Eglises d'Asie

Le gouvernement fédéral suspend l’application du code islamique dans l’Etat du Kelantan

Publié le 18/03/2010




Dans l’ensemble de la politique religieuse du gouvernement malaysien, il faut considérer comme un événement de grande importance la décision, prise au début de ce mois par son premier ministre, Mahatir bin Mohamad, de suspendre le projet de code islamique que voulait mettre en application l’Etat du Kelantan (14), code semblable à celui qui sévit aujourd’hui en Afghanistan sous l’influence des milices de Taliban après leur victoire et le renversement de l’ancien régime. Les lois de cet Etat proposaient, entre autres châtiments, la lapidation à mort pour les femmes adultères, l’amputation des mains pour les voleurs et 40 coups de bâton pour les buveurs d’alcool. Le premier ministre a menacé les autorités de cet Etat de placer l’administration locale sous l’autorité du gouvernement fédéral pour violation de la constitution et les a mises en demeure de suspendre l’application des lois islamiques.

La décision du premier ministre est sans nul doute significative de l’attitude qu’il a adoptée face aux diverses tendances de l’islam en Malaisie, aujourd’hui. Il milite, semble-t-il, pour freiner le développement de l’islam fondamentaliste et cherche à fortifier une forme de religion modérée, compatible avec la rapide croissance actuelle de l’économie du pays et avec sa modernisation. Dans une intervention prononcée, le mois dernier, lors d’un colloque international de missionnaires musulmans, M. Mahatir faisait remarquer que, depuis des siècles, les musulmans avaient perdu leurs compétences, leur savoir, leur force ainsi que le respect des non-musulmans. Telle était, d’après lui, la cause de la dépendance des pays musulmans à l’égard des grandes puissances. Pour regagner le respect du monde, le premier ministre a plaidé pour un islam favorable au progrès et à la modernité. Il est probable aussi que la récente décision lui a été dictée par le souci de préserver une certaine harmonie entre la majorité malaise, presque totalement musulmane, et les minorités chinoises et indiennes.

Sur le plan fédéral, les efforts du gouvernement malaysien vont dans le même sens, selon les déclarations d’un haut fonctionnaire du gouvernement, Chandra Muzaffar. Pour réaliser cette politique modérée, les responsables gouvernementaux n’écartent pas les mesures sévères puisqu’ils ont averti qu’ils utiliseraient “l’acte de sécurité interne”, – autorisant la détention sans procès – pour enrayer l’extension des croyances chiites qui seraient la cause des divisions entre musulmans. Par ailleurs, il est aussi question d’améliorer le fonctionnement des tribunaux religieux et de remédier à leurs points faibles. Les citoyens malaysiens musulmans, par ailleurs soumis à une législation séculière, y ont recours à l’occasion de leur mariage, du divorce, de différends concernant la garde de l’enfant ou encore d’autres problèmes en relation avec leur vie personnelle ou familiale. Un universitaire musulman ajoute aussi qu’il était nécessaire d’harmoniser l’application juridique de la “sharia” dans les divers Etats de Malaisie et de renforcer les tendances musulmanes réformistes.

M. Mahatir a, un jour, résumé ainsi la conception moderniste qu’il voudrait imposer aux musulmans de son pays : “Les musulmans doivent se préparer à réinterpréter le Coran… C’est seulement lorsque l’islam sera considéré dans son rapport à un monde différent de celui qui existait il y a 1 400 ans, qu’il pourra être considéré comme une religion de tous les âges”.