Eglises d'Asie – Birmanie
Depuis trois mois, l’armée birmane a déplacé de force 70 000 personnes des minorités shan et karenni
Publié le 18/03/2010
450 villages de l’Etat shan ont ainsi été vidés de leurs habitants. Selon un communiqué du 8 juillet 1996, provenant de Human Rights Watch, organisation de défense des droits de l’homme basée aux Etats-Unis, cette opération de l’armée birmane n’est pas encore terminée et continue d’affecter un territoire situé entre les villes de Nam San, Mong Nai et Kurn Heang (Kun Hing). Nam San est à 140km environ de Taunggyi. Les villageois ont reçu un ordre écrit des commandants militaires locaux leur donnant quelques jours pour rassembler leurs affaires et aller s’installer au bord de routes et de villes contrôlées par l’armée birmane. Ils ont été ensuite forcés de travailler sans salaire à la réfection des routes et à la construction d’infrastructures. Certains ont été employés sur l’aéroport militaire de Nam San et d’autres sur un chemin de fer reliant Taunggyi et Hsi Seng. Selon les sources de Human Rights Watch, les réfugiés n’ont reçu aucune aide matérielle de la part des militaires et dépendent entièrement des communautés locales qui les accueillent. La plupart des villageois déplacés n’ont pas pu emporter avec eux leurs réserves de riz qui ont été confisquées par les militaires ; quelques villages ont été brûlés pour empêcher le retour des réfugiés.
Dans l’Etat karenni, 96 villages situés au nord-est de la capitale Loikaw, entre les rivières Salween et Pun, ont reçu l’ordre de quitter les lieux entre le 31 mai et le 15 juin 1996. L’ordre écrit enjoignait aux villageois d’aller s’installer dans la ville de Sha Daw avant le 7 juin. Cette ville possède une garnison militaire très importante. Les populations d’une quinzaine de villages ont reçu l’ordre de s’installer à Ywathit, une ville située plus au sud. L’ordre écrit affirme que toute personne n’ayant pas quitté les lieux à la date prévue « sera considérée comme ennemie et traitée comme telleSelon des réfugiés, deux hommes auraient été arrêtés par les militaires dans le village de Daw Moo Mar et un jeune garçon tué dans celui de Daw Leh Du après que les villageois eurent reçu l’ordre de vider les lieux. Les familles n’ont pas reçu la permission d’emporter avec eux leur bétail et leurs réserves de riz. Au début du mois de juillet, un certain nombre de signes laissaient à penser que 5 000 personnes déplacées supplémentaires étaient attendues à Ywathit. La moitié environ des 20 000 personnes déplacées dans l’Etat karenni se trouvent à Sha Daw où l’armée n’a pratiquement rien prévu pour les nourrir et les loger. Les misérables conditions de vie des réfugiés ont déjà causé la mort de dix enfants. 2 300 personnes environ se sont enfuies vers les camps de réfugiés de Thaïlande où on leur a permis de s’installer à Mae Hong Son. Selon les responsables du camp, de nouveaux réfugiés arrivent tous les jours. Ils rapportent que leurs villages ont été brûlés et que les soldats ont confisqué leur bétail et détruit les récoltes. Dans le village de Ka Ya Kee, toutes les bibles trouvées dans l’église catholique locale auraient été brûlées.
Le déplacement des populations est une stratégie utilisée par l’armée birmane depuis des décennies, mais l’ampleur du mouvement actuel semble sans précédent (1). Les déplacements de population sont généralement motivés par la nécessité de couper les vivres aux rebelles des minorités ethniques. Cette opération de l’armée birmane pourrait indiquer que les armées rebelles des minorités shan et karenni ont repris leurs activités dans ces régions. Dans l’Etat shan, deux mille combattants rebelles environ ont refusé de suivre Khun Sa qui s’est rendu au gouvernement birman en janvier 1996. Ils auraient rejoint d’autres groupes nationalistes shan dans le centre et le sud de l’Etat, qui sont les régions affectées par les récents déplacements de population.
Dans l’Etat karenni, et plus particulièrement dans la région de Sha Daw, aucun groupe rebelle ne semble s’être manifesté depuis le début de l’année 1996 et la grande offensive gouvernementale contre le Parti national karenni de progrès, la seule organisation karenni qui soit encore en lutte avec le gouvernement central. Cependant, le 6 juin 1996, les rebelles karenni ont attaqué l’usine hydroélectrique de Lawpita près de Loikaw.
Les organisations non gouvernementales internationales et le haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies n’ont pas accès aux territoires affectés par les déplacements de population. Les quelques organisations non gouvernementales autorisées par le gouvernement, comme l’Unicef, ne peuvent travailler que dans l’Etat d’Arakan pour ré-installer les 200 000 musulmans rapatriés du Bangladesh au cours de ces dernières années (2).