Eglises d'Asie

ENTRETIEN AVEC MGR DING GUANGXUN (K.H. TING) président sortant du Conseil chrétien de Chine et du Mouvement des trois autonomies

Publié le 18/03/2010




Mgr Ding, a-t-on exercé des pressions sur vous pour que vous vous retiriez ?

Absolument pas. Le principe prôné par les deux associations chrétiennes (CCC et MTA) prévoyant que « l’on ne reste pas à plus de 80 ans » est une très bonne chose. J’aimerais que tous mes collègues qui ont plus de 80 ans se retirent et permettent ainsi que de plus grandes responsabilités soient posées sur les épaules de collègues plus jeunes. J’espère que dans quelques années, nous arriverons à une situation où nous pourrons dire « que l’on ne doit pas rester quand on a plus de 70 ans » puis, un peu plus tard, qu’on en arrive à 65 ans de manière que les vieux collègues puissent s’arrêter, quitter leurs postes et permettre à de jeunes collègues de prendre le relais.

Vous avez été à la tête du CCC et du MTA durant les 15 dernières années. Maintenant, ces postes seront repris par deux personnes différentes. Cela signifie-t-il qu’il y a scission ou que cela va conduire à une séparation ?

Non, en fait, cela illustre l’unité des deux associations nationales. S’il y avait danger de division, je ne me retirerais certainement pas maintenant.

M. Luo Guanzong (président du MTA) et le Dr Han Wenzao (président du CCC) (1) ont tous deux de grandes qualités, mais ni l’un ni l’autre ne sont des ministres consacrés. Pensez-vous que leur élection à ces postes est une bonne chose ?

Tout à fait. Les constitutions de ces deux associations ne stipulent ni l’une ni l’autre que les présidents doivent être des ministres consacrés. Y.T. Wu (président du MTA dans les années 1950 et 1960) n’était pas consacré. Dans bien des organisations d’Eglise, outre-mer, ce sont des laïcs qui occupent des postes de direction. Ce qui est important, ici, c’est que ces deux hommes sont depuis longtemps des partisans des Trois autonomies, qu’ils veulent que l’Eglise se renforce, qu’ils insistent sur l’unité et qu’ils sont de bons exemples pour leurs collègues. Le Dr Han, dans son discours de clôture de la sixième Conférence nationale chrétienne, par exemple, a été ressenti comme particulièrement inspiré – trois délégués ont fait un détour pour venir m’en faire l’éloge.

Etes-vous optimiste en ce qui concerne l’avenir de l’Eglise en Chine ?

Beaucoup d’entre nous, chrétiens, avons passé par la Révolution culturelle et, de ce fait, il nous est difficile d’être pessimistes actuellement. Maintenant, la politique de liberté religieuse du Parti et du gouvernement a pris racine dans le coeur des gens. Bien qu’il y ait toujours des insuffisances, on peut se réjouir qu’il existe des canaux permettant des échanges de vues et d’informations. Actuellement, l’Eglise est en train de mettre des jeunes à des postes dirigeants et la moyenne d’âge des délégués à la sixième Conférence nationale chrétienne était de plus de 7 ans en-dessous de celle des participants de la conférence précédente. Naturellement, cette moyenne diminue très rapidement. La proportion de femmes et de jeunes a également augmenté, mais nous ne pouvons pas nous en contenter. Ces élections ont obtenu un écho très favorable parmi les chrétiens, ici et à l’étranger, y compris parmi les Eglises chinoises d’outre-mer, et ce, en particulier, parce que le Dr Han Wenzao est connu dans les Eglises d’outre-mer. Les chrétiens chinois sont marqués par leur lecture de la Bible, par les témoignages qu’ils portent, par l’amour de l’Eglise et l’amour de la patrie. Cela aussi me rend optimiste.

Il y a plusieurs années, vous avez insisté pour que les Trois autonomies soient regardées comme de simples échafaudages. Avez-vous toujours cette opinion ?

Oui, j’ai dit que le CCC et le MTA étaient tous les deux des échafaudages permettant la construction de ce grand édifice qu’est l’Eglise de Chine. Ma vision était qu’un jour une Eglise chinoise, une Eglise qui serait bien gouvernée, bien administrée et active dans l’évangélisation, s’élèverait à l’Est comme une tour dans toute sa beauté et sa splendeur. L’Eglise chinoise aurait alors sa propre constitution. Lorsque ce splendide édifice sera achevé, l’on pourra enlever l’échafaudage. Actuellement, je suis toujours convaincu que le CCC et le MTA sont importants et nécessaires mais ils ne sont pas éternels. Il n’y a pas de justification bibliques ou théologique pour qu’ils restent des institutions perpétuelles. Elles ne seraient pas alors acceptées par les chrétiens chinois. Si nous avons bien construit notre échafaudage, je pense que nous aurons effectué un grand et bon travail.

Il y a toujours un bon nombre de chrétiens, en Chine, qui n’appartiennent pas au mouvement des Trois autonomies. Quelle est votre opinion à ce propos ?

Les « Trois autonomies » sont un mouvement de l’Eglise qui permet à celle-ci de se bien construire. Il n’est pas fondé sur ses membres. De ce fait il n’est pas question d’appartenir ou non à ce mouvement. Lorsque Y.T. Wu et d’autres ont fondé les « Trois autonomies », dans les années 50, beaucoup, tant à l’étranger qu’en Chine, s’y opposèrent parce qu’ils ignoraient de quoi il s’agissait. Mais aujourd’hui, très peu de gens s’y opposent encore parce que chacun sait maintenant, que les « Trois autonomies » signifient auto-direction, auto-financement et autonomie dans l’évangélisation. Ce concept est bien compris par les chrétiens et par la population en général. Il facilite notre témoignage au Christ. Les « Trois autonomies » ont été très bénéfiques. Prenons la Bible, par exemple. Le MTA et le CCC ont déjà imprimé des millions et des millions de Bibles. Ces chrétiens qui « n’appartiennent » pas aux « Trois autonomies » lisent aussi les Bibles fournies par le MTA et le CCC. Ces deux associations ont produit bien d’autres choses dont bénéficient les croyants. Pourquoi, alors, s’y opposer ? Il est naturel que l’on puisse avoir des vues différentes sur certains sujets et s’opposer à certaines personnes. Cela permet des discussions qui peuvent conduire à des améliorations et nous ne devons pas en avoir peur. Bien sûr, nous ne devons pas contrer à la légère les « Anti-Trois autonomies ». Je suis d’avis que tous ceux qui respectent l’enseignement de la Bible et reconnaissent Christ comme Seigneur, doivent se comporter en frères et soeurs se respectant mutuellement, se sachant unis et prêts à discuter de toutes choses les uns avec les autres.

Quels sont vos plans lorsque vous serez parti à la retraite?

Je suis toujours le Principal du séminaire de l’Union théologique de Nankin. J’espère, là aussi, pouvoir bientôt me retirer. J’aimerais pouvoir lire tous les livres que je n’ai pas encore eu le temps de lire. J’aimerais aussi mettre de l’ordre dans mes écrits et les papiers que j’ai produits tant ici qu’à l’étranger durant ces dernières années. J’aimerais aussi me consacrer à ma passion pour les mathématiques.

Quels sont vos espoirs pour la chrétienté en Chine ?

J’espère que l’unité sera renforcée, qu’un vrai et complet respect en matière de foi et de culte émergera. J’espère

pourtant que l’unité des divers groupes ne se fera pas trop au détriment de leurs propres caractéristiques. En second lieu, j’espère que le message éthique de la Bible pourra se développer harmonieusement avec les principes moraux que l’on trouve dans la culture chinoise. Qu’ainsi soit supprimée l’antinomie qui peut exister entre les deux.

L’enseignement théologique actuel vous satisfait-il ?

Non, je ne puis pas dire que j’en sois satisfait. Que l’on parle des professeurs ou des étudiants, des pasteurs qui prêchent ou de ceux qui sont engagés dans un travail de littérature chrétienne, je voudrais voir qu’au delà du « satisfaisons les croyants », les responsables n’oublient pas qu’ils doivent élever le niveau des croyants de manière à ce que, comme le dit St Paul aux Philippiens : « Que votre amour abonde encore, et de plus en plus, en clairvoyance et pleine intelligence, pour discerner ce qui convient le mieux. Ainsi serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de justice qui nous vient par Jésus Christ, à la gloire et à la louange de Dieu » (Phil. 1, 9-11).

Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec nos lecteurs ?

Durant les 15 dernières années, je suis devenu de plus en plus conscient du fait que beaucoup de chrétiens ont prié pour moi et qu’un nombre toujours croissant de collègues et de frères chrétiens outre-mer prient aussi pour moi. Ce n’est pas pour moi seul, personnellement, que ces prières sont formulées, mais, bien plus, elles montrent l’unité d’intercession en faveur de l’Eglise chinoise et notre esprit des « Trois autonomies ». Personnellement, je n’ai pas de talents particuliers mais Dieu a entendu ces prières. Elles m’ont soutenu, presque comme un nageur qui ne peut s’enfoncer dans la mer morte. Ainsi, je puis dire que ces prières se sont transformées en forces physiques. Je remercie tous ceux qui ont prié pour moi, que ce soit en Chine ou à l’étranger ; que je les connaisse ou non. J’espère qu’ils vont continuer à prier de la même façon pour nos nouveaux dirigeants. Récemment, j’ai reçu un grand nombre de lettres et de cartes de Noël mais j’ai répondu à peu d’entre elles. C’est vraiment peu courtois et j’espère que les expéditeurs me le pardonneront. Je souhaite à tous la santé du corps et de l’esprit et leur adresse mes meilleurs voeux pour 1997.