Eglises d'Asie

LE POINT SUR LA SITUATION SOCIALE ET POLITIQUE(Du 1er novembre au 31 décembre 1996)

Publié le 18/03/2010




Le Cambodge est le seul pays au monde à être dirigé par deux premiers ministres issus de deux partis. le FUNCINPEC (Front uni national pour un Cambodge indépendant, neutre, pacifique et coopératif), parti royaliste, et le PPC (Prachéachon ou Parti du peuple cambodgien excommuniste) qui se sont affrontés militairement pendant près de dix ans. L’approche des élections municipales, prévues en décembre 1997 et des Iégislatives, prévues pour 1998, expliquent une grande partie de l’activité politique du pays, et rendent la tension entre les deux partis de gouvernement de plus en plus vive faisant même craindre parfois à des affrontements militaires.

L’intégration des Khmers Rouges dissidents

On se souvient que le 8 août dernier, leng Sary. ministre des Affaires étrangères des Khmers Rouges, souvent considéré comme Ie second personnage du mouvement, avait fait sécession de la branche de Pol Pot, et créé un mouvement indépendant, le MDUM (Mouvement démocratique d’union nationale). Après son amnistie accordée pour des raisons de paix intérieure, on n’entend plus parler de lui. Il vit dans une luxueuse villa en Thaïlande, avec la fortune amassée par l’exploitation du bois et des pierres précieuses. « Je n’ai plus besoin de lui vous ne le verrez jamais à Phnom Penh ! » affirme Hun Sen. Depuis lors, les deux partis au pouvoir à Phnom Penh font de la surenchère pour récupérer les dépouilles des Khmers Rouges afin de renforcer leurs positions en vue des prochaines élections.

Le FUNCINPEC est partisan de la négociation avec le MDUN. Il serait d’accord pour l’octroi de postes importants dans l’état-major des FARC aux chefs de divison khmers rouges ralliés. Le PPC s’oppose à I’octroi de ces postes aux chefs khmers rouges, craignant de voir se reconstituer le front tripartite des années 80 (FUNCINPEC, FNLPK et Khmers Rouges) contre la RPK (République populaire du Kampuchéa). Le PPC se lance dans une politique active pour rallier des divisions khmères rouges directement vers les FARC, et non vers le MDUN.

Le 30 octobre Ranariddh, premier premier ministre, rend publique une lettre de remerciements cosignée par Sok Phéap et Y Chhéan, chefs khmers rouges de la région de Pailin, adressée au FUNCINPEC.

Le 2 novembre, dans un discours à la radio, Hun Sen, second premier ministre reproche le retard du processus d’intégration dans les rangs des FARC à Ieng Sary et « à une poignée de mauvais hommes politiques » de Phnom Penh, sousentendu Ranariddh et le FUNCINPEC.

Le 6 novembre, à Païlin, et le 7 novembre à Phnom Malai, les forces khmères rouges dissidentes de leng Sary sont incorporées aux FARC. Bien que leng Sary insiste sur le fait qu’il s’agit d’une « libre décisionson conseiller Long Norin est plus direct, affirmant que cette intégration n’était pas la volonté des dissidents. « Le gouvernement a voulu cette intégration. Il aura à en gérer les conséquences. Nous ne sommes pas responsables de ce qui va se passer maintenantDurant la cérémonie d’intégration de Païlin, les autorités gouvernementales interdisent à Y Chéan de prononcer le discours qu’il avait préparé, contenant un paragraphe virulent contre les chefs des divisions 909 et 250 (Him Put et Ean Phan), coupables de n’avoir pas respecté leur engagement à l’égard du MDUN, et de s’être alliés aux forces extérieures, celles des FARC, pour oppresser les populations habitant dans leur zone d’influence.

Le 19 décembre, Ny Korn, commandant du Front 250 (Samlaut), frère de Son Sen, actuel ministre de la Défense des Khmers Rouges, Ta Muth, beaufrère de Ta Mok, chef d’étatmajor khmer rouge, et Son Chhum, frère de Son Sen se « rallient » aux FARC. Ils auraient été faits prisonniers par les hommes d’Y Chéan au début du mois d’octobre, lors de la prise de Samlaut, et gardés depuis en prison tant qu’ils refusaient de se rendre.

L’intégration des autorités de Païlin et du Phnom Malai aux FARC, ne change pas grand chose à la gestion de ces secteurs : ce sont toujours Y Chhéan et Sok Phéap, qui donnent les ordres aux fonctionnaires provinciaux de Battambang. Ils ont été envoyés à Pailin pour recenser les policiers khmers rouges et les prendre en photo, mais n’ont pu commencer ce travail à cause de la résistance passive des intéressés.

Le statut de Païlin n’est pas encore fixé. A Battambang, on considère Païlin et Phnom Malai comme un nouveau district de la province, comme jadis. D’autres voudraient donner à Païlin le statut de nouvelle province, au même titre que Kep ou que Sihanouk-ville. Il semblerait que se mette en place un commandement unifié comprenant des représentants du gouvernement et du MDUN.

Le 12 décembre, le second premier ministre Hun Sen, accompagné de hauts responsables du PPC, de diplomates, d’hommes d’affaires, dont le richissime Teng Boonma, visite le village de Tek Sok, dans le secteur de Samlaut, à une trentaine de kilomètres au sud de Païlin. Ce village a été pendant plus de 20 ans l’un des bastions khmers rouge. Les 700 anciens soldats khmers rouges accueillent (chaleureusement ? pas très, selon les témoins oculaires) Hun Sen et sa délégation. Eang Phan, chef khmer rouge, félicite Hun Sen et lui fait remarquer que ses troupes se rallient sans condition, à la différence des hommes de Ieng Sary. Le second premier ministre promet le financement nécessaire au développement de cette région et la tenue de prochaines élections dans ce district.

Par contre, le 23 décembre, Ranariddh, premier premier ministre, est contraint d’annuler sa visite à Ta Sanh, ancienne base khmère rouge, également dans le secteur de Samlaut, car les khmers rouges dissidents menacent d’abattre son hélicoptère. Kéo Pong, ancien chef khmer rouge, qui a mené les négociations avec la guérilla pour le compte du PPC, est directement accusé par le Funcinpec. Il nie toute implication dans cette affaire. Pourtant, Nhiek Bun Chhay (FUNCINPEC), chef d’Etat-major adjoint des FARC, affirme que ce complot a été fomenté, non pas pour des raisons politiques, mais pour dissimuler le commerce du bois.

Le roi, qui a toujours soutenu l’entrée des Khmers Rouges dans le gouvernement, comme force indépendante, désapprouve la compétition entre les forces politiques de Phnom Penh pour récupérer les Khmers Rouges ou s’allier avec eux. Il considère ce processus comme « dangereux ».

On affirme de plusieurs sources que Hun Sen a proposé 1 million de dollars à Sok Phéap et à Y Chhéan pour qu’ils se rallient au PPC. Les deux anciens Khmers rouges ont refusé de pactiser avec celui qu’ils considèrent comme un traître du mouvement, qui s’est allié aux Vietnamiens, ennemis de toujours (Times du 2.12.96). Le fait montre que sous des aspects politiques et militaires se cachent des intérêts financiers considérables. Le gouvernement du Cambodge apparaît comme composé de deux maffias concurrentes.

Même si le retour à la normale n’est pas encore complète dans les régions de l’Ouest cambodgien, on y assiste à une course à la terre. Ces terres sont pourtant truffées de mines et d’explosifs de tous genres. L’ONG MAG (Mine Action Group), à que on a demandé de faire une étude sur certains secteurs de la province de Kimpong speu afin d’y réinstaller les populatios qui s’y trouvaient jadis, a découvert des panneaux indiquant que les terrains sont la propriété de tel ou tel général. Certains officiers font replacer des mines par leurs soldats sur ces terrains.

Le gouvernement semble pressé de réouvrir la route numéro 10, reliant Battambang à Pailin, car sans la réouverture de cette route, Pailin demeure ne zone économiquement et politiquement indépendante, malgré les cérémonies d’intégration. Actuellement, l’hélicoptère est le seul moyen de transport au départ de Battambang, au prix de 52 dollars à l’aller et de 20 au retour. Cependant, cette route est l’un des endroits les plus minés de la planète : les mines antichar y sont enfoncées à au moins 50 cm, souvent piégées par une mine antipersonnel, reliée à la surface par un bâton. Le général Néap, commandant khmer rouge défendant la route 10, avoue avoir mis au point des pièges combinant des explosifs et des armes chimiques.

La scission au sein du mouvement khmer rouge ne doit pas faire oublier que les Khmers Rouges de la ligne dure de Pol Pot continuent d’exister, même si leur nombre a fortement diminué. Ils sont cantonnés dans le nord de la province de Siemréap (secteur d’Anlong Veng) et de Préah Vihéar. Pour le moment, les FARC n’envisagent pas d’opération de saison sèche pour les déloger.

Les 4 et 10 novembre, six soldats gouvernementaux sont tués et sept autres blessés dans des attaques surprises menées par des unités mobiles khmères rouges, à environ 70 km au nord-ouest des temples d’Angkor.

Le 20 décembre, 16 soldats des FARC sont blessés dans un accrochage près de Chom Ksan (Préah Vihéar).

Le 21 décembre, Ta Mok, chef d’Etat-major de Pol Pot, à la tête de plus de 250 soldats, s’est emparé de deux positions gouvernementales à Chah et Kantuot, à environ 40 km à l’Est d’Anlong Veng, près de Préah Vihéar. 200 soldats gouvernementaux ont été héliportés d’urgence pour tenter de reprendre ces villages. 5 soldats ont été tués et 10 autres blessés.

Le 25 décembre, 2 soldats des FARC ont été tués, deux autres blessés et sept Khmers rouges tués dans un accrochage près de Varin, dans la province de Siemréap.

La tension politique s’exaspère

1 – Tentative de limogeage d’Ing Kieth, ministre des Travaux Publics et des Transports.

Ing Kieth est l’un des ministres du FUNCINPEC, formé à l’anciene école, compétent et sérieux. En juin dernier, dans un discours devant 900 employés du ministère des Travaux publics, Hun Sen avait qualifié leur ministre de « vieux renard » et de « pire ministre des Travaux publics depuis 17 ans ». Durant la première semaine de novembre, une centaine d’employés du ministère des Travaux publics, pour la plupart des membres du PPC, ont fait grève, pour demander le renvoi de Ing Kieth. Hun Sen les avait préalablement assuré de son soutien pour toute action exprimant leur mécontentement. Hun Sen reproche au ministre d’avoir remanié son ministère sans l’approbation du conseil des ministres, et particulièrement d’avoir remplacé Ouk Chan, ancien directeur du département « Construction des ponts et des routes ». Pour la première fois depuis le mois de juin, Ing Khiet sort de son silence : le département, mis en faillite récemment, a été rendu autonome financièrement par une décision prise sous le régime de l’Etat du Cambodge. Selon le ministre, Ouk Chan porte la responsabilité de cette faillite, pour avoir illégalement vendu du matériel puis détourné le produit de ces ventes, d’une valeur de plusieurs milliers de dollars. Le ministre affirme avoir envoyé au cabinet du conseil des ministres un document rédigé pour mettre la réglementation de son ministère à jour, mais que depuis trois ans, aucune décision n’a été prise à ce sujet.Cette tentative de limogeage d’Ing Kieth ne pourrait n’être qu’un fait divers, mais elle s’inscrit dans la suite du harcèlement systématique des opposants sérieux au PPC.

2 – Les « Khmers rouges urbains »

Le 16 novembre, lors d’une conférence de presse tenue dans sa résidence personnelle de Ta Khmau, Hun Sen présente 10 hommes comme autant d’anciens Khmers Rouges ayant reçu pour mission d’installer des réseaux terroristes dans la capitale. Ces dix hommes accusent Sam Rainsy d’être membre de leur réseau. Selon eux, Sam Rainsy a rencontré Khieu Samphan, premier ministre khmer rouge, qui lui a remis 2 millions de dollars avant de lancer son Parti de la nation khmère (PNK). Ils affirment également que plus de 16 000 Khmers Rouges sont membres du PNK, et Sam Rainsy a formé des équipes comprenant 6 Khmers rouges chacune, pour neutraliser toute personne perturbant le lancement du PNK. Rainsy leur a promis 3 000 dollars à chacun pour toute grenade lancée. Les 10 prétendus Khmers rouges révèlent à la presse qu’ils ont, en outre, été contactés par des émissaires secrets du prince Ranariddh, premier premier ministre, leur demandant de remettre à plus tard leur ralliement aux FARC (Forces armées royales cambodgiennes). Quatre jours plus tard, le groupe de 10 tient une nouvelle conférence de presse pour apporter des « preuves » : de nombreuses cartes de membres du PNK.

Le prince Ranariddh qualifie ces allégations de tissu de mensonges.

Sam Rainsy, devenu moine bouddhiste pour quelques semaines, se déclare prêt à se défendre devant un tribunal au cas où il serait poursuivi en justice. Sorti de sa retraite monastique, il apportera à la presse ses deux passeports, un cambodgien et un français qui porte un visa prouvant qu’il était en France le 20 juillet 1995, date à laquelle il aurait reçu 2 millions de dollars !

La radio khmère rouge décrit la conférence de presse des 10 comme « un coup monté et une pièce de théâtre ».

Nguon Soeur, président du Parti des Citoyens, qui fut pendant quelques mois vice-président du PNK, affirme que Sam Rainsy a bien rencontré Khieur Samphan, mais ne peut cependant pas affirmer que le président du PNK a reçu 2 millions de dollars de la part des Khmers rouges.

Le prince Sirivudh, de Paris, tourne les accusations portées contre Sam Rainsy en ridicule. La plupart des organisations internationales et des observateurs voient dans cette conférence de presse une grotesque mise en scène.

Les deux meneurs du groupe des dix sont des personnages pour le moins douteux : l’un d’eux, Sieng Sothéarak a travaillé pour l’ONG ADHOC (organisation cambodgienne de défense des droits de l’homme) à Battambang, avant d’être renvoyés pour détournement de fonds. Il a ensuite travaillé au journal pro-PNK La Voix de la Jeunesse Khmère, avant d’en être renvoyé pour avoir vendu du matériel appartenant au journal. Soupçonné d’être agent khmer rouge, il a été arrêté en décembre 1995 et condamné, en août 1996, à 8 mois de prison pour désinformation. Ces 8 mois couvrent son temps de détention préventive. L’autre, Doung BLDP (Parti démocratique libéral bouddhique, parti nationaliste de Son Sann). Les mêmes accusations calomnieuses contre le PNK seront reprises le 27 décembre, par Réach Sarithisk, autre soi-disant Khmer rouge rallié, en fait un exclu du PNK.

Le 19 novembre, Kov Samouth, beau-frère de Hun Sen, et directeur-adjoint de la police économique du ministère de l’Intérieur, est assassiné par un tueur professionnel, de 6 balles tirées à bout portant alors qu’il sortait d’un restaurant. Il semble que ce soit un crime crapuleux. En 1992, le beau-père de Hun Sen avait déjà été victime de tueurs.

Quelques heures après cet assassinat, Hun Sen dans un discours à la télévision, pleure, prévient avoir donné ordre à l’armée de faire usage de ses armes, s’il en était besoin, pour « protéger la vie de la populationcontre le terrorisme. Il interprète l’assassinat comme une tentative pour dissuader un réseau secret de Khmers Rouges de la capitale, dont les dix agents nommés ci-dessus, à se rallier au gouvernement. Il appelle tous les agents khmers rouges infiltrés dans les partis politiques, l’armée et la police à se rallier au gouvernement, leur promettant l’amnistie, même aux tueurs de son beau-frère. Om Yentieng, conseiller de Hun Sen, précise cependant que les responsables du meurtre ne sont pas des Khmers Rouges. La radio khmère rouge, pour sa part, commente immédiatement cet assassinat, comme le prélude à d’autres assassinats de membres du PPC, dont elle donne les noms : Sar Kheng, ministre de l’Intérieur, Téa Banh, ministre de la Défense, Chéa Sim, président de l’Assemblée nationale, Pol Saroeun, chef de l’état-major des FARC, et Hok Lundi, chef de la police nationale.

Lors de l’incinération de Kov Samouth, le 21 novembre, les membres du PPC présents signent une pétition de soutien au second premier ministre, qui accuse des « hommes politiques extrémistes » d’être responsables de cet assassinat.

Le 30 novembre, Hun Sen en personne, prévient les ambassades de France, des Etats-Unis, d’Australie et du Vietnam, d’un risque d’attentats de la part d’agents khmers rouges infiltrés dans la capitale. La radio clandestine khmère rouge qualifie cette alerte d’« invention et de mise en scène » dans le but d’accréditer la thèse de l’existence de terroristes khmers rouges à l’intérieur de Phnom Penh.

Le 9 décembre, lors d’une cérémonie organisée à Kompong Speu et présidée par Hun Sen, accompagné par Sieng Sothéarak, 80 « rebelles urbains » se rallient au gouvernement. Le second premier ministre déclare que la menace d’agents khmers rouges infiltrés dans Phnom Penh est réelle et à prendre très au sérieux. Le 27 décembre, Hun Sen affirme que, durant le mois de décembre, « 388 Khmers rouges clandestins » se sont ralliés, suite à son appel. Il reconfirme Sieng Sothéarak, Doung Buntha et Men Sophat dans leur mission de négociation avec les Khmers rouges.

Hun Sen manie à la perfection l’art de faire monter la pression. En bonne tactique communiste, il convient d’avoir un ennemi pour mobiliser les troupes. « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ! »

3 – Tensions dans la région de Battambang

Le lendemain de l’assassinat de Koy Samouth, le 20 novembre, alors que Ranariddh, premier Premier ministre assiste à une conférence économique à Hong Kong, Sérey Kosal, membre du FUNCINPEC et gouverneur-adjoint de la province de Battambang, adresse une lettre aux deux Premiers ministres, se plaignant des intimidations PPC à l’égard du FUNCINPEC : Hul Savoan (PPC), chef des FARC de la 5ème région, fait la chasse puis désarme les gardes du corps du troisième gouverneur de la province (FUNCINPEC). Sérey Kosal termine sa lettre en demandant l’autorisation de « maintenir l’ordre social et la sécurité », et de supprimer les barrages sur la route nationale 5 qui permettent aux soldats des FARC d’extorquer de l’argent aux véhicules. Il prévient que « dans le cas de combats, mes collègues et moi-même, prendrons les mesures appropriées pour défendre les intérêts suprêmes nationaux, défendre le gouvernement royal, la nation, la religion et le roi

Une bagarre entre soldats ivres blesse un membre de la police militaire du PPC et met le feu aux poudres. Le FUNCINPEC déploit ses troupes, apparemment pour affirmer son autorité sur la région. Le 23 novembre, Sérey Kosal dit avoir déployé 5 000 hommes le long de la route nationale 5, jusqu’au sud de la province de Pursat. De fait, Sérey Kosal ne dispose pas de milliers d’hommes, comme il le dit, mais il est possible que les généraux Nhiek Bun Chhay et Khan Savoeun, du FUNCINPEC, aient mis leurs troupes à sa disposition. Hun Sen fait déplacer des soldats de Koh Kong à Kompong Speu, pour renforcer un cordon de sécurité autour de Phnom Penh. « En cas de nécessité, nous couperons Battambang de Phnom Penh, et nous tirerons si des troupes venant de Phnom Penh essayent de nous attaquer », dit Sérey Kosal.

La tension s’apaise, mais les deux partis continuent à s’observer et à s’accuser mutuellement. Le PPC accuse les troupes du FUNCINPEC de Battambang d’avoir intégré d’anciens soldats khmers rouges de la faction dissdente de Ieng Sary. Le FUNCINPEC répond que « toutes les forces nationalistes sont uniesLe 28 novembre, le FUNCINPEC organise une fête à Siemréap, à laquelle participent le prince Ranariddh, les généraux FUNCINPEC, ainsi que Sok Phéap, Y Chhéan et Prum Su, officiers Khmers rouges ralliés. « J’ai avec moi tous les généraux, tous les commandants de nombreuses unités, comme vous pouvez le voir. Ils sont très fortsdit le premier premier ministre à l’aéroport, Serey Kosal commence à retirer des hommes de la RN 5, mais refuse de rencontrer le général Ke Kim Yan (PPC), chef suprême des FARC.

Le 30 novembre, 7 civils sont blessés lors d’échanges de tirs entre policiers et militaires dans la ville de Sisophon, organise rapidement une rencontre entre Li Virak, commandant de la 12ème Division, et le chef de la police de Sisophon. A Phnom Penh on confirme l’affrontement sans en préciser toutefois la cause. Les autorités provinciales de Battambang précisent que cet incident n’était pas lié à la tension existant dans la région.

Le 4 décembre, les deux gouverneurs de Battambang, Ung Samy (PPC) et Sérey Kosal (FUNCINPEC), se rencontrent à Phnom Penh, en présence du co-ministre de l’Intérieur (FUNCINPEC) et du secrétaire d’Etat de ce même ministère (PPC), afin de trouver un compromis.

Le 5 décembre, cependant, éclate une nouvelle altercation entre forces du PPC et du FUNCINPEC dans le centre ville de Battambang. Pour certains, des policiers PPC ont commencé à tirer des rafales d’AK-47 en l’air et les forces FUNCINPEC ont répondu par des tirs de roquettes B-40. Pour d’autres, un soldat FUNCINPEC a tiré trois roquettes pour arrêter un fuyard en moto qui venait de se disputer avec des policiers PPC, policiers qui ont également ouvert le feu de leur AK-47. Un motard a été blessé au bras, deux roquettes ont atteri dans l’enceinte du siège du PPC, l’une a touché le bâtiment, et la troisième a échoué à cinq mètres du commissariat de police provinciale.

4 – Le retour avorté du prince Sirivudh

L’amnistie accordée à Ieng Sary, Numéro 2 khmer rouge et responsable de la mort de millions de Khmers, avait posé la question de l’amnistie du prince Sirivudh, demi-frère du roi, et ancien secrétaire général du FUNCINPEC. Accusé en novembre 1995, d’avoir fomenté un complot contre Hun Sen, Sirivuddh a été condamné par contumace, sans aucune preuve, le 22 février 1996, à 10 ans de prison pour « conspiration criminelle et détention illégale d’armesAu début du mois de novembre, Sirivuddh annonce qu’il a décidé de rentrer au Cambodge dans les deux mois, sans toutefois préciser de date. Le trône ne l’intéresse pas, il se considère plutôt « comme un citoyen qui veut servir son payspour y défendre les valeurs démocratiques et protéger les intérêts de sa nation. Il se considère toujours comme membre du FUNCINPEC, compte sur le soutien du prince Ranariddh, de la communauté internationale et sur le pardon du roi pour que son retour se fasse dans les meilleures conditions. Il prend le risque d’être assassiné dès son arrivée au Cambodge. Au début du mois de décembre, il fixe son retour au 21 décembre.

Le directeur de la police nationale fait savoir que le prince Sirivuddh sera arrêté dès son retour au pays, puisqu’il reste sous le coup de la condamnation du mois de février, sauf s’il bénéficie du pardon du roi. Le général Nhiek Bun Chhay (FUNCINPEC), chef d’Etat-major adjoint des FARC, déclare qu’il assurera la sécurité du prince et s’opposera à son arrestation, si Sirivudh obtient le pardon royal.

Le 15 décembre, Hun Sen déclare qu’il est prêt à lancer une opération militaire si Sirivudh revient au Cambodge. « Tout appareil qui osera transporter le prince Sirivudh sera abattu (…). J’ai donné l’ordre à 45 tanks de se tenir prêts à attaquerDéjà des batteries BM-21 (« orgues de Staline ») sont braquées sur l’aéroport de Pochentong. Le FUNCINPEC menace de riposter avec 10 roquettes B-40 à chaque balle du PPC. Les observateurs s’accordent à dire que ces propos ne sont que des menaces verbales: « Les BM-21 sont des roquettes sol-sol et non pas sol-airLe même jour, une réunion entre dirigeants du FUNCINPEC et du PPC tente de trouver une issue à la crise. Les représentants des deux partis prônent le dialogue et condamnent le recours à la force. Bien que les représentants des deux partis affirment ne pas avoir parlé du retour de Sirivudh, le 16 décembre, Hun Sen se montre conciliant, et déclare que « si sa Majesté le roi lui accorde son pardon je le soutiendrais (…). Je ne proposerai pas au roi de le gracier, mais je ne refuserai pas le pardon royal (…). Je soutiens toujours les décisions royales parce que je n’ai pas le choix ! » Khieu Samphan, pour les Khmers Rouges, déclare le même jour, sur la radio clandestine que « le retour de Sirivudh est raisonnable, juste et légal, car le prince n’est pas coupable (…). Nous le soutiendrons et le protégerons

Le 17 décembre, Sihanouk refuse d’amnistier Sirivudh, bien que la constitution lui en donne le droit : « Aucune amnistie ne sera accordée sans l’accord conjoint des deux premiers ministres. Je n’accorde et n’accorderai aucune amnistie aux personnes auxquelles Hun Sen ne pardonne pas, car il ne serait pas bon pour le Cambodge que le roi et l’un de ses premiers ministres deviennent deux ennemisCependant, le 18 décembre, Ranariddh, premier premier ministre, envoit une lettre au roi dans laquelle il lui demande « l’octroi de sa grâce » au prince Sirivudh. Pour sa part, Hun Sen, second premier ministre, redit qu’il ne s’oppose pas au retour de Sirivudh, si celui-ci était gracié par le roi, mais qu’il refuse de demander cette grâce. Le 31 décembre, un groupe de soutien au prince Sirivudh écrit de Paris au roi pour demander « l’octroi de la grâce à un innocent…pour les intérêts supérieurs de la nation

Ces péripéties qui relèvent du genre des guerres picrocolines de Rabelais, manifestent à l’évidence la paranoia qui s’empare de certains responsables politiques cambodgiens. Elle ferait sourire en d’autre lieux, mais au Cambodge, un dérapage est toujours possible, comme on a pu le craindre dans les escarmouches entre militaires à Battambang. On sent un changement dans le vocabulaire : quand les membres du FUNCINPEC parlent du PPC, ils parlent désormais des « communistes ». Rompant avec la passivité apparente dont il a fait preuve jusqu’à ce jour, le FUNCINPEC semble vouloir réagir à toute vexation de la part du PPC.

Heng Samrin, président d’honneur du PPC, dit tout haut ce que beaucoup disent tout bas : « l’alliance (entre PPC et FUNCINPEC) n’existe que sur le papier. Dans la pratique, elle n’est plus possible, le PPC a le contrôle total de la situationKhieu Samphan vole au secours du FUNCINPEC, en proposant, le 5 décembre, que le premier premier ministre assume seul les fonctions de chef du gouvernement, afin de mettre un terme aux tensions au sein de la coalition. Selon lui, c’est « le seul moyen d’empêcher Hun Sen de détruire les forces du FUNCINPEC

Dans ce contexte politique trouble, le 3 décembre, le groupe World Peace Corps (WPC), basé en Corée et aux Etats-Unis, décerne au second premier ministre Hun Sen le « Prix mondial de la paix » et le titre de « docteur en religion comparée ». La lettre attribuant ce prix, envoyée d’un bureau de Séoul, comporte des caractères coréens. Selon cette lettre, les autres lauréats sont Ronald Reagan, ancien président des Etats-Unis, Yitzak Rabin, ancien premier ministre d’Israël, Hosni Mubarak, président de l’Egypte. Personne n’a jamais entendu parler de World Peace Corps, organisation sur laquelle les journalistes n’ont pu obtenir aucun renseignement. La brochure du WPC ne donne aucune précision. WPC se défend d’être dans la mouvance de la secte Moon. La cérémonie de remise du prix et du titre, le 3 décembre, retransmise en direct à la télévision et à la radio, s’est déroulée sous haute sécurité, en présence de 600 partisans de Hun Sen et du PPC, mais en l’absence de la plupart des ambassadeurs. L’un des ambassadeurs présent décrit la scène comme pouvant se passer en Allemagne avant 1939. La plupart des Cambodgiens pensent qu’il s’agit du prix Nobel de la paix.

5 – La préparation des élections

Sar Kheng (PPC), ministre de l’Intérieur, déclare qu’il est fort probable que les élections municipales de 1997 soient repoussées en 1998, et aient lieu en même temps que les élections législatives, pour des raisons d’organisation et de coût financier. Ranariddh suggère que la communauté internationale supervise les prochaines élections de 1998 afin d’en assurer le bon déroulement, et dénonce de nombreux actes d’intimidation à l’égard des membres du FUNCINPEC et du PNK perpétrés en province : « Si nous continuons ainsi, ce ne seront pas des élections libres et équitables que nous aurons en 1998Il ordonne l’ouverture d’une enquête concernant l’assassinat de deux militants du FUNCINPEC dans la province de Kandal, les 28 novembre et 2 décembre. Le 21 décembre, Sar Kheng, ministre de l’Intérieur sermonne les militaires de Battambang : s’ils continuent à créer des histoires entre eux, « les élections risquent d’être compromises, et la communauté internationale ne nous soutiendra plus

Ranariddh envisage de former une alliance avec le PNK et la faction du BLDP de Son Sann : « Je pense que nous sommes, idéologiquement parlant, plus proches du PNK que nous ne le sommes du PPCSam Rainsy, par contre, se déclare peu intéressé par une coalition qui n’a pour but que le partage du pouvoir, des privilèges et de l’argent de l’Etat. Il précise toutefois qu’un partenariat du PNK avec un autre parti peut être possible sur la base d’un programme politique clairement défini.

Des membres du PNK et du BLDP se disent, par contre, optimistes pour la création d’une alliance entre les deux partis en vue des élections de 1998. Les membres des FARC appartenant au FUNCINPEC de la région de Sihanoukville décident de protéger les bureaux du PNK soumis à des actes de vandalisme par les membres du PPC : « Si le PPC nous attaque, le FUNCINPEC répondramenace Sam Rainsy. On assiste à une synergie de fait entre les deux partis.

Le 28 décembre, le PNK a tenu son congrès mondial, avec 3 000 participants venant de divers pays. Certains membres du FUNCINPEC, et non des moindres, comme Ly Thuch, chef de cabinet de Ranariddh y assistaient.

Le 3 décembre, Hun Sen rejette l’idée que son parti, ou lui même, nomme à l’avance un leader qui dirigera le gouvernement en cas de victoire du PPC aux élections de 1998. Il reviendra aux membres du parti de décider, une fois les élections terminées.

Son Sann, président de l’une des factions du BLDP, a donné sa démission de l’Assemblée nationale. A 86 ans, il laisse la place à quelqu’un de plus jeune, mais demeure cependant président du BLDP. Il sera remplacé par Thach Renh, de la même branche du parti. Le BLDP possède 10 sièges sur 120 à l’Assemblée nationale.

De petits partis qui se sont présentés aux élections de 1993, où ils avaient gagné 1,5% des voix, reprennent du service, notamment le « Parti Neutre Khmer », de Sok Dyvathann qui prétend avoir 20 000 membres.

C’est sans doute dans le cadre électoral qu’il convient de situer la requête émise par le FUNCINPEC de restituer les « terrains d’Etat »: le PPC est en effet propriétaire de multiples terrains et maisons dans tous les villages.

Ranariddh et le FUNCINPEC demandent qu’une commission soit créée pour enquêter et faire restituer à l’Etat les terrains nationaux que se sont abusivement appropriés des particuliers ou des partis. Trois partis politiques se rangent derrière la demande du premier premier ministre: le PNK, du Parti Khmer Neutre, et de la faction de Son Sann dans le BLDP. Un conseiller du second premier ministre Hun Sen commente en disant que « personne n’est intéressé par de telles investigations

Chéa Sim, président du PPC, dénonce la création de cette commission sur les terrains qu’il considère comme une simple manoeuvre politique et dangereuse pour la nation.

Le 9 novembre, date anniversaire de l’Indépendance, et fête nationale du Cambodge, le roi Sihanouk publie un communiqué: « Moi, Norodom Sihanouk, ai l’honneur d’informer tous mes compatriotes au Cambodge et à l’étranger que jusqu’à ma mort, je ne reviendrai jamais en politique, je ne me présenterai pas aux élections, et je ne soutiendrai aucun parti politique ni aucun groupe, parce que je suis le père de tous les Cambodgiens et parce que je suis authentiquement neutreLe lendemain, le roi part en Chine pour y suivre un traitement médical. Le protocole habituel du départ n’est pas respecté : Sihanouk fait retirer le tapis rouge initialement posé jusqu’au pied de l’avion. Les milieux diplomatiques décrivent le roi comme d’humeur maussade, s’estimant méprisé, évoquant l’hypothèse de se retirer dans une pagode en France. Les journaux favorables au PPC sont très critiques envers la monarchie. Le journal « Chakraval » (« Univers »), accuse le roi de n’être pas présent à des cérémonies importantes, de manquer des qualités de chef, de n’être pas neutre et de convoiter le pouvoir. Le journal « Sathéarnarath » (« République ») appelle les Cambodgiens à abandonner leur attachement « non réfléchi » à la monarchie, et les invite plutôt à suivre des hommes politiques qui sont guidés par l’intérêt du peuple. En proposant un pot de vin confortable à chacun des deux chefs khmers rouges ralliés, Hun Sen affirme clairement son but : « ensemble, nous détruirons le FUNCINPEC et la monarchieSihanouk revient de Pékin le dernier jour de la Fête des eaux, le 26 novembre.

Mouvements sociaux

Le peuple cambodgien semblait indifférent à la vente de ses ressources aux capitaux étrangers, à l’injustice régnant dans tous les domaines et à l’exploitation des plus pauvres. Les exploités en étaient conscients, mais n’osaient s’exprimer publiquement. Depuis un mois, on assiste à l’expression publique d’un mécontentement diffus contre l’injustice, grâce en particulier à l’action courageuse de Sam Rainsy, et peut-être à des encouragements venus de l’extérieur.

L’AFL-CIO, le plus important syndicat des Etats-Unis, s’oppose à l’attribution au Royaume du Cambodge de la clause de « Système de Préférences Généralisées » (GSP), qui élargirait les avantages commerciaux du pays à l’exportation. Cette prise de position est motivée par le non respect des normes internationales en matière de conditions de travail au Cambodge. L’industrie textile, qui fournit 16 000 emplois en 36 usines, est particulièrement visée.

Le 8 novembre, le ministère des Affaires sociales et des Anciens combattants, a rendu publics les résultats du contrôle de 902 entreprises: il a constaté 568 cas d’abus concernant les droits de travailleurs, et lancé 364 ultimatums à différentes sociétés, mis 149 amendes, envoyé 55 personnes devant les tribunaux.

Le 30 novembre, 600 fonctionnaires manifestent devant le Conseil des ministres, pour réclamer une augmentation de salaire. Sous l’impulsion de Sam Rainsy, une association de fonctionnaires civils est officiellement créée le 30 novembre, sous le nom de « syndicat libre des fonctionnaires civils khmers » qui compte 190 membres. Le salaire d’un petit fonctionnaire est compris entre 120 à 150 francs par mois, alors qu’il faut entre 500 et 750 francs pour permettre à une famille moyenne de subsister. Les bas salaires des fonctionnaires justifient l’absentéisme et la « petite corruption ».

Le 16 décembre, plus d’une centaine de soldats mutilés de guerre, hébergés au Centre de nutrition et d’hébergement de Kieng Svay, dans la province de Kandal, vont protester devant l’Assemblée nationale, dénonçant les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent. Au moment de quitter le centre, la police militaire intervient et tire afin d’éviter cette manifestation. Un mutilé est tué. Certains mutilés sont contraints par la police de regagner le centre. Sam Rainsy rejoint le groupe d’une cinquantairne demutilés qui ont pu partir, dès le début de leur marche. Après une brève rencontre avec Son Soubert, vice-président de l’Assemblée nationale, les mutilés ont dû regagner leur centre, ayant peu d’espoir de voir leurs conditions de vie améliorées, selon les promesses de Chin Soeun, chef-adjoint du centre.

Le 15 décembre avec l’appui du PNK de Sam Rainsy est créé le Sydicat Libre des Travailleurs Khmers (SLTK) par les ouvriers de l’usine de textile Cambodia Garment Factory, dont le propriétaire est malaysien, située sur le boulevard menant à l’aéroport de Pochentong. Trois employées à l’origine du SLOK sont licenciées dès la création du syndicat. Plus d’une centaine de personnes appartenant au SLTK, manifestent devant l’usine, réclamant le respect des Droits de l’Homme sur les lieux de travail, un salaire minimum de 50 dollars (250 francs), une durée maximale du temps de travail de 40 heures par semaine et le paiement des congés maladie. « Nous travaillons 12 heures par jour et gagnons 38 dollars (190 francs) par mois. Personne n’ose se plaindre de peur d’être renvoyéeCertaines ouvrières n’hésitent pas à dénoncer les retenues sur salaire du temps passé aux toilettes, les violences physiques, les licenciements abusifs.

Le 17 décembre, entre 3 000 et 4 000 ouvrières de Cambodia Garment Factory cessent le travail et descendent dans la rue. Les gardiens de la société ont tiré en l’air pour intimider les grévistes. Pour la direction, il n’y a pas de problème au sein de l’entreprise et considère que « la demande des ouvriers est illégale et contrevient à la loi

Le 18 décembre, le gouvernement essaie de servir de médiateur entre les ouvriers et la direction de la société Cambodia Garment Factory pour mettre un terme au conflit. Le même jour, une visite d’investisseur de Hong-Kong doit être annulée en raison du mouvement de grève et des manifestations de ces ouvriers. Pour Sothirak ministre de l’Industrie, a l’audace ou l’inconscience de mettre en garde les grévistes qu’en « augmentant les salaires, nous pouvons perdre notre compétitivité, et les investisseurs iront au Vietnam, au Laos ou en Chine

Le 19 décembre, plus de 2 000 ouvrières et ouvriers de l’usine défilent dans les rues de Phnom Penh. La mobilisation a duré une partie de la journée, jusqu’à ce que les représentants du syndicat et Sam Rainsy, président du PNK, soient invités à rencontrer le directeur de l’usine de textile vers 16 h 30. A 20 h 30, Phuong So Phon, secrétaire général du SLTK, annonce aux ouvriers que le patron malaisien a accepté la plupart de leurs revendications : une augmentation des salaires, de 35 à 37 dollars par mois, limitation du temps de travail à 47 heures par semaine,, le paiement en partie par la société des soins médicaux. Le 20 décembre, le roi a rencontré 20 représentants du personnel et le directeur général de la société.

Le 20 décembre, au lendemain de la victoire des grévistes, le ministre de l’Intérieur déclare que le nouveau sydicat SLTK est illégal, car il n’est pas reconnu par le gouvernement. L’article 36 de la constitution de 1993 autorise cependant la création de syndicats. La participation de Sam Rainsy aux activités du syndicat semble êmtre le principal motif d’affolement du gouvernement. Une douzaine de membres du SLOK dubissent des actes d’intimidation : menaces, séquestration, pour qu’elles cessent toute activité et ne recontrent plus Sam Rainsy.

Le 24 décembre, une délégation du syndicat SLTK, à laquelle s’est joint Sam Rainsy, se rend à l’usine de confection Gennon Cambodia Manugacturing Ltd. de Hong Kong, afin de « faire connaître l’existence du syndicat aux ouvrières ». Près de 200 ouvrières acceptent d’y adhérer. Après avoir manifesté devant l’entreprise pour réclamer un salaire de 40 dollars par mois, l’abaissement de la durée de travail à 47 heures par semaine, la suppression du travail de nuit et le paiement des frais de santé, elles entament une longue marche pour se rendre devant l’Assemblée nationale décident de se mettre en grève tant qu’elles n’auront pas une réponse favorable à leur revendication.

Le 26 décembre, les 36 usines textiles du Cambodge acceptent de payer un salaire minimum de 40 dollars par mois (200 francs). Les employées continuent leur grèves pour obtenir l’indemnisation des jours de grêve. La direction de l’usine refusant le traducteur du SLKT, l’agitation monte, les travailleuses se mettent à lancer des pierres, un des directeurs est atteint.

Législation du travail

Ces mouvements revendicatifs coïncident avec les travaux de l’Assemblée nationale légiférant sur le travail au Cambodge.

Cham Prasidh, ministre du Commerce, et Suy Sem, ministre des Affaires Sociales contre le rapport sur le travail des enfants au Cambodge, rédigé par l’ONG cambodgienne LICAKHO et l’AAFLI (Asian-American Free Labour Institute). Ce rapport a influencé la décision prise par l’AFL-CIO de s’opposer à l’obtention de la clause GSP au Cambodge. Suy Sem dément catégoriquement qu’aucune entreprise au Cambodge n’utilise le travail des enfants. Dans le cas des sociétés qui produisent des briques, Suy Sem affirme que seuls sont employés les adultes, mais que souvent, ceux-ci demandent à leurs enfants de les aider, ou encore leurs enfants viennent les aider volontairement. « A 15 ou 16 ans, ces enfants aident leur père ou leur mère à gagner leur subsistance quotidienne. S’ils ne travaillent pas à leurs côtés, leurs parents vont les envoyer touver de l’argent ailleurs. Préferez-vous les voir mendier dans la rue ? C’est une situation provisoire et de transition, mais c’est mieux que de les voir mendier ou voler

Un projet de loi sur le travail prévoit le droit de création de syndicats et le droit de grève. Cependant, de nombreux observateurs notent que ce droit ne s’appliquera pas à la fonction publique ; que le travail obligatoire puisse être demandé à des populations dans le cas de « travaux publics légers » ou de catastrophes naturelles ; qu’il n’oblige pas le versement de la moitié du salaire aux femmmes durant leur absence pour maternité; qu’il ne contienne pas la notion de salaire minimum, laissé à l’initiative du ministère des Affaires Sociales et du Travail, et que ce salaire minimum pourra donc varier selon les régions ; que le ministère des Affaires Sociales et du Travail se verra remettre de larges pouvoirs, comme celui d’imprimer les cartes d’identité de tous les travailleurs, d’inspecter les feuilles de salaires délivrées par les employeurs; qu’il permet que des travailleurs puissent être renvoyés pour activités politiques à l’intérieur de l’entreprise ; qu’il ne garantisse pas l’indépendance des syndicats par rapport aux partis politiques.

L’Assemblée nationale adopte les trois premiers chapitres sur la loi du travail : toute entreprise doit établir un règlement intérieur en collaboration avec les représentants du personnel, puis le soumettre au contrôle du ministère. Ce règlement pourra entrer en application dans l’entreprise seulement après l’approbation par le ministère. Les enfants peuvent être employés à partir de 15 ans, mais des exceptions sont contenyes dans le texte : le travail des enfants à partir de 12 ans est autorisé à condition qu’il « ne perturbe pas l’enfant dans ses études, dans sa santé et dans son développementUn article définit le travail des apprentis non rémunérés, et stipule que, désormais, si l’apprentie est mineure, elle ne pourra pas loger chez son employeur. Ce dernier point doit permettre d’éviter des abus, observés par le passé, des employeurs sur leurs employées.

1 – Drogue

Le 13 novembre, cinq tonnes de cannabis en provenance du Cambodge ont été saisies dans le port de Sydney (Australie). La cargaison, d’une valeur de 40 millions de dollars, avait été embarquée au port de Sihanoukville. Malgré les recherches, aucune arrestation n’a eu lieu. 75 % de lamarijuana importée en Australie viendrait du Cambodge.

Le 6 décembre, à Phnom Penh, 6 Cambodgiens ont été arrêtés avec 2,6 Kg en provenance du Laos (CD 12.12.96).

Le 6 décembre, le Cambodge, la Chine, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam ont signé le pacte des Nations Unies sur le contrôle des drogues. Ce programme, d’un montant de 900 000 dollars, et d’une durée de trois ans, vise à renforcer les lois et la coopération en matière de trafic de drogue.

Le parlement cambodgien a voté une nouvelle loi pour lutter contre les trafiquants de drogues. Cette loi prévoit pour tout trafiquant, producteurs et vendeurs de drogue une peine de 10 à 20 ans de prison, la saisie des biens de toute personne directement ou indirectement impliquée dans ce trafic. La loi autorise l’écoute téléphonique de tout suspect. Cette loi a soulevé de vives critiques de la part d’organisations de défense des Droits de l’Homme qui y voient une violation de la constitution du royaume, et un risque grave d’abus de la part de la police.

2 – Santé

Lors du 10ème Forum de l’ASEAN sur la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, le Dr. Sunbaunat Ka, président du sous-comité cambodgien pour la santé mentale, explique que de nombreux cambodgiens souffrent de « réminiscences » de tortures ou d’exécutions perpétrées du temps des Khmers rouges. Une étude menée parmi les réfugiés en 1992-93 avait montré que 12 % des personnes examinées souffraient de désordres psychotiques aigüs passagers, 12% de désordres mélant anxiété et dépression, 16 % de désordres psychiatriques aigüs, et 46 % de dépression cyclique. Le Dr. Alain Sebille, qui a travaillé dans les camps, indique que la plupart des Cambodgiens interrogés dans les camps avaient des « réminiscences » de torture, d’exécution, de travaux forcés, ou de sentiments d’incertitude, liés au fait de ne pas savoir si leur famille était encore en vie ou non. Cependant, ce problème est difficile à traiter en raison du manque de médecins khmers formés dans ce domaine : 10 suivent une formation de 5 ans sur ce sujet à Bangkok. Une autre difficulté provient du fait que la majorité des Cambodgiens attribuent leurs difficultés mentales aux esprits et se tournent vers les guérisseurs traditionnels.

Le 9 décembre, un hôpital gratuit est ouvert à Phnom Penh, entièrement fiancé par des fonds privés, principalement privés, principalement japonais, à raison de 100 000 dollars par mois. Cet hôpital permettra de dispenser soins et médicaments 24h sur 24 à toute la population dans discrimination, à raison de 1 000 patients par jour, et 20 hospitalisés. Il y a au Cambodge environ 1 médecin pour dix mille habitants.

Le 23 décembre, la France a signé une convention de financement d’une valeur de 3 millions de dollars pour la quatrième tranche du projet de construction du complexe hospitalo-universitaire Calmette. La France a déjà engagé plus de 6 millions de dollars dans ce projet.

3 – Prisons

La situation dans les prisons cambodgiennes est dramatique. L’argent normalement alloué par le ministère de l’Intérieur pour leur fonctionnement a « disparu ». Les prisons provinciales n’ont reçu qu’un versement mensuel dupuis août. Sim Samon, directeur de la prison de Kompong Speu, indique que les détenus reçoivent actuellement 50 grammes de riz par jour et demande de l’aide. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) calcule qu’une ration minimum de 440 grammes est nécessaire pour maintenir quelqu’un en bonne santé. En dessous de cette quantité, les sujets deviennent des proies faciles de diverses maladies. Le PAMconfirme qu’il va apporter une aide d’urgence, mais que cela ne résoudra pas le problème répandu et chronique. L’ONG LICAKHO fait état des qaux dont souffrent de nombreux détenus: tuberculose, fièvres, plaies. A Kompong Speu, 10 prisonniers au moins souffrent de béribéri. La situation est pire à Kompong Som. Un médecin qui a visité cette prison a découvert un homme blessé par balles à la main, dont la plaie n’avait pas été soignée. Le blessé devra sans doute être amputé. 3 autres prisonniers souffrent du béribéri, ils ont dû être transportés à l’hôpital provincial : le médecin estime que l’un d’entre eux était à une semaine de la mort par inanition, les deux autres ne pouvaient plus marcher seuls. Sur les 45 détenus examinés par le médecin, 32 nécessitent un traitement médical, dont 16 souffrent du béribéri.

On pourrait faire le même constat sur les détenus, dont 155 femmes. Médecins du Monde et le ministère français des Affaires sociales ont construit une aile de la prison de Prey Sâr, à l’Ouest de Phnom Penh, pour héberger les femmes détenues. Pour la fête nationale du 9 novembre, le roi voulait amnistier 250 personnes, dont le cas avait été soumis par les organisation de défense des Droits de l’Homme, spécialement des femmes, des enfants, des malades et des vieillards, mais le ministère de la Justice s’y était opposé. 14 détenus ont été libérés le 23 novembre, puis 74 la semaine suivante Le 9 décembre, dans une lettre adressée à Chem Snguon, ministre de la Justice, le roi demande de sélectionner, sur la base d’une liste établie par Amnesty International et le Centre des droits de l’homme des Nations Unies, « les prisonniers que nous pouvons libérer sans mettre en péril la société nationale ne la communauté étrangère vivant au Cambodge

4 – Droits de l’homme

Le 1er décembre, la fête des droits de l’homme est chômée au Cambodge. Thomas Hammarberg, nouveau représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour l’observation du respect des Droits de l’Homme au Cambodge, a organisé une cérémonie pour célébrer cette journée mondiale. La cérémonie a été boycottée par le second Premier ministre qui y était invité, pour aller à une cérémonie organisée par ses partisans.

Dans le rapport qu’il présenta à l’Assemblée générale des Nations Unies, Thomas Hammarberg dresse un tableau plutôt positif de la situation dans le royaume : « La société cambodgienne a fait de véritables et remarquables progrès depuis 1993. Trois ans après la formation du gouvernement, le Cambodge est devenu l’un des pays les plus libres de la régionMême s’il souligne un certain nombre de points noirs et estime que « la situation reste fragile »Le Cambodge reste un pays pauvre qui souffre d’un manque de fonctionnaires et de cadres qualifiés (…). La scène politique montre des contradictions qui paralysent la prise de décision et l’administration du gouvernement. Des tendances à la corruption existent et les forces khmères rouges menacent toujours la sécurité publiquePar ailleurs, il se réjouit du fait que « d’importantes lois aient été adoptées » bien qu’elles « ne soient pas toujours conformes aux normes internationales concernant les Droits de L’HommeEn conclusion, Hammarberg invite l’ONU à poursuivre ses efforts en matière de promotion des droits de l’homme au Cambodge.

Thomas Hammarberg recommande au gouvernement de ne pas oublier les horreurs du passé et que la justice soit correctement appliquée. Il souhaite la fin de l’impunité judiciaire dont bénéficeint certaines personnes de l’armée et de la police. Il remet en cause l’article 51 de la loi qui stipule que les fonctionnaires ne peuvent être poursuivis sans l’accord préalable du ministère concerné ou du gouvernement. Il réclame plus d’indépendance pour le système judiciaire cambodgien qui manque de moyens financiers, qui n’a encore pu mettre en place le Conseil supérieur de la magistrature, et qui est régulièrement soumis aux menaces de l’armée et de la police.

L’organisation américaine Human Rights Watch a rendu son rapport annuel sur la situation des Droits de l’Homme au Cambodge nettement plus noir, intitulé « La détérioration des droits de l’homme ».

Un exemple parmi beaucoup d’autres : le 18 septembre, dans la province de Kompong Chhnang, un soldat des FARC a tiré au B-40 sur une gargote où se reposaient d’autres soldats, tuant 6 enfants qui jouaient à proximité. Deux mois plus tard, malgré une plainte des villageois auprès du gouverneur, donnant le nom et le signalement du coupable, celui ci court toujours, ses supérieurs affirment qu’il a péri avec les enfants. On recense en outre plusieurs cas de kidnapping et de vols de civils. Des villageois racontent comment ils ont été enlevés, de plusieurs heures à plusieurs jours selon les cas, afin de faire pression sur leur famille et leurs proches pour qu’ils donnent une rançon.

5 – Pédophilie et Prostitution

Selon un rapport de l’ONU rendu public le 7 novembre, la prostitution et le trafic d’enfants deviennent un problème majeur au Cambodge. Sur Internet, il y a désormais de la publicité décrivant le pays comme un endroit idéal pour les pédophiles. Le rapport ajoute que l’âge des enfants utilisés varie entre 9 et 16 ans. Le rapport précise aussi que la plupart des cas relevés mettent en cause des Cambodgiens avec des jeunes mineures cambodgiennes.

Le 30 novembre, Cao Leng Hout, un Cambodgien âgé de 51 ans, a été arrêté par les autorités italiennes, à l’aéroport de Rome, en compagnie de 4 enfants, pour kidnapping d’enfants et complicité d’immigration illégale. Cet homme soutient que les quatre enfants sont les siens, et qu’ils vont en vacances avec lui, bien qu’ils n’aient aucun bagages et disposent de faux passeports. pédophilie. Le premier premier ministre a demandé à l’Italie de remettre Cao Leng Hout à la justice cambodgienne qui dispose de lois permettant de le condamner à 20 ans de prison, ainsi que de rapatrier les enfants. Interpol continue son enquête au Cambodge et n’a pas encore donné suite aux demandes du prince.