangères, et peuvent donc sans ennuis garder leur nationalité.
On ne peut être que d’accord avec Hun Sen sur ce point; beaucoup de politiciens cambodgiens du Funcinpec sont entrés en politique non par souci de la cause nationale, mais par intérêt personnel. Il serait temps de clarifier les intentions de chacun.
Echec de l’offensive gouvernementale de saison sèche contre les Khmers rouges
Parallèlement à cette lutte entre clans politiques, le plus souvent invisible au regard étranger, la guerre continue dans les provinces périphériques du pays, avec son cortège de morts et de blessés. Trois objectifs étaient visés: la prise de Païlin, « capitale » des Khmers rouges, la base de Khia Ngoap, bastion d’accès à la base khmère rouge du Phnom Malai, la reconquête du temple de Préah Vihéar. Après avoir progressé lentement, l’offensive s’est officiellement achevée à la fin du mois d’avril, sans avoir obtenu les succès escomptés. Les FARC (Forces armées royales cambodgiennes) tentent maintenant de ne pas perdre le terrain reconquis, comme les dernières années.
Le 23 avril, la radio khmère rouge a ironisé sur l’incapacité des FARC à prendre Païlin, en raison « de faiblesses politiques, psychologiques, économiques. Personne ne peut pallier ces incapacités, pas même le grand frère vietnamien, parce que le gouvernement est une maffia et est gravement corrompu ».
Plusieurs parlementaires et militaires cambodgiens partagent cet avis et déclarent publiquement que le clientélisme et la corruption sont responsables de ce nouvel échec. Ils estiment que Païlin était défendue par 4 000 khmers rouges. Selon les chiffres officiels, 20 000 soldats des FARC auraient été envoyés les combattre, mais en fait seulement 4 000 à 7 000 y seraient réellement allés. Les chiffres auraient été gonflés par les officiers pour recevoir des soldes. On aurait monté l’opération uniquement pour avoir des aides étrangères. Le gouvernement dément. Plusieurs observateurs dépeignent l’armée comme un assemblage d’armées privées dont les chefs auraient fait allégeance aux partis et aux personnalités politiques. La coopération entre ces armées privées aurait été réduite au minimum lors de cette campagne de saison sèche.
Sur le plan humain, ces attaques ont fait plusieurs milliers de blessés et de tués, pour lesquels on demande de l’aide médicale internationale, des aides pour les handicapés! …
Le 29 avril, le général In Sidarei, ancien commandant de la région militaire de Battambang, qui dirigeait l’offensive de Païlin, ainsi que 6 autres officiers ont été tués à bord de leur véhicule blindé près de Païlin.
Les Khmers rouges continuent d’effectuer des raids sur la nationale 5 (Phnom Penh-Battambang), mais leur activité a été relativement réduite. Le marché frontalier de Poipet est régulièrement bombardé.
Presque quotidiennement, des ponts sautent sur la nationale 5. Les Khmers rouges sont rendus responsables des sabotages, ce qui serait logique militairement. Il semble que souvent, ce ne soit que l’action des militaires rivaux qui ponctionnent des taxes sur les véhicules. Des convois de camions apportent diverses denrées de Thaïlande (On peut tout imaginer: l’an dernier Nguon Soeur parlait de 600 kg d’héroïne par semaine). Ces convois sont « patronnés » par des généraux (généralement, c’est la femme du général qui accompagne le convoi). On s’entend à l’amiable, ou alors le pont saute … La France et l’Australie paient la réfection des ponts.
Parfois, les règlements sont plus dramatiques, comme celui du 5 avril à Phum Prieng, où les huit soldats se rendant à Phnom Penh à bord d’un taxi pour escorter un convoi ont été kidnappés par un groupe de soldats surveillant les ponts, à 7 heures du matin, puis froidement exécutés l’un après l’autre … Mais les exécuteurs s’étaient trompés de taxi … Huit morts totalement gratuites!
Des Khmers rouges continuent de déserter, laissant penser qu’ils doivent faire face, eux aussi, à des difficultés réelles:
8 soldats khmers rouges et leurs familles soit plus de 70 personnes ont déserté dans la province de Battambang. Ils appartenaient à la division 948 basée près de Tonlé Sap et commandée par Chum Choeun.
Le 23 février, le général Heng Pong, avec 357 de ses soldats et leurs familles, soit 1 313 personnes ont rejoint les FARC dans la province de Kompong Speu. C’est la désertion la plus importante enregistrée depuis les élections de 1993. Heng Pong était membre du comité central khmer rouge durant un certain temps. Il estime les effectifs khmers rouges à moins de 10 000 hommes, au sein desquels certains ne sont pas combattants. Il affirme que les cadres auraient critiqué Son Sen, et que Ieng Sary aurait été démissionné.
On signale un autre groupe de 18 soldats appartenant à la division 277, au sud de la province de Koh Kong, apportant avec eux 8 AK-47, un lance-roquettes B-40, un K-44 et deux pistolets.
Le roi Sihanouk, en visite à Paris, le 22 avril, a fustigé Pol Pot, le comparant à Ivan le terrible et à Staline, l’accusant de créer « une société composée d’esclaves à sa dispositionSans souhaiter sa mort, car « il est bouddhistele roi a indiqué que ce serait mieux pour tout le monde que Pol Pot meure de maladie par exemple, car « ce serait la mort des Khmers rouges
Le 23 avril, la Chine annonce qu’elle accorde une aide d’un million de dollars aux FARC et du matériel radio. Elle participera à la construction d’une caserne et désire collaborer à la formation militaire. L’année dernière, la Chine avait fourni des uniformes, des médicaments et du matériel de déminage. On est loin du soutien de la Chine aux Khmers rouges!
Economie
Récolte de riz
Le programme alimentaire mondial (PAM) et la FAO (Food and Agricultural Organisation) ont publié un rapport estimant les récoltes et les réserves de riz de l’année 1995 : certaines régions auraient produit un surplus, mais la pénurie aurait sévi dans d’autres. La dernière récolte 1995-96 aurait donné 3 318 millions de tonnes, soit une augmentation de 40 % par rapport à 1994-95, et de 30 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Le surplus global est estimé à 139 000 tonnes. Ces organisations conseillent de garder 60 000 tommes en réserve pour les populations à risques. Le gouvernement annonce pour sa part qu’il va exporter 120 000 tonnes vers Singapour, l’Afrique et l’Europe. 19 000 tonnes seront gardées pour les populations les plus pauvres.
Les aides
Le PNUD (Programme des nations unies pour le développement) va affecter 20,5 millions de dollars à la seconde phase du programme Carere (Cambodian Area Rehabilitation and Regeneration Project), destiné au développement rural.
La Grande-Bretagne a accordé un don de plus de 500 000 dollars pour les opérations du World Food Program au Cambodge.
ADETEF, ONG française va dépenser plus de 40 000 dollars pour la formation du personnel du ministère des Finances.
L’usine gouvernementale de jute de Battambang a été reprise par une société anglo-cambodgienne qui va investir 4,5 millions de dollars, et qui compte produire 2 000 tonnes de jute pour sa première année.
Le ministère de l’Industrie vient d’autoriser la Japan National Oil Cooperation à faire la prospection des ressources en pétrole et gaz du Tonlé Sap et du bassin du Mékong. Cette étude va coûter 3 millions de dollars et commencera l’été prochain. Certains s’inquiètent des conséquences écologiques de cette prospection.
Le Conseil des ministres a accepté la vente de la CKC (Compagnie de Kampuchéa des carburants) à Sokimex pour dix millions de dollars. Les 450 salariés de CKC vont être repris par Sokimex. Les liquidités produites par cette vente vont servir à aider d’autres compagnies d’Etat.
Un contrat pour un montant de plus de 10 millions de dollars en vue de moderniser l’alimentation de Phnom Penh en eau et en électricité a été signé entre Kéat Chhon, ministre cambodgien des Finances et Hubert Dognin, directeur de la Caisse française de développement.
La société américaine Beacon Hill Associates a signé un contrat de 70 millions de dollars avec le gouvernement pour construire une nouvelle station électrique de 60 mégawatts pour Phnom Penh. Cette station qui sera située dans la partie nord de la ville, commencera à fournir du courant en 1998.
Le groupe CP, grosse société thaïlandaise, a reçu l’agrément pour la création d’une entreprise agro-alimentaire, spécialisée dans l’élevage et la préparation de poulets, ainsi que pour l’ouverture d’un fast-food. Au total, l’investissement est de 15 millions de dollars pour une surface de 100 000 m . 7 500 tonnes de poulets rôtis devraient être mises sur le marché annuellement.
Une entreprise française s’apprête à investir dans la culture des fraises sur une surface de 500 hectares, dans la province de Mondolkiri.
Un contrat signé en janvier 1995 entre la compagnie Ariston et le gouvernement prévoyait que le gouvernement voterait une loi sur les casinos accordant à Ariston une autorisation d’exercer pendant 70 ans, dont l’exclusivité sur les casinos durant les 20 premières années. En échange, Ariston s’engageait à procéder à une série de versements devant atteindre au total 103 millions de dollars en 1998. Un premier versement de 3 millions a eu lieu à la signature du contrat, un second de deux millions devait intervenir le 5 décembre dernier, mais n’a pas été versé. Ariston dit attendre que le gouvernement remplisse son engagement en ce qui concerne la loi sur les casinos. Pour faire passer cette loi, le Funcinpec a besoin des votes du PPC car une majorité des 2/3 est requise. Or le PPC n’a aucun intérêt à voter une telle loi qui interdirait les autres casinos, dont au moins un, le Hollday International fonctionne avec une licence accordée avant les élections. Tous les casinos versent des pots de vin et d’immenses intérêts sont en jeu. Une solution serait l’annulation du contrat de janvier 1995, mais ce n’est pas dans l’intérêt de Ranariddh ni de Hun Sen que l’on dit proche des milieux d’affaires malaisiens.
La plus haute juridiction du Cambodge a décidé d’acquitter la société d’import-export Kim Hap à qui avaient été infligées de lourdes amendes pour contrebande. En 1995, une équipe de militaires et douaniers avait arrêté de nuit un des bateaux de cette société, chargé de voitures, de cigarettes et de générateurs, alors qu’il était en train de transférer sa cargaison dans des bateaux plus petits. En quittant Singapour, le bâtiment n’avait d’ailleurs pas enregistré le Cambodge comme pays de destination. Le ministère des Finances se dit complètement désarçonné par cette décision.
Sam Raingsy a dénoncé les revenus dérisoirement bas produits par la vente du bois: « Sur la base d’un prix moyen de 100 dollars le mètre cube de bois vendu à la frontière thaïlandaise, le secteur forestier devrait avoir rapporté à l’Etat plus de 300 millions par an depuis 1994. Or si l’on consulte les documents officiels publiés par le ministère de l’Economie et des Finances, l’Etat a perçu comme revenus de la vente du bois: 35 millions en 1994, 21 millions en 1995. Il est prévu qu’il en perçoive 9 millions pour 1996
Les deux co-premiers ministres ont signé début février trois contrats classés « confidentiels » passés avec 17 entreprises thaïlandaises concernant plus d’un million de mètres cubes de bois. Ils auraient affirmé au premier ministre thaïlandais Banharm que ce bois avait été abattu avant l’interdiction de couper et d’exporter du bois décidée à partir d’avril 1995. Selon l’ONG anglaise Global Witness, la plupart des entreprises figurant sur la liste du « million de mètres cubes » du gouvernement continueraient à couper du bois. Un million de mètres cubes de bois équivaut à environ 200 000 arbres, ce qui donne un revenu de 350 à 600 millions de dollars sur le marché mondial. Où va tout cet argent? Global Witness a précisé quelques jours plus tard que ce sont en fait plus de 40 entreprises qui travaillent à la frontière thaïlandaise. Les flux s’intensifient en certains points, comme dans le petit port de Kalapandha où le tonnage de bois qui transite là a doublé entre novembre et avril pour passer à 15 000 tonnes par semaine.
Selon Tao Seng Huor, ministre de l’Agriculture, cet accord n’est qu’un accord de principe. Il reconnaît qu’il n’y avait pas un million de mètres cubes de bois coupé avant l’interdiction d’avril 1995. Il affirme que le gouvernement contrôle efficacement la commerce du bois.
Cependant, les pays donateurs qui se réuniront à Tokyo en juillet, commencent à perdre patience. Un rapport critique de la Banque mondiale et du FMI (Fond monétaire international) sur la politique des concessions a été remis au gouvernement. Ce rapport mentionne que « la politique actuelle risque d’augmenter et d’accélérer la déforestation, et rappelle les erreurs répétées aussi dans d’autres pays riches en forêtsLe rapport condamne également sans les nommer les sociétés étrangères qui exportent du bois cambodgiens à des prix cinq fois inférieurs au cours mondial. Il conseille au gouvernement de réduire les autorisations de coupe à 10 mètres cubes par hectare au lieu des 50 actuels. Certains organismes comme le BIT (Bureau international du travail) se disent fort mécontents de ce que les routes réparées par l’aide internationale soient utilisées pour détruire la forêt du Cambodge.
Droits de l’homme
Le secrétaire général de l’ONU, Boutros Ghali, annonce la nomination du Suédois Thomas Hammarberg comme représentant spécial pour les droits de l’homme au Cambodge, en remplacement de l’Australien Michael Kirby. Hammarberg est actuellement ambassadeur et conseiller du gouvernement suédois pour les questions humanitaires, et a été auparavant secrétaire d’Amnesty International. Avant de quitter son poste, Michael Kirby s’est dit profondément déçu par la façon dont il a été traité par les deux co-premiers ministres. Dans son dernier rapport, s’il mentionne des violations aux droits de l’homme, spécialement l’interdiction des partis politiques, l’inexistence d’un système judiciaire indépendant, il note aussi dix points sur lesquels des progrès ont été accomplis: l’augmentation des budgets de l’éducation et de la santé, l’adoption de la loi sur la propriété culturelle, l’accession d’une femme à un poste ministériel, la plus grande liberté de presse par rapport à d’autres pays, les projets de lois pour la protection de l’environnement, les assurances sur les droits des minorités ethniques, la promesse d’ouvrir les médias à tous les citoyens au cours de la prochaine campagne électorale, le rôle actif du roi dans la promotion des droits de l’homme.
Kent Wiedemann, vice-secrétaire d’Etat des Etats-Unis pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, a déclaré devant les journalistes réunis à l’Institut de recherches de Washington « qu’au Cambodge, il y avait des hauts et des bas, et que s’il déviait complètement en dehors de la bonne route, ou s’il y avait plusieurs atteintes portées aux principes du pluralisme et de liberté d’expression, les Etats-Unis fermeraient le robinet des aidesLes Etats-Unis donnent actuellement aux environs de trente millions de dollars par an au Cambodge par le biais des ONG. Ils ont donné plus d’un milliard au cours de la dernière décennie. Kennet Quinn, ambassadeur des Etats-Unis au Cambodge, a exprimé, dès le 22 avril, son soutien au Cambodge pour l’obtention de la clause de la nation la plus favorisée. Il a encouragé les Cambodgiens-américains à promouvoir cette clause auprès des politiciens aux Etats-Unis. Il a aussi affirmé qu’il croyait que la promotion des droits de l’homme était liée aux progrès économiques. Suite à la déclaration de Kent Wiedemann, l’ambassadeur a tenu à réaffirmer que l’aide des Etats-Unis n’était pas conditionnée et que son pays soutient le Cambodge dans ses progrès vers la protection des droits de l’homme, la démocratie, l’économie de marché et la liberté d’expression.
« Les droits de l’homme ont fait partie intégralement du bouddhisme depuis son origine, il y a plus de 2 500 ans. Ce n’est pas un monopole des Nations Unies » dit le roi Sihanouk à l’assemblée annuelle des bonzes. Il y a actuellement 3 383 pagodes et 40 916 bonzes au Cambodge. Mgr Ramousse, évêque de Phnom Penh, était invité à participer à cette assemblée annuelle. Il y a prononcé une allocution sur la sagesse et la miséricorde.
Le roi Norodom Sihanouk s’est déclaré favorable à une amnistie pour trois journalistes de la presse d’opposition condamnés pour avoir écrit des articles critiques envers le gouvernement. Il ne donnera cependant son amnistie que s’il reçoit le feu vert des premiers ministres. Ranariddh a donné son accord dès le lendemain. Pour sa part, Hun Sen a promis de ne plus poursuivre la presse qui l’insulterait ou le diffamerait, car il a remarqué que dans certains cas, les insultes qu’il peut recevoir de la part de la presse d’opposition intensifient le soutien que lui accorde la population. L’Association des journalistes khmers a procédé, le 16 mars, à une nouvelle élection de son président. Les résultats ont donné Pin Samkhon, le président sortant, et Ly Hok, à égalité. Il a donc été décidé qu’il y aurait deux co-présidents, ce qui semble le meilleur moyen de stabiliser l’association.
Drogue
En dépit d’accusations « sévères » concernant le trafic de drogue au Cambodge, le président Clinton a décidé de ne pas imposer de sanctions au pays. Il a cité la prise de 71 Kg d’héroïne en août dernier comme une des plus grosses prises réussies en Asie du Sud-Est l’année passée. Hun Sen, de son côté, dénonce la présence du Cambodge sur la liste des narco-Etats et a envoyé une lettre au président américain. La marijuana est produite en abondance au Cambodge, où elle est vendue à trois dollars le kilo, alors qu’elle coûte 30 dollars le gramme au Japon, 20 en Australie et en Amérique, 6 en Europe. Les autorités cambodgiennes détruisent régulièrement des stocks et déracinent des cultures: 900 kilos ont été brûlés en mars, 1,8 tonne le 30 avril à Muk Kampul. Plus de 100 personnes sont sous les verrous, dont des étrangers (Ghanéens, ressortissants de Sierra Leone, Chinois, Thaïlandais, Vietnamiens, Américains). La France et les Etats-Unis ont accordé une aide de 30 000 dollars pour financer des équipes de lutte anti-drogue.
Justice
La lutte politique entre les deux partis au pouvoir bloque la composition du Conseil suprême de la
magistrature, arrête tous les efforts de révision du système judiciaire et diffère la création du Conseil constitutionnel. Tous les membres de ce conseil, à l’exception du roi, sont membres du PPC et ont été pris dans les rangs des 140 juges du pays. En janvier, Ranariddh a proposé la nomination de 3 membres du Funcinpec. Les 9 membres de ce Conseil suprême de la magistrature sont chargés de revoir toutes les lois et les statuts concernant la justice, de nommer les juges et les procureurs et de recevoir les plaintes concernant des membres du système judiciaire. Le ministère de la Justice a soumis au roi une liste de 42 juges, lui demandant d’approuver leurs nominations dans diverses cours de province. La plupart des observateurs relèvent cette demande comme inconstitutionnelle, car selon l’article 11 de la loi sur le Conseil suprême de la magistrature, c’est ce conseil qui doit décider puis faire ces recommandations au roi sur les nominations des juges et des procureurs.
Divers
Chris Howes, démineur anglais, ainsi que les 26 membres de son équipe de déminage ont été enlevés le 26 mars par un groupe armé dans la province de Siem Reap. Cinq heures plus tard, la plupart des membres de l’équipe étaient relâchés, à l’exception de Chris Howes et de son traducteur Houn Hoerth. Les autorités de Siem Reap ont envoyé des équipes de villageois pour essayer d’établir un contact avec le groupe de kidnappeurs. Ce groupe avait parlé de rançon. Il s’agirait d’anciens soldats khmers rouges qui auraient déserté et que l’armée gouvernementale avait affectés dans ses rangs à Poipet, avant qu’ils désertent à nouveau. Au début mai, on ignore encore tout du sort des deux personnes kidnappées. Un groupe d’environ trente bandits a lancé une attaque sur des civils en train de célébrer le nouvel an khmer à Tuk Chhou dans la province de Kampot, les dévalisant et brûlant plusieurs voitures. La police a accusé les Khmers rouges, mais, quelques jours après, elle arrêtait deux de ses propres membres, impliqués dans l’affaire.
En mars, la mort d’un détenu de 19 ans à la prison de Siem Reap attire l’attention sur l’état déplorable des prisons cambodgiennes. Durant le seul mois de décembre 1995 et de janvier 1996, on ne dénote pas moins de six décès en prison. Selon les Nations Unies, la malaria, la typhoïde, la tuberculose, le béribéri, les infections par parasites sévissent dans les prisons du pays.
Le ministère de l’Education va lancer un programme pour former 45 000 enseignants du primaire, dont plus d’un tiers seront des femmes.