Ces chiffres considérés souvent comme surévalués, montrent aussi qu’un certain calme règne. D’après les analystes, bien que la situation demeure difficile, l’atmosphère est plus détendue qu’il y a deux ou trois ans. L’émigration a en fait baissé de façon significative depuis le sommet atteint en 1989, quand les gens avaient pris peur à la suite de l’écrasement dans le sang de manifestants pro-démocrates de la place Tiananmen.
L’exode de Hong Kong des années 1990 a touché environ 62 000 prsonnes par an. L’année dernière, pour 100 départs on comptait 60 retours, la plupart, il est vrai, avec dans leur poche un passeport étranger. C’est ce que nous apprend la direction de l’Institut des ressources humaines de Hongkong. Dans leur ensemble, les analystes voient la population de Hong Kong prudemment optimiste quant à « l’après juillet 1997 ». Aussi longtemps que les différences entre Chine et Grande-Bretagne, Pékin et la démocratie resteront politiques, la vie quotidienne n’aura à subir que quelques petits changements.
Le Fond Monétaire International, dans un de ses derniers rapports, indique que « les incertitudes concernant la nature et les détails de ce transfert historique de souveraineté ont été réduites de façon significativesL’OCDE dit que le retour de Hongkong à la Chine n’aura des répercussions économiques que mineures, « les ajustements économiques nécessaires étant déjà en cours depuis quelques temps
Cependant certaines voix s élèvent pour reprocher au FMI d’être trop simpliste. A Hongkong, « les points de vue vont du pessimisme absolu au plus effréné des optimismes. Toutes sont des estimations sincèrement honnêtes qui n’ont rien à voir avec un service des relations publiques ou la propagandedit Bob Broadfoot, un consultant spécialisé dans l’étude des risques politiques et économiques. Il ajoute : « Les prévisions les plus optimistes viennent des hommes d’affaires, spécialement ceux qui ont appris à travailler avec la Chine et y ont réalisé d’énormes bénéfices. Ils voient l’intégration de Hongkong comme une occasion unique… Quant à ceux qui ont bénéficié des avantages de l’ère coloniale, comme les conglomérats du genre Jardine Matheson and Swire, ou Hong Kong Telecom, ils sont beaucoup moins optimistesLe vice-président de la chambre de commerce américaine, Douglas Henck, va dans le même sens : « Les sociétés qui ont d’importants capitaux investis en Chine ne se sentent que très peu concernés par l’après 1997… L’anxiété est le fait des chefs des petites entreprises dont l’actif personnel est à risque
Néanmoins, de subtiles indications nous montrent que ceux qui auraient automatiquement fait une demande de permis d’émigration il y a seulement quelques années, semblent vouloir maintenant accorder encore une chance à Hongkong. Pour justifier leur non-départ, ils expliquent que les changements probables ne se feront que peu à peu et ne prendront effet sans doute que dans une année ou deux. De son côté, la faculté de médecine de l’université de Hongkong affirme être de nouveau en mesure d’attirer dans ses rangs des diplômés de qualité, « malgré les problèmes que nous avons eus en 1991 et 1992, affirme le doyen, quand un certain nombre de nos très bons étudiants ont choisi de quitter Hongkong pour étudier à l’étranger ou ont émigré avec leur famille. Ils n’étaient pas du tout disposés à voir leurs cinq ans d’étude aboutir à 1997. Depuis, la dimension politique s’est bien estompéeUn homme d’affaires japonais, Kiyoshi Yamanoi, explique de son côté : « Honnêtement nous ne voyons pas très bien ce qui va se passer après la rétrocession. Il pourrait y avoir des problèmes de liberté de parole mais je pense que cela n’aura que très peu d’impact sur la fabrication industrielle
Sara Tang, de l’Institut, confirme : « Nous constatons une augmentation du nombre des retours mais si nous regardons pourquoi ils avaient quitté Hongkong, le premier motif qu’ils avaient donné était la rétrocession de 1997. Si c’était bien là leur principale raison, je ne pense pas qu’ils soient depuis devenus plus optimistes ». Un homme d’affaires canadien, Kong Garret, dit : « La Chine continue de faire et de dire ce qu’il faut pour convaincre les gens de HongkongChacun sait que le Canada est le pays qui reçoit le plus d’émigrés Hongkongais. Viennent ensuite l’Australie, Les Etats-Unis et Singapour. Le Consulat des Etats-Unis note que le nombre d’émigrés admis est en baisse et que ce mouvement s’accentue chaque année, ce qui pour lui est un bon indicateur de tendance à la confiance. Mais un officier de l’émigration précise que parmi ceux qui veulent rester à Hongkong, certains le font pour avoir le temps d’amasser le pécule nécessaire pour émigrer plus tard aux Etats-Unis.
« Si on demande aux gens ce qu’ils craignent le plus de cette rétrocession, ils répondent : se voir, un jour, obligés de prendre eux-mêmes la décision de partirrapporte un membre d’une commission d’étude sur le sujet, de l’université baptiste. « Si on leur demande ce qui leur fait penser qu’ils auront à partir un jour, leur réponse est moins explicite. Certains disent que tant que la bataille entre Pékin et la démocratie reste politique, la vie de tous les jours ne sera pas affectée et qu’ils resteront. Si la politique s’en prend à leurs moyens d’existence, ce sera l’exode. Cinq des six millions de Hongkongais sont prêts à partir immédiatement si les choses tournent mal
D’autres études montrent que les multinationales installées à Hongkong ont leurs plans arrêtés pour faire face à toute éventualité et se retirer. Un responsable des études de marché asiatique du Crédit Lyonnais affirme qu’une fuite massive des capitaux l’an prochain est très improbable, « le plus gros des capitaux étant déjà partiLes sondages prouvent que presque le quart des personnes interrogées ont déjà plus de la moitié de leurs économies converties en monnaie étrangère. Ce qui montre que la diversification des avoirs hors dollars de Hongkong est bien avancée et le pessimisme bien réel.
L’instabilité en Chine continentale, liée à la maladie de Deng Xiaoping, est aussi une cause d’inquiétude à Hongkong. C’est la crainte d’un chaos en Chine, et non pas à Hongkong, qui est la cause de la plus grande consternation sur le territoire.