Eglises d'Asie

La police réprime très sévèrement les protestations des chrétiens contre les émeutes musulmanes de la région de Khanewal

Publié le 18/03/2010




Une très dure répression policière s’est abattue sur les chrétiens, partout où ils ont organisé des manifestations destinées à protester contre les très violentes émeutes qui, le 6 février dernier, avaient lancé 15 à 20 mille musulmans déchaînés contre les lieux de culte et les biens des chrétiens de Khanewal, de Shantinagar ainsi que de cinq autres villages voisins, à 60 km à l’est de la ville de Multan, dans le centre du pays (4). C’est ainsi que plus de 600 chrétiens ont été arrêtés le 13 février à Karachi, alors qu’ils se dirigeaient pacifiquement vers la maison du gouverneur pour lui présenter leur protestation. Pour réprimer cette manifestation, les policiers ont utilisé des fusils, des gaz lacrymogènes et des matraques avec lesquelles ils ont frappé les protestataires. Le 15 février suivant, à Islamabad, les forces de l’ordre ont appréhendé 25 autres chrétiens qui, à la fin d’une manifestation de protestation, auraient, selon les responsables policiers, lancé des pierres contre des véhicules.

“Nous avons renoncé à comprendre les raisons de ces réactions ” affirme un communiqué d’une association catholique. De manière générale, les chrétiens, ainsi que les responsables de diverses organisations humanitaires sont très mécontents de la façon dont l’affaire de Khanewal et de Shantinagar est traitée par les autorités régionales et le gouvernement. Des jeunes chrétiens de Khanewal ont entamé une grève de la faim destinée à dénoncer l’inertie des membres du gouvernement qui, deux semaines après les événements, ne sont pas encore venus visiter la région sinistrée. La commission “Justice et paix” de Faisalabad a, elle aussi, réclamé la venue dans la région concernée des plus hauts personnages du pays. Par ailleurs, elle demande qu’une enquête soit effectuée par la Haute cour sur ce qu’elle appelle une “tragédie nationale” et souhaite la libération des chrétiens arrêtés, l’arrestation et la mise en jugement des principaux responsables de ces émeutes.

Cependant, la lumière se fait peu à peu sur les événements du 6 février. Ils avaient été provoqué par un procès à l’issue duquel des policiers musulmans ayant profané et foulé du pied une bible furent condamnés et emprisonnés. En représailles, les collègues des agents sanctionnés auraient incité les musulmans des villages du voisinage de Khanewal à venir profaner les églises, piller et brûler les habitations. Ceux-ci, arrivés en foule, se sont livrés au pillage et à la dévastation en plusieurs endroits de la région de Khanewal. Les dégâts ont été considérables, particulièrement à Shantinagar, un village chrétien de 15 à 20 000 habitants qui fut investi par les émeutiers musulmans sans que les 300 policiers basés sur place ne réagissent. Les émeutiers ont pénétré dans le village avec des tracteurs et des bus, équipés de fusils, de pistolets et de bombes artisanales. Installations et immeubles publics, habitations privées et instruments de travail ont été brûlés tandis que les objets d’une certaine valeur, télévisions, vidéos, vêtements, ont été emportés par les émeutiers. C’est l’armée qui a mis un terme à ces débordements, après être entré dans le village sans la permission de la police et malgré son opposition. Au total, dans la région touchée par les émeutes, une douzaine d’églises, 800 habitations de chrétiens, deux mille bibles ont été brûlées. Quatre maisons paroissiales, deux dispensaires, un orphelinat, deux écoles et 15 magasins ont été détruits.

Dans la communauté chrétienne du Pakistan, ces événements ont déclenché un grand mouvement de solidarité avec les victimes, qui, pour certaines, ont été complètement dépouillées par les incendies et les pillages. Des dons en nature et en espèces leur parviennent de l’ensemble du Pakistan. Des experts ont estimé les pertes subies par le seul village de Shantinagar à environ 2,5 millions de dollars. Dans un discours prononcé le 18 février dernier, lors de sa prestation de serment comme premier ministre, Nawaz Sharif a exprimé ses regrets pour les récents incidents et a promis que les victimes recevraient une juste compensation.