Eglises d'Asie – Cambodge
Des conditions de vie misérables font prospérer la prostitution et aucune amélioration ne semble en vue à moyen terme
Publié le 18/03/2010
Les maisons qui jouxtent celles de Sarikar Kéo sont pleines de jeunes filles qui, comme des milliers d’autres à Phnom Penh, vendent leurs charmes. L’une d’entre elles s’est confiée spontanément à Sarikar Kéo : « Je m’appelle Sokha. J’ai dix-huit ans. Je n’ai jamais connu mes parents. Orpheline, j’ai été placée dans un orphelinat d’Etat. Un couple sans enfant est venu demander un enfant. On m’a donnée à ce couple. Ensuite ce couple a eu trois enfants. On me faisait faire tous les travaux de la famille, soigner les enfants, puiser de l’eau, etc. Un jour, ma mère adoptive m’a frappée avec la pierre qui sert à concasser le riz. J’ai eu l’épaule toute meurtrie. Quand je suis devenue jeune fille, mon père adoptif m’a emmenée à la rizière et m’a violée. Il a menacé de me frapper si je disais quelque chose. Puis, après un certain temps, ils m’ont vendue, pour une somme que j’ignore, à une maquerelle dont le mari est douanier. J’ai voulu travailler pour rembourser l’argent de l’achat, mais la maquerelle n’a pas voulu me dire combien elle m’avait achetée. Désormais, je fais ce travail. Je ne peux aller nulle part. Au début, pendant un an, lorsque je sortais de la maison, la maquerelle me faisait suivre par un homme armé, au cas où je m’enfuirais. Quand j’ai besoin d’argent, elle m’en prête : si j’emprunte 1 000 riels, je dois en rendre 2 000 le mois suivant. Si je n’ai pas rapporté assez d’argent, le soir, la maquerelle et son mari me prennent par les pieds et les jambes, et me frappent par terre. Une fille jolie arrive à avoir plus de dix clients par jour. Plusieurs d’entre nous ont leur mère qui vient chaque semaine réclamer l’argent, car maintenant, la maquerelle nous laisse la moitié des gains. Combien de fois ai-je voulu m’échapper, mais pour aller où ? Je n’ai pas de famille, pas de maison, pas de frères ni de soeurs pour m’aider !… La maison de la maquerelle est devenue un peu la mienne. Si vous ouvrez une maison pour recevoir des filles comme moi, attention car nos protecteurs sont des militaires, ils sont tous armés. Je voudrais bien m’en sortir. Mais comment faire ? Personne ne m’aimera. Si quelqu’un me prenait sous sa protection, je partirais bien avec lui ».
Dans le village de Ta Sok (ce n’est pas le vrai nom du village), Sarikar Kéo a recueilli un autre témoignage : « A notre retour des camps de Thaïlande, l’UNHCR nous a distribué des terrains pour habiter mais c’étaient ceux de la pâture des gens de Ta Sok, qui nous ont donc cherché des histoires. L’UNHCR nous a donné des terrains de rizières, à 5 Km, mais l’armée nous interdit de nous y rendre, car il y a les Khmers rouges. Une ONG est venue pour nous aider: elle a construit des grands bâtiments en bois, une infirmerie où il n’y a jamais eu ni médicaments ni médecins. Comme la sécurité n’était pas assurée, l’ONG a tout abandonné et est partie. Nous en sommes réduits à ramasser des théland (sorte de gros criquets) que nous vendons au marché. Chaque jour nous pouvons ainsi gagner entre 1 000 et 2 000 riels (2 à 4 FF) ».
Dans de nombreux villages de campagne, la population ne vit que grâce à l’opération « Food for Work » (« Nourriture contre travail »), qui permet à beaucoup de survivre. Dans le même temps, on apprend par la presse, que la femme d’un haut personnage a perdu 300 000 dollars (1 500 000 FF) en une nuit au casino! Que les participants à la rencontre de Tokyo (3) votent ou non des crédits, si l’on ne fixe pas des conditions strictes pour l’utilisation des fonds accordés, on voit mal comment les aides financières pourraient améliorer la situation des secteurs les plus défavorisés de la société cambodgienne.