Eglises d'Asie

Tibet : la campagne du Parti communiste contre le bouddhisme tibétain est en train de s’intensifier

Publié le 18/03/2010




Une nouvelle offensive tous azimuts a été déclenchée au Tibet contre les temples, les moines et les religieuses à qui il est reproché de se laisser influencer par l’esprit sécessionniste du Dalaï Lama. Une pleine page du très officiel « Tibet Daily » du 13 novembre 1996 appelle à une large réforme de la politique religieuse au Tibet pour remédier au relâchement de l’administration qui a introduit le chaos dans un certain nombre de régions.

Après la publication de cet article du « Tibet Daily« , les observateurs s’attendent à une sévère mise au pas du bouddhisme tibétain qui vient déjà cette année de subir une très agressive campagne d' »éducation patriotique ». « Le bouddhisme doit se conformer au socialisme et non le socialisme au bouddhisme » dit l’article qui presse les temples, les moines et les nonnes à accepter en conscience les directives du gouvernement et du parti.

« Ceci ne veut pas dire qu’ils doivent abandonner leur foi, mais qu’ils doivent soutenir le socialisme et le parti et réformer tout ce qui n’est pas conforme à l’esprit du socialismeajoute l’auteur de l’article. Le vocabulaire employé est directement repris des diatribes antireligieuses de la Révolution Culturelle des années 1966-1976 quand la persécution avait atteint son point culminant. Tout en critiquant le traitement infligé à la religion qualifiée alors d' »animal sauvage« , le journal écrit que, pour l’instant, on a trop lâché la bride à la société tibétaine : « Un certain nombre de gens cherchent à accroître l’influence de la religion tout en méconnaissant ses effets négatifs

Le journal publie en même temps des statistiques qui montrent « de façon évidente » l’influence négative de la religion sur l’économie tibétaine et son développement. En 1966, le Tibet totalisait 1 787 temples, « plus que toutes les villes et villages de la région réuniset les moines et religieuses étaient plus nombreux que les lycéens. La construction et la maintenance de ces édifices absorbaient une grande part des ressources et des revenus du travail au détriment d’autres secteurs tels que celui de la première éducation. Certains temples forçaient même les pauvres gens à les soutenir financièrement. « Tout cela est lié directement au relâchement du contrôle de l’administration sur les affaires religieuses et aux erreurs commises ces dernières annéesaccuse le Tibet Daily.

Citant à nouveau la célèbre maxime attribuée à Karl Marx sur la religion opium du peuple, le journal écrit que « le bouddhisme tibétain a complètement infiltré l’économie du Tibet et sa vie sociale et interfère couramment dans les affaires politiques. Ce n’est ni dans l’intérêt de la Chine ni dans l’intérêt de la modernisation du Tibet. La tâche la plus urgente consiste à remettre de l’ordre dans la confusion des esprits provoquée par la clique qui entoure le Dalaï Lama. Certains temples sont plus ou moins directement contrôlés par elle et sont devenus le quartier général des forces étrangères hostiles qui travaillent à séparer le Tibet de la Chine. Les moines et les religieuses sont devenus l’épine dorsale du mouvement séparatiste de la région. Il nous faut adopter une stratégie offensive pour protéger les intérêts vitaux de l’Etat, en démasquant et censurant les sécessionnistes quels qu’ils soientLe journal critique également les forces anti-chinoises étrangères qui déforment la vérité et critiquent même les mesures les plus mineures que peut prendre le gouvernement.

Dès le 14 novembre, au lendemain de la parution de cet article, le secrétaire général du parti communiste du Tibet, Chen Kuiyuan, réunissait les 43 responsables régionaux du parti. Après leur avoir reproché leur laxisme et leur incapacité à prendre des mesures concrètes face aux graves problèmes de la région, il leur a demandé de se préparer à lancer une dernière offensive contre le Dalaï Lama.

La répression contre le bouddhisme tibétain, tout comme celle qui a frappé les musulmans du Xinjiang, est menée au nom de la « construction de la civilisation socialiste spirituelleLe Tibet est depuis longtemps une des premières préoccupations des défenseurs des droits de l’homme qui ne manquent jamais de signaler les abus commis par les autorités chinoises communistes. Le Dalaï Lama est sous les projecteurs de la presse internationale avec ses tournées en Angleterre, en France, en Nouvelle Zélande et en Australie. La Chine en est très contrariée. Une importante étude publiée par Human Rights Watch/Asia and le Tibet Information Network, en mars 1995, montre que la répression s’est dramatiquement accentuée depuis 1994 et estime à 600 le nombre des prisonniers politiques tibétains.