Eglises d'Asie

LA LUTTE DES TAMOULS POUR LEUR RECONNAISSANCE

Publié le 18/03/2010




Comment voyez-vous l’évolution de la lutte des Tamouls ?

La lutte des Tamouls du Sri Lanka pour recouvrer leurs droits justes et démocratiques dans le pays où ils sont nés a commencé aussitôt après l’indépendance du pays, obtenue des Britanniques en 1948. Cette lutte a connu des phases diverses d’évolution selon les réactions qu’elle a suscitées dans les milieux politiques et militaires des gouvernements successifs de la majorité cingalaise.

M. Bandaranaike, père de l’actuelle présidente, arriva au pouvoir en surfant sur une vague de nationalisme cingalais et de chauvinisme bouddhiste. Il décida que le cingalais serait la seule langue officielle pour le pays tout entier, même au nord et à l’est où la plupart des gens parlaient tamoul. Cette initiative fut le début d’une série de discriminations à l’encontre des Tamouls dans le domaine de l’éducation, de l’emploi, du développement etc. C’est à la suite de cela que commença la colonisation cingalaise, soutenue par l’Etat, des territoires peuplés de Tamouls. Il n’y avait par contre aucun soutien de l’Etat pour l’établissement de Tamouls dans les territoires peuplés par les Cingalais. Tout ceci, et d’autres décisions anti-Tamouls, fit que les gouvernements successifs ont mis de l’huile sur le feu et amené le problème tamoul là où il en est aujourd’hui.

La majorité cingalaise n’a pas pris conscience des difficultés et de l’humiliation subies par les Tamouls. Elle a donc mal interprété les demandes légitimes des Tamouls pour leurs droits, ainsi que leurs protestations démocratiques. Elle en a conclu que ces demandes allaient à l’encontre du développement et de la croissance de la nation cingalaise. Au lieu de s’engager dans un dialogue parlementaire et démocratique avec les chefs Tamouls afin de comprendre leurs exigences, les gouvernements cingalais les ont pratiquement mis de côté et ont utilisé la force armée – et même des gangsters – pour réprimer et détruire toute opposition tamoule.

Des forces armées indisciplinées, échappant souvent au contrôle gouvernemental, ont entretenu un terrorisme d’Etat dans les régions tamoules. Par conséquent, le militantisme tamoul est né comme une réponse nécessaire à ce terrorisme d’Etat. Ceci n’a été reconnu que récemment par l’actuelle présidente du Sri Lanka.

L’activisme tamoul était d’abord dirigé contre les hommes politiques tamouls qui, directement ou indirectement, soutenaient la politique gouvernementale du cingalais-seule langue, et agissaient ainsi contre les intérêts de leur peuple. Il fut ensuite dirigé contre les militaires indisciplinés stationnés dans le nord et cherchant à piller et tuer des civils tamouls. Plus tard encore, il en vint à s’attaquer aux colonies cingalaises établies par le gouvernement et à leurs milices armées. Il s’agissait de villages occupés à l’origine par les Tamouls et plus tard pris de force par les militaires pour être donnés aux colons cingalais.

Ce qui avait commencé comme une guérilla locale contre les “traîtres” et contre la terreur imposée par les Forces armées est devenue une véritable guerre entre les Tigres et l’Armée nationale de l’Etat. En essayant de détruire le LTTE (Tigres pour la libération de l’Eelam tamoul), l’Etat accroît injustement sa répression et ses restrictions sur la population tamoule toute entière. L’Etat prétend qu’il s’agit de faire la guerre seulement aux Tigres, mais les restrictions inhumaines imposées à la population civile signifient pratiquement la mort lente du peuple tamoul. Plus efficacement encore que par la mort visible de milliers de combattants et de civils depuis treize ans, on a assisté au lent étranglement d’un peuple par l’embargo économique, le refus des communications, des transports, de l’éducation, de la vie sociale etc. S’il ne s’agit pas là d’un lent génocide, alors de quoi s’agit-il ? C’est ainsi que la lutte des Tamouls pour leurs droits fondamentaux est devenue aujourd’hui davantage une lutte pour la survie du peuple tamoul.

L’opération militaire, connue sous le nom de code Riviresa I, montée par les forces gouvernementales à la fin d’octobre 1995, a forcé les Tamouls à sortir de leur cité historique de Jaffna. L’armée cingalaise a fait flotter son drapeau, frappé du symbole du lion, sur Jaffna, comme signe de sa conquête. Ceci a donné la preuve des intentions impérialistes du gouvernement et a durci les coeurs et les esprits des Tamouls.

Les Tamouls espéraient beaucoup que le gouvernement de Chandrika arrêterait la guerre et parlerait de paix, mais aujourd’hui ils sont déçus. Ils n’ont jamais été aussi étranglés, humiliés et suspectés que durant la période présente.

La dernière opération militaire, connue sous le nom de code Riviresa II, a commencé le 19 avril 1996. Elle a pour but de forcer la population qui avait quitté Jaffna à revenir dans la ville. C’est une autre violation grossière des droits de l’homme. A cause de la censure stricte des médias, le monde ne connaîtra jamais ce qui s’est passé pendant les jours qui ont suivi le 19 avril 1996. En bombardant Kilali-lagoon par air et par terre, l’armée a réussi à empêcher les gens de s’échapper vers le territoire contrôlé par le LTTE. Cernés par l’armée, ils n’ont eu le choix que de revenir à Valikamam (Jaffna). C’était un acte sinistre de l’armée pour faire oublier leur défaite au cours de Riviresa I quand ils avaient capturé une ville fantôme.

Afin de s’assurer que la population de Jaffna n’est plus noyautée par le LTTE, l’armée contrôle systématiquement jeunes gens et jeunes filles. Alors que la population est gardée dans des camps sous contrôle militaire, des cadavres commencent à apparaître sur les routes. Les groupes opposés au LTTE qui sont venus porter assistance à l’armée se vengent aujourd’hui sur tous ceux qui sont suspectés de soutenir le LTTE. Sous la protection d’une censure stricte de la presse, en gardant tous les journalistes éloignés de Jaffna, l’armée et ses comparses se rendent coupables de sérieuses violations des droits de l’homme. Les Tamouls savent d’expérience ce que l’on peut attendre des forces srilankaises. Nous sommes revenus dans les années 1960.

Comment l’Eglise du Sri Lanka répond-elle au problème ethnique et comment voudriez-vous qu’elle y réponde?

De 1956 à 1983, l’Eglise ne s’est pas préoccupée du problème tamoul qu’elle estimait être strictement politique. Elle pensait aussi que les nombreux assassinats de Tamouls et la destruction de leurs biens étaient le fait de quelques gangsters mal dirigés. Elle a donc évité une évaluation sérieuse du problème et s’est abstenue de critiquer le gouvernement. Lors de chaque émeute anti-tamoule, elle a aidé en protégeant, en nourrissant et en abritant les Tamouls qui cherchaient refuge dans les institutions catholiques. Mais elle n’a pas eu le courage et la conviction nécessaires à l’Eglise du Christ pour mettre en cause les injustices perpétrées contre les Tamouls. Celles-ci n’étaient pas prioritaires dans l’ordre du jour de l’Eglise du Sri Lanka.

C’est seulement un an après le massacre de Tamouls de 1983 que l’Eglise a publié une lettre pastorale condamnant la violence contre les Tamouls et suggérant qu’une solution politique devait être cherchée dans un type de gouvernement fédéral, sans mettre en danger l’unité, l’intégrité et la souveraineté du Sri Lanka. Cette lettre pastorale fut approuvée par le pape en juillet 1984, mais elle n’engendra pas d’action au niveau du peuple ou au niveau de la hiérarchie. L’Eglise préférait, comme les organisations non gouvernementales, enterrer les morts, soigner les blessés, nourrir, fournir un abri aux victimes, plutôt que de devenir un médiateur actif de la paix ou militer pour la justice.

En dépit de son statut minoritaire, elle avait les ressources nécessaires pour devenir un constructeur de paix, pour établir des liens entre la majorité cingalaise bouddhiste et la minorité tamoule hindoue dans un processus de dialogue. Mais, habituée depuis longtemps à une vie ecclésiale institutionnalisée, vivant de la générosité des gouvernements au pouvoir et dans la peur de la majorité bouddhiste, elle n’a pas eu le courage prophétique nécessaire, comme l’ont eu des chefs religieux dans d’autres parties du monde.

Condamner la violence sans remuer un doigt pour combattre les causes de la violence, est du pharisaïsme et de l’hypocrisie. C’est pourtant ce que font beaucoup de dirigeants ecclésiastiques. Ce dont nous avons besoin, c’est que l’on aille à la racine de la violence, que l’on déracine les injustices et l’oppression qui font souffrir le peuple et l’amènent à la violence.

Une année après l’holocauste de juillet 1983 contre les Tamouls, la conférence épiscopale des évêques du Sri Lanka avait publié une longue lettre pastorale qui analyse les causes du conflit et donne son soutien au moins indirect à une solution fédérale du problème ethnique. Mais aujourd’hui, après les propositions présidentielles d’août 1995, la conférence épiscopale a exprimé trop rapidement son soutien à ce qu’elle appelle “la dernière chance de la paixMême les partis tamouls basés à Colombo qui sont les partenaires du gouvernement ont fait cela. Pourtant, l’opposition croissante des extrémistes cingalais bouddhistes a déjà forcé le gouvernement à revenir sur beaucoup de ses propositions. La conférence épiscopale opte maintenant pour une neutralité stérile qui préserve “l’unité, la souveraineté et l’intégrité” du Sri Lanka, sans prendre position clairement en faveur des opprimés et contre la guerre intrinséquement mauvaise.

Le pape actuel a exhorté le monde entier, et en particulier l’Eglise du Sri Lanka : “Si vous voulez la paix, travaillez pour la justiceAu Sri Lanka, nous avons publié des condamnations de la violence, nous avons même contribué à l’aide pour les réfugiés, mais nous n’avons pas osé nous engager dans une médiation audacieuse et active pour la justice et la paix. Par conséquent, ce qui semble être désiré par l’Eglise n’est pas une paix stable fondée sur la justice, mais un cessez-le-feu permanent qui ne perturbera pas le mode de vie du peuple et surtout celui de l’Eglise.

L’année dernière, la Convention pastorale nationale de l’Eglise du Sri Lanka s’est ouverte le 19 avril 1995, le jour même où la trêve fragile entre le gouvernement et le LTTE a pris fin. A l’unanimité et dans l’enthousiasme, la convention a pris la résolution de devenir “une Eglise pour la paix au Sri LankaLes catholiques, cingalais et tamouls, ont été exhortés à devenir des communicateurs de vérité des deux côtés de la barrière ethnique et médiateurs de paix entre les deux factions en guerre, afin de dissiper les peurs et les préjugés. Mais, jusqu’à présent, rien n’a été fait dans ce sens.

Dans ce contexte, beaucoup de chrétiens tamouls sont convaincus que l’unité et l’intégrité du pays peuvent être préservées, non pas par le gouvernement centralisé d’une majorité cingalaise condescendant à donner un peu de pouvoir aus Tamouls et autres groupes périphériques, mais par une décentralisation significative qui reconnaît la souveraineté respective des Cingalais et des Tamouls. En d’autres termes, les Tamouls en général, et les Tamouls chrétiens en particulier, pensent qu’il vaut mieux vivre dans la charité comme deux nations dans un seul Etat, unis dans la construction du pays par une coopération et des échanges paisibles, plutôt que de vivre dans la haine mutuelle sous un gouvernement centralisé.

Personnellement, je suis plus que convaincu que les Cingalais et les Tamouls peuvent vivre paisiblement, collaborer les uns avec les autres, et mettre leurs ressources complémentaires en commun pour faire de cette île un paradis de paix, s’ils se mettent d’accord pour vivre non pas les uns au-dessus des autres mais les uns avec les autres, dans la reconnaissance mutuelle, dans des maisons voisines.

Ceux qui s’opposent à cette coexistence pacifique sont de deux types. Il y a ceux qui nient l’histoire et pensent que le pays tout entier a toujours été, est, et sera pour toujours cingalais et bouddhiste : les Tamouls ne peuvent avoir droit à rien. Puis, il y a des Cingalais et des Tamouls, éduqués à l’occidentale, parlant anglais et souvent chrétiens, qui vivent à Colombo et qui estiment que le présent système centralisé, hérité du colonialisme, doit continuer parce qu’il favorise leur mode de vie élitiste, en dépit du fait qu’il est injuste pour les populations périphériques. Ce sont les mêmes secteurs de la population qui, autrefois, ont été utilisés inconsciemment pour imposer l’unité administrative coloniale du pays. La hiérarchie de l’Eglise préfère habituellement continuer les structures traditionnelles, même s’il y a déni de justice à l’encontre de certains.

Vous avez souvent défendu la cause des Tamouls. Votre attitude a souvent été assimilée à un soutien pour les “Tigres”. Quels sont vos commentaires ?

Oui. Moi, je suis concerné par la juste cause des Tamouls opprimés. Depuis quarante ans, les Tamouls subissent l’injustice des discriminations par le gouvernement de la majorité cingalaise dans le pays même où ils sont nés. En tant que chrétien et en tant que prêtre, je ne peux que soutenir la cause de la justice et m’élever contre toutes les injustices et les discriminations.

Je ne me laisse pas aller à un “communalisme” étroit. Les injustices, qu’elles soient contre les Tamouls ou contre les Cingalais, doivent être combattues. Je souhaite que tout chrétien ou prêtre, cingalais ou tamoul, se lève pour la justice et contre l’injustice sous toutes ses formes et dans tous les secteurs. (…)

Parce que les “Tigres” assument la direction de fait et l’articulation des droits des Tamouls, les gens tendent à penser que tous ceux qui parlent des mêmes droits sont pro-LTTE. Mais je n’ai aucun lien avec les “Tigres”, je ne remplis pas de mission pour les “Tigres”. En tant que citoyen tamoul et en tant que prêtre catholique vivant dans le Nord, j’accepte la direction de fait assumée par les “Tigres”, tout comme mes collègues dans le Sud acceptent le gouvernement de Colombo. Je fais partie du petit nombre de prêtres catholiques qui ont vécu ce problème depuis le début, d’abord au temps de mes études à l’université, puis comme journaliste, avant de devenir prêtre.

Si quand on dit pro-“Tigres”, on veut dire l’identification et l’approbation de tout ce qui est fait par les “Tigres”, il n’est pas juste de me qualifier ainsi. Si l’on veut dire que je partage le même objectif, à savoir le droit à l’autodétermination, à la reconnaissance nationale, à l’autonomie régionale et à une patrie sûre pour les Tamouls, alors je suis comme les centaines de milliers de Tamouls qui vivent ici. Très récemment, le 15 avril 1996, l’évêque, les prêtres et les religieux de l’Eglise de Jaffna ont publié un texte dans lequel ils affirment leur soutien à la lutte des Tamouls et condamnent la guerre et les violations des droits de l’homme. Quelques extrémistes du Sud pourraient sans doute dire aussi que l’Eglise du Nord dans son ensemble est pro-LTTE.

Comme je l’ai déjà expliqué, il y a une cause et une lutte authentiquement tamoules qui dépassent largement le LTTE, et possèdent une histoire plus ancienne. Les gouvernements successifs, par leur répression militaire, inhumaine et non démocratique, assimilable à un terrorisme d’Etat, ont provoqué une phase militante de la lutte tamoule. Celle-ci a grandi jusqu’à défier la puissance militaire de l’Etat. C’est ainsi que, pour se gagner la sympathie internationale, le gouvernement a traité le problème tamoul comme un simple problème de terrorisme. Il rejette toute offre internationale de médiation ou de solution et continue de mendier pour obtenir de l’argent et des armes afin de combattre le terrorisme. A l’heure actuelle, tous les Tamouls, même ceux du Sud qui ont voté pour le présent gouvernement, sont suspectés d’être pro-LTTE, juste parce qu’ils gardent le silence.

Quelle est votre opinion sur le modus operandi du LTTE ?

La manière d’opérer du LTTE a été largement déterminée par deux facteurs. D’une part, il y a eu la frustrante inefficacité de vingt-cinq ans (1956-1983) de lutte pacifique et démocratique des partis politiques tamouls pour obtenir le respect des droits fondamentaux de leur peuple. D’autre part, il y a eu, à la même époque, la montée des émeutes raciales cingalaises contre les Tamouls, et la cruauté du terrorisme d’Etat pratiqué dans les régions tamoules.

C’est donc après une longue lutte démocratique et pacifique pour leurs droits et alors que la jeunesse se trouvait le dos au mur sans avenir dans l’éducation et dans l’emploi, que les militants du LTTE ont pris les armes. Comme chrétien et comme prêtre je condamne la violence et je n’y souscris pas comme à un moyen pour une fin, et pourtant je comprends pourquoi la jeunesse tamoule, poussée au bout du désespoir et de la légitime défense a pris les armes contre une armée qui semait la terreur. Je compatis profondément aux pertes de vies humaines des deux côtés et particulièrement à celles de ceux qui meurent en pensant qu’ils donnent leur vie pour leur pays.

Pendant près de trente ans (1956-1983), quand les foules cingalaises s’en prenaient à des Tamouls innocents, les forces armées de l’Etat laissaient faire quand ils n’aidaient pas les émeutiers. Plus tard, la violence a commencé avec les unités militaires stationnées dans les régions tamoules et qui s’en prenaient à la population civile demandant le respect de ses droits. Les médias de Colombo, contrôlés par le gouvernement, ont caché tout cela à la population cingalaise. Le LTTE a estimé alors que seule la violence pouvait contenir la violence de l’Etat. Depuis lors, la spirale de la violence n’a fait que s’accroître. Pour en sortir, les forces qui l’ont mise en place doivent prendre l’initiative. Ceux qui y sont engagés en état de légitime défense n’ont pas ce pouvoir…

Beaucoup d’entre nous dans le Nord, particulièrement au sein de l’Eglise, avons demandé au gouvernement de cesser la guerre et de commencer à négocier en acceptant une médiation extérieure. Le gouvernement ignore ces appels. Il veut continuer la guerre jusqu’à annihilation du LTTE et obtention d’une victoire militaire…

Quelle solution envisagez-vous ?

Il y a une obligation pour les parties en conflit d’arrêter cette guerre et de commencer des négociations de paix. La dernière série de conversations à cet effet a échoué parce que le LTTE s’est retiré de la table des négociations. Il n’y avait aucune volonté gouvernementale d’appliquer même ce qui avait été accepté par les deux parties. En fait, l’armée ne voulait pas accepter ce que le gouvernement était prêt à concéder. Le gouvernement prétend aujourd’hui qu’on ne peut pas faire confiance au LTTE parce qu’il s’est retiré des négociations. Mais combien de fois le gouvernement est-il revenu sur ses promesses et a-t-il oublié les pactes qu’il avait pourtant signés ? Il me semble donc que le gouvernement doit accepter la médiation d’un tiers pour négocier avec le LTTE afin d’éviter toute accusation postérieure.

Par ailleurs, il faut créer un climat pour les négociations. Depuis cinq ans, les Tamouls subissent un embargo économique qui doit être levé afin que la population puisse vivre humainement.

Enfin, l’erreur commise en occupant Jaffna au prix de destructions énormes doit être corrigée et nous voulons que l’armée sorte de la ville et réintégre ses bases à Palaly… La population peut ainsi revenir à Jaffna sans peur pour reconstruire la ville…

Comment est-ce que le conflit ethnique affecte l’enseignement de la théologie ?

Le contexte dans lequel nous faisons et enseignons la théologie a changé peu à peu depuis vingt ans. Les chrétiens tamouls, qui ont subi, en même temps que le reste de la population, diverses formes d’esclavage depuis quarante ans, commencent à voir la main de Dieu dans leur chemin de libération. La célébration traditionnelle des mystères chrétiens tels que Pâques et l’incarnation trouvent aujourd’hui un écho naturel dans la vie et la situation du peuple. Les gens n’ont pas besoin d’imaginer les scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament avec des images, des crêches et des symboles. Tous les événements et les situations de leur vie quotidienne ont pris la forme de vrais événements de libération. C’est ainsi que nous avons commencé à faire de la théologie dans notre contexte de cheminement vers la libération.

L’expérience et la vie du peuple sont devenues le lieu de la théologie, la solidarité et le dialogue avec le peuple sont devenus la méthode de la théologie. C’est cette théologie à partir de la base qui peut animer et renforcer de façon significative l’espérance d’un peuple qui avance au milieu des épreuves. (…)