Eglises d'Asie

La junte veut dissuader le clergé bouddhiste d’accorder son soutien à l’opposition

Publié le 18/03/2010




Décidée à retirer à la Ligue nationale pour la démocratie de Mme Aung San Suu Kyi le large soutien que lui accordent les milieux religieux, la junte militaire s’est adressée directement, le 29 septembre 1996, au clergé bouddhiste pour le mettre en garde (1). Le lieutenant général Myo Nyunt, ministre des affaires religieuses, a rencontré ce jour-là, les principaux dirigeants du bouddhisme birman. Il leur a déclaré que l’opposition tentait d’exploiter la première religion du pays à des fins politiques. Selon lui, la Ligue était en train d’infiltrer le clergé bouddhiste afin de semer la discorde en son sein. D’après le quotidien d’Etat, Mirror, qui a rendu compte de l’entrevue, le ministre a justifié, devant les religieux bouddhistes, les nombreuses arrestations effectuées dans les jours précédents au sein de l’opposition à la junte au pouvoir. Elles étaient selon lui nécessaires pour maintenir la sécurité nationale.

Cette intervention auprès des milieux religieux fait partie de la stratégie mise en oeuvre par la junte militaire pour réprimer le parti de Mme Aung Suu Kyi, répression qui a redoublé d’intensité depuis vendredi 27 septembre, jour où devait s’ouvrir le Congrès national de la Ligue nationale pour la démocratie. Ce jour-là, la police anti-émeute encerclait la maison du prix Nobel de la paix et l’entourait de barricades pour empêcher la tenue du Congrès. En même temps, de nombreuses arrestations avaient lieu parmi les sympathisants de Mme Aung Suu Kyi et les membres de la Ligue. Le porte-parole de l’opposition faisait état de plus de 800 militants et sympathisants de l’opposition emprisonnés. Les représentants de la junte parlaient, eux, de 550 personnes arrêtées, destinées à être libérées prochainement.

Les réactions internationales ont été nombreuses et immédiates. Le 30 septembre, le gouvernement britannique “préoccupé” par la répression de l’opposition birmane proposait à ses partenaires européens de prendre des mesures contre la junte. Le lendemain, l’Union européenne et le Canada exigeaient la libération inconditionnelle des 550 personnes arrêtées pour avoir apporté leur soutien à la Ligue nationale pour la démocratie. L’Union européenne demandait de plus que le parti d’opposition puisse reprendre ses activités normales. Le 3 octobre, une déclaration de la Maison Blanche interdisait l’entrée aux Etats-Unis des responsables militaires en place à Rangoon ainsi que de tout Birman lié au régime militaire, en signe de protestation contre la violation des droits de l’homme en Birmanie.

Les positions ont été moins tranchées chez les pays voisins de la Birmanie, en particulier au sein de l’association de l’ASEAN, dont les membres sont divisés à ce sujet. Le président des Philippines, Fidel Ramos, a demandé aux pays membres de revoir leur position au sujet de la Birmanie lors du prochain de sommet de l’association, le 30 novembre prochain, en particulier, de reconsidérer le projet d’accueillir la Birmanie dans l’association au titre d’observateur. L’Indonésie , la Malaisie, suivies par la plupart des autres pays, préconisent, au contraire, une attitude appelée “engagement constructifrefusent de céder à la pression des pays occidentaux et préfèrent consacrer leurs efforts à une amélioration pratique et progressive des droits de l’homme en Birmanie.

Tout cet environnement international n’est sans doute pas étranger au relâchement de la pression de la junte sur l’opposition, survenu ces jours derniers. Les barricades entourant la maison du prix Nobel ont été démantelées le 8 octobre. 159 membres de la Ligue nationale arrêtés lors des rafles de la fin du mois de septembre ont été libérés. Mme Aung San Suu Kyi a aussitôt convoqué la presse et annoncé qu’elle reprendrait ses apparitions publiques du weekend si la population le souhaitait.