Eglises d'Asie – Cambodge
LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE (Du 1er mai au 1er juillet 1996)
Publié le 18/03/2010
Les 11 et 12 juillet 1996 se tient à Tokyo la réunion du groupe consultatif des pays et des organismes donateurs d’aides pour la reconstruction du Cambodge. Ce « groupe consultatif » remplace la Conférence internationale pour la reconstruction du Cambodge (CIRC), dont la dernière réunion avait eu lieu en mars 1994. Les porte-parole officiels ou officieux des gouvernements étrangers ou des Organisations non gouvernementales ont essayé durant les deux derniers mois, de faire pression sur le gouvernement cambodgien en brandissant la menace de lier l’octroi d’aide aux progrès de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de l’écologie. L’aide internationale représente 40% du budget national cambodgien. On comprend donc l’enjeu politique et financier de la rencontre !
Au début du mois de juin, le parlement européen a voté une résolution demandant à ce que l’aide européenne soit liée au respect des droits de l’homme et aux progrès de la démocratie. Sam Rainsy applaudit à cette décision, affirmant que « c’est en imposant des conditions que la communauté internationale peut aider le Cambodge à échapper à la misère et aux tragédies futures ». Si le sénat américain tarde à accorder la clause de la « nation la plus favorisée », c’est que les sénateurs refusent de donner un blanc-seing au gouvernement cambodgien.
Cependant, dans le même temps, les ambassades des mêmes pays expriment leur refus de conditionner l’aide: l’ambassadeur des Etats-Unis au Cambodge affirme que « le développement économique facilitera le développement politique ». Cette position est celle également de l’ambassade de Malaisie. Le 24 juin, Michel Caillouet, dirigeant une délégation de 13 ambassadeurs européens au Cambodge, refuse toute condition à l’octroi d’aide: les donateurs doivent « accepter…les décisions démocratiques prises par le gouvernement cambodgienCette déclaration surprend lorsque l’on connaît précisément ce mode de prise de « décisions démocratiques ».
Le FMI (Fonds monétaire international) a gelé le versement de la seconde tranche d’un prêt de 20 millions de dollars, arguant que le produit de la vente des forêts d’Etat et d’autres biens nationaux ne rentrait pas dans les coffres de l’Etat. Il est vraisemblable que, par souci politique, la communauté internationale accorde les aides demandées. Passé le cap du 12 juillet, il est fort possible que la politique intérieure du Cambodge se radicalise, en prévision des élections municipales de 1997 et des législatives de 1998.
* Ce « Groupe consultatif » devrait consister en « discussions techniques sur des projets d’aide concrets », plutôt qu’en une « réunion de type politique », comme l’était la CIRC. Mais la plupart des observateurs estiment que la rencontre comportera un volet politique important.
* Le gouvernement cambodgien présente ses demandes d’aides prioritaires, chiffrées à 1 milliard 700 millions de dollars (8 milliards de francs) sur 5 ans, soit environ 560 à 570 millions de dollars par an. Ces demandes concernent la réforme de l’administration, l’amélioration des infrastructures et le développement social. Des sessions spéciales en petits groupes sont prévues pour réfléchir aux moyens de réduire le nombre de fonctionnaires, de démobiliser des soldats, de déminer le pays et de promouvoir le développement social.
* L’ONG anglaise Global Witness prépare un document qu’il distribuera aux participants de la rencontre de Tokyo. L’ONG insiste sur la nécessité de lier les aides financières à des « conditions positives ». Global Witness réaffirme qu’au rythme de la déforestation au Cambodge, il n’y aura plus de forêts d’ici 10 ans.
* Le Japon est le premier bailleur de fonds. Ensuite vient la France qui accorde une aide annuelle d’environ 50 millions de dollars (250 millions de FF), et les Etats-Unis 30 millions de dollars.
La lutte pour le pouvoir
Durant la dernière semaine d’avril, les deux partis au pouvoir étaient au bord de l’affrontement militaire. Suite à la menace de Norodom Ranariddh, premier Premier ministre, de retirer les membres du FUNCINPEC de la coalition gouvernementale, Hun Sen, second Premier ministre avait publiquement envisagé d’utiliser la force contre les « ennemis de la constitutionLa situation n’a cessé de se détériorer durant le mois de mai. La réconciliation entre les deux partis n’est que de façade, sans doute pour ne pas compromettre les résultats de la rencontre de Tokyo.
Le roi Norodom Sihanouk et le prince Ranariddh, tous deux à Paris, publient un communiqué officiel niant toute conspiration de la famille royale et du FUNCINPEC contre Hun Sen ou contre son parti (PPC). Le roi ajoute qu’il n’a aucun désir de revenir dans l’arène politique, et que Ranariddh n’a pas l’intention de se retirer du gouvernement ni de l’Assemblée nationale. Ce communiqué royal désamorce provisoirement la situation.
Le premier Premier ministre Ranariddh rentre au Cambodge le 13 mai, (après avoir donné des cours à la faculté de droit d’Aix-en-Provence). Dès son retour, il affirme vouloir rencontrer le PPC, au « plus haut niveau possibleafin de désamorcer les tensions à l’intérieur de la coalition gouvernementale.
Deux jours avant le retour du prince, le second Premier ministre Hun Sen avait affirmé que la coalition tiendrait jusqu’aux élections. « Le PPC et le FUNCINPEC coopèrent avec ou sans Samdech Krom Préah (ndlr: Ranariddh). Si 5 ministres FUNCINPEC quittent le gouvernement, les 15 autres ne le feront pas; si 3 députés FUNCINPEC quittent l’Assemblée nationale, les 50 autres ne la quitteront pas ». Il annonce même qu’une liste de noms est déjà prête pour former un nouveau gouvernement de coalition. Il exprime ses inquiétudes sur la collusion entre les Khmers rouges et le FUNCINPEC, déjà réelle, selon lui dans la province de Siem Réap. Le PPC semble redouter une coalition comprenant Sam Rainsy, Ranariddh, le roi, les Khmers rouges, la Thaïlande et la Chine.
* Sam Rainsy reconnaît que des liens existent à Siem Réap entre les Khmers rouges et le FUNCINPEC. « Les déserteurs khmers rouges de cette région sont méfiants à l’égard du PPC, alors qu’ils connaissent les membres du FUNCINPEC. Certains se sont battus côte à côte pendant plusieurs années
* Sam Rainsy accuse le second Premier ministre de vouloir chasser Ranariddh de la présidence du FUNCINPEC, et de favoriser l’émergence de dissidents pour diviser le parti, comme il l’a fait pour le Parti démocratique libéral bouddhique (BDLB) de Son Sann et son propre parti, celui de la Nation khmère (PNK). Selon Rainsy, le PPC aurait pris contact avec Chakrapong pour lui proposer un retour au Cambodge.
* Ranariddh semble donc contraint de se soumettre au diktat du second Premier ministre. Il voudrait achever la réforme interne du FUNCINPEC commencée par Sirivuddh, mais Ranariddh a évincé ce dernier, voyant en lui un rival.
Le 13 mai, Abdullah Badawi, ministre malaisien des Affaires étrangères, officieusement mandaté par les pays de l’ASEAN, à la suite d’une réunion du secrétariat permanent de l’organisation à Jakarta, se rend à Phnom Penh pour exprimer la volonté de l’Asean de voir le gouvernement rester uni. Le secrétariat de l’Asean a en effet qualifié la situation au Cambodge de « grave ».
Sihanouk devait rester en France quelques jours, puis rentrer au Cambodge le 1er mai. Devant la tension dans son pays, il a demandé à se rendre en Chine. Mais les autorités chinoises et nord-coréennes lui ont temporairement refusé un visa d’entrée, pour obliger le monarque à rentrer au pays. Il annule, « pour raison de santéune rencontre avec le chef de la junte birmane prévue en juin, et une visite officielle à Singapour prévue pour le 10 juin.
Dans un communiqué de trois pages lu lors de l’assemblée du Réarmement moral en Suisse, le roi Sihanouk demande « à la communauté internationale d’orienter son aide vers ceux qui oeuvrent réellement pour les intérêts du Cambodge, en passe de devenir le malade de l’Asie…Le Cambodge risque de retrouver ses vieux démons et de sombrer dans le chaos et l’incohérence… Notre population survit dans un état infra-humain, continuellement exposée à la rapacité de petits tyrans locaux… Certains clans sont plus préoccupés de garder les habitudes du passé plutôt que d’engager un authentique débat démocratique. Ils cherchent le pouvoir absolu par l’instauration de la terreur… Le développement est, malheureusement, trop souvent conçu en termes de profit immédiat… et notre pays risque à nouveau de sombrer dans une aventure de type colonialiste qui le placerait sous le contrôle exclusif des intérêts étrangers
* Dans une interview au Monde du 23 avril, le roi avait déclaré que son téléphone était mis sur table d’écoute et que son palais était truffé d’espions. Sans donner des noms sur les responsables de cette suveillance, Sihanouk a laissé entendre qu’il s’agissait de « certains hommes au pouvoir
Le roi ne prononce pas ces paroles à la légère : le climat d’intimidation et de violence politique est réel, et atteint le niveau régnant lors de la préparation des élections de 1993. 44 membres du FUNCINPEC avaient été victimes de commandos du PPC.
* Le 15 mai, un bureau du FUNCINPEC d’Andong Méas, province de Rattanakiri, est mis à sac par un groupe de 180 personnes. L’emblème du parti est piétiné et du matériel est volé.
* Le 17 mai, 3 membres du KNP sont arrêtés et détenus pendant deux jours par la milice locale à Ang Snoul, province de Kandal. La milice locale aurait demandé 300 dollars aux familles pour éviter l’envoi des 3 membres en prison à Phom Penh.
* La situation semble particulièrement mauvaise dans la province de Siem Réap, où un membre du Conseil national du KNP, Phing Phinn, est mort le 18 mai après avoir été sévèrement passé à tabac 8 jours auparavant, à Srey Snam. Une liste consignant l’adhésion de 2 020 nouveaux membres au KNP, avec photos, lui a été arrachée. Ce même 18 mai, la police a perquisitionné 4 maisons de responsables locaux du FUNCINPEC dans les districts de Sotr Nikum et Svay Leu, « confisquant » au total 10 armes, la plupart des AK47, régulièrement enregistrées.
* Le 18 mai, Thun Bun Ly, directeur du journal en langue khmère « Odamkatès Khmer » (« Idéal khmer ») et membre du PNK est assassiné, vraisemblablement par les hommes de Hun Sen, causant une pluie de critiques anti-gouvernementales tant sur le plan intérieur qu’à l’étranger.
Finalement, le roi a été autorisé à se rendre à Pékin, le 18 mai, d’où il dément les rumeurs selon lesquelles il ne rentrerait pas au Cambodge parce qu’il craint pour sa vie. Il publie un communiqué indiquant que de « sérieux problèmes » l’obligeaient à rester quelques mois à Pékin. Il invoque, comme chaque fois, des raisons médicales, mais beaucoup pensent que Sihanouk s’est volontairement exilé parce qu’il se sent réellement menacé par le second Premier ministre Hun Sen et pour faire pression sur les politiciens khmers.
* Khieu Samphân, « Premier ministre » khmer rouge, écrit une lettre au roi pour le prévenir que Hun Sen complote son assassinat.
* Le roi souffre d’une cataracte à l’oeil droit, de diabète, d’artériosclérose, et récemment a été diagnostiquée une lésion au cerveau. Les astrologues chinois ayant annoncé la mort du roi dans l’année, la rumeur a couru que le roi avait l’intention de décréter un nouveau nouvel an, afin de déjouer le sort.
Pékin redevient quelque peu « capitale du Cambodge », comme avant les accords de Paris : Chéa Sim, chef de l’Etat par intérim, président de l’Assemblée nationale et président du PPC, fait le voyage de Pékin, le 24 mai, pour demander au roi de rentrer et d’apaiser les tensions. Le roi promet d’écourter son séjour, mais le 26, il est frappé de paralysie du côté gauche pendant quelques heures. Le premier Premier ministre rend visite à son père qu’il trouve en « meilleure formeaprès sa paralysie momentanée. Ses médecins chinois souhaitent que Sihanouk reste au moins encore deux semaines à l’hôpital. La rumeur court que Khieu Samphân, « premier ministre » khmer rouge se serait également rendu à Pékin.
Hun Sen fait alors un geste d’apaisement en envoyant ses voeux de rétablissement au monarque et conseille vivement à la presse (y compris pro-PPC) de ne pas le critiquer. Chéa Sim appelle également à la fin de la guerre verbale. Selon bon nombre d’observateurs, Hun Sen chercherait à opérer un remaniement ministériel et militaire en évinçant des ministres et des officiers du FUNCINPEC qu’il considère comme une menace.
* Le roi réagit à un article de l’hebdomadaire français Le Point rapportant que « Le premier Premier ministre Hun Sen souhaiterait que le roi Norodom Sihanouk ne réside plus à Phnom Penh, mais à Pyongyang ou à Pékin ». Sihanouk a écrit à son fils Ranariddh « qu’en attendant que cette affaire s’éclaircisse, je dois ajourner mon retour en notre patrieIl demande aux deux premiers ministres d’écrire à l’hebdomadaire pour demander la source de cette information. Quelle que soit l’authenticité des propos prêtés au second premier ministre, ils reflètent assez fidèlement sa pensée.
« Grâce au Bouddha et à la religion, les trois samdechs sont réunis pour la première fois depuis mars ». C’est ainsi que le prince Ranariddh a commenté le fait que lui-même, Hun Sen et Chéa Sim soient présents pour inaugurer la pagode Than à Phnom Penh. Ranariddh souligne qu’il est bon pour le pays que des signes d’unité soient ainsi donnés. Il affirme que la tension de ces derniers temps a diminué, et, qu’au moins de son côté, il n’y en a plus.
Le premier ministre thaïlandais, Banharn Silpa-Archa, en visite officielle au Cambodge le 21 juin, affirme que « les deux premiers ministres cambodgiens m’ont donné la certitude qu’ils n’utiliseraient pas la force pour régler leurs conflits internes ». Il avait exprimé les « inquiétudes » des membres de l’ASEAN concernant la situation khmère.
Plusieurs gouvernements et investisseurs étrangers semblent miser sur Hun Sen plus que sur Ranariddh, car quoi qu’il arrive, Hun Sen restera au pays, alors que le prince, du fait de sa double nationalité, ira se réfugier en France…
Chéa Sim, chef de l’Etat, président de l’Assemblée nationale, participe au 8ème congrès du Parti communiste vietnamien à Hanoi, auprès des délégations les plus radicales du mouvement communiste mondial. Le PCV réaffirme sa volonté de diriger le pays dans un système de parti unique. Le Prachéachon (PPC) manifeste ainsi, s’il en était besoin, son appartenance au mouvement communiste pur et dur.
La résistance au régime de parti unique
La volonté de Hun Sen d’établir un régime de parti unique continue de s’affirmer. Il rencontre cependant sur sa route le Parti de la Nation khmère (PNK), dirigé par le tenace et courageux Sam Rainsy qui ne s’avoue pas vaincu et qui résiste par tous les moyens.
* Une directive signée des co-ministres de l’Intérieur, You Hoc Kry et Sar Kheng, à l’intention des autorités provinciales et municipales, interdit aux partis politiques non représentés à l’Assemblée nationale l’ouverture de bureaux et toute activité politique tant qu’ils ne se seront pas ré-enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur. Cette directive demande également aux autorités provinciales de fournir au ministère des informations sur les ONG locales et internationales, ainsi que sur les organisations religieuses qui opèrent à travers le pays. Il semble clair que cette directive vise en premier lieu le PNK de Sam Rainsy. Celui-ci a immédiatement dénoncé depuis Paris cette « violation criante des principes humains les plus élémentaireset a ajouté que ce n’était pas de bon augure pour des élections libres et justes de 1998.
* Le gouvernement publie une clarification concernant la directive des deux ministres de l’Intérieur. Il souligne qu’il reconnaît toujours les 20 partis qui ont été enregistrés pour les élections de 1993, qu’ils aient ou non des sièges à l’Assemblée nationale. Ils peuvent continuer leurs activités mais doivent présenter leurs statuts aux autorités provinciales. Les activités ne seront suspendues que si les documents en bonne et due forme ne sont pas présentés.
* Malgré les menaces de tous genres, le 18 mai, Sam Rainsy ouvre trois bureaux dans la province de Sihanoukville, après en avoir informé le ministère de l’Intérieur, selon ses propres instructions, deux autres à Prey Veng et d’autres dans la capitale, en dépit d’un ordre du ministère de l’Intérieur qui lui demande de fermer ses bureaux et d’arrêter ses activités. Mais les deux bureaux du KNP de Prey Veng sont fermés par les propriétaires à la suite de menaces qu’ils ont reçues et de quelques actes d’intimidation.
* Le 29 mai, Sam Rainsy, Son Sann, les présidents du Parti nationaliste khmer et celui du Parti de la Renaissance du Cambodge publient un communiqué appelant à la création d’un front uni contre la dictature au Cambodge. « Nous appelons toutes les forces démocratiques et patriotiques à s’unir pour s’opposer à la dictature, pour mettre fin à la guerre civile, pour combattre la corruption, chercher lajustice pour le peuple et défendre l’intégrité territoriale du Cambodgedéclare le communiqué.
* Le 30 mai, Sam Rainsy écrit au ministère de l’Information pour lui annoncer que le PNK allait lancer une radio. « Si le ministère ne répond pas à notre demande de rencontre, nous choisirons simplement une fréquence inoccupéeindique le communiqué du PNK. Il n’y a pas de loi empêchant les partis politiques d’ouvrir des chaînes de radio ou de télévision au Cambodge.
* A Koh Thom, province de Kandal, la police a tiré en l’air à trois reprises et une fois à terre pour dissuader des membres du PNK d’afficher l’enseigne de leur bureau, que les autorités locales avaient retirée à deux reprise. Le PNK veut mener l’affaire devant la justice. Un conseiller de Sar Kheng indique que la police en cause devra faire son rapport au ministère.
* Soeun Sim, membre du PNK chargé de collecter des adhésions au parti, a été assassiné par un groupe de 6 hommes dans le district de Som Nikum, province de Siem Réap. Les autorités avaient demandé à Soeun Sim de mettre un terme à ses activités et il avait reçu plusieurs menaces.
* Les forces de l’ordre ont tiré samedi des centaines de coups de feu en l’air à Roka Kpos, province de Kandal, empêchant pour la seconde fois en 5 jours l’ouverture d’un bureau du PNK. Une demi-heure après avoir à nouveau enlevé l’enseigne du parti, une vingtaine de policiers militaires sont arrivés, menaçant les membres du PNK. Ils ont retiré l’enseigne et les montants qui la soutenaient à coups de pioche. Ils ont interdit aux photographes de prendre des clichés, et ont même confisqué l’appareil d’un journaliste de la Voix de la Jeunesse khmère. Des jeunes gens venus de Roka Kpos et de Kraing Yov (villages fidèles à Hun Sen), sont arrivés en moto-remorques. Ils ont démonté la pancarte et sont repartis comme ils étaient venus. Personne n’a été blessé mais la délégation du PNK a été contrainte de regagner Phnom Penh sans avoir ouvert son antenne.
Nguon Soeur, dissident du PNK, annonce qu’il va fonder, à partir du 1er juillet, un nouveau parti qui s’appellera le « Parti des citoyens khmers » (PCK). « J’ai maintenant dix mille personnes qui me soutiennent et nous installerons nos bureaux quand le gouvernement nous aura reconnus. Je vais continuer à critiquer le gouvernement sur la corruption, sur l’immigration illégale et sur les problèmes frontaliers, mais d’une manière constructive
La loi électorale n’a pas encore été examinée ni votée par le parlement. En l’état actuel, le projet de loi prévoit que le ministère de l’Intérieur organisera et surveillera seul les élections.
* Ce projet de loi prévoit :
– La création d’une Commission électorale nationale, composée de ministres et de hauts fonctionnaires, chargée de coordonner les élections, de former les fonctionnaires affectés aux bureaux de vote, de trancher les conflits et de surveiller le scrutin.
– Les commissions électorales provinciales et municipales constitueront les équipes des bureaux de vote locaux. Ces équipes collecteront et compteront les bulletins de vote. Le dépouillement pourra se faire en présence d’un représentant de chaque candidat et de représentants des ONG locales et internationales.
– Les chefs de communes en place actuellement (pour la plupart des membres du PPC) sont chargés de constituer les listes électorales et de proposer les lieux de vote.
– Les citoyens khmers (la définition de la nationalité fera l’objet d’une autre loi) âgés de plus de 18 ans pourront voter, s’ils résident depuis 5 ans ou plus. Il n’est pas nécessaire qu’ils appartiennent à un parti politique. Ils devront collecter une liste des signatures atteignant 5 % de la population électorale de la commune.
– Sont interdits de candidature les fonctionnaires renvoyés de leur fonction pour raison disciplinaire durant les 5 dernières années. Sont aussi interdites les personnes naturalisées depuis moins de 10 ans et celles qui ont réclamé leur citoyenneté depuis moins de 5 ans. La signification exacte de cette « réclamation » de la citoyenneté reste obscure.
– La campagne électorale durera 10 jours. Une clause prévoit l’utilisation à temps égal des médias par les partis.
– Le ministère de l’Intérieur pourra nommer directement des chefs de communes dans les lieux où les trois cinquième de la population n’ont pas la nationalité khmère.
Le 23 mai, le premier Premier ministre Ranariddh réitère son appel pour que le roi Sihanouk prenne la tête d’une commission indépendante qui surveillera les élections de 1998. Il demande également que « le plus vite possibleles Khmers rouges reviennent vivre « parmi nous tous dans la grande famille cambodgienne ».
Un assassinat fort embarrassant
Le 18 mai, Thun Bun Ly, rédacteur du journal « Oddamkatès Khmer » (« Idéal khmer »), et membre du Comité exécutif du PNK, est frappé de trois balles de révolver, alors qu’il voyageait à l’arrière d’une moto, par des gens habillés dans le style des gardes du corps de nombreuses personnalités politiques. Quelques jours auparavant, Thun Bun Ly avait publié un violent article concernant Bun Rany, l’épouse de Hun Sen. La quasi-unanimité des journalistes khmers et étrangers évoquent le crime politique, même si le gouvernement s’en défend et avance des explications contradictoires attribuant cet assassinat à la vie privée du journaliste.
* Dès le 18 mai, Sam Rainsy « condamne la lâcheté de cet odieux assassinatIl parle du Cambodge comme d’un « Etat terroristeoù « le terrorisme jouit de la complicité et de la protection de l’EtatLa faction du PDLB de Son Sann « condamne de façon véhémente » ; Ranariddh « condamne une méthode barbare et inhumaine
* Le 21 mai, dans une lettre ouverte aux premiers ministres, le Comité pour la protection des journalistes stigmatise l’assassinat comme un sévère coup porté à la liberté de la presse au Cambodge. Amnesty International demande que l’enquête soit menée à son terme et que les résultats soient publiés. Licadho, organisation cambodgienne de défense des droits de l’homme, réagit dans le même sens.
* Le gouvernement suggère que l’assassinat de Thun Bun Ly serait lié à une histoire d’argent et de concessions de bois, ainsi qu’au rapt d’une jeune fille de Kompong Speu. Les parents de cette jeune fille avaient porté l’affaire devant les tribunaux et le cas n’est toujours pas jugé.
* Dans un discours, le 21 mai, dans la province de Kompong Cham, Hun Sen indique que l’assassinat de Thun Bun Ly est lié à un complot visant à tuer ses enfants qui font des études à l’étranger. Il affirme se baser sur des enregistrements téléphoniques entre une personne en France (Hun Sen ferait allusion à Sirivuddh sans le nommer) et l’une des veuves de Thun Bun Ly, ainsi qu’une troisième personne à Phnom Penh. Il menace les conspirateurs de les mettre en échec au moment où il le voudra. On évolue en pleine paranoïa.
Cet assassinat s’inscrit dans une longue série d’actes d’intimidations et violences envers les journalistes, qui ne relèvent ni du hasard ni de la mauvaise fortune.
* Le 23 mars 1994, Nguon Nonn, Directeur de « Domneug Pel Preuk » (« Les Nouvelles du Matin ») est emprisonné pour avoir laissé entendre que Hok Long Dy, gouverneur de la province de Svay Rieng, et Yuth Phou Tha, vice-gouverneur, avaient volé des véhicules des Nations Unies. Il est resté en prison pendant deux jours.
* Le 24 mars 1994, 5 personnes sont blessées dans une attaque à la grenade contre le siège du journal bimensuel « Antarakum » (Intervention). Le journal avait récemment relaté des actes de corruption de la part du FUNCINPEC et du PPC.
* Le 16 mai 1994, 17 000 exemplaires du journal « Sakal » (L’univers) sont saisis et le journal est interdit pour avoir publié des dessins stigmatisant le roi pour ses liens passés avec les Khmers rouges.
* Le 10 juin 1994, Tou Chhom Mongkol, rédacteur en chef du bimensuel « Antarakum » (Intervention) est trouvé mort par blessures à la tête sur le boulevard Monivong. Les autorités attribuent sa mort à un accident de la circulation, mais le corps n’a aucune autre blessure et sa moto est intacte.
* Le 8 juillet 1994, Nguoun Nonn est à nouveau arrêté pour avoir publié un article où il impliquait plusieurs membres importants du PPC dans la tentative de coup d’état de l’année dernière. Le journal a été temporairement fermé et Nguoun Nonn est resté en prison pendant un mois.
* Le 6 septembre 1994, Nun Chan, rédacteur en chef du journal « Samleng Yuvachun Khmer » (Voix de la Jeunesse khmère) est abattu par deux hommes près de Vat Phnom, en plein coeur de Phnom Penh. Ce journal était très critique envers Hun Sen et le PPC, faisait état de corruption dans le gouvernement. Nun Chan avait reçu des menaces de mort après avoir accusé plusieurs généraux de vendre des biens de l’Etat.
* Le 8 décembre 1994, Chan Dara, journaliste de « Koh Santephéap » (Havre de Paix) est abattu à Kompong Cham. Il avait écrit des articles pour « Préap Noamsar » (Le pigeon messager) qui accusaient les autorités de Kompong Cham d’être impliquées dans des trafics illégaux et le fils du gouverneur (frère de Hun Sen) de meurtre. Aucune enquête concernant ces assassinats n’a abouti.
* Le cortège funéraire conduisant le corps de Thun Bun Ly de sa maison à la pagode Lanka a dégénéré en de macabres bousculades entre la police et les personnes du cortège. Sam Rainsy tenait à ce que le cortège passe devant l’Assemblée nationale et le palais royal, mais les autorités estimant que ce cortège était une manifestation politique, ont intimé l’ordre de prendre le plus court chemin. Le cortège de 200 personnes s’est trouvé face à des barrières métalliques bloquant la rue. Rainsy en tête, le cortège et le corbillard ont continué à avancer au pas, renversant et écrasant les barrières métalliques, entrant dans les rangs de la police. Les forces de l’ordre, équipées de matraques électriques, de boucliers anti-émeutes, d’AK47 et de lance-grenades, d’une mitrailleuse en batterie, ont reformé leurs rangs un peu plus loin, tout en manoeuvrant deux jeeps de manière à bloquer la rue au corbillard. Les marcheurs ont alors passé ces obstacles en transportant le cercueil sur leurs épaules. Ils se sont vite heurtés à de plus nombreuses barricades et davantage de policiers. Tandis que le cortège avec le cercueil avançait, les forces de l’ordre ont elles aussi avancé, boucliers levés et se sont opposées à l’avancée de la procession. Sam Rainsy et Khieu Rada ont protesté mais ont été repoussés. Ils ont alors décidé de se rendre à l’Assemblée nationale, en session ce jour là. Malgré plusieurs tentatives de la police pour les en empêcher, Sam Rainsy et Khieu Rada sont arrivés sur le perron de l’Assemblée nationale, portes closes et gardes armés leur bloquant l’entrée. Ils ont alors utilisé un téléphone mobile pour appeler Kem Sokha, le chef de la commission de l’Assemblée nationale. Mais lorsque le cortège commençait à se remettre en marche, les forces de l’ordre se sont mises en position. Rainsy a dans un premier temps, cru que les troupes en face du cortège n’avaient pas encore reçu les ordres, puis il a réalisé que l’ordre ne venait pas. Il est alors revenu à l’Assemblée nationale. De l’extérieur, il a alors fait crier pour appeler Kem Sokha, Son Chhay, Loy Sim Chheang, Son Soubert… Seuls deux députés sont sortis : Kem Sokha et Ahmad Yahya (FUNCINPEC). Restant dans l’embrasure de la porte pour parler avec la police et Rainsy, Sokha a dit que Hockry ne permettait plus le passage devant l’Assemblée nationale, mais proposait de passer devant Vat Botum, pour descendre ensuite jusqu’à Vat Lanka. La police n’était pas d’accord. Sokha est alors revenu consulter You Hockry qui a reçu un coup de téléphone (probablement de Sar Kheng, co-ministre de l’Intérieur), au terme duquel il s’est ravisé, le convoi ne pouvant pas passer devant la maison de Hun Sen. Les forces de l’ordre étaient contrôlées par Sar Kheng, donnant ses instructions par radio. Des hommes de la police militaire, très bien armés, loyaux à Hun Sen et non pas contrôlés par le ministère de l’Intérieur, étaient massés derrière les premiers rangs de la police. D’autres troupes dont on ignore l’allégeance bloquaient l’accès. Après un long moment d’incertitude, Sam Rainsy a accepté les conditions de la police. Le cercueil a alors été replacé sur le corbillard. Arrivé au monument de l’Indépendance, Sam Rainsy a voulu que le cercueil fasse trois tours du monument, en laissant la maison de Hun Sen à sa gauche. Mais la police a orienté le cortège directement vers la pagode. Sam Rainsy, Khieu Rada, leurs gardes du corps, puis les deux veuves de Thun Bun Ly et des proches se sont alors rendus au centre du monument de l’Indépendance. Pendant presque une heure, ils sont restés là, des femmes sanglotant, priant silencieusement, à portée des fusils des militaires et appareils photos de la presse. Puis Sam Rainsy a fait le tour du monument. Les forces de l’ordre leur ont alors intimé l’ordre de quitter la place. Les hommes de Sam Rainsy pensent que les forces armées présentes à ce moment étaient sous le contrôle direct de Hun Sen. Le convoi s’est finalement remis en marche, est rentré dans l’enceinte de la pagode où la cérémonie d’incinération a pu enfin commencer.
Une des veuves de Thun Bun Ly se cache depuis la mort de son mari, de peur de subir le même sort que lui. La police se plaint de ce que cette situations l’empêche de mener l’enquête.
Alors que le PPC reprend l’habitude de célébrer « la Journée de la haine », le 20 mai, pour commémorer les horreurs khmères rouges, par une cérémonie dirigée par Hun Sen, vice-président du PPC, le PNK a décrété le 22 mai, le jour de la crémation de Thun Bun Ly, « Jour du pardon et de la réconciliation ». « La haine engendre la haine et l’esprit de vengeance » dit Sam Rainsy, le Jour du pardon et de la réconciliation servira pour tous les Cambodgiens à se rassembler pour travailler ensemble à résoudre les problèmes qui peuvent faire mourir le Cambodge
Une manifestation organisée à Paris pour honorer la mémoire de Thun Bun Ly et protester contre la politique de corruption du gouvernement cambodgien a rassemblé 300 à 400 personnes le dimanche 16 juin. Sam Rainsy était parmi les manifestants. Les manifestants n’ont pas été autorisés à se rendre près de l’ambassade du Cambodge. Hun Sen a commenté cette manifestation de Paris, en indiquant que des manifestations similaires pourraient avoir lieu à Phnom Penh, organisées par des étudiants pour faire expulser les responsables de l’opposition du Cambodge.
* Sept journaux ont fait sécession de la LJC (Ligue des journalistes khmers), d’obédience PPC, pour former une nouvelle association de presse : l’Association neutre des journalistes khmers (ANJK). Cette scission provient de ce que la LJC n’a pas distribué les fonds reçus de Foundation aux journalistes. Le président de l’ANJK est Khieu Seng Kim, rédacteur en chef de « Kamlang Thmei » (La nouvelle force), et frère de Khieu Samphan.
La fausse mort de Pol Pot
Une dépêche de l’AFP datée du 6 juin cite les services de renseignement khmers et le commandant de la division khmère rouge 320, affirmant que Pol Pot venait de mourir de malaria. La nouvelle proviendrait également de Chine. Cependant, les militaires et la police cambodgienne affirment ne disposer d’aucun renseignement pour confirmer l’information. Les services thaïlandais affirment que Pol Pot est encore en vie.
Il semble que l’on assiste à un phénomène manifeste de désinformation : apparemment, l’origine de la rumeur vient de Chine, ce qui n’est pas un gage de vérité (il y a quelques années, des échantillons médicaux d’un cancéreux ont été remis par les médecins chinois pour être analysés par des spécialistes français comme provenant de Sihanouk !…). Ce n’est pas la première fois que l’on annonce la disparition de Pol Pot ! Il souffre de malaria depuis des années, mais on n’en meurt pas si l’on possède des médicaments.
Sa mort annoncée arrange beaucoup de monde : à juste titre, Hun Sen voit dans cette annonce une tentative pour réintégrer les Khmers rouges sur l’échiquier politique cambodgien. Il affirme même que Pol Pot est en vie et qu’il sait où il se trouve. Par contre, c’est Nuon Chéa qui souffre de malaria.
Quoi qu’il en soit, Pol Pot a déjà formé une nouvelle génération de cadres khmers rouges. Son successeur serait So Hong, un de ses neveux, récemment promu président de la commission politique khmère rouge. Mais Pol Pot disparu, son mouvement risque fort de se disloquer.
La guerre larvée continue
Selon le journal Phnom Penh Post qui cite plusieurs sources indépendantes, le nombre de tués durant la dernière offensive de saison sèche (novembre 1995-avril 1996), s’élève à environ 500 et celui des blessés à environ 2 000. Des chiffres confidentiels du gouvernement confirment indirectement, en faisant état de 110 morts et 486 blessés entre le 15 février et le 15 mars, et de 190 tués entre le 15 mars et le 20 avril. 80% des blessés ont sauté sur des mines, 15% ont été touchés par des éclats d’obus et 5% blessés par balles.
* Sam Rainsy réagit aux allégations de Hun Sen selon lesquelles l’échec de Pailin est dû aux troubles politiques causés par le FUNCINPEC. « Hun Sen a besoin d’un bouc-émissaire parce qu’il sait qu’il devrait être lui-même tenu responsable pour cet échecRainsy a souligné que l’armée vietnamienne dans les années 80 n’avait pas été plus victorieuse, et que la décision de lancer l’offensive émanait de Hun Sen, qui ne cesse par là d’imposer aux soldats et au petit peuple de terribles souffrances.
* Un nombre grandissant d’officiers des FARC semblent avoir perdu confiance dans la capacité du gouvernement à prendre Pailin, et ils poussent à ne pas recommencer de nouvelles offensives contre les Khmers rouges.
Le 14 mai, un raid effectué par « un groupe non identifié de 20 soldats » contre un village flottant dans le district de Kandieng, dans la province de Pursat, a causé la mort de 17 personnes, dont 14 Vietnamiens, et en a blessé 9 autres. L’ambassade du Vietnam à Phnom Penh a reçu une lettre émanant du gouvernement cambodgien, « condamnant vigoureusement le massacre de 14 VietnamiensCette lettre est la réponse à la protestation de Hanoï sur cet incident.
Le 15 juin, les Khmers rouges ont enlevé 70 à 80 salariés d’une scierie dans la province de Kampot, à 15Km de la capitale provinciale, car la scierie n’avait pas payé sa « taxe » aux rebelles. Les autorités de la province pensent que cet enlèvement a été mené par Noun Paet, cadre khmer rouge auteur de l’assassinat de trois jeunes occidentaux, dont Jean Michel Braquet. 4 ont été tués à coup de hâche, le 21 juin. Selon l’ONG, les Khmers rouges ont suspecté les travailleurs exécutés d’être des soldats ou d’avoir été membres de l’armée gouvernementale.
En mars, 249 personnes (dont 23 enfants), ont été blessées par mines ou engins non explosés dans la province de Battambang, 91 à Banteay Meanchey, 47 à Siem Reap, 34 à Pursat, et 27 à Kompong Thom. 13 personnes de la province de Battambang sont mortes de leurs blessures.
Depuis 1993, le CMAC a ôté 55 570 mines antipersonnel, 375 mines anti-char et neutralisé 362 245 pièces non explosées sur 27 000 hectares, dans les provinces de Bantéay Méanchey, Battambang, Kampot, Kompong Speu. Le CMAC emploie actuellement 1 800 personnes. Le gouvernement allemand va faire un don de 1 million de dollars au CMAC.
Les FARC (Forces Armées Royales du Cambodge)
Les FARC prévoient de démobiliser 40 000 soldats. Plus de 500 hommes des FARC viennent de terminer un stage d’apprentissage d’un métier: art de nourrir les animaux, de planter des arbres, de récolter des légumes, de réparer des machines, de tisser des kramas… Les FARC estiment que 60 millions de dollars sont nécessaires pour cette reconversion (1500 par personne !). Les FARC estiment leurs troupes à 130 000 hommes, alors que nombre d’Occidentaux estiment que 40 000 soldats sont des « fantômes », utilisés par les officiers pour toucher leurs soldes.
L’armée est devenue le premier propriétaire terrien du royaume, suite à un contrat signé en juillet 1994 par les deux Premiers ministres et le général Ke Kim Yan, chef de l’armée. Ce contrat accorde une « concession » d’un million d’hectares (soit 5% des terres du royaume), aux militaires, pour des activités de développement, notamment des centres de réadaptation des soldats démobilisés. Le ministère de l’Intérieur n’a appris l’existence de ce contrat que 16 mois plus tard, le 23 mai 1995. 17 entreprises ont déjà loué 120 000 hectares de cette concession dans la province de Kompong Speu. Une autre parcelle de 200 000 hectares a été louée à une entreprise malaisienne, sans doute dans la province d’Oddor Méanchey. 700 000 hectares restent à disposition de l’armée dans les provinces de Koh Kong, Mondolkiri, Pursat, Rattanakiri, Kompong Cham et Kompong Speu. 32 000 hectares situés dans la province de Kompong Speu ont été loués à la société Tri Star Ltd, dont le propriétaire est Leang Eng Chhin. Le contrat de location stipule que Tri Star doit planter et concasser du manioc dans une unité de transformation, et formera des soldats démobilisés à cette activité. L’entreprise devra embaucher 534 personnes, et verser 8% de ses profits annuels aux militaires. Ce terrain est sous-loué à la secte Ching Hai. Le ministère de l’Intérieur tente de ralentir le processus engagé avec la signature du contrat par les deux Premiers ministres.
Officiellement, en raison de la réduction du budget de son armée, la France va suspendre son soutien au régiment 911, et va réduire son aide à la formation de la Police militaire khmère. Le régiment 911 a été formé en 1994 avec le concours d’officiers indonésiens, pour devenir un régiment d’élite. 230 des 1 000 soldats du régiment ont été envoyés en Indonésie pour formation. Le régiment a déjà perdu 10 hommes dans une embuscade durant la dernière saison sèche. La formation de ce régiment serait presque achevée.
Depuis 1994, la France a également formé 1 000 des 4 500 gendarmes. Cette force avait été créée pour être une force indépendante d’investigation des infractions et crimes commis par les militaires. En fait, et particulièrement à Phnom Penh, ce sont des gendarmes eux-mêmes qui sont accusés de crimes et d’intimidations politiques. Sans couper totalement son aide, la France envisage la création d’une académie militaire qui formerait les officiers des trois corps d’armée. La France avait commencé sa coopération militaire avec un budjet de 10 millions de dollars en 1994. Depuis, ce budget a été réduit à 5 millions de dollars par an.
Economie et développement
* Les revenus des douanes pour le mois d’avril 1996 sont sensiblement équivalents à ceux d’avril 1995. Ils ont augmenté pour le port de Sihanoukville (1995 : 8,4 millions de dollars ; 1996 : 9,6 millions), mais ont baissé à Poipet. Ce qui porte les rentrées de douanes pour avril 1996 à 14,4 millions.
* La réalisation progressive d’un projet de 245 millions de dollars pour la réhabilitation du réseau électrique de Phnom Penh se fait sentir peu à peu. Le nouveau réseau fonctionne pour les habitants à l’est du boulevard Norodom, et au nord du boulevard Sihanouk.
* Cinq capitales provinciales : Kampot, Kompong Cham, Prey Veng, Svay Rieng et Takhmau, soit une population d’environ 30 000 personnes, vont recevoir de l’eau potable grâce à la réhabilitation de leur réseau de distribution. Au Cambodge, seulement un tiers de la population a accès à l’eau potable.
* Selon le ministère du tourisme, 65 662 personnes ont atteri au Cambodge durant le premier trimestre 1996, ce qui représente une augmentation de 32 % par rapport à 1995. Sur ces 65 662 personnes, 48 864 ont voyagé avec un visa de tourisme, 15 008 avec un visa d’affaires et 1 790 étaient membres de délégations officielles.
* Le Cambodge rétablit des relations diplomatiques avec la Corée du Sud, ce qui est interprété par beaucoup comme un pied de nez au roi Sihanouk, dont les liens étroits avec la Corée du Nord sont connus. Les raisons économiques ont fortement influé dans cette décision. La République de Corée du Sud, qui travaille déjà au Laos, en lien avec la Banque Asiatique de Développement, semble vouloir investir aussi au Cambodge. Ce projet rejoint celui de la BAD qui souhaite faire collaborer les pays du Mékong, y compris la Chine et la Birmanie. Une délégation sud-coréenne de 53 personnes, incluant des cadres de Hyundai, Samsung, Hanjin, Daewoo et ministre des Finances, s’est rendue au Cambodge pour évaluer le potentiel du pays. Au Laos, la majeure partie des investissements sud-coréens sont dirigés vers des ouvrages hydroélectriques. La BAD a recensé la possibilité de construire 300 barrages dansles pays riverains du Mékong. Des sites sur la Sékong et la Sésan, dans la province de Stung Treng, sont classés comme « prioritaires ». Mais les groupes de défense de l’environnement s’interrogent sur les conséquenses que pourraient avoir de très gros projets hydroélectriques sur la vie des populations.
* Une délégation thaïlandaise conduite par le Premier ministre Banharn Silpa-archa, s’est rendue au Cambodge le 20 juin, et a signé deux contrats de plusieurs millions de dollars. L’un concerne la construction d’une centrale hydroélectrique d’une puissance de plus de 400 mégawatts dans la province de Koh Kong (la majeure partie de l’électricité sera vendue en Thaïlande). Le second concerne la société de téléphone Samart et s’élève à un montant de 50 millions de dollars pour une durée de 25 ans. Samart étendra et améliorera son réseau. Ces deux contrats indiquent un certain retour de la Thaïlande qui était le premier investisseur du pays entre 1991 et 1993. Elle a, depuis, rétrogradé à la neuvième place.
* L’Australie a signé une aide d’un montant de 8 millions de dollars pour le ministère de l’Agriculture, pour la formation au Lycée Agricole de Prek Léap et pour l’utilisation de technologies agricoles. L’Australie va également accorder 2 millions de dollars au Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour acheter environ 7 000 tonnes de riz qui serviront pour au « Food for work » (« Nourriture contre travail »).
* Le 14 mai, le ministre des Affaires étrangères cambdgien et l’ambassadeur du Japon ont signé un accord d’assistance portant sur plus de 30 millions devraient être affectés à l’amélioration de la diffusion des informations (centre de diffusion Télé Vision Kampuchéa à Phnom Penh et à Sihnaoukville), 12 millions aux télécommunications (construction d’un nouveau central de 10 000 lignes téléphoniques), et 5,7 millions serviront à l’assistance dans le domaine agricole.
* Le gouvernement britannique a fait don de vaccins à l’UNICEF pour une valeur de près de 400 000 dollars en réponse aux demandes du gouvernement cambodgien.
* La Commission Européenne, organe exécutif de l’Union Européenne a signé le 24 juin un accord d’aide portant sur une somme de 11 millions d’ECU (près de 14 millions de dollars), destinés à l’amélioration du système éducatif, à la préservation de l’environnement et au déminage. Cette aide fait partie du Programme Européen pour la Réhabilitation du Cambodge (PERC), promis en mars 1994 à la conférence internationale de Tokyo.
* Après 20 ans d’absence au Cambodge, la société américaine Caltex a investi 20 millions de dollars dans son système de distribution par 20 stations à travers le pays. Son plus gros investissement est un terminal marin dans le port de Sihanoukville (8 millions de dollars).
Gangstérisme et grand banditisme
* Plus de 40 commerçants et hommes d’affaires (la plupart chinois) ont été braqués ou enlevés contre rançon depuis le début de l’année. Parmi les plus grosses affaires, on peut signaler l’enlèvement, le 8 mai, de Song Heng, 61 ans, relaché 24 heures plus tard contre une rançon de 40 000 dollars ; le vol de 50 000 dollars par un gang armé à la Exchange Gold Trading Company ; une rançon de 70 000 dollars payée par un homme d’affaires pour la libération de son fils. Ces exactions, de type nouveau, seraient le fait de riches enfants gâtés ainsi que de policiers en civil. Dans un cas au moins, un policier a été mis directement en cause puisqu’un Occidental a reconnu l’auteur du vol au commissariat, en uniforme de la police, de l’autre côté du bureau de réception.
* Sept employés thaïlandais d’une carrière ont été libérés après être restés 24 heures otages d’une bande armée. Ils ont été libérés contre une rançon. Les ravisseurs réclamaient 350 000 dollars. Selon des témoins, les hommes qui ont kidnappé ces travailleurs étaient vêtus de l’uniforme des FARC.
* Le ministère de l’Intérieur a arrêté 3 gangs à Phnom Penh, spécialisés dans le kidnapping, et les vols à main armée. « La police a arrêté 138 voleurs, 20 kidnappers et a saisi une large quantité d’armes, dont des grenades », a indiqué le co-ministre Sar Kheng. Le ministre reconnaît que ses forces ne sont pas préparées à combattre une situation de délinquance dans une société de liberté. Beaucoup reconnaissent la rapidité avec laquelle le ministère a réagi en organisant des barrages dans les rues de la capitale et des unités mobiles patrouillant de façon efficace.